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Chimères (partie 1) (OS)
Lionel Roque-Lartigue

Chimères (partie 1)
Flash-back
/!/ TW : alcool, alcoolisme, dépression, etc. comme d'hab, soyez avertis avant de commencer la lecture :V /!/

Le sommeil ne vient pas. C’est inhabituel pour Lionel qui n’a jamais eu de vrais problèmes à cet égard. Du moins, jamais avant qu’ils commencent à devenir un peu récurrents, depuis environ un an. Mais pas assez récurrents pour qu’il n’ose encore s’en inquiéter et se dire qu’il y a peut-être un problème, quelque chose chez lui qui cloche ou un signal d’alarme que son corps, son esprit tentent de lui envoyer.

Ce n’est pas la première fois que la sensation de revivre des scènes de son enfance empêche Lionel de dormir. S’il résistait au début, il n’arrive plus à combattre la vision de son père en colère et violent à son égard comme avant. L’esprit finit-il toujours par fléchir face à la réalité ? Celui de Lionel avait fini par faiblir, d’années en années. Il y a 5 ans, encore, il y avait la nouveauté, la reconstruction, le fait qu’il était occupé à jouer au sauveur de pacotille, le fait que sa famille semblait avoir besoin de lui dans une période où la banque était en péril et pour se racheter une image… Encore avant ça, il y avait eu les voyages, et quand il commençait tout juste sa carrière, il y avait la découverte de la coordination et il y avait Shérylle. Et encore aujourd’hui, ces souvenirs qui lui restent de ces longues périodes d’insouciance parviennent à le sauver quand il broie du noir. Mais, la mémoire est traitre, la mémoire vieillit. Elle éloigne ce qui auparavant illuminait nos moments sombres, disperse petit à petit certains souvenirs qui ne peuvent plus éclipser les vieilles chimères enfouies. C’était ça, qui était important, dans les voyages de Lionel, dans cette obsession d’être hyperactif en enchainant les concours : créer des rêves, créer de beaux souvenirs pour cacher les mauvais.

Tout ce que je voulais, c’était avoir la paix. C’était qu’on me laisse imaginer mon petit monde et qu’on me laisse créer. Est-ce que ça a marché ? Au début, oui. Est-ce que j’ai pu me permettre tout ça grâce à ma position privilégiée dans la société ? Oui. Est-ce que ça a vraiment comblé le vide ? Non.

Jusqu’à il y a quelques années, donc, il n’y avait jamais eu ce vide qui laissait tout le loisir à ses souvenirs et à ses pensées les plus sombres et réelles pour reprendre leur place. Pas au point de s’empêcher de dormir la nuit, en tout cas. Il n’y a pas que le comportement d’Agamemnon qui lui revient en tête et le force à regarder sa réalité la plus dure en face. « inutile », « utilisé », « n’est qu’apparences », sont des mots qui ne cessent jamais de tourner dans son esprit dès qu’il s’interroge sur la « valeur » qu’on donne à sa position, sur ce qu’il est en tant que maitre coordinateur, en tant que Milicien. Il n’est pas, un du moins, avec ce qui s’est passé récemment, il n’est plus vraiment capable de faire fi de ce qui est évident. Que même s’il peut vivre de son art, il se trouve quand même, dans les esprits et surtout dans celui de ses parents, être avant tout des sourires dociles et une présence aux discours assez lisses pour cacher le reste.

Pourtant, pour oublier tout ça, ce n’est pas comme si Lionel n’avait pas une vie occupée. Puis, apparemment, ça l’a toujours bien arrangé de se donnant cette apparence aimable en toute occasions pour cacher le reste.

Alors pourquoi, d’un coup, ça ne marche plus ? Ou alors, ce n’est pas si nouveau et je refuse juste d’être honnête. Shérylle m’avait dit quelque chose comme ça, un jour.

Personne n’est invincible ou impénétrable et il y a des moments où Lionel avait fini par laisser son « obscurité » filtrer vers l’extérieur, gâchant le joli panorama qu’il se donne tant de mal à laisser immaculé. C’est à ça que la coordination avait fini par lui servir, à faire sortir ce qu’il n’accepte pas de dire ou de visualiser autrement que par les esthétiques fantasmagoriques et imaginaires de son art. Chacun a des chimères et sans doute que sans s’en rendre compte, Lionel avait trouvé une façon bien à lui de les dompter. Sans ça, il deviendrait fou, il exploserait er ce ne serait pas beau à voir. Sans ça, il entrainerait d’autre gens avec lui dans sa chute au passage et ça, il ne peut le supporter, surtout après Shérylle. Car parfois la coordination ne suffit pas à expulser ce qu’il a dans la tête et qui le ronge.

Pour surmonter les « séances souvenirs » du passé qui lui apparaissent parfois en pleine nuit sous forme de flash sans qu’il ne leur demande rien, Lionel avait fini, passé ses 35 ans, probablement l’âge au-delà duquel il avait commencé à perdre l’envie de fuir, par chercher un autre moyen de les endormir. Un moyen plus facile, plus immédiat, plus adapté à sa propre faiblesse. Quelques verres et il était trop assommé pour faire attention aux images affolantes et aux souvenirs des coups ou des cris qui lui faisaient encore physiquement mal rien qu’à y penser. Les douleurs de la gueule de bois et de l’alcool fort bu à jeun lui semblaient désormais plus agréables, moins difficiles à surmonter. Et pour le moment, il s’en tenait là, sans réfléchir à l’addiction que cela avait fini par entrainer. Ca l’aidait à bien dormir, alors, ça ne pouvait pas être si mauvais que ça, n’est-ce pas… ?

Ce soir, après ses quelques verres, Lionel se sentait finalement céder au sommeil et son esprit était envahi par des moments partagés avec Shérylle. C’est non sans une certaine mélancolie que le quarantenaire se rappelle comme ils avaient été proches très vite, comme son existence avait été influencé par la forte personnalité de la jeune femme aux cheveux mauves et par Hécatia, son personnage de scène. Certaines rencontres permettent de changer, de se regarder en face pour trouver les fragments manquants à nos désirs du moment. Et Shérylle avait été ce genre de personne à l’époque, qui avait permis à Lionel de se révéler à lui-même au moins au niveau de la coordination, de comprendre ce qu’il voulait montrer, dire à son public, ce qu’il ne dirait jamais devant sa famille. Après Shérylle, la vie avait continué, les choses ne s’étaient pas arrêtées, bien au contraire, le jeune coordinateur était reparti de plus belle sur sa lancée en entrainant avec lui ses chimères. Mais même s’il s’était résigné à faire le chemin par lui-même sans vraiment attendre d’être de nouveau accompagné ou non un jour, Lionel avait aussi la sensation d’avoir perdu une précieuse complice. Cette perte avait été en parti sa faute et il ne préférait pas penser au fait que tant que ses problèmes le poursuivraient, il ne voulait plus se lier de trop près aux gens. Il ne voulait plus les mêler à ses problèmes de famille ou risquer de les mettre face à ses nuits remplies de mauvais rêves un peu trop réels. Heureusement que Shérylle était partie, se dit-il, parfois. Heureusement, sinon, il aurait fallu regarder la réalité en face. Et savoir qu’il pouvait penser de telles choses, que c’était en partie pour ça qu’il s’étaient éloignés, ça le rongeait aussi de l’intérieur.

Oh, oui, même si chacun avait continué sa route sans se détester, Lionel avait des regrets à l’égard de son ancienne compagne. Des regrets qu’il effaçait de la même manière que ses sales souvenirs. Ceci étant, même si elle n’était plus dans sa vie et que cela leur convenait à tous les deux, Shérylle était aussi un bon moyen de faire revenir des moments agréables dans sa mémoire. On pourrait appeler ça des moments d’insouciance. Des moments qui donnaient l’illusion à Lionel que pouvoir faire abstraction de ce qui le plonge dans la détresse est peut-être encore possible. Qu’il est toujours possible de se mentir, qu’il est toujours possible de sourire en toute circonstance, sans tomber le masque.

***


Décembre 2007
Ce soir, Shérylle s’amusait bien. Elle avait pris du bon temps, ri avec des amis et de nouvelles connaissances. Plutôt sociable et de nature confiante, la jeune femme aux cheveux colorés de mauve n’avait jamais eu trop de problèmes à se sentir bien dans ce genre de soirées, à condition d’y connaître quelques personnes en qui elle avait réellement confiance. Les choses lui semblaient simples, quand elle était bien entourée, qu’elle avait la sensation que tout le monde était content d’être là. Elle avait tendance à partir de ce principe, au risque de passer pour l’emmerdeuse de service qui fait passer son amusement avant celui des autres, mais, sa réputation de « chieuse » n’était plus vraiment à faire et ça ne l’empêchait pas de conserver des liens avec les gens qu’elle appréciait. De fil en aiguille, Shérylle avait remarqué Lionel assez tôt dans la soirée, peu après son arrivée. Ce grand type au sourire un peu débile et aux cheveux bleus mi-longs attachés en queue de cheval qui rigolait beaucoup et s’occupait de temps en temps d’aller derrière le bar pour servir des cocktails aux gens lui semblait amusant et plutôt gentil. Lorsque la Jaskoviak avait demandé ce que fabriquait « ce type là-bas », on lui avait donné des nouvelles des boissons qu’il préparait. Ça tombe bien, elle avait soif. Aussi, c’est poussée par la curiosité et l’envie de boire quelque chose de sucré et d’assez alcoolisé que jeune femme s’était dirigée vers le bar avec un sourire en coin, en se disant qu’il avait l’air plutôt sympa, « le niais qui traine au bar ».  

« Hé, bonsoir, c’est toi qui fais les cocktails, ce soir, à ce qu’y parait. »


Le ton assuré de la plus âgée détourna Lionel de sa conversation avec une autre personne. Shérylle s’excusa poliment à la troisième personne qui s’éclipsa poliment. Apparemment, ils avaient fini de parler.

« Bien vu ! Qu’est-ce que je te sers ? »

Le jeune homme s’était tourné vers elle avec un air jovial puis se plaça derrière le bar afin de s’y appuyer dans une position expectative. Son interlocutrice assoiffée n’avait visiblement pas réfléchi à la question avant de venir jusqu’à lui. Cela ne déstabilisa pas Shérylle qui haussa les épaules en pinçant un peu les lèvres tandis qu’elle s’asseyait en face du bar.

« Ce qui te passe par la tête, je suis pas très inspirée mais j’ai envie d’un truc qui soit pas pour les petites natures. »

Ce type n’avait pas l’air assez louche pour mettre la moindre chose pas claire dans son verre. Et Shérylle avait déjà côtoyé des types louches et elle n’en était pas fière.

« Oh, ça peut s’arranger. »

Répondit le jeune homme qui semblait quelques années plus jeune qu’elle, avec un air de défi un peu fier sur le visage. Il avait l’air assez sûr de lui. Entendre l’engouement dans la voix pourtant posée du bleu tira la Jaskoviak de ses pensées devenues momentanément plus pessimistes. Elle observa quelques instants son interlocuteur en train d’observer les bouteilles à sa disposition, fronçant les sourcils dans sa concentration… Il s’en donnait du mal, pour un simple cocktail. Ça amusait un Shérylle, de l’observer faire, complètement absorbé dans sa préparation. Il était si concentré qu’il ne sembla pas entendre les deux tentatives de la jeune femme qui voulait lui demander son nom. Appuyée sur le bar, elle attendit qu’on lui tende son verre pour reprendre la parole, remerciant le « barman » au passage.

« Au fait, je crois pas qu’on se soit déjà croisés ici, moi, c’est Shérylle. »


En portant son verre à ses lèvres, elle constata dès les premières gorgées que leur hôte ne s’était pas moqué d’elle : non seulement la boisson était bonne, mais en plus, elle s’était attendue à ce que ce soit au moins aussi chargé.

« Lionel, enchanté de te rencontrer, Shérylle ! »

Pendant qu’elle sirottait le contenu de son verre, Lionel en profita pour répondre à sa question. La Jaskoviak remarqua la tendance de son interlocuteur à fixer un peu les gens quand il causait et vit aussi le sourire de Lionel s’élargir encore (elle n’aurait pas cru ça possible) quand elle approuva la boisson qu’il lui avait préparé. Il avait aussi cette lumière d’enthousiasme dans le regard qui s’était mise à pétiller au même moment, devant laquelle Shérylle ne put s’empêcher de sourire en coin. Probablement que l’alcool lui montait un peu à la tête car elle commençait à le trouver un peu mignon.

« Donc, à part les cocktails tu fais quoi dans la vie, Lionel ? »

Reprit-elle avec une curiosité sincère, que son interlocuteur ne tarda pas à approuver en lui rendant la pareille, les entrainant dans une longue conversation enthousiaste.


Cela faisait bien une heure et demi qu’ils parlaient sans discontinuer de coordination. Aussitôt qu’il avait annoncé sortir depuis peu de son école de Kalos pour se destiner aux concours, Lionel avait vu Shérylle quasiment rebondir sur sa chaise pour lui parler de sa propre vocation de coordinatrice. Dans l’heure qui suivit, Lionel avait passé son temps à raconter ses années d’apprentissage à l’école, omettant bien entendu les moments moins agréables et les désaccords et critiques régulières de sa famille au sujet de la voie qu’il avait choisi. A propos de famille ils ne put cependant pas s’empêcher de passer cinq minutes sur sa nièce, Nadia, qui était née en avril et qui était vraiment trop mignonne, aussi qu’il avait une autre nièce et un autre neveu, « enfin, bref ». Il avait été surpris de se retrouver face à une interlocutrice au moins aussi bavarde que lui et intervenait avec passion pour lui parler de ses propres expériences. Shérylle avait eu une formation différente de celle du gosse de riche : elle avait fait le conservatoire d’art dramatique à Vanawi, s’était spécialisée dans la performance et la danse contemporaine, ce qui l’avait finalement amenée à mêler ses expérience à la coordination, une passion qu’elle entretenait depuis qu’elle était adolescente. En entendant le récit de sa nouvelle connaissance, Lionel avait soudainement eu l’impression de ne pas avoir appris autant de choses pendant ses années à Kalos et s’était senti un peu ignare devant l’assurance qui émanait de la jeune femme aux cheveux mauves, cela malgré les distinctions qu’il avait pu gagner ces dernières années. Aussi, Lionel continua de demander des détails à Shérylle sur ce qui l’avait conduite à son actuelle vocation, inspiré par ses récits qui lui donnaient envie d’aller s’entrainer sur-le-champ.

Puis, vint le moment où le nom de « Mysteria » franchit les lèvres du jeune coordinateur et le visage de son interlocutrice s’illumina. Ils se mirent alors à digresser comme les plus gros fanzouzes immatures sur le style de cette coordinatrice britannique insolite et considérée comme un peu « underground » par les critiques malgré son expérience dans le milieu. Oh, il y avait bien d’autres coordinateurs que Lionel admirait, comme Reginald King et ses performances à l’esthétique baroque et mystérieuse ou encore la fameuse Funky Specter avec son humour décalé et la grande complicité qu’elle partage avec ses alliés Pokémon. Mais il plaçait tout de même Mysteria bien au-dessus de tous les autres… elle était spéciale à ses yeux et le jeune homme en était un fanboy totalement assumé. Lionel trouvait ses combinaisons sombres et ses performances tournant souvent vers des ambiances lugubres ou glauques tout à fait fascinantes et lui et Shérylle passèrent un bon quart d’heure à louer l’aisance apparente de la coordinatrice pour instaurer brillamment des ambiances sur le terrain, tout en restant dans l’action en permanence. Il ne s’ennuyait jamais devant les spectacles que Mystéria donnait un peu partout et il rêvait de la rencontrer un jour dans un Hall ou un amphithéâtre.

« …Même si, je n’oserais probablement jamais la défier car je serais trop occupé à m’évanouir écrasé sous son charisme, hahaha ! »

A 24 ans, 25 dans quelques semaines, Lionel riait déjà ses propres blagues. L’alcool facilitant grandement les choses, Shérylle avait ri de bon cœur également. Depuis le début de leur conversation, le jeune homme l’avait déjà fait pouffer plusieurs fois : avec son recours presque maladif à l’auto-dérision et aux plaisanteries bon enfant, il était difficile que l’une telle ne finisse pas par faire mouche.

« …D’autant plus que je sors tout juste de l’école et je n’ai encore jamais fait de vrai concours en dehors de ceux arrangés par mon ancien établissement ! »

Tandis qu’il prenait une autre gorgée, pour camoufler un peu sa honte, le jeune homme eux cheveux bleus entendit Shérylle s’étouffer un instant dans son cocktail alcoolisé. Elle écarquilla les yeux en l’inspectant, incrédule.

« Qu-que, quoi ?! Mon gars, il faut t’y mettre ! Maintenant ! »

En voyant la jeune femme à moitié hilare quand elle prononçait ses mots, Lionel comprit sans mal qu’elle plaisantait mais il crispa quand même un peu les épaules, quelque peu embarrassé.

« Quoi, c’est vrai je… Je n’ai pas encore peaufiné assez mon entrainement, c’est loin d’être parfait ! »

Il vit la performeuse lever les yeux au ciel en reposant son verre sur le bar.

« Ah, un perfectionniste. »


Déclara-t-elle avec son éternel sourire en coin qui lui donnait cette illusion à Lionel qu’elle ne devait jamais douter d’elle. En même temps, c’est l’impression que Sherylle voulait donner aux gens, et ça marchait. Ça marchait avec Lionel, en tout cas, qui avait déjà tendance à se fier aux apparences. Il haussa les épaules avec un petit sourire narquois, l’air de dire « eh bah oui, c’est comme ça, je suis un peu nul ». En face de lui, Shérylle se pencha vers l’avant, lui intimant d’un geste de la main de se rapprocher. Lionel se souvient bien avoir fixé son regard sur les bagues qu’elle portait ce soir-là. Shérylle a toujours adoré les bijoux aux formes originales, les blagues entourant ses doigts en forme de spirales multicolores, ou des bracelets d’argent minus de chaines qui teintaient lorsqu’elle bougeait… Lionel s’en souviendra toujours bien, car ces bijoux mettaient en valeurs les mains de la coordinatrice, qu’il a toujours trouvées très expressives. Il se rapprocha donc à la demande de la plus âgée, comme celle-ci semblait vouloir lui faire une confidence.

« Si tu attends que tes performances soient parfaites, on se croisera jamais sur le terrain ! »

Lionel ne sut pas si elle plaisantait où était tout à fait sérieuse. Après tout, pourquoi pas, il fallait bien se jeter à l’eau un jour ou l’autre et si cela pouvait lui donner l’occasion de revoir la coordinatrice passionnée que Shérylle donnait l’impression d’être, découvrir par la même occasion comment elle se débrouillait en amphithéâtre… oui, cela pouvait être intéressant. Inspiré et motivé par les paroles de la mauve (et quelque peu éméché aussi), il prit son verre et son sourire naïf devint un rictus de défi plus appuyé, le montrant prêt à relever le challenge.

« Eh bien, buvons à ça, alors ! A nos futures performances ! »

Et à cette « promesse » un peu enfantine faite silencieusement entre les deux jeunes adultes déjà bien bourrés qui se remirent à glousser bêtement tandis qu’ils trinquaient.

« Et que notre talent atteigne les nuées ! »

Avait renchérit Shérylle en se levant de sa chaise et en portant son verre au bout de son bras tendu, dans une attitude exagérément dramatique. Pris dans le feu de l’action et ce petit jeu un peu niais de rookies coordinateurs, le Roque-Lartigue l’imita et se redressa. Leur manège attirait l’attention des autres invités, amusés par leurs facéties, mais concentré qu’ils avaient été depuis plus d’une heure dans leurs causeries, ils ne le remarquèrent guère.

« Les nuées… même celles où se trouvent Mystéria ? »

Demanda Lionel en feignant un air candide. Avec un sourire carnassier, Shérylle se rapprocha et plissa les yeux, peu impressionné par le challenge.

« Tss… encore plus haut que ça ! »

Encore une fois, le bleu ouvrit la bouche pour former une expression faussement outrée.

« Ohlala, blasphèèèème ! »


Cria-t-il dans la salle, puis ils trinquèrent une nouvelle fois et avalèrent le reste du contenu de leur verre cul sec, sous les « woooooou » des autres invités. Inutile de dire qu’à ce rythme-là, la gueule de bois du lendemain fut sévère. Pourtant, est-ce qu’ils regrettaient ? Pas le moins du monde. Après tout, ils étaient jeunes, inspirés, gosses de riches… on peut dire qu’ils avaient la chance d’avoir la santé et la vie devant eux et de ne pas se poser trop de questions sur l’avenir. C’était bien pratique.

***


Avril 2008
Un 11. La note qui signifie « tu as essayé » et pas dans le sens encourageant. Ces temps-ci, je commence à me dire que Papa et Maman n’ont pas tord au sujet de ma vocation…

Lionel ruminait devant l’amphithéâtre de Vanawi, assis sur un banc. Ses premières apparitions dans les amphithéâtres enolians n’avait pas été à la hauteur de ses espérances. Enfin, la première fois, en février, n’était pas si mal, elle le lui avait valu un 15 et Lionel avait pris la confiance, puis persévéré dans avec le même genre de performance pour ses tentatives suivantes. Et les résultats n’avaient pas été couronnées d’autant de succès, car ses résultats avaient dès lors été de plus en plus mitigés et médiocres.

Mais ce n’est pas un « pas si mal », que je veux, moi ! C’est pas comme ça que je pourrais rencontrer Mystéria un jour !

…Ni espérer égaler le talent de Shérylle pour être pour elle un adversaire signe de ce nom, d’ailleurs. Celle-ci inspirait à rejoindre l’Elite de la Compétition Enolianne et avait déjà récolté quelques rubans en quelques mois. Elle était vraiment douée et Lionel n’était manifestement pas le seul à le penser. Aujourd’hui, ils s’étaient retrouvés à Vanawi dans le même groupe de challengers du jour. Shérylle avait passé la première ronde avec une facilité déconcertante et pour sa part… bon, il s’était ramassé, pour être tout à fait franc. Accompagnée de sa Rafflésia, la Jaskoviak avait produit une très belle performance. Ce n’est pas la première fois qu’ils avaient pu voir l’autre en action sur le terrain, depuis les deux mois qu’ils se voyaient pour trainer ensemble, parler coordination et à de plus rares occasions, s’entrainer pour leurs performances. Cependant, chacun d’entre eux préférait se préparer dans son coin. Pour revenir à la performance de son amie, enfin, d’ « Hecatia », du nom de scène que Shérylle employait, Lionel n’en avait pas raté une miette. Son amie était parvenue grâce aux vapeurs toxiques créées pas sa partenaire, à couvrir la scène de nuages sombres dont les toxines avaient été purgées, devant lesquels s’étaient éparpillés des spores étoilés. Les deux amies avaient livré une danse dans cette ambiance galactique artificielle, les volutes de spores et leurs tenues sombres, se fondant dans le décor donnant l’illusion qu’elles flottaient au milieu de cet univers. Tout s’était terminé lorsque Enma, la Rafflésia de Shérylle, avait fait apparaître des astres au milieu des constellations de spores en utilisant une combinaison de Rayon-Lune et de Spore-coton. Les astres s’étaient rencontrés et toutes les spores avaient exploré dans une sorte de big-bang végétal, intensifiant les nuages « toxiques ». Lorsque que ces derniers s’étaient dissipés, Shérylle et Enma avaient disparues. Quand à son match contre le champion local, la coordinatrice avait livré un très beau combats, aux côtés de Hel, sa Luxio, cette fois-ci. L’Empiflor de son adversaire lui avait donné du fil à retordre mais grâce à un bon sens de l’improvisation et à des combinaisons inattendues prouvant qu’elle et Hel connaissaient leurs possibilités sur le bout des doigts pour s’être intensément entrainés… et ça avait payé, comme en ce moment même, la jeune femme au cheveux mauves devait récupérer son ruban Doré.

En se remémorant les temps forts de cette après-midi de performances et de matchs de coordination, Lionel patientait assis sur son banc et s’attendait à voir ressortir son amie d’un moment à l’autre. Cela lui convenait bien d’observer les un.e.s et les autres sur le terrain pour le moment, car il avait toujours été très bon observateur et c’était sa meilleure manière d’apprendre… Mais, quand même, il aimerait avoir des « preuves » de ses progrès avec le temps qu’il passait à s’entrainer.

…Ou alors, je fais peut-être fausse route… ? Hm…

« Oups, sortir était plus long que prévu avec tout ce monde ! »

Comme il s’était replongé dans ses pensées, il fut surpris par l’irruption de Shérylle dans son champ de vision. La jeune femme n’était pas encore très spontanée avec la tendance à Lionel à se concentrer sur ses pensées et à avoir du mal à reconnecter quand on l’en distrayait brusquement. Elle avait aussi tendance à être un peu collante et parfois Lionel n’avait pas le cœur à se décaler quand elle venait s’asseoir trop près et sans prévenir à l’avance. Dans la mesure ou le jeune coordinateur ressentait une certaine irritation quelque que soit la personne qui ne respectait pas totalement son espace vital, il avait pris l’habitude de ne plus rien dire… Ceci étant, c’est un malaise que Shérylle pouvait ressentir sans qu’il ne le verbalise… quelque fois.

« J’ai causé avec Ricky en sortant de l’amphi, il avait l’air sympa mais c’est un gros lourd ! Il a pas arrêté de chercher à gratter mon numéro pour m’inviter au restau. »

Encore un peu abasourdi par le retour en fanfare de son amie, Lionel mit un peu de temps à réagir, et c’est ce qui fit comprendre à la Jaskoviak de lui laisser un peu d’air. C’est vrai que dans son enthousiasme et son besoin de ventiler, elle avait un peu oublié le reste et se mit un peu en retrait, laissant le temps au plus jeune de réagir. Elle se sentait un peu bête, d’un coup, à déblatérer sur des choses aussi futiles… quoique, non, pas su futile, l’autre imbécile avait été vraiment insistant et… Bref. Celui-ci cligna des yeux et avait froncé les sourcils en apprenant pour la mésaventure de Shérylle avec le champion. En pinçant les lèvres, surveillant l’entrée au cas où le fameux « Ricky » sortait à son tour, le Roque-Lartigue (ou plutôt son estomac car les concours, ça creuse) s’interrogeait :

« Quel restaurant ? »

Shérylle ne put s’empêcher de glousser nerveusement sur les priorités de son pote le gros richard. Ce n’est pas nouveau que le Roque-Lartigue est un goinfre qui pense avec son estomac plus qu’autre chose.

« Ah… Hm. L’Arrimage, le restau du port. »

Répondit la jeune femme en faisant la moue, encore agacée qu’elle était d’avoir dû subir le comportement franchement désagréable d’un champion qui aime apparemment à profiter de son influence.

« Ah… non seulement il est malpoli mais en plus il a mauvais gout ! »


« Malpoli » était un peu léger comme mot, pour parler du comportement du champion coordinateur. Shérylle leva les yeux au ciel devant l’insouciance de Lionel. Toutefois, elle ne put retenir un léger gloussement, mi-moqueuse, mi-amusée. Elle s’installa finalement sur le banc à côté de Lionel et soupira d’aise en étirant ses bras, bien contente de se détendre finalement. Un ange passa jusqu’à ce que Lionel range son telephone sur lequel il jouait, puis un sourire sincère passa sur son visage.

« Oh, au fait, félicitations ! Déjà le troisième ruban, hein ! »


Car il n’avait pas encore pu applaudir Shérylle, il lui fit un petit banc et la coordinatrice mima un salut obséquieux en faisant tournoyer sa main de son visage à la hauteur de son buste, s’inclinant légèrement au passage. Fière comme un paon, elle se redressa et reposa un de ses bras sur le dossier du banc et bomba le torse en souriant de toutes ses dents.

« Héhé. Je pensais pas l’avoir, celui-là, je t’avoue, le jury était sévère, ce soir ! »

Oh, alors ça t’arrives, de douter ?

Avait envie de demander Lionel, sans aucune ironie, bien qu’il avait toujours envié l’assurance apparente de son amie. Il avait beau être fraichement diplômé d’une école fameuse, il avait pu découvrir ces derniers mois que l’endroit où on a étudié ne fait pas tout, contrairement à ce que lui avaient rabâché ses parents. Le parcours de Shérylle était certainement moins « régulier » ou même « prestigieux », mais Lionel voyait bien que les années d’expérimentation de Shérylle lui avait permis de développer sa personnalité et son style avant toute chose, plutôt que se tenir à une « formule gagnante ».

« Et toi alors, mon grand, faudrait t’y mettre ! »

Son amie interrompit le cours de ses pensées avec des paroles encourageantes. Lionel sourit en coin et acquiesca d’un mouvement de tête, avant de repartir dans ses tergiversations. C’était tout ce qui avait compté aux yeux de sa famille, quand ils l’avaient envoyé à Kalos, qu’il apprenne une « méthode gagnante » pour briller dans les amphithéâtres et surtout dans le monde du show buisness. Oh, ça, Lionel avait bien appris. Il est doué pour apprendre, quand le sujet l’intéresse. Mais en rencontrant Shérylle, il avait compris qu’il manquait quelque chose à ses performances, qui étaient parfaites pour ce qui était attendu de lui durant ses études, mais… désormais, il était dans le grand bain et s’en tenir à ce qu’on lui avait appris ne suffirait pas pour réaliser ses rêves…

En même temps, c’est probablement un peu débile comme rêve de vouloir être parmi les meilleurs pour me mesurer à mes idoles, non ? Enfin, ce n’est pas Shérylle qui me critiquerait sur ça, mais elle, elle fait surtout ça pour faire vivre son art et rien d’autre. C’est pour cela que je ne suis pas encre de taille, je crois !

« Quand bien même je me serais mieux débrouillé, je ne t’arrivais pas à la cheville ce soir ! »


Shérylle leva les yeux au ciel. Ils n’avaient pas exactement ce qu’on pouvait appeler une « rivalité ». Ou alors c’en était une très amicale car il n’y avait pas de compétition réelle entre les deux coordinateurs. Jamais il ne s’agissait de chercher à voir absolument qui était le meilleur et qui marquerait le plus de points, mais de progresser ensemble. Ils s’encourageaient mutuellement la plupart du temps en se donnant des conseils, en se taquinant parfois comme Shérylle s’apprêtait à le faire. Elle s’y autorisait car ce n’était pas la première fois que Lionel lui faisait ce genre de scène, car même si ce n’était pas leur délire de se comparer, le bleu se sentait un peu largué.

« Lionel, Lionel, Lionel… »

Répéta-t-elle dans un soupire dramatique, les yeux vers le ciel, en s’affaissant sur le banc.

Quoi, mais qu’est-ce que j’ai encore fait ?

Lionel se mit à rire, sachant très bien qu’un sermon l’attendait. En réalité, ce n’est pas ce qui le gênait vraiment, comme il aimait bien se faire sermonner par Shérylle. Il savait très bien que c’était sa manière à elle de l’encourager et de lui donner des conseils. Plus ça va, plus il appréciait et attendait ces moments de complicité qu’ils partageaient après les concours. C’était leur amusement à eux deux. Il se sentait bien avec la mauve, il se sentait soutenu, estimé et cela lui faisait toujours plaisir de lui rendre la pareille, il ne demandait pas grand-chose de plus. Lionel aimait voir l’étincelle joueuse s’embraser dans les iris noirs de son amie et l’entendre se lancer avec passion dans ses grands discours. Depuis peu, aussi, il pouvait sentir son cœur se serrer agréablement quand Shérylle soutenait intensément son regard en tandis qu’elle s’emballait.

« Des étoiles multicolores, vraiment ? »

En forçant un air désolé, la plus âgée posa une main sur son cœur, feignant le choc de la fashionista qui aurait surpris un mauvais agencement de couleurs.

« Quoi, c’est bien les étoiles multicolores ! »

Se défendit-il en se tortillant comme un adolescent en plein caprice, prêt à défendre sa performance. Il s’en défendit en redécrivant le processus qui l’avait conduit à ce qu’il avait produit quelques heures plus tôt sur scène. Draupnir, son Tenefix, avait été son partenaire dans ce spectacle d’étoiles multicolores. Draupnir avait perfectionné sa capacité Onde Folie pour créer des nuées étoilées qui avaient parcouru les nues de l’amphithéâtre tel un banc de comètes de toutes les couleurs, tandis que le coordinateur et son partenaire de type ténèbres exécutaient une chorégraphie, enbellis eux aussi par des halos étoilés. Dans la tête de Lionel, c’était assez abouti, mais les retours des juges avaient été sévères, d’autant plus qu’il avait déjà donné un spectacle semblable avec Damoclès, sa Dardargnan, il y a quelques semaines. On lui avait reproché de ne pas se renouveler et de rester très « sage » dans ce qu’il créait avec ses alliés. Lionel ne mentira pas sur le fait qu’il avait été très refroidi sur le coup puis avait fait la tronche en voyant sa note. Mais après avoir réfléchi quelques heures, il n’arrivait pas vraiment à donner tord aux juges.

« Peut-être que ce n’était pas très nouveau, mais il n’y avait rien à dire que l’exécution de Draupnir ! Il a été génial et j’avais aussi envie qu’il puisse exploiter son type spectre dans une performance qui ne soit pas forcément sombre ! Enfin, tu vois, les trucs sombres, ce n’est pas mon truc, enfin, ce n’est pas ce que les gens attendent de moi en me voyant ! »

Shérylle pencha la tête sur le côté en l’écoutant s’embrouiller dans ses propres arguments, se forçant à surjouer son rôle de « mais je suis pas quelqu’un de négatif, je veux exulter l’énergie positive, car ce n’est pas du tout moi d’être pessimiste, d’ailleurs, m’a vie n’a été que lumière et mes études hautes en couleur, alors c’est pour ça que je… », et blablabla… La Jaskoviak roula des yeux, lui adressant un rictus indulgent mais blasé, et petit à petit, Lionel réduit son débit de parole pour redevenir plus calme et cesser de sauver les apparences. Il se connaissent depuis assez longtemps avec Shérylle pour qu’elle ne soit pas dupe.

…Bon, d’accord… En plus Shérylle le sait, que je suis fan de Castlevania, que je lis Edgar Poe, Beaudelaire, Mary Shelley et Byron en boucle en cachette depuis que je suis adolescent, que j’aime les anime avec des magical girls, que j’écoute trop de musique classique et d’opéras en regardant la nuit tomber ou les orages… d’accord, je suis une caricature d’ado edgy fan de fantastique ! C’est pas nouveau, mais c’est un secret, ok ?!

« Deux… trois mois que nous nous connaissons et que nous évoluons ensemble dans le monde de la coordination et je continue de me demander… Où sont les opéras ? Quand joueras-tu du piano debout sur tes patins tout en faisant de l’escrime ? Où est ta passion pour les créatures des romans gothiques ? Où est Mystéria ? »

Shérylle a toujours eu une grande passion pour ce genre d’envolée volontairement exagérément dramatique. Il y avait toujours beaucoup d’auto-dérision dans le ton qu’elle employait et l’exagération de ses gestes mais Lionel parvenait quand même à y distinguer une grande part de sincérité. Mais pour le moment, monsieur aussi jouait la comédie et faisait semblant de faire boudinette. Il avait vraiment envie de serrer Shérylle dans ses bras aussi, mais le jeu et le débat passait en premier, dans l’absolu. Cela rendait leur « réconciliation » (car il n’y avait pas de réel « conflit », ou alors celui-ci était totalement inoffensif) gratifiante pour tous les deux et cela avait aussi la capacité d’améliorer leur confiance en eux et l’un envers l’autre.

« Je ne crois pas que ma performance aurait été meilleure simplement si j’avais demandé à faire jouer un CD d’opéra… Ça n’aurait pas collé. »

Argumenta-t-il en espérant avoir quand même le dernier mort, car il retirait quand même une certaine fierté de ce qu’il avait préparé avec Draupnir. Ce n’était pas totalement à jeter, après tout, il s’agit d’une étape de sa carrière de coordinateur.

« Non, mais tu vois ce que je veux dire ! »


Oui, oui, je sais bien. Je n’ai pas encore trouvé mon style, voila tout. Du moins, pas en dehors de ce que j’ai appris à Kalos. Et après tout, Shérylle a pu s’essayer depuis plus longtemps que moi, c’est normal qu’elle s’épanouisse après plusieurs années de recherche.


« Tes performances ne te ressemblent pas… il est là le problème ! »

Roooooh ! Mais-euuuh !


Lionel gonfla les joues et grommela un peu de manière ridicule sur ces derniers propos. Ce n’est pas qu’il n’était pas d’accord, en soi, il admettait lui-même qu’il cherchait encore à bien prendre ses marques pour mieux laisser sa marque (huhu).

« Mais, euh ! Ce n’est pas si facile ! »


« Pas si facile », mais dans sa situation, il avait tout de même tout le loisir de prendre son temps sans galérer, contrairement à d’autres. La plus âgée cessa ses taquineries. Son sourire devint plus indulgent et sincère tandis qu’ils se levaient pour aller se dégourdir les jambes. Compatissante, la coordinatrice lança un clin d’œil au bleu, qui gloussa bêtement et arrêta de faire boudinette d’un instant à l’autre. Il lui sembla même qu’il avait un peu rougi au passage.

« Je n’ai jamais dit que c’était facile. »

Lui confia-t-elle à mi-voix, tout à fait sérieuse cette fois-ci, admettant implicitement qu’elle galérait tout autant que lui. Comme Lionel avait retrouvé son sourire niais que la coordinatrice commençait à trouver adorable (sans toujours assumer à 100%, car il avait l’air vraiment débile, des fois), surtout après un concours fatigant. Shérylle se mit à rire bêtement, contaminant rapidement son ami avec son hilarité. Avec un rictus en coin aux allures presque mesquines, elle se rapprocha doucement du Roque-Lartigue pour ne pas le surprendre cette fois-ci puis s’agrippa en douceur à son bras en posant un instant son menton contre l’épaule de son ami.

« Tu m’emmène à l’Arrimage ? »


Demanda-t-elle en battant des cils, sachant très bien quel genre de réaction allergique Lionel avait à la simple évocation de ce restaurant. La grimace faussement outrée et dégoutée du jeune homme ne se fit pas attendre.

« Ah, non, hein ! Tu as vu comme ils préparent les fruits de mer, ces barbares ? »
« Je savais que tu dirais ça ! »


En pouffant à nouveau, le bleu roula des yeux en voyant l’hilarité renouvelée de son amie aux cheveux mauves. Dans tous les cas, son ventre gargouillait et il avait quand même bien envie de s’arrêter quelque part pour se sustenter après cet après-midi de concours.

« Hm, mais… s’il faut qu’on mange quelque part… Je préfère encore qu’on prenne un cornet de frittes à déguster sur la plage ! Ça a tout de même plus de classe ! »

Rien que d’y penser, il salivait déjà et déglutit en imaginant le gout savoureux du sel et de la graisse étanchant sa faim. Soupirant tel un adolescent transi d’une icône de la K-Pop (sauf que lui pensait plutôt à de la sauce brazil), Lionel regarda Shérylle pour avoir son approbation. Cette dernière avait été surprise de la proposition, visiblement. Le regard qu’ils échangèrent alors dura un peu trop longtemps pour ne pas être lourd de sens et chargé de choses qu’ils n’osaient pas encore se dire. Un peu intimidé, Lionel baissa les yeux et gloussa bêtement.

« Enfin, si tu veux bien, hein… »


Il sentit la main de son amie serrer doucement son bras et passer sous la forme d’une caresse réconfortante sur son épaule. Son éternelle expression malicieuse sur le visage et sourire carnassier à l’appui, la Jaskoviak se remit à renchérir.

« Oh, oui. Ça aura beaucoup de classe que quand tu te plaindras d’avoir les doigts tous gluants de sauce et de gras, Régis la fritte. »

Tandis que Lionel argumentait à voix haute et de manière un peu pathétique sur cette histoire de mains grasses, Shérylle l’observait s’enliser dans ses « réparties » (si on pouvait les nommer ainsi) et sourire comme un idiot une fois qu’il avait terminé. Elle sentit ses joues se réchauffer et ce n’était pas le soleil du printemps qui tapait déjà. Ce n’était pas la première fois et Lionel semblait totalement étranger aux signes que tentait de lui envoyer la Jaskoviak depuis quelques semaines. Mais cela n’avait pas l’air de le déranger non plus, vu comme il ricanait bêtement avec des « mais pourquoi tu me regardes comme ça-euuuuh ?! » infantiles. Il restait plutôt déconnecté de manière générale et était en permanence à côté de la plaque quand on lui faisait des avances, alors que Lionel peut pourtant être d’humeur joueuse et flirter sans trop s’en rendre compte, mais après tout… Pour le moment, Shérylle pouvait attendre.

***


Juillet 2008
Il leur avait fallu du temps pour trouver le bon moment pour finalement organiser ce week-end ensemble à Amanil. Si les deux espéraient que ce serait l’occasion d’enfin se confesser l’un à l’autre, Shérylle avait l’impression qu’il avait fallu des semaines pour faire comprendre que « on devrait partir quelque part juste tous les deux » ne signifiait pas juste d’aller manger des frittes sur la plage (car ça semblait être le top du rendez-vous romantique pour Lionel, visiblement et elle n’avait aucun problème avec ça, mais, ça manquait d’intimité et de dramatisme à son goût). Bien entendu, il y avait aussi les concours, leurs entrainements respectifs et le fait que Shérylle préparait son passage au conseil, qui avait fait qu’ils s’étaient moins vus ces derniers temps. Mais ce week-end allait être une pause, une coupure agréable pour eux, qu’ils espéraient être une occasion pour se rapprocher comme ils l’espèrent depuis des mois.

Arrivés le matin même, les deux marchaient à travers le centre-ville de la capitale, avaient passé la grand place en admirant tel des touristes l’architecture et le soin apporté à ces espaces anciens bien conservés. Tandis qu’ils progressaient vers un parc non loin du quartiers des affaires, Lionel avait senti l’épaule de Shérylle se rapprocher de la sienne jusqu’à se toucher, réduisant la distance entre eux tandis qu’ils marchaient au milieu des platebande fleuries. Comme il était encre l’heure du déjeuner, les environs étaient calmes et les passants plutôt rares dans le grand espace vert. Le contact de la mauve le fit soupirer d’aise et il fit volte-face vers son amie pour que leurs regards se croisent et autoriser avec un sourire signifiant son amie à prendre son bras. Du silence qui s’étendit les secondes suivante naquit une agréable tension réchauffant les deux jeunes adultes. Shérylle fut la première à interrompre la quiétude de leur promenade tandis qu’ils arrivaient à la hauteur d’un belvédère, soupirant pour se détendre au passage. Elle qui était d’apparence si confiante, elle n’était pas la meilleure pour cacher ses rougissements et n’était pas vraiment subtile dans ses gestes, pour ce qui est de témoigner son attirance. Le fait que Lionel reste tout sourire et semblait comprendre une fois sur 3 même avec les sous-entendus les plus grossiers n’aidaient pas la Jaskoviak qui n’arrivait plus vraiment à avoir l’air aussi assurée que d’habitude. Arrivés dans une partie plus déserte du parc, qui leur donnait une bonne vue sur le jardin public, Shérylle s’adossa sur un des balcons du belveder, non sans avoir l’air un peu tendue. Défiant un instant le regard ambré du bleu qui s’accouda à son tour sans la quitter des yeux, la mauve sentit ses oreilles se réchauffer et la contraindre à regarder ailleurs, momentanément intimidée par l’effet que produisait son ami sur elle. Dire qu’elle voulait être directe, la voila qui changeait de sujet, elle se serait mis une claque pour noyer ainsi le poisson.

« Ils ont des beaux parcs aussi à Amanil… bon ça ne vaut pas le jardin botanique de Baguin, mais… »

Finit-elle par dire, en regardant le beau panorama fleuri que leur offrait leur position dans le parc. Lionel n’avait pas quitté des yeux la coordinatrice pour sa part, pensant en souriant bêtement qu’il n’y avait pas que les jardins qu’il trouvait mémérisants à observer, à Amanil comme à Baguin.

« Je ne peux pas te reprocher d’être chauvine, comme c’est vrai. »

Depuis le début de leur promenade, les deux n’avaient pas arrêter de glousser bêtement et de s’envoyer des sourires mièvres. Ce devait être fort gênant à observer pour le reste des passants, mais ceux-là étaient momentanément absents, laissant les jeunes gens seuls à flirter sous leur belveder.

« Tu sais, tu n’es pas toujours obligé d’être d’accord avec moi ! »

Shérylle avait répondu en replaçant ses cheveux vers l'arrière d’un geste dramatique. Toute sourire et contente de son effet sur l’autre qui balbutia un instant en s’empourprant avant de répondre.

« Oh, mais, c’est vrai qu’il est beau, votre jardin botanique. »

Pas que le jardin botanique.

Pensa-t-il comme un gros beauf en laissant son regard glisser sur sa vis-à-vis, se sentant comme chanceux d’être en la présence de Shérylle en ce moment, et de partager ce moment d’intimité.

« Il est très romantique ! »


Ajouta-t-il très peu subtilement avec un clin d’œil. Il se courba un peu, toujours appuyé sur le balcon, pour se rapprocher de son interlocutrice. Il retrouva dans le regard de la mauve l’étincelle malicieuse qu’il aimait tant voir s’illuminer lorsqu’elle se laissait entrainer dans leurs jeux un peu débiles. Après un bref silence, Lionel osa finalement poser sa main sur celle de son amie et eut la joie de la voir se détendre en soupirant d’aise juste avant qu’elle ne se penche à son tour pour reposer son front sur l’épaule du coordinateur.

« …Oh, ça, ça dépend d’avec qui on s’y promène. »

Shérylle leva les yeux vers Lionel, très peu subtile elle aussi tandis qu’elle emmêlait ses doigts avec ceux du bleu. Fixant longuement les iris de l’autre, ils n’avaient plus grand-chose d’autre en tête qu’embrasser l’autre dans les secondes qui allaient suivre. Pour cela, la Jaskoviak ne résista pas à interrompre son ami quand il se remit à extrapoler sur le sens de ses mots, comme si cela n’était pas encore assez clair.

« Au sens littéral du terme, je veux dire ! C’est que le jardin botanique est tellement idyllique qu’on le croirait sorti d’un livre et… »

Lionel fut interrompu lorsque Shérylle passa un bras autour de son cou puis posa ses lèvres sur les siennes avec le même enthousiasme qu’il avait remarqué chez elle lors de leur première rencontre. Bien qu’étourdi sur le moment, le Roque-Lartigue se détendit dans la seconde. Il fit glisser ses mains puis ses bras autour du buste de la mauve afin de l’attirer contre lui et embrasser à son tour ses lèvres, assez maladroitement sous le coup de la surprise, mais amplement satisfait de la tournure des évènements. Le bleu eut l’impression de traverser un agréable vertige lorsqu’ils se détachèrent. Il soupira brièvement en refermant les yeux et comme ils étaient seuls, il continua de déposer d’autres baisers plus légers sur la joue et le cou de Shérylle qui s’était mise à rire doucement en découvrant son ami bien plus câlin qu’elle ne l’aurait cru. Ce n’est pas que Lionel n’était pas tactile, mais elle avait remarqué qu’il n’aimait pas être touché par surprise ou sans qu’on le lui demande. Cette limite clairement franchie, il pouvait devenir plus spontané, mais jusqu’à maintenant, la mauve n’aurait pas imaginé qu'il aimait ça à ce point. Shérylle n’allait pas s’en plaindre, surtout avec les sourires ravis que lui offrait Lionel et son émoi évident. Réchauffée par leur proximité et traversée elle aussi, de son sternum au bas ventre, par d’agréables fourmillements, elle laissa le coordinateur continuer de l’enlacer, se lovant contre lui en passant une main dans les cheveux bleus de son compagnon.

« Ça aussi, tu préférerais que ce soit dans un livre ? »

Déclara-t-elle d’humeur taquine, à mi-voix, tentant de calmer les battements affolés de son cœur par sa plaisanterie qu’elle trouva la seconde d’après complètement pourrie et lourdingue. Si elle avait su, elle aurait essayé de trouvé quelque chose de mieux, de plus dramatique ou classieux. Shérylle s’empourpra dans son embarras et se sentait tout d’un coup comme la dernières des midinettes puritaines qui se met dans tous ses états après une simple embrassade.

« Euh… non… alors, là, pas du tout, haha ! »

Mais au moins, la Jaskoviak n’était pas la seule à avoir l’air complètement conne, on dirait. Elle n’avait probablement jamais vu son ami ressembler autant à une tomate pour ce qui est de son teint et cette vue leur déclencha un fou-rire partagé. Oh, ils s’amusaient bien, tous les deux, depuis le moment de leur rencontre. Et ils comptaient bien en profiter tant qu’ils le pouvaient. C’est vrai qu’au départ, ils n’attendaient pas grand-chose d’autre de leur relation que de l’amusement et de passer du bon temps ensemble. Ce moment et ces derniers semaines leur avait néanmoins réaliser qu’avaient fini par venir, avec leurs délires et derrière leurs scènes dramatiques mièvres, des sentiments et une réellement appréciation pour ce qu’était l’autre, au-delà des apparences.

Tandis que les deux coordinateurs profitaient de la quiétude du belveder pour s’embrasser à nouveau et passèrent les heures qui suivirent à se balader bras-dessus-bras-dessous avec toute l’insouciance dont deux jeunes amoureux débiles sont capables, des coups de feu retentissaient aux alentours et dans les murs de la Grande Maison. Ils n’en savaient rien alors et n’en prirent connaissance qu’une fois que Shérylle reçut un appel de son père paniqué du fait qu’elle était à Amanil, mais quelque heures plus tard, l’étendard blanc du Régime décorait la demeure de la Présidence. Oh, Lionel et Shérylle y survivraient, après tout, leurs milieux sociaux respectifs allaient leur permettre de continuer à vivre dans l’insouciance pour encore de longues années. Contrairement à d’autres, de nombreux choix s’offriront toujours à eux. Le choix d’affronter la réalité en face ou de ne pas regarder, et d’oublier en continuant à vivre sa vie. Pour Lionel, le choix était, le jour même, déjà fait.
Année 2024 // Année 2008
Lionel Roque-Lartigue
Lionel Roque-Lartigue
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Mer 20 Mar 2019 - 22:45
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