Le sujet des enfants... Lyra avait eu cette discussion avec son époux, bien sûr. Elle avait un peu peur d'en avoir, au début. Elle savait que lui rêvait d'être père, mais elle ne s'est pas sentie prête avant un moment même après leur mariage. Mais rien ne pressait, de toute façon. Ikaël, de nature aussi impatiente pouvait-il être, attendait calmement que la brune lui rende sa décision finale, lui annonçant si elle voulait avoir des enfants ou non. Il ne voulait en rien insister si elle ne désirait pas être mère : une chose qui lui a particulièrement plu chez cette homme mièvre et simple mais doux et respectueux. Après plusieurs mois de doutes et de réflexion, elle s'était rendue compte d'une chose : que peu importe ce qui arrivait, elle savait que Ikaël serait là pour elle et la supporterait dans toutes les situations. Elle ne voulait pas qu'il soit malheureux, toutefois, si jamais elle refusait de porter des enfants. Mais ce dont elle finit par être sûre, c'était que si elle désirait en avoir, cela ne pourrait être qu'avec lui. Elle était nerveuse, mais elle n'eut plus peur de porter un enfant s'il s'agissait du leur, et voulut bien essayer. Elle eut peur toutefois d'une autre chose en voyant qu'elle n'arrivait pas à tomber enceinte : qu'elle soit stérile. Elle craignait de décevoir l'homme qu'elle aimait, car ayant délaissé sa famille dans laquelle elle se sentait prisonnière, elle n'avait désormais plus que lui qui comptait. Elle avait quand même peur, toutefois, de ne pas pouvoir le rendre heureux. Qu'elle était sotte, de songer ainsi, elle s'en rendit compte plus tard, quand elle redécouvrit un peu plus chaque jour pourquoi elle aimait tant l'Enodril.

« Je... Je suis désolée... J'ai t-tellement peur que... »

Ikaël n'avait jamais été très doué pour décrypter les signaux. Alors quand elle avait fini par fondre en larmes juste avant de se coucher, il l'avait pris dans ses bras, confus mais se devant de rester calme alors qu'il la sentait en panique.

« Lyra... Lyra, qu'est-ce qu'il y a ? »

Elle tenta de le regarder droit dans les yeux pour se donner un semblant de courage, mais il y avait encore des sanglots qui restaient coincés dans sa gorge, alors elle déglutit. Elle finit enfin par tout lâcher, à savoir notamment la crainte qu'elle avait de ne pas pouvoir lui donner un enfant qu'il désirait tant. La crainte que son regard sur elle se ternisse. Qu'il ne veuille plus d'elle, même si... Même si elle se demande si elle aurait pu lui en vouloir d'aller en chercher une autre capable de lui donner ce qu'il voulait. Elle se pensait stupide, inutile. Ignorant qu'une telle pression invisible pesait sur ses épaules, Ikaël la serra plus fort encore, mais avec tendresse cependant. Il émit de lentes caresses dans son dos et dans ses cheveux en attendant que les larmes aient fini de couler. Elle devait pleurer un bon coup avant qu'il ne puisse reprendre la parole, alors en silence, il la laissa faire.

« C'est moi, qui suis désolé. Je n'aurais pas dû te mettre tout ça sur les épaules. Tu ne me dois rien. Je veux simplement que tu restes comme tu es, et que tu sois heureuse. Ce n'est pas pour ta capacité à enfanter, que je t'aime. Et ce n'est pas grave, tu sais ?.. Si jamais tu veux que nous fondions une famille, nous trouverons d'autres moyens. »

Longuement, ils avaient parlé. Longuement, Lyra s'était confié à l'Enodril qui l'avait écouté. Longuement, ce dernier la rassurait avec une voix douce et sereine, comme si cela lui importait peu au final, si c'était pour la rendre triste et angoissée comme ça. Mais sûrement, ils avaient réussi à avancer un petit peu ce soir-là. Ce n'était pas une soirée exceptionnelle, mais elle s'était sentie le cœur à se confier, et Ikaël lui demanda alors de le faire aussi souvent qu'elle le pouvait. Mais depuis, elle n'eut plus peur. Quoiqu'il arrive, il resterait avec elle ; si elle s'est dit avec amertume que, au moins, la fiancée qu'on prédestinait à Ikaël aurait pu tomber enceinte, l'affectueux petit coup qu'il lui avait donné sur la tête avait permis à ces mauvaises pensées de s'estomper progressivement au fur et à mesure qu'il lui répétait les mêmes mots. Mais cela ne le dérangeait pas, de jouer au Pijako, tant que cela pouvait l'apaiser.

La conversation... Ce n'est sûrement pas ce qui manque à Samaël et Natsume : Lyra en est sûre. Toutefois... Elle croit cependant qu'il y a encore des mots qui ne se disent pas entre les deux et qui peuvent s'avérer pourtant ô combien importants.

« Tu veux du thé ? Du chocolat chaud ? Des fraises des bois ? Une glace à la van-...

Il s'arrêta quand un grognement agacé lui répondit, se rendant compte qu'il en faisait peut-être un peu trop, au vu du regard que lui lançait sa compagne. Elle n'était pas du tout en état de lui donner un petit coup sur la tête de manière affectueuse pour le calmer, mais heureusement qu'il arrivait à décrypter son énervement quand il arrivait à l'atteindre. Piteux, il s'approcha doucement du bord du lit sur lequel il s'assit en regardant la jeune femme allongée sur le côté, les jambes repliées sur elle-même. Contrariée et gênée, elle n'osait pas regarder son mari dans les yeux, frustrée de son comportement. Ikaël esquissa un sourire tendre avant de venir caresser le dos de l'aînée.

« Ne t'en fais pas, je reste avec toi. J'ai tout mon temps.
- … Menteur. »

Surpris, l'Enodril fit mine de ne pas comprendre ce à quoi elle faisait allusion. Mais bon, elle n'était pas dupe non plus, il le savait. Sans remettre en cause la vivacité de son amie, il avait espéré qu'elle oublierait, mais il constata vite que ce ne fut pas le cas.

« 'Bécile... »

Le regard de Lyra se fit un peu plus morne, un peu plus triste. Finalement, elle se permit de relever les yeux sur le dresseur, qui savait déjà ce qu'elle allait lui dire, toutefois.

« C'était aujourd'hui... Ton tout premier match d'arène. Tu l'as manqué à cause de moi. »

Il était assez rare de la voir dans un tel état émotionnel, mais Ikaël pouvait la comprendre. Il aurait été pareil, voire pire, mais il n'en voulait pas du tout à Lyra, puisqu'il s'agissait de sa propre décision. Il avait prévu de disputer son premier badge ce matin, mais Lyra était tombée très malade, et il avait tenu à rester auprès d'elle pour veiller sur sa santé, quitte à annuler ce à quoi il se préparait depuis des mois, voire des années. Mais c'est parce qu'elle a vu tous les efforts qu'il mettait au sein de la Compétition qu'elle s'en veut d'être un poids sur son chemin. Jamais cependant Ikaël ne penserait à la considérer ainsi, même si son rêve d'atteindre la Ligue et de la gagner devait attendre dix, quinze, ou vingt ans. Il serait patient.
Il passe une main contre la joue de l'autre, la regardant avec toute l'affection du monde.

« Non, tu sais bien que c'est faux. C'est moi, qui ai voulu rester. Et je ne regrette rien. Des matchs, j'en aurai d'autres. »


Oh, une Ceribou...
Lyra allait rebondir sur la frustration de son fils par rapport à Natsume pour essayer de le faire réaliser ce qu'il dit, mais elle est arrêté par l'apparition d'une Ceribou qui passait sur le chemin avant de courir se cacher dans un buisson.

Les souvenirs d'une époque lointaine l'envahissent alors que les mots qu'elle veut adresser à son fils se perdent dans sa gorge, ont du mal à sortir. Elle sait qu'il finira par exploser, que la fatigue qui l'accompagne ne se lit pas uniquement sur les traits de son visage. Elle se distingue dans ses mouvements maladroits quand il manque de trébucher non pas sur une racine ou deux, mais plusieurs à la fois. Devant certaines, il tombe tout à fait avant de se relever, et pour d'autres, il arrive à s'agripper avant l'impact, de telle sorte qu'il peut rester debout. Mais les heures de sommeil perdues se voient également quand elle constate ses maux de tête de plus en plus fréquent, et ses paupières qui tendent à vouloir se fermer. De temps à autre, il sort un peu d'eau d'une bouteille pour mouiller son visage et le garder éveillé. Une habitude qu'il a pris au bureau alors que se tremper la peau est devenu l'un des seuls moyens pour qu'il ne s'endorme pas devant des documents importants dont il a la charge. Alors lorsque la Ceribou passe devant lui comme un éclair rose foncé, il sursaute avant de faire bouger ses bras pour garder l'équilibre, et suit du regard la petite femelle qui va se cacher à l'abri des regards ; les leurs, en l'occurrence. Samaël cligne des yeux en fixant l'endroit où la petite cerise vivante s'est réfugiée. Il est sûr de n'avoir jamais vu un tel membre de cette espèce dans l'élevage de son copain. Il voit alors une occasion pour lui de pouvoir rendre heureux son petit-ami. Il saisit donc la chance puisqu'elle se présente, et alors qu'il s'était arrêté un instant vers le buisson où se trouve la Ceribou, il s'en approche tout à coup lentement mais sûrement. Il a, finalement, un très léger sourire aux lèvres en imaginant la tête que fera Natsume s'il arrive à convaincre la petite de venir le rejoindre.

« Tu n'as rien à craindre de nous. Aucun mal ne te sera fait. »

Son expression a radicalement changé. Plus douce, elle a perdu du sérieux et de l'agressivité qui le parcouraient quand il abordait les sujets sensibles avec sa mère. Il est redevenu le Samaël habituel, plutôt que celui fatigué qui ne veut écouter personne à part lui-même et qui préfère se cacher de la réalité. Il est sincère quand il s'accroupit auprès de la Ceribou cachée pour la rassurer sur leurs intentions et lui dire qu'ils ne vont pas lui faire de mal. Lentement, il se met en tailleurs tandis que Lyra se rapproche un peu pouvoir ce qu'il va se passer. Quelques secondes passent où l'Enodril ne fait rien, attendant que la femelle Plante se dévoile. S'il peut, il doit à tous prix la ramener à la Pension pour la présenter au Miyano. Alors ça ne le dérange pas d'être patient pour cette fois. Plus lâchement, ça lui permet aussi de penser à autre chose et d'espérer qu'ils ne reviendront pas sur les thèmes fâcheux. Mais heureusement pour lui, la Ceribou, si elle hésite beaucoup au début, se dévoile petit à petit. Elle regarde avec curiosité le dresseur, cherchant dans son regard une preuve qu'il a été honnête avec elle et qu'il n'y a effectivement aucun risque. Mais il ne semble pas dangereux. Alors finalement, elle se laisse tenter par la main qui vient l'accueillir. La caresse qu'elle reçoit la satisfait, alors elle en demande d'autres. Puis, probablement sans qu'elle ne s'en rende compte, elle s'installe entre les jambes du brun. Ce dernier soupire de soulagement et continue à la cajoler, certain qu'elle sera heureuse chez Natsume si elle décide de bien vouloir les suivre.