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Sisyphe IV (OS) /!/ TW : contenu violent /!/
Alexander Nagel-Jung
Sisyphe IV

/!/ TW ! OS très violent de manière générale : abus parentaux, abus et manipulation verbale et psychlogique, dépression et mentions de suicide y sont présents.

Comme d'habitude, Alex n'est ni plus ni moins un sac à merde et ces OS ont juste pour interêt de décrypter le background du personnage pour servir une progression, pas de lui trouver des circonstances atténuantes ! /!/


Quelque part vers octobre 2008.
Personne ne se fait seul. On est toujours le remodelage d’un autre modèle, dont nous reproduisons les tares et les gloires, en essayant tant bien que mal de lisser la trace de notre prédécesseur sur notre manière de voir le monde. On met parfois toutes ses forces dans l’idée de devenir un être unique, prendre le chemin opposé de celui montré par nos géniteurs… Ah, mais à quel prix l’obtient-on, cette impression d’être cet « être particulier » ? Certains vont jusqu’à frôler la mort, torturer, manipuler pour arriver à cette fin, bref, jusqu’à essayer de perdre leur humanité pour se convaincre qu’il n’y a plus aucun risque de ressembler au moule dans lequel on a été conçu. Hélas. Cela m’arrange bien, quelque part. De me dire que je ne suis pas ma propre invention, lorsqu’il faut mettre mes fautes sur l’exclusion que m’a fait subir un autre. Bien entendu, cette même personne n’est pas celle qui m’a demandé de prendre un couteau pour tuer. C’était ma décision. Mais une décision, qui, pour la première fois, a été motivée par des paroles, par des comportements, par le traitement du silence et les mensonges qui m’ont façonné depuis ma naissance. Faut-il le dire clairement ? Helmut a fait de moi ce que je suis et je ne lui laisserais pas penser le contraire, même si cela demande de mentir ou de déformer la réalité, sachant très bien que ça continuera de blesser les gens. Car, ce qui est important à mes yeux, ça n’est pas la vérité : c’est juste la manière dont je la perçois… Ce que ressentent les autres, leurs bonnes intentions n’ont que très peu d’importance quand c’est moi qui ait besoin de faire du mal pour me sentir mieux, après tout.

Faire tenir ces mensonges, ce déni qui me protège encore, c’est devenu mon combat, depuis ces années où je sens que ce château d’inventions qui me protège s’effrite. Et cette bataille que je mène continuera de trainer des gens dans la boue, de gâcher des vies, probablement, autant que nécessaire… Oui, comme si je pouvais encore m’en sortir vainqueur. Seul vainqueur à l’heure ma mort lointaine, vainqueur d’avoir réussi à faire en sorte que mon édifice de pensées, d’illusions grand guignolesques, tienne encore debout à la fin de ma course. Helmut, Irina, Riku, Ludwig… Je ne me suis arrêté pour personne dès lors qu’il a fallu fuir des conséquences provoquées par mes actes. Et cette escapade a commencé bien avant ma fuite concrète il y a 14 ans. Disons simplement que la manière dont on m’a traité du temps où j’habitais chez mes géniteurs m’a donné bien des motifs de fuir et de nier ce qui m’a façonné.

Une nuit comme une autre, je ne dormais pas. Du genre lève-tôt, souvent couché tard et sujet aux insomnies, je n’ai jamais été un gros dormeur. Surement qu’à l’époque, avoir un sommeil plus confortable et une nutrition adéquate m’auraient aidé, pourtant. Du moins, cela m’aurait évité d’entendre bien des choses désagréables et de me sentir trop seul dans le foyer de ma propre famille. Enfin, tu parles d’une famille, quand le paternel ne cherche même plus à sauver les apparences et passait ses soirées à se morfondre avec Martha ou avec mon oncle Hanz. Ne dormant pas, j’ai pu être témoin de bien des discussions de ce genre, des discussions qui m’ont bien appris à le haïr pour sa faiblesse et son absence de franchise. Je ne sais pas vraiment quand est-ce que c’était devenu routinier, ni si cela me faisait ou non quelque bien, d’autant plus que la conversation en venait souvent à moi, sans que mon prénom ne soit forcément prononcé. Mais, alors qu’Helmut semblait en journée m’ignorer sciemment et n’avoir que des remarques et des regards condescendants pour chacun de mes actes, la nuit, il parlait enfin de moi. Certes, parfois sans me nommer et quasiment jamais en de bons termes, mais… j’existais, ces quelques fois, même si ses paroles étaient fort désagréables, surtout les premières fois où j’espionnais ces conversations et que j’aurais préféré qu’il me plante directement un couteau dans le cœur, à la place, tant qu’à assumer le dramatisme jusqu’au bout. Puis, c’est devenu une habitude et le fond de ses paroles ne semblait plus m’affecter. Je faisais disparaitre les émotions qu’ils suscitaient, j’essayais d’y être indifférent. Plus je ravalais ma fierté et plus je refoulais, moins ses propos semblaient m’affecter. J’ai appris à prendre ses remarques de manière à être l’inverse de ce que pensait mon paternel de ma personne et dans les cas où il devenait simplement insupportable, je me satisfaisais de le voir subir de ma simple existence. Cela est arrivé bien assez souvent pour que mon cerveau en vienne à mélanger plusieurs ces discussions entre elles. Mais… Il y en a une qui me revient encore amèrement. Je devais avoir 16 ans.

« Je sais que ça te fait peur, mais si tu penses que quelque chose cloche à ce point chez lui, tu devrais l’emmener consulter. »


C’était Hanz qui était là, ce soir. Je crois qu’il avait débarqué il y a une heure et ils en étaient déjà au sujet de conversation le plus réjouissants : moi. Ah oui, ça, on lui a souvent suggéré de m’envoyer chez un psy, plusieurs fois, c’en était presque une blague, la régularité avec laquelle cette option s’imposait à Helmut et la persistance avec laquelle il occultait son existence. En réalité, le psy scolaire m’a déjà sondé, au collège et ça avait très mal tourné ! Papa n’était pas content et je crois que ça lui avait rappelle de très très mauvais souvenirs, ouin ! Car c’est là toute la belle ironie de la situation : à cause de SES traumatismes à lui (dont, clairement, personne n’a rien à foutre), MOI, je ne pouvais pas consulter… parce qu’apparemment, s’il admettait que j’avais un problème, il admettrait qu’il avait un gros problème et bon, vous savez, l’honnêteté dans cette famille de toute façon, ce n’est pas notre fort, enfin, vous connaissez la chanson.

« Entre nous, ça ne te ferait pas grand mal non plus. »


Je suis rarement d’accord avec Tonton Hanz mais, là, je ne pouvais qu’approuver. Envoyer Helmut chez le psy… et pourquoi pas en asile psychiatrique ? Youpi, plus de gros con à la maison pour dire que je devrais m’occuper de mes devoirs de maths plutôt que perdre mon temps à essayer de m’exprimer (parce que quand on se fait casser à chaque fois qu’on ouvre la buche on finit par céder à faire de la provoc et à essayer de dire les choses par d’autres moyens, surprenant, n’est-ce pas ?) à travers des trucs futiles comme de la cuisine, réciter et écrire des textes de théâtre, faire les cent pas dans la maison en poussant la chansonnette, parler tout seul devant les fenêtres en comptant les gouttes de pluie… Elles étaient très bien mes activités, mais lui il avait besoin que je ne me sente pas chez moi donc lui et Maman étaient forcés d’être des gros sacs à merde en me disant toujours de travailler, travailler (nah, sérieux, c’est une obsession)… Ce que j’ai fait avec le Régime, mais bon, ça non plus, faut croire que c’était toujours pas bien. Il ne faut pas s’étonner, quand à force de presser les jeunes, ils finissent avec des jobs pas très jojo ! Héhé. Je plaisante, j’étais très content de mon premier job, moi et je le regrette amèrement mais que voulez-vous, il faut bien que les choses évoluent. Contrairement à moi. Hinhin. Et là je pourrais vous refaire le discours fichtrement pénible mais diablement drôle à jouer sur scène de « bah de toute façon-han, le monde n’est pas fait pour les gens comme moi-han… » mais je ne suis malheureusement (insérez des huées ici) pas d’humeur, aujourd’hui… tout ça pour dire que, bon, c’est toujours très rigolo de mettre la faute sur les autres pour refouler, mais, quand les propos et les vérités qui fâchent t’arrivent dans le visage, c’est nettement moins drôle et pour les ignorer, eh bien… Il faut être comme moi et avoir beaucoup d’imagination et la capacité de se retourner le cerveau à loisir pour se persuader d’avoir raison.

« Tu m’emmerdes avec cette rengaine. »

Ah oui, le pauvre, il en a marre d’entendre qu’il a des gros problèmes et qu’il les projette sur le reste de sa famille. Y’a que la vérité qui blesse, ça s’entendait bien et j’en étais presque réjouit. Voir ce type frustré incapable de faire attention à moi sans faire la tronche, c’était devenu la seule chose qui me donnait presque raison de continuer d’être un salaud, et donc, qui me satisfaisait un tant soit peu. Probablement que ça a toujours été moi, le plus frustré dans cette histoire, en fait. Mais, eh, que je sache, il ne s’agit pas d’un concours. Tout le monde sait que narcissique comme je suis, je m’imagine toujours gagner aux compétitions de « qui qui a le plus gros malaise » !

« Sois honnête, pour une fois... Tu n’as fait que t’enfoncer de plus en plus dans ta dépression depuis que Papa est… puis, maintenant… il y a tes soucis avec Alexander. A force de ne pas le voir tu vas lui faire autant de mal que tu t’en fais à toi. »


Ah, oui ! C’est assez marrant ça aussi ! Je n’ai jamais franchement apprécié mon oncle, je trouve qu’il a l’air assez con et je faisais tout le temps des misères à son petit Ellias, mais, ce qui est vraiment cocasse c’est que ce type en avait manifestement plus quelque chose à faire de mon existence que mon propre père. Ce dernier avait l’air sur le point de cogner la première chose qui lui tomberait sous la main, après les dernières paroles de son grand frère. En le regardant, même de dos, je pouvais très bien percevoir comme il était crispé et au bord de l’explosion. Comme d’habitude quand ça parle de la mort de Papy. Ah, si seulement il avait pu exploser, hein… ça aurait été dégoutant. Mais rigolo. Mais surtout dégoutant.

« Je ne comprends juste pas pourquoi je ne peux pas… ! Pourquoi il est… »

« Ne t’inquiètes pas, Moumou, moi non plus, je ne comprends rien. Avais-je envie de répondre à voix haute. Je ne sais même pas pourquoi je suis encore en vie, en fait, pourquoi je suis encore chez toi, pourquoi tu es encore là, toi aussi. » Ces questions, je me les posais tous les jours et visiblement, toi aussi. Mais bon, à part ça, tout va bien, entre nous.

« Ce n’est pas comme ça que doit être une famille. Je n’ai pas voulu assumer tout ça pour m’enfoncer encore plus… C’aurait dû être l’inverse. »

Comment doit-être une famille ? Vous avez 3 heures pour rédiger une réponse concise et objective. Ou toute la vie pour ne jamais y arriver. Qu’est-ce que j’en sais, moi, de comment doit-être une famille « normale », hein… ? De mon expérience, ce n’est qu’un concept qui ne sert qu’à se rabaisser sans arrêts, ce n’est qu’une mascarade dont on ne tire que traumatismes et autres joyeusetés qui vont forger notre caractère, car à la fin, on se rend compte que nous avons passé 18 ans dans la superficialité et le mensonge. Dans un tel contexte, est-ce vraiment surprenant de voir ce que je suis devenu… ? Je suis ce que je suis, je n’allais pas m’en excuser et je n’allais surement pas servir à redonner bonne conscience à mon paternel.

Ses mots semblaient avoir choqué son grand frère, dans tous les cas, dont le ton devint amer et plus agressif. Apparemment, ils avaient déjà entendu ça quelque part. Cette histoire que la famille devrait lui « servir à quelque chose », comme le rendre plus heureux aux dépens des autres… Ah, oui, c’est pas très jojo, hein.

« Arrêtes. Tu sonnes comme… »

Tonton Hanz avait vraiment eu l’air dégouté. Réalise-t-il que son frère peut parfois être un salaud de manipulateur, maintenant ? D’ailleurs, le fait qui le relève a achevé d’énerver Helmut qui se met à hausser le ton. Gueuler, dans cette famille, c’est la seule manière de se faire entendre, hein… ?

« Comme qui ?! Comme Alma, comme Papy ? Allons, Hanz, dis-le ! »


Vociféra-t-il au point que sa voix raisonna dans la grande salle à manger. Tss… il a toujours été trop bruyant et envahissant à mon gout. Il se calma juste après avoir craché son venin pour se défouler, vomir un bon coup, en général, ça calme.  

« J’imagine que je ne pouvais pas devenir autre chose, de toute manière. C’est pas faute d’avoir essayé, pourtant. »


Le paternel s’était renfrogné puis était revenu au calme. J’aurais aimé dire que ses sautes d’humeur ne m’affectaient pas et que je me contentais d’en rire. Malheureusement ce n’était pas le cas. En cet instant, j’étais plutôt très mal à l’aise. Ce n’est pas exactement stabilisant quand ce genre de scène est un peu trop fréquente depuis mon jeune âge. Mais bon… je mal placé pour me plaindre, hein ?

« Si tu veux t’en sortir il faudrait t’aider toi-même au lieu de rejeter la faute sur ton gamin qui aurait aussi fortement besoin de voir un psy ! »

Même si je n’aime pas mon oncle, j’aimais bien l’entendre remettre Helmut à sa place.

« Et je ne suis pas ton sac de frappe. »

Rajouta-t-il histoire d’en remettre une couche. Continues comme ça Hanz, tu gagnes du capital sympathie de ma part. Quoique s’ils en étaient venus aux mains, j’aurais regardé avec un ravissement complet. Mais ils étaient bien trop ramollis pour ça.

« J’ai assez donné des psys et de leurs tests à deux sous. Alma m’en a fait voir assez et si je n’y étais jamais allé, alors… Elle n’aurait pas commencé à vous traiter toi et Klaus comme des moins que rien. »


Le cadet se remet à maugréer. Effectivement, c’est toujours la faute des autres, hein. Après on se demande encore pourquoi je me prends pour le nombril du monde, moi aussi. Ah, oui, les parents, quels beaux modèles, quelles formidables leçons de vie, hein… Bof, ce n’est qu’une excuse, après tout. Et puis, bon, c’est lui aussi, qui rageait, depuis qu’il avait vu mes résultats des tests que le psy de mon ancienne école m’avait fait faire… L’année passée, il avait tellement mal digéré le résultat qu’il a donné comme excuse bidon que je devais changer d’établissement pour plus être dans le même que Irina ou un autre argument bateau du genre… Bref, je suis plus retourné à l’école pendant 1 mois, à l’époque et Helmut n’en avait visiblement rien à faire comme il passait son temps à gober des cachets.

« Est-ce que c’est vraiment ça, le problème ? »


Oh, on allait pas commencer à faire la liste, on y serait encore dans… On y est encore aujourd’hui, en fait, comme c’est cocasse.

« Ton fils… il te ressemble vraiment, tu sais. Que tu le veuilles ou non, ton attitude va l’influencer. »

Alors ça, ce n’était pas très gentil, Hanz… Vraiment, c’était une chose très offensante à dire à voix haute. Et puis, c'est quoi ce délire sur les liens familiaux qui devraient être sacrés, hein ? C'est peut-être vous aussi qui avez un soucis avec ça... Je n’ai jamais été influencé par mon père et toutes ses bêtises ! Je n’étais tellement pas influencé et dépendant de l’idée d’attirer son attention que j’ai fugué pour aller faire des bêtises ailleurs ! … Hm, euh, mais, attendez…

« … Je ne lui ai jamais rien demandé de tel ou dit qu’il devait être comme moi ! »


Oui bah, encore heureux… Assis derrière ma cloison, je me rappelle avoir levé les yeux au ciel en soupirant avec exaspération.

« Alexander ne me ressemble pas du tout. »


Il m’avait fallu retenir un rire bref. Pour une fois qu’on était d’accord sur quelque chose. Aussi, il fallait bien remarquer que le paternel était plutôt insistant quand il fallait qu’il assure n’avoir aucun ascendant sur moi… Aussi insistant que je peux moi-même l’être à ce sujet, j’imagine… Comme c’est curieux, ça.

« Et même si c’était le cas… Qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ? S’il me ressemble, alors, voilà la preuve qu’il n’y a rien à faire et qu’il va juste… »

« Juste »… « quoi », en fait ? Que je vais devenir comme lui ? Alors ça, ça m’aurait fait mal ? A ce moment de la discussion que j’espionnait depuis un bon quart d’heure, je commençais à avoir bien du mal à retenir mes rires désabusés. Probablement que je n’étais juste pas à l’aise, que je commençais à me sentir franchement blessé par ce que j’entendais. Oh, ça ne me faisait pas du bien, non, il y avait de quoi devenir fou, à entendre tout ça… Il fallait probablement déjà être un peu taré pour aller écouter ainsi ce genre d’échanges peu flatteurs à son sujet. Ou simplement désespéré.

« C’est justement pour ça qu’il va bien falloir que tu agisses. Même si tu n’y crois pas, fais-le pour lui. »

Ce qu’il pouvait être naïf. Helmut, faire quelque chose pour moi ? Ce serait trop d’effort pour lui, de seulement montrer qu’il admettait mon existence. Je ne sais que penser de ce dernier échange, je pensais que mon père allait mal réagir, se lever dramatiquement et lpacher quelque chose comme « ah, cruel, ne me dis pas ce que je suis censé faire ! aller, hors de chez moi, infâme ! »… Quelque chose que j’aimerais avoir moi-même dit, d’ailleurs. Mais ça tombe bien, c’est moi qui l’air pensé, il faudra que je le note dans mon carnet. Enfin, non, Helmut ne s’est pas énervé, il se tut, en fait, pendant de longues secondes. Puis il avait repris la parole dans une humeur plus sombre, visiblement préoccupé. Il m’avait fallu tendre l’oreille pour entendre clairement ce qui se disait par la suite.

« Je ne sais pas… Hanz, je ne comprends pas ce gamin… Ou alors, je… Il est trop… »

Des choses que je n’avais jamais entendues. J’étais surpris du ton sincère et perdu que mon paternel employé. Ce serait mentir que d’assurer qu’à ce moment-là, je ne m’étais pas senti envahi d’un vain espoir… Peut-être que j’allais avoir des révélations positives sur le ressenti de mon paternel, qui sait, peut-être allais-je finalement comprendre quelque chose qui donnerait un peu plus de sens à ma vie telle que je la concevais à l’époque... ? Ah, si seulement…

« Quand Ellias est arrivé… Et même avec Irina… Il y avait quelque chose, peu importe qu'ils me ressemblent ou non. Avec Alexander, c’était… »

Pendu aux paroles de mon paternel, j’étais presque en train de sortir de ma cachette pour observer un peu mieux, pour voir quelles expressions faciales pouvaient trahir les émotions d’Helmut à mon sujet.

« Je ne ressens rien. Rien qui me donne envie de m’occuper de ce gamin. »

Je suis retombé contre la cloison dans un soupir. Qu’espérais-je, hein ? Evidemment, qu’il n’a jamais voulu me regarder, ni me toucher. C’est ma faute tout ça, hein. Après on va dire que c’est moi qui l’ait voulu comme père, aussi !  

« …Pourquoi est-ce qu’on a cette discussion, alors, si c’est vraiment le cas ? »

Tandis que j’enrageais derrière ma cloison, Hanz avait l’air tout aussi blasé. Vraiment, Helmut, on va pleurer pour toi, hein. Je ne sais pas pourquoi je restais ici à me faire petit et silencieux, à écouter mon propre père me descendre en pensant chacun de ses mots. J’aurais aimé l’entendre être sincère dans d’autre circonstances. Je ne sais pas, par exemple, il aurait pu spontanément me dire, un jour, que mon envie de faire des études dans l’art dramatique n’était pas juste une lubie qu’il était incapable de comprendre et qu’il m’enviait peut-être car il n’a jamais été que l’ombre de sa mère, concernant sa carrière. Ah, il aurait préféré, que ses enfants soient aussi son nombre, hein… Je lui aurait moins fait honte, de cette manière.  

« Il n’y a que… des choses négatives. Rien de ce que je suis censé ressentir pour un gamin que je voulais. C’est quelque chose de… Je ne peux pas le décrire, mais c’est comme si c’était insurmontable. Et c’est… »


J’aurais vraiment dû me barrer avant ça. Vraiment, j’aurais préféré ne pas entendre ce qui suivait, même si je l’aurais probablement découvert tôt ou tard. J’avais déjà abandonné, en réalité, j’avais déjà compris que j’étais assez insignifiant, assez haïssable à ses yeux pour qu’il ne le verbalise pas. Il ne pouvait simplement pas m’apprécier de manière paternelle ou je ne sais quelle bêtise du genre. Je me serais passé de l’entendre le dire aussi clairement.

« Je ne suis même pas capable de le supporter et parfois… »


Je le savais. Mais je me sentais mal. Je m’étais levé pour échapper à cette situation. Mais je n’ai surement pas échappé à la nausée qu’a provoqué en moi les mots qui ont suivi, juste avant de me réfugier dans ma chambre pour le reste de la nuit.

« Parfois, j’aimerais simplement qu’il disparaisse. »

Je ne sais pas ce que j’attendais de plus.

Peut-être ça, en fait. Un signal. Le signal que je pouvais partir, fuir cet endroit où personne ne souhaite ma présence. On ne m’en aurait pas empêché, il aurait suffi que je demande de l’argent, ils en ont trop, avec un peu d’astuce, j’aurais économisé assez pour m’en aller à ma majorité et simplement faire ma vie ailleurs, sans faire d’histoires. J’aurais pu… Trouver une autre famille, ailleurs, une vraie famille qui me respecte pour ce que je suis. Mais pour faire ça, pour avoir la force d’attendre, prendre sur moi, puis prendre ces décisions plutôt saines de repartir en ne laissant pas de traces, ni de blessures, eh bien… Il m’aurait fallu de l’espoir et du courage. En arrivant dans ma chambre, j’avais glissé sur le sol, je m’étais petit à petit recroquevillé sur le parquet. L’espoir… Il n’était plus là depuis des années. A mon sens, n’importe quelle famille serait toujours étouffante, menteuse, inutile et m’accablerait si je ne peux la contrôler. N’importe quelle famille méritait de souffrir pour ne faire que jouer au papa et à la maman tant que leur progéniture se comporte comme ils le souhaitent… Comment… Comment Ellias, Irina, Martha, Hanz, Riku, Lisa, Klaus se permettent-ils d’être parfois heureux.se.s dans cette famille ?! Oui, pour les faire réfléchir, pour pointer du doigt celui qui vient de décréter qu’il préférerait ne jamais m’avoir conçu, partir sans un bruit et ne jamais revenir aurait suffi. Mais… Cela aurait également été trop facile, n’est-ce pas ? Oh, oui, j’allais partir, je leur donnerais cette satisfaction un jour, sans faute. Bientôt. Mais je ne partirais pas sans leur avoir donné de quoi ne jamais oublier l’ « erreur » que j’étais… Je ne partirais ni ne mourrais sans avoir détruit cette famille.



Fin octobre 2023.
Après avoir passé encore des dizaines de minutes bien peu productives chez le psy à répéter encore et encore à quel point je déteste mon père mais que mon insistance à ce sujet n’a absolument rien à voir avec une quelconque dépendance vis-à-vis de l’opinion qu’il a des moi (…ou peut-être que si en fait, mais changeons de sujet), voici venu l’heure d’aller à la rencontre de Ludwig au parloir. C’est toujours plus réjouissant qu’une séance à me faire regarder comme un gamin détraqué qui ment tout le temps… Oui, je sais que c’est ce que je suis mais est-ce que je t’ai demandé ton avis ? Non ! Alors, voilà ! Je sais que les mensonges ne tiennent plus, que mes excuses ne servent à rien, que j’essaie juste de m’enfoncer dans des illusions notamment grâce à mes pièces et aux histoires débiles des Monarchistes qui me permettent de rêver un peu parce que… Bah, je n’ai pas envie de savoir ce qui se passe quand le baratinage ne marche plus.

Mais cette journée n’était pas encore assez merdique (enfin, disons que sur une échelle de quotidien merdique de 1 à 10, celle-ci devait être à 12 et des virgules, donc, pas la meilleure journée, non) comme ça, qu’est-ce que tu croyais, il fallait que ce vieil emmerdeur de fermier ramène sa fraise… seul.

« Eh, il est où, Ludwig ? »

Lançais-je sans même m’asseoir et d’une voix de bécasse postillonnante mal réveillée. Je ne vois pas pourquoi je resterais ici une seconde de plus si mon frère n’est pas là. Ce n’est pas que pour moi, je ne supporte pas l’autre gros malabar d’éleveur bovin et il n’aime pas m’entendre non plus.

« Il faut qu’on parle. »

Oh, non. Mais de quoi il veut qu’on cause, ce bouseux…

« Je ne crois pas qu’on ait grand-chose à se dire. »
« Je ne viens pas te voir parce que ça m’amuse, mais parce que je cherche à retrouver ton frère. »


S’il y a quelque chose que je n’ai jamais pu lui reprocher, c’est de ne pas aller droit au but quand c’est nécessaire. Il est aussi peu enthousiaste que moi à l’idée de passer du temps ici et tant mieux, je serais vite débarrassé. Toutefois, il a parlé de Ludwig et a réussi à capter mon attention. J’ai fini par m’asseoir (car le maton me pressait, aussi, il aimait pas que je reste debout planté devant la vitre, surtout dans cet état d’agacement visible).

« Quoi ? Le « retrouver »… ? »

Je lui demande de précisions en tapotant des doigts sur la table. Non pas parce que je suis trop inquiet, mais plutôt car je veux des réponses maintenant, je veux en finir avec cette corvée d’échange verbal et en plus, j’ai vachement envie d’aller faire pipi.

« Ne me fais pas languir, allons, dis-moi ce qui se passe ! »

Le pressais-je, tapotant plus frénétiquement du pied sur le sol, et le fixant avec insistance tel l’enfant gâté que je suis.

« C’est un jeu, pour toi ? »

C’est qu’il devient irritant. Et condescendant avec ça. Et dans « condescendant », il y a  « descendant ». Il me fait rapidement répondre pour compenser le fait que je sois trop nerveux pour garder tous mes moyens.

« Oh, voyons, c’est toi qui t’amuses à faire durer le suspense ! »


Il parvient à garder son calme mais je vois bien qu’il souffle du nez pendant quelques instants afin de garder son calme. C’est y pas mignon… Le fermier ancien tueur s’est pris d’affection pour mon petit frère Ludwig et il s’énerve quand je m’amuse à leurs dépens. Un rictus en coin commence à se former sur mes lèvres.  

« Je n’aime pas devoir te donner des détails mais Ludwig a disparu depuis hier matin. »

Oh. Voila qui est fâcheux. C’est drôle, ça, personne ne s’inquiétait pour moi, quand j’ai disparu de la circulation quelques temps après mes premiers crimes, que j’ai continué avec la couverture du Régime. Dire que Soltan m’avait sous le nez et qu’il a laissé faire quand même en contentant de s’éloigner. Peut importe que ce soit ma faute ou non, certains savaient qu’ils auraient peut-être pu faire la différence mais ne l’ont pas fait, ils ont préféré me voir disparaître, c’est ce que j’ai fait et maintenant, ils méritent juste que je les hante. Oui, que je les hante, car plus ça va, plus je m’efface comme un fantôme ou un vieux souvenir désagréable… Quoique, peut-être pas pour les Monarchistes.

« Et pourquoi pas ? Il est mon frère, quand même. »


Le narguais-je avec hypocrisie. Oh, les mauvaises langues diront qu’il n’est « mon frère » que quand ça m‘arrange et que je peux l’utiliser pour m’apitoyer sur mon sort.  

« Ah, oui, tu crois que les « liens sacré du sang » te donnent encore le droit de te mêler de sa vie. »

Soltan a toujours eu la sale manie de fixer les gens. Avec ses yeux verts plissés patibulaires de grand méchant fermier, là. Je peux le voir, qu’il n’a pas le temps pour mon baratinage et mes provocations, qu’avec ces histoires de Lulu disparu il est au bout du rouleau et sur le point d’exploser. Je ne sais pas plus que lui où peut-être mon frère, qu’espérait-t-il en venant me voir ? Il est aussi désespéré et désespérant qu’Helmut, après tout. Il doit vraiment être à court de réponses et d’idées pour venir jusqu’à moi, et vraiment tenir à retrouver Ludwig… C’est si touchant. Tout ça pour se donner bonne conscience, se dire qu’il est un bon tuteur. C’est toujours la même chose

« C’est adorable comme tu le protèges… Tu t’es pris d’affection pour un autre gamin paumé et tu n’est pas capable de l’admettre… Lui aussi, tu vas finir par l’abandonner quand tu en auras marre ? »

Je le vois bien, que m’entendre dire ça ne le met pas à l’aise. Je vois ses iris frémir et briller sous le coup de la colère, son poing se serrer et trembler contre la table, derrière la vitre translucide du parloir. Comme d’habitude, il ne cède pas. Tant pis, je vais réessayer. Je l’aurais à l’usure.

« Il faut bien que quelqu’un s'occupe de lui. »


Répondit-il en retrouvant un semblant de calme. Il faut bien que quelqu’un s’occupe de ce gamin. Eh, la question ne se poserait pas si Papa et Maman n’avaient pas pris la décision de nous négliger. S’ils ne nous avaient pas négligé, qu’ils nous avaient… Si Papa m’avait traité autrement ou… Quoi, vous pensez que j’allais me plaindre de ne pas avoir été assez aimé, hein ? Eh ben non.

Mais, retournons à ce qui nous intéresse et à Ludwig. « Ludwig disparu », ça me rappelle quelque chose. Une certaine nuit ou mon équilibre mental a basculé, une nuit de tempête ou Riku m’a lâché, ou Ludwig avait fui le château pendant mon absence. Pas ma meilleure nuit, même si j’en ai eu bien des mauvaises dans ma vie. Ce souvenir me fait déduire, de manière assez évidente :

« Il a fugué, c’est ça ? »

Le fermier n’avait pas envie de répondre mais rendu là, il serait inutile de me cacher la vérité, il faut croire.

« …Oui, on peut dire ça. »

Victorieux au jeu des devinettes (comme d’habitude, aller, lancez-moi des fleurs), je ne suis pas peu fier de mon coup (parce qu’on s’amuse comme on peut et oui, je sais que c’est pas bien mais je le fais quand même, nananère, arrêtez un peu de me fustiger).

« Héhé. C’est bien mon frère. »

Ah, parce qu’on croyait que sous prétexte que j’ai vu clair dans ce que Soltan tentait minablement de me dissimuler, j’allais me calmer ? Oh, non. Non, non, non ! J’en ai profité pour en remettre une couche, quel coquin imprévisible ! C’est vraiment plus fort que moi !

« Ça ne m’amuse pas. »

Il me lance son regard le plus noir. Si j’étais un enfant de 4 ans impressionnable, peut-être que j’aurais un peu les chocottes, mais ce n’est pas le cas. Qu’il me défie ainsi (du moins c’est ainsi que je prends cet échange oculaire), cela me donne simplement envie… d’être moi-même, tiens.

« Et pourquoi il s’est enfui à ton avis… ? »

Mon ton est volontairement inquisiteur et insolent. Mais Soltan n’a pas l’air affecté par la provocation. Il lève simplement un sourcil. Je lisais presque une sorte d’amusement sur ses traits qui s’étaient légèrement détendus.

« Est-ce que tu veux vraiment qu’on discute de responsabilités en ce qui concerne ton frère… ? »

Pourquoi, il aurait des choses à se reprocher ? Qu’il est agaçant et ennuyeux. Jamais un mot pour rigoler un bon coup entre vieux mentor et protégé qui se détestent !

« Oh, ça va encore être moi le méchant ! »

Ironisais-je avec un grand sourire de dents blanches. Soltan est stoïque et pas trop amusé.

« … Je veux juste que tu me dises où il a pu aller. »


Après une courte pause, il enchaine, un peu plus taquin que précèdemment.

« Car ça lui est déjà arrivé, n’est-ce pas ? »

Je n’aime pas ces insinuations et je ne sais pas où il veut en venir. Même si je n’ai rien à cacher. Oui, il est vrai que Ludwig a aussi fugué quand il était sous ma responsabilité. Je l’admets. Gros scoop. Waouw. Indignons nous sur les réseaux sociaux ! Je lui ris au nez avec un mépris à peine camouflé. Eh ben quoi, rageux de ne pas être mieux que moi… ? Quoique Soltan n’a jamais dit qu’il était mieux que moi et… Bref, je m’égare.

« Oh, je vois, Riku a dû t’en raconter des belles à ce propos, hm ? »

Déclarais-je, toujours aussi suffisant. Oui, il n’a surement eu que la version de Riku car il n’a jamais voulu m’écouter et a pris ce que ma cousine disait sur mes abus pour argent comptant. Eh, on était une famille, hein. C’est elle qui est partie, je ne l’ai pas retenue, que je sache… enfin, j’ai essayé, certes. Parce que je l’aimais. Je sais bien que ce n’est pas comme ça que le voient la plupart des gens et je ne leur demande pas de comprendre. Cependant, mes propos déplaisent à Soltan et il s’énerve de nouveau. Monsieur n’aime pas quand on est pas gentil avec ses protégés et il a probablement raison, en l’occurrence. Mais depuis quand est-ce que je me préoccupe de ce que les autres pensent de mes actions toxiques et dangereuses… ?

« Ne changes pas de sujet. »

Dit-il finalement en essayant de s’apaiser, comme une mise en garde de ne pas le lancer sur ce sujet. Il serait surement très motivé de me descendre en flamme mais doit penser contre-productif. Il préfère revenir directement à ce qui nous intéresse. Ce que, bizarrement, je n’ai pas si envie d’évoquer que ça, aussi. Parce que ça me prend la tête.

« Je me fous que tu ne veuilles pas m’aider. Fais-le pour ton frère. »

Effectivement, j’en ai rien à faire de toi, Soltan, tu peux très bien crever. J’ai croisé les bras sur mon ventre, penchant la tête sur le côté sans me départir de mon éternel rictus. « Qu’est-ce que j’ai en échange », serait la bonne traduction de mon attitude arrogante. Le fermier l’a compris sans mal et cligne des yeux avant de pousser un long soupir exaspéré.

« Tu n’es quand même pas tombé aussi bas… ? »

Mais qu’espère-t-il, en réalité ? Que je suis encore quelqu’un de bien qui souhaite aider sans rétribution ? Que ce soit ici ou à l’extérieur, rien n’est gratuit et surtout pas mes aveux. Ma participation à quoi que ce soit n’a jamais été désintéressée et Soltan le sait parfaitement. Car il le sait, que je me suis servi de lui pour qu’il garde Ludwig, Riku et aussi pour qu’il m’apprenne à tuer plus facilement grâce à son expérience. Alors, que croit-il, hein… ? Que je vais l’aider car on parle de Ludwig ? Ahah… Certes, c’est mon frère, je devrais surement avoir quelque pitié pour lui mais… Eh bien, non. Désolé pour lui, j’ai d’autres chats à fouetter actuellement et il fait partie de mon « autre vie », celle qui est passée. Je l’aime bien, hein, mais ce n’est pas la question. Je ne vois pas pourquoi on aurait espéré au moins ce geste aimable de ma part. Je ne pense pas qu’il soit déçu ou blessé, je ne décèle que de la résignation et de la lassitude dans son regard, rien de nouveau depuis qu’il est arrivé au parloir, finalement.

« C’est simplement que ça me questionne… Pourquoi serait-il parti, hein ? »

Je veux juste des réponses. Et il me les donnera, tant bien que mal. Il le savait, que ça tournerait ainsi, alors pourquoi a-t-il quand même essayé de faire comme s’il s’en sortirait sans payer le prix lui aussi.

« Car il n’est pas heureux ces derniers temps et vu son parcours je pense que tu es bien placé pour savoir que ce n’est pas vraiment évident pour Ludwig d’être heureux, même s’il fait de son mieux. »

Bon, c’est tout ce que je voulais entendre, en fait, que des gens sont aussi pourris que moi avec ce gamin. Ça me retire un poids sur la conscience, voyez-vous. Ne soyez pas choqués, enfin… Vous me connaissez trop bien pour ça.

« Va voir au château et dans les falaises. »

Lui dis-je simplement. Non, je n’ai pas les réponses qu’il espère ni la localisation exacte de Ludwig en tête car je ne suis pas devin. Je ne lis pas la vérité et ne retrouve pas l’être aimé en lisant dans les traces de doigts des vitres de parloir… quoique, ça passerait, ce genre de conneries, chez les Monarchistes, tiens… ?

« J’en sais pas plus. »

Concluais-je. Tout ce cinéma pour ça, eh oui. Pauvre petit fermier qui était si désespéré pour ses réponses. Il ne cache pas sa déception et je crois bien qu’il est dépité et va s’en aller, pour la peine. J’en chialerais, tiens.

« … Très bien. »

Sauf que ma curiosité n’est pas vraiment satisfaite. Et j’ai besoin de plus d’attention négative que ça dans ma vie, ne déconnons pas trop.

« Hé. Tu vas me dire ce qui s’est passé ? »

Je retins-je et il se rassoit, me jaugeant à nouveau avec lassitude.

« Qu’est-ce que ça changerait ? Tu aurais d’autres choses à me dire, si je te donnais plus d’informations ? »

Meh, dommage, je n’ai plus l’effet de surprise de mon côté, cette fois. Enfin, si je l’ai jamais eu face à lui. Mais si je cherche bien, je suis convaincu que je peux trouver des petits indices.

« Ça a rapport avec Ellias ? »

Honnêtement, je n’en sais rien, mais j’ai juste envie de cracher sur mon cousin, à vrai dire. Comme Soltan sait que je ne fais que chercher la petite bête, il lève les yeux au ciel, refusant de répondre.

« Dis-moi au moins « oui » ou « non ». »

Poussais-je encore un peu, sous le regard irrité du fermier qui va finir par avoir envie de me remettre à ma place en rentrant dans mon jeu.

« Pour que tu continues de te convaincre que tu n’as pas ruiné la vie de ce gosse car il n’y a pas que sous ta responsabilité qu’il a fugué ? »

Je commence à le sentir un peu plus ironique, tout d’un coup. Son ton a changé et son expression également, il a assurément gagné en arrogance et en suffisance. On est en train d’y arriver ! Ce n’est qu’un concours de qui aura le dernier mot, je ne fais qu’à peine attention au fond des paroles de Soltan qui n’a visiblement qu’une envie : me faire comprendre à quel point j’ai merdé, que je suis un sac à vomi, et bref, je suis au courant, mais merci de ta sollicitude, le bouseux.

« Vas emmerder quelqu’un d’autre avec tes conneries. »

Finit-il par dire et mon dieu, comme c’est convaincant. Par là, je veux dire que ça me convainc que je peux continuer mes bêtises. L’armoire à glace à commencé à répondre du tac au tac, lui aussi. Il a visiblement oublié sa lenteur quelques temps pour mettre le turbo. C’est une bonne distraction, je commencerais presque à m’éclater.

« Donc, c’est bien Ellias qui a merdé. Et toi aussi, hein, quand même. C'est moi qui l'ait dit en premier, qu'Ellias allait foutre le bazar... »
« …Qu’est-ce que ça change ? Il a peut-être ses tords mais il ne cherche pas à détruire la vie de ce gamin. »


Je cherche à détruire la vie de Ludwig, moi ? Je le laisse vivre sa vie, au contraire, il peut bien faire ce qu’il veut et j’accepte de le voir au parloir quand il en a envie ou besoin. Oh, certes, je pourrais aussi admettre qu’avec moi, Ludwig a déjà fugué, mais, eh… Dans ce cas, il n’y en a juste pas un pour racheter l’autre dans cette famille et donc, on en revient toujours au même problème.

J’arrive au point ou je me dis que le conversation n’ira pas plus loin. Soltan arrive toujours à me ramener au point de départ et le voir jouer au disque rayé avec « arrêtes tu rends pas Ludwig heureux mais aides moi quand même à le retrouver »… Cela commence à m’irriter singulièrement. Je suis un garçon qui n’aime pas que les choses stagnent, j’ai besoin d’action et de conversations qui ne tournent pas en rond ! A condition que les gens veuillent bien jouer avec moi, sinon, il ne se passe rien et je m’ennuie… Et il n’y a pas grand-chose qui m’agace plus vite que l’ennui. Car quand on ne rentre pas dans mon jeu, j’ai la sensation de perdre le contrôle et… bon, à force, on le sait, que je ne le supporte pas.

« Tu crois que je ne sais pas ce qu’il ressent, hein ? J’ai vécu la même chose que lui, quand on s’est rencontrés. Tu as un faible pour les gamins paumés, c’est un fait, tu sais bien quel est le fond du problème, qui est derrière tout ça et doit être détruit. »


Autant arrêter de devenir subtil et faire part de mon agacement clairement. Soltan déteste Helmut et tout est la faute d’Helmut. J’ai juste envie de cracher mon venin et il va m’y aider. Parce que, pourquoi pas, hein, plus on est de fous, plus on rit, à la fête à Moumou. Mais ça n’amuse pas Soltan. Du moins, il n’a pas l’air intéressé et plutôt que grogner, il recommence à me fixer en arquant un sourcil. Le fermier a l’air pensif, à digérer mes dernières paroles. En réalité, il semble perplexe, suspicieux, même.

« A quoi tu joues ? »

Aurais-je été trop bavard ? Boh. Si on ne peut plus se plaindre pour déconner, hein. Pour le coup, j’affiche mon air le plus innocent pour rétorquer.

« Plait-il ? »

L’autre ne perdit pas une seconde qui pourrait me permettre de retomber sur mes pattes. Ecoutez, je ne suis pas bien malin, ce n’est pas compliqué. Dans un nanar, je serais le méchant qui dévoile son plan au protagoniste en espérant ne pas se faire arrêter. De toute façon, l’idée, c’est bien qu’on capte mes conneries pour que j’ai l’attention que le désire, hein… Qu’est-ce que vous croyiez ? Que mes motivations étaient un peu moins pathétiques, peut-être ? Eh ben non.

« Qu’est-ce qui se passe encore avec ton père et quel est le rapport avec Ellias ? »

Il était plus perspicace que je n’aurais pensé. Pas si lent du cerveau, le bouseux. Je parie qu’il va encore se répéter et me parler du fait que mes actions risquent d’affecter d’autres gens, ou mon jeune frère. Merci Sherlock.

« Si je découvre que tu as le moindre lien avec cette histoire, ton psy et l’administration du pénitencier en entendront parler. Ce serait dommage que tu retournes en isolement ou en psy parce que tu es incapable de vivre sans tenter de foutre la merde dans la vie d’un gamin de 14 ans.  »


Ohlalala, j’ai peur… Je ne savais pas qu’il pouvait être ironique. Il sait bien qu’il n’a aucune preuve incriminante contre moi. Si ce n’est les propos d’Helmut à qui il reste difficile de donner sa pleine confiance quand sait ce dont il est capable quand il s’est levé du mauvais pied. Après tout, qu’ai-je fait, hein ? J’ai simplement lancé quelques mots, quelques menaces que je n’ai pas eu le moyen de mettre à exécution (croyez-moi, j’aurais aimé). Mais, Helmut l’a pris au sérieux, apparemment et à nouveau, m’a donné quelque chose pour satisfaire mon désir de voir la peur consumer ma famille biologique, à commencer par mon paternel. Mon psy qui a trop d’imagination le dira, je suis un menteur narcissique et un sadique (même s’il ne l’a jamais dit comme ça devant moi, mais, je suis sûr qu’il l’écrit dans ses rapports, c’est pas moi qui l’ait dit en premier ! ). Je n’ai plus que les menaces comme arme en prison, la seule qui soit assez silencieuse pour ne pas me griller au détour d’un couloir. Même si elle est franchement émoussée et pas géniale car elle ne marche pas du tout sur tout le monde, ben, faut faire avec et compenser avec un bon jeu d’acteur quand il faut feindre l’ignorance… Mais encore une fois, ça ne marche pas très bien avec les personnes qui nous connaissent. Mais, eh, laissez-moi espérer que je peux encore être un glorieusement pathétique Dio  Silvery qui ne peux qu’impressionner armé d’un gros pistolet, d’un couteau et devant un prisonnier attaché au fond d’une cellule. J’essaie juste de pas faire du « out of character », désolé, hein !

« Je ne vois pas de quoi tu parles. J’ai autre chose à faire que chercher des moyens de le « menacer », comme tu le dis. »

Je vois dans son regard qu’il aimerait être encore ironique et me dire « oh, vraiment ? » car il sait pertinemment que c’est quelque chose que je pourrais faire sans remords. Mais j’ai plein d’autres trucs sympas à faire en prison, aussi, c’est vrai, hein… comme… eh bien… euhm… lire des livres, voilà.

« J’espère pour toi, car j’en ai vraiment ras-le-bol de toujours nettoyer derrière toi, Alex. »

Un sourire candide pour camoufler mon agacement de l’avoir toujours aussi impassible en face de moi et je roule des yeux et hausse les épaules avec un petit rire de midinette.

« Ah. J’en suis sincèrement navré… »

En fait, pas vraiment. C’est le but et il le sait.

Un sourire de dents blanches allié à mon regard glacial ne me fait plus vraiment passer pour un gamin qui tente de jouer au plus con, mais juste à un gros dépressif au bout du roulot, je crois. Qu’est-ce que Soltan peut faire pour m’empêcher de m’amuser car j’en ai simplement envie ? N’en déplaise à certain.e.s, je ne suis pas réellement stupide… Je sais qu’il n’a aucune preuve contre moi, que Ludwig n’ira pas m’incriminer, et que la présence de mes Pokémon dans la zone du château ne suffit pas à corroborer ses accusations (justifiées, certes, mais qui manquent d’appui). Et puis, ce sont mes Pokémon qui se font enlever et croyez-moi, ça ne me fait pas plaisir… Ludwig est haineux après Ellias, pas après moi et c’est tout ce que je voulais, non ? Que ce pauvre con pourrisse un peu loin de mon jeune frère, pas vrai ? Oui, je suis frustré, très frustré et donc, comme d’habitude, il faut que ça rejaillisse sur quelqu’un d’autre. Sur Soltan, pourquoi pas même s’il n’est pas très affecté, Ellias, encore mieux, Helmut, j’attends juste qu’il revienne pour lui en faire baver et… Je n’ai juste rien d’autre à faire de ma vie, à part faire le grand gourou devant les Monarchistes, ce qui occasionne de me documenter bien trop sur la légende et je commence à croire que ça m’intéresse vraiment. Car, oui, faut-il le dire ? Je n’ai rien d’autre. Bref. Et Ludwig dans tout ça… ? Parce que c’est ça, le problème, là tout de suite, c’est pour ça qu’il est là, le bouseux. Bien évidemment qu’il n’en a rien à carrer de mes disputes avec Ellias.

Ludwig, Ludwig… Je n’en sais rien, en fait.

Et c’est là que le malaise commence à remonter pour de bon. Ce gamin ne me rappelle que des échecs, au fond, les miens. Il me fait me rappeler que je ne suis pas en contrôle, que je ne peux même pas gérer un gamin qui me voue une admiration sans borne et escaladerait une montagne si je le lui demandais. Soltan ne tombe pas dans mes provocations, il ne réagit à peine, il n’est pas intéressé par la conversation si ça ne concerne pas son protégé. Petit à petit, je me rends compte de mon insignifiance à ses yeux, du fait que je ne peux sans doute plus être aidé comme Ludwig le peut encore. Envieux, car malgré mes menaces puériles, même Ellias n’arrête pas de vivre sa vie et qu’après plus de 20 ans, mon père a aussi décidé de revenir à la sienne et continuer. Impuissant, parce que je constate de plus en plus que ma vengeance, mon désir de me faire remarquer, le « sens » absurde que je donnais à mes actes… tout ça n’a servi à rien aujourd’hui car… l’espoir finit un peu trop souvent par se frayer un chemin, même jusqu’aux plus faible. Sur ce critère… Il faut croire que je suis encore plus faible que les plus pathétiques. Héhéhé. Merci, Soltan, hein, merci. Putain.

« A vrai dire, je m’en fous. »

Merci, il me semblait l’avoir remarqué, oui. C’est bien ça qui me donne des tics compulsifs et me fait marteler la table avec mes doigts.

« Fais toutes les magouilles que tu veux pour te mentir à toi-même, tu finiras juste en psy sous cachetons à vie. »

Je pensais avoir eu assez de sermons pour aujourd’hui, mais en fait, non. Ou alors c’est une mise n garde ? Oh, c’est bien trop de sollicitude et de bonne intentions pour ma personne ! Quelle belle âme tu fais, Soltan. Car tu le sais, que tu resteras en dehors de tout ça, en réalité… Sauf si ça concerne ton protégé et donc… Voila, toi aussi, il va falloir t’y mêler, finalement. Tout vient à point à qui sait attendre. Il faut du temps pour que quelques graines deviennent le grand arbre de la discorde et du chaos. Héhé, quel poète. J’ai comme une impression de déjà-vu.

« En fait… plus personne n’en a rien à faire, de ce qui peut t’arriver. »


Que je le veuille ou non, cette remarque fait toujours mal quand il faut l’avaler. Au point que je réagis vivement en m’affaissant sur mon siège, lâchant mon énervement dans mes prochaines paroles.

« Mais relaaaaaax, ohlala, si on peut pu rigoler, hein ! »

Je me rends compte après quelques secondes que j’ai vraiment prononcé mes derniers mots en criant dans le parloir alors je pensais juste parler un peu fort et avec une certaine légerté. Faux, c’est vendu que je ne suis plus maitre de mes actions. Un maton s’est approché pour me demander le calme et questionna Soltan, afin de savoir si tout va bien. Celui-ci se prépare à partir, en adressant un salut formel de la tête au gardien.

« Tout va bien. Nous avions fini. »

Oh, non, le fermier tu ne vas pas t’en aller comme ça ! Avec ce que tu as fait, ta place est aussi derrière les barreaux ! Si seulement tu étais de ce côté avec moi je te sauterais à la gorge et ferais en sorte que tu ne revoies plus jamais ton petit protégé et tes adorables enfants !

« Monsieur le maton, ce type est un meurtrier ! »

Lançais-je à la cantonnade en désignant le fermier qui ne bronche pas. Une dernière tentative désespérée, j’imagine. Fallait tenter. Le gardien lève les yeux au ciel. Bien sûr qu’il ne va pas y croire, je n’ai pas vraiment cru que ça allait marcher, avec tous les mensonges que je profère à la semaine…  Même si, je vous assure que je fais toujours attention à ne jamais raconter deux fois le même mensonge ! Mais si ça ne marche pas, ça ne marche pas. Je suis énervé, maintenant, encore plus en voyant Soltan dire au revoir et quitter le parloir de son pas lent. Si j’avais pu le planter dans le dos quand il s’éloignait… Flûte à la fin, hein, pourquoi on m’interdit tous mes petits plaisirs… ? Probablement parce que mes « petits plaisirs » ne sont pas très agréables ou vivables pour le reste des gens. Oui, ce serait logique, je peux le concevoir. Pendant que je rumine et me prépare à rentrer aux quartiers communs, le maton me met en garde de rester tranquille, sinon ce sera l’isolement à nouveau. J’ai bien compris. Je suis redevenu apathique, de toute manière, la fatigue m’a rattrapé. Les dernières « conversations » m’ont épuisé. Je ne parviendrais pas à me faire comprendre de manière classique et je suis un peu lassé de passer par d’autre détours. Pourquoi chercher à être compris, de toute manière, je ne vois pas pourquoi je persévère quand cela s’est toujours soldé par des échecs. Pourtant, il y a quelque chose qui m’anime de nouveau quand on m’ouvre les quartiers communs. C’est ce type. Un jeune Monarchiste paumé et convaincu. Pauvre garçon, il doit avoir tout juste 20 ans et regardez où il en est. Je ne sais pas trop quoi ça me rappelle. Mais ça me rappelle un peu quelqu’un. Oh, je n’ai pas pitié, non. son apparition me fait sourire en coin, surtout quand il me sollicite en disant que l’on « m’attendait » pour le groupe de débat autour de la Légende. J’ai souri, d’un sourire superficiel, effaçant mes frustrations et ma fatigue devenues permanentes.

D’accord. Je vais y aller. Je vais aller au seul endroit qui ne veut pas me voir disparaitre et qui « m’attend » encore. Même si cela sera probablement ma dernière destination.
Avec la participation de Hanz, Helmut, Soltan, des figurant.e.s, un maton et un monarchiste dans :
Les issues de secours commencent à se faire rare.
Alexander Nagel-Jung
Alexander Nagel-Jung
Ex-Régimeux
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Ven 15 Fév 2019 - 12:06
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