Quoi de neuf sur l'île d'Enola ?

Période en cours
Printemps 2025

~22 - 28° / Températures en hausse et grand soleil !

Intrigues et Events
Intrigue n°3 : « Ferveur »
L'Elu auto-proclamé des Monarchistes fait son entrée ! La Compétition, Elixir et le Gouvernement sont en crise et les Anarchistes demandent la démission du Chef du Conseil.
Mini event n°1 : Panique à Vanawi !
Un blocus Anarchiste est en cours à Vanawi, sous surveillance des forces de l'ordre.

Missions et Défis
Un guide dans les ruines (mission)
Faites découvrir les ruines du Titak !
La comète (défi)
Découvrez un mystérieux astéroïde.

Demandes de RPs et liens
Cendrée
cherche un.e partenaire pour un RP ou un défi.
Arthur, Zelda et Bartholomew
sont dispo pour de nouveaux RPs !
Pseudo
cherche ...
Pseudo
cherche ...
+ pour afficher vos demandes, contactez le staff !



Le Deal du moment : -34%
-34% LG OLED55B3 – TV OLED 4K 55″ 2023 ...
Voir le deal
919 €

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
(Août 2018) Crimes et chat-qui-ment (OS)
Alexander Nagel-Jung
Crimes et chat-qui-ment.

13 août 2018, Palais de Justice de Baguin.

/!/ TW : évocation d'abus mental, de manipulation et de dépression. Comme d’habitude avec Alex, j'essaie de faire en sorte que ce soit lisible part tous, mais on est jamais trop prudents. Par ailleurs, les dialogues en allemands seront en italique. /!/

Cela fait bien deux heures que ça dure. Je ne sais même pas pourquoi on m'a convié alors que je devrais normalement attendre bien sagement au centre de détention. Je n'ai plus d'avis à donner en ce qui concerne Ludwig, étant donné que mon incarcération et les preuves qui pèsent sur moi m'en retirent la garde à tous les coups. Mais, vraiment, Gilbert Fanchon a l'air d'être le genre de type a ne jamais faire les choses à moitié, même pour le dernier des connards. Il tient à me défendre bec et ongles du début à la fin, et possiblement à faire jouer mon dossier psychologique en ma faveur... Mais il aura bien du mal à obtenir quoique ce soit en disant la vérité, même s'il a convaincu mes parents de venir pour qu'on s'apitoie sur mes soucis familiaux. Maintenant que j'y pense, c'est plus Martha, Helmut et Soltan qui vont en souffrir, alors je ne vois pas pourquoi je m'épargnerais le spectacle. Le procès, le mien, va commencer dans moins de deux heures maintenant et nous voulions parler du cas de Ludwig avant avec les parents, Soltan et moi-même, afin que Fanchon oriente son plaidoyer par la suite, bien que la cour tranchera après mon jugement, et les parents s'arrangeront avec Soltan et l'assistante sociale. Enfin, le fait qu'on en parle dès maintenant, c'est que mon avocat lui-même semble conscient que pour mon cas, c'est caduc : je vais prendre pour de longues décennies de cabane. Ça me va, je m'y attendais. J’ai un peu choisi ce sort après tout. Comme je ne suis pas mort, eh bien, c'était le choix par élimination. C'est déjà bien, pour un ex-Régimeux, non ?

Bref, on arrive à la fin de cette longue conversation. En fonction de ce que veut Ludwig (ou plutôt ne veut pas, car si on lui demande, c'est toujours avec moi qu'il désire vivre), des choix qui sont à notre disposition et du fait que j'ai plus ou moins désigné Soltan d'office comme son prochain tuteur, on a plus ou moins terminé. Enfin, ce serait plus honnête de dire que comme j'ai laissé le gamin à Soltan et que les deux ont une bonne relation eh bien, pourquoi chercher de midi à quatorze heures ? Pendant les deux dernières heures, le malaise fut palpable. Entre mes parents et Soltan, entre Soltan et mon avocat, entre l'avocat et moi et l'assistante sociale... Et entre l'assistante sociale et tout le monde, à vrai dire. Il faut avouer que n'importe qui d'extérieur à nos histoire et avec un minimum de jugeotte comprendrait qu'il y a des non-dits, vu comme mes parents ne la ramenaient pas. On parle de mes responsabilités, mais ils ont tout de même pris garde à ce que la conversation n'aille pas trop vers les leurs. En même temps, nous auront tout le procès pour revenir là-dessus. Peut-être. Çà m'étonnerait que l'accusation et le Juge n'écoutent. Enfin, c'est pour ça qu'ils sont là, non ? Mais j'y crois pas trop. S'il avaient fait face à leurs erreurs plus souvent -bien qu'ils n'étaient pas maltraitants, mais il ne suffit pas de ça pour être abusif, j'en sais quelque chose-, alors la justice les aurait déjà rattrapé. Quel merdier.

« Je t'ai pris un café. »
« Ah, c'est gentil, ça. Tu m'en as laissé la moitié. »
« Et encore, j'ai lutté, hein. »


Je bâille et soupire théâtralement tout ce que je peux pendant la pause que nous nous octroyons. J'ai toujours les mains attachées tandis que deux gardes surveillent la pièce, Soltan est sorti fumer, Gilbert Fanchon discute derrière la porte avec l'assistante sociale et revoit ses dossiers et je me retrouve donc seul avec mes vieux. Ils ne font que parler à voix basse entre eux, non pas sans quelques sourires complices, mais il ne tiennent pas à s'épancher devant moi. D'ailleurs, Martha se tut immédiatement en remarquant mon regard fixé sur eux.

« C'est dans combien de temps que les huissiers vont passer ? »

Fit la blonde à lunettes, ma mère, pour briser le silence pesant, qui semble la mettre  mal à l'aise. Je lève les yeux vers la pendule.

« 45 minutes. »


Ils hochent tous les deux la tête et sirotent leur café. Ah, ils ne font pas vraiment les malins, hein. Incapables d'échanger un regard avec moi, comme je m'y attendais.

« Fanchon vous a bien bourré le crâne, j'imagine... ? Histoire de faire jouer mon fabuleux dossier psychologique en ma faveur ? »
Mon rictus déjà pénible devient encore plus narquois. « J'imagine qu'il faut te remercier toi et tes gênes, pour ça, papounet, hein ? C'est pour quand le diabète, histoire que je sois prévenu ? »

Il ne répondent pas mais je sens Martha fulminer. L'autre reste plus calme, ou plutôt blasé. Il espèrent simplement que j'arrête de parler, je pense. Je ne leur ferais pas ce plaisir.

« Ah, vous les fermiez bien vos grandes gueules dès que ça parlait de Ludwig ! »
« Tu ferais bien de faire de même. »


Rétorqua ma mère du tac-au-tac, en me foudroyant de son regard sombre. Je ne vais pas lui donner tord, alors que je me comporte comme le dernier des hypocrites. Mon père pose une main apaisante dans le dos de Martha afin qu'elle garde contenance, mais j'ai surtout l'impression que c'est lui qui se retient d'exploser.

« Qu'est-ce que tu veux qu'on réponde à ça, de toute façon. »

Ce n'est pas une question mais je ne peux résister à l'envie de répondre quand même. S'il me tend la perche à ce point, comment refuser la facilité que l'on m'offre sur un plateau... Un rictus des plus mesquins s'allonge sous mon nez et j'émets un court rire jaune, vicieux.

« Oh, rien. Je veux juste que vous culpabilisiez à mort. C'est toujours ce que vous faites de mieux. »

Culpabiliser, ne jamais en parler. Souffrir, ne jamais rien dire. Se voiler la face, attendre que la vérité s'efface. L'assistante sociale leur a bien fait comprendre que si leurs actes d'ignorance et de négligence avaient été remarqués avant, mes vieux auraient eu de très bonnes chances de perdre la garde de leurs trois enfants. Mais avec beaucoup d'argent et un avocat à la hauteur, facile d'y échapper. Comme je le disais, dans une famille comme la notre, sans soucis financiers, avec une image à laquelle on ne s'attaque pas, eh bien, on ne parle pas. Et pourquoi on ne parle pas... ? Car si quelqu'un -comme moi, par exemple- se met à parler, eh bien, on est mis en face du fait que notre construction familiale qu'on a eu tant de mal à monter sur des mensonges n'est qu'une vaste blague. Ils le savaient, ils le savent, ils savent que je le sais. Qu'Irina le savait. Que même Ludwig le ressentait. Il me l'a déjà dit plusieurs fois : ses années chez papa et maman, il a l'impression que c'était un cauchemar un peu trop réel. En grandissant là-dedans... Comment voulez-vous que je ne considère pas ma vie et l'existence de manière générale comme une grossière plaisanterie. A quoi bon dire la vérité quand le lieu et l'environnement dans lequel on a grandi n'était que mensonge et regards lassés ? Oh, non... pas « pauvre de moi ». Pas du tout. Jamais. Irina n'était pas une affreuse petite conne, et Ludwig est un gentil garçon. Preuve que j'aurais pu ne pas du tout tourner comme je suis actuellement. Contrairement à eux, j'ai décidé de ne faire aucun effort, c'est tout. C'est tellement plus facile ainsi, de se nourrir des la détresse des autres et de l'alimenter afin de soulager la sienne, de peine. C'est tellement aisé de jouer au connard et de se cacher derrière de la cruauté gratuite, surtout quand c'est devenu une sale habitude et que la culpabilité a appris à se taire.

« Bon, allez, soyons honnêtes entre nous, pour une fois. Vous êtes contents d'être enfin débarrassés, j'espère ? »


De nouveau, la blonde inspire profondément pour ne pas exploser. Sa voix tremble quand elle prend la parole de nouveau, trahissant son état de colère. Elle est à ses limites, pas besoin d'avoir un doctorat en psychologie pour le deviner.

« Si je dis que oui, est-ce que tu fermeras enfin ta gueule ? »
« Peut-être... »
« Dans ce cas je pourrais te dire que j'aurais préféré que tu ne viennes jamais au monde, ça te fera des histoires à raconter en prison si tu veux. »
« Ah... »


J'hausse les sourcils dans une expression faussement triste d'enfant qui vient de voir sa Nintendo Switch se casser la figure depuis le haut d'un building avec le Stabat Mater de Pergolesi en arrière plan. Cela dure quelques secondes de silence que je sens fort embarrassant pour mes vieux jusqu'à ce que mon air arrogant refasse surface et que mon rire faussement candide ne retentisse. Le gros brun binoclard en face de moi détourne le regard pour cacher sa mine dégoûtée. Ma mère en revanche, ne se camoufle pas et secoue la tête, me regardant de haut, son regard couleur boue se mélangeant entre pitié et colère. Si j'étais de bonne foi, je dirais qu'elle a bien raison de m'observer de la sorte. Mais dans l'absolu, en fait, ça m'énerve. Alors je m'en vais réagir de manière à ce que les deux lunetteux en face de moi ne s'endorment surtout pas. Je ne voudrais pas qu'ils oublient leur fils aîné adoré qu'il aiment.

« Fallait vérifier ton stérilet. »
« Oh, Arceus, mais fermes un peu ta gueule, Alexander... ! »


Soupira finalement le paternel avec exaspération en retirant ses lunettes pour se masser l'arrête du nez. Martha ouvrit la bouche pour m'engueuler, à bout de nerfs, plaquant le plat de sa main sur la table, mais se tut quand la porte s'ouvrit. Soltan revint à ce moment là et souffla bruyamment en levant les yeux au ciel de lassitude, comprenant que nous étions encore en train de nous crêper le chignon. C'est tout de même assez délicieux de voir comme mes géniteurs rabattent leur caquet au maximum lorsque le futur tuteur de Ludwig (pas de suspense) est dans la pièce.

« Vivement que vous soyez partis, tous les trois. »
« Oh, mais Soltan, on ne peut plus se parler, entre famille proche ? »
« ...Une famille ça ? »


Le fermier aux cheveux gris avait oublié que Martha comprenait le français, il me semble. Et il se prit à son tour son fameux regard qui tue, ainsi que son accent qui ressemble à rien. Néanmoins, l'intimidation n'a jamais marché sur lui et le grand type à la chemise à carreaux et au regard patibulaire se contenta de l'ignorer royalement.

« On se passera de vos commentaires, Soltan. »

Pendant ce temps, mon paternel s'était remis à lire le code pénal pour se calmer, mais sentir la blonde singulièrement agacée et l'entendre s'énerver en français l'avait réveillé. Parce que bon, lui, en dehors de l'Allemand et de quelques mots de Japonais, il ne fait pas trop lui en demander. Ou plutôt, son français et son anglais des affaires ne sont pas d'une grande aide ici. Et accessoirement ça l'arrange pas mal de jouer au débile.

« Hein ? Qu'est-ce qu'ils racontent? »


Interrogea-t-il avec une fausse candeur et buvant son café avec un « sluuuurp » provocateur. S'il pouvait par ce biais un peu nous énerver Soltan et moi, je crois que ça ne le dérangerait pas plus que ça. Son amie ne broncha pas et soupira en lui répondant.

« Rien, Grizzli, rendors-toi. »


Pas trop quand même, hein, car on nous annonce de nous préparer pour le procès. Les huissiers sont pressants, car il s'agit de faire s'enchaîner les audiences trop nombreuses. Cela n'est pas pour satisfaire tout le monde, mais c'est comme ça. Et mon avocat espère encore que dans ces conditions, il pourrait avoir gain de cause. Ahlala. J'ai hâte de voir sa tronche quand il verra mon carnet magique rempli des noms de mes victimes de cellules avec les actes pratiqués sur eux entre les mains du procureur. Ce procès va être lamentable, ils vont tous se faire humilier en voulant me faire gagner des années ou m'envoyer en psychiatrie. Et moi, je vais me régaler de leur frustration.

***


« Ce salaud  a torturé mon fils des mois durant avec le sourire... Il mérite de pourrir toute sa vie en prison... »
« Merci, témoin, ce sera tout. »


La procureur lança un sourire satisfait à mon avocat, dont l'expression était devenue plus sombre à mesure que le procès progressait. Deux heures que cela durait ainsi, Fanchon semblait sur le point de craquer, mais pas encore d'abandonner. Son poing serré tremble sur le bois et trépigne en tournant et retournant ses pages de notes devenues inutiles. Grâce à mon carnet tombé entre les mains du procureur, cette dernière avait pu contacter de nombreux témoins pour qu'ils viennent rapporter mes actes. Et chacun d'entre eux avait mis un point d'honneur à m'insulter de tous les noms les plus ingénieux. Mais malgré tout cela, je les sentais frustrés : car ils savent qu'on ne m'envoie pas à l’échafaud comme les plus hargneux l'auraient voulu. Je leur ait tous ri au nez. Même le seul témoin qui a déclaré me pardonner et avait fait se lever des bavardages et commentaires dans l'audience. Je l'avais gratifié de mon pire sourire dédaigneux de manière à camoufler mon malaise. Finalement, le dernier témoin quitte la barre et se dirige vers la porte de sortie. Il s'arrête pour me fixer. Oh, aucun suspense, je sais ce qui va venir.

« Espèce d'enflure de Régimeux, j'espère que tu vas crever en taule et que tu vas souffrir. »

On me dit de faire silence alors que j'ose de nouveau ricaner tel un petit con pathétique et que la salle se soulève de nouveau. Une fois le silence obtenu, la procureur Reza, une grande femme aux cheveux de geais et à la peau brune à qui je donnerais environ 50 ans, au costume sombre impeccable et au regard tranchant forma un sourire satisfait. Ses yeux sombres se posèrent sur Fanchon, tout à fait neutres alors qu'ils auraient pu être rieurs ou rabaissants, puis se dirigèrent vers le juge.

« Votre honneur, il est évident, suite a tous ces témoignages et au vu du comportement de l'accusé, que ce dernier a volontairement et sans aucune conscience ni scrupules pratiqué la torture et l'assassinat sur ses victimes... »

On entendit la salle bavarder de nouveau, approuvant ce que disait la femme d'âge mûr, sûre d'elle. La brune sourit légèrement en coin en continuant.

« Aussi, l'accusation... »
« Attendez ! »


La voix de Fanchon résonna dans le tribunal. Je pince les lèvres, faussement admiratif devant son ton chevaleresque. Moi qui pensait qu'il avait totalement abandonné avec son regard devenu vitreux. Le châtain aux grands yeux remplis d'espoir (mais comment fait-il?) s'arma des fameux comptes rendus psychologiques obtenus auprès des psychologues du centre de détention.

« Votre honneur ! Je veux attirer votre attention sur l'état mental de mon client ! Dire qu'il est pleinement conscient de ses actes est un véritable abus de langage de la part de Madame la procureur ! »
« Objection. »
Son adversaire ne s'agita pas un instant. Absolument sûre de sa victoire, elle insista cependant, enfonçant une nouvelle fois le clou. « Monsieur Fanchon, vous avez comme nous tous observé l'attitude de votre client face aux accusations. Dois-je vous rappeler que c'est lui-même qui m'a fourni les preuves validant tous les chefs d’accusation évoqués ? »

Le jeune avocat se mordit la lèvre et se tut quelques secondes. Ses doigts tapotèrent sur le bois nerveusement tandis qu'il cherchait le courage de continuer et sa gnaque disparue.

« La défense a conscience de tout cela et a pris ces éléments en compte, Madame. » Le rookie de la défense inspira profondément, prêt à insister. « Néanmoins, notre but ici n'est pas de nier les accusations formulées, mais bien d'insister sur le fait que, de par son état psychologique particulier, notre client n'a pas sa place en prison... » L'audience s'agita, certains se levèrent pour critiquer avec virulence les propos de l'avocat un peu trop plein de bonne volonté. « ...Sa place est dans une structure psychiatrique spécialisée ! En effet, cela aurait du être le cas depuis fort longtemps, si nous nous penchons sur son dossier psychologiques et ses antécédents familiaux. »

Le procureur soupira, levant les yeux au ciel.

« Monsieur Fanchon, ce dont vous parlez ne peut alléger la peine de votre client avec les accusations et les preuves pesant sur lui... »
« Objection ! Votre honneur, j'aimerais appeler à la barre... »


Étant donné que la salle s'enflammait, le Juge joua du marteau pour faire taire tout ce joyeux petit monde, menaçant comme dans les films de faire évacuer la salle. Il fut décrété une fois le silence obtenu qu'une pause de trente minutes serait prise et que la défense et ses témoins seront entendus après cette dernière. Ça tombe bien, je commençais à avoir envie de faire pipi.

***


Pendant la pause, l'attraction la plus sympathique fut de voir mon paternel tourner en rond comme un con de trac en vue de son témoignage. Il baragouine même en prévision de ce qu'il racontera au Juge comme s'il récitait une leçon. Même ma mère en a marre et se calme dans un coin, quelque peu irritée par les pleurnicheries de son mari mort de stress. Je n'aurais pas le plaisir de le voir courir pour aller vomir aux toilettes, dommage. En attendant, je crois que Fanchon me parle de comment ça se présente pour moi (pas bien) sous le regard quelque peu rieur des huissiers et des gardes veillant sur moi. Personne n'est dupe, ce doit être difficile pour l'avocat qui était encore plein d'espoir avant que cela ne commence. Il en profite pour dire qu'on a vraiment pas eu de chance de tomber sur ce procureur qui a une grande expérience pour ce genre de procès, il continue de baragouiner en s'apitoyant parfois sur son sort... Tout en soutenant que « mais on va y arriver, ne vous en faites pas », malgré mon indifférence affichée. Ce qui va suivre, dans quelques minutes va simplement être drôle à voir. J'espère emmener ces images avec moi pour rire une fois derrière les barreaux.

***


« Le procès va reprendre. »

Le juge se tourne vers mon avocat.

« Monsieur Fanchon, nous vous écoutons. »


Le concerné s’éclaircit la gorge et se concentra un instant avant de se manifester.

« Merci votre honneur. J'appelle Monsieur Helmut Nagel à la barre. »

Le silence qui suivit l'apparition de mon paternel était tout à fait délicieux tout comme le malaise palpable de voir ce type imposant aussi grand que large jouer nerveusement avec les boutons de sa veste de costard noire et sa cravate.

« Hm... Témoin ? Veuillez décliner votre identité. »
« Ah, ja. Euh, je veux dire, oui. » Rarement vu quelqu'un d'aussi pâle, on dirait qu'il va tomber dans les pommes d'un instant à l'autre. Par la grâce lyrique de Cresselia, que c'est agréable à regarder. « Helmut Nagel. »
« ...Oui ? Votre relation avec le témoin ? »
« Oui. Euh. Je suis son père. »


La procureur en a déjà marre. Elle sait que tout cela n'est qu'un détour inutile. Tout le monde en a conscience, même Fanchon et Helmut : ils n'y croient plus et on dirait qu'ils ne savent plus pourquoi ils sont là. A se demander pourquoi ils veulent s'humilier de la sorte. Je ne comprendrais jamais... Mais je suppose que c'est encore une démarche zélée de la part de mon Papounet d'amour pour qu'il se donne bonne conscience en avouant ses erreurs. Pauvre con, tu aurais très bien pu rester chez toi et écrire une lettre, plutôt que te taper la honte sous mon nez, surtout que ne fais ça que pour toi, même si je suis certain que tu m'assureras l'inverse derrière. Il me dégoutte, ça y est, il vient de gâcher mon plaisir en croisant mon regard l'air de dire « écoutes, je fais ça pour toi ». « Mon cul sur la commode », lui répond mon regard le plus glacial.

« Bien... Pouvez-vous nous en parler plus en détail ? Comment avez-vous élevé l'accusé, et comment ses problèmes psychologiques ont-ils affecté votre vie familiale.. ? »
« C'est ridicule... »


Marmonna la grande dame de l'accusation avec qui je me sens soudainement étrangement en symbiose. L'avocat de la défense se tourna vers elle, l'air piteux, alors que la magistrate s'adressait de nouveau à lui et à mon paternel.

« Le résultat de ce procès est déjà écrit, messieurs. Rien  ne vous oblige à vous humilier publiquement. »
« ...Je peux parler ? »


Coupa mon paternel, l'air plus confiant et décidé que tantôt. Allons bon, qu'est-ce qu'il va encore inventer, lui. Quel con. Ce drama-queen critique mon côté théâtral de vouloir toujours faire les choses en grand, mais il n'est vraiment pas mieux. La procureur soupira et croisa les bras, résigné à vivre le moment malaisant à venir comme nous autres. Elle aura essayé.

« Nous avons été absents. Et je, euhm, comment dit-on... je lui disais, à Alexander, que nos problèmes de famille étaient actuellement sa faute. Je crois que cela l'a encouragé à continuer de... » Tandis qu'il cherche ses mots, mon sourire a disparu. Croit-il vraiment me comprendre, ce gros débile ? Quel connard. Il veut seulement qu'on s’apitoie sur son sort et celui de sa foutue binoclarde. « Le psychologue de l'école a trouvé son... » Il marmonne le nom clinique que l'on a donné à mes troubles de l'humeur en allemand, ne trouvait plus l'équivalent en français. Il se tourne vers Fanchon qui lui donne la réponse qu'il cherche. « ..Ah, oui. Trouble bipolaire, en français. Quand il l'a trouvé, j'ai éloigné Alexander et nous aurions dû lui faire consulter un psychologue mais... » Il me regarda. « On avait peur. »
« Pardon ? »
« C'est à dire... »
« Objection, votre honneur ! »


La procureur coupa court, d'une voix forte, en frappant du plat de la main sur la table.

« Monsieur Fanchon, j'aimerais savoir ce que vous cherchez à obtenir par cette... étrange démarche. Chercheriez-vous à nous attendrir ou à nous faire perdre notre temps ? Quelque soient les antécédents familiaux ou psychologiques de votre client, il a commis ses crimes en pleine conscience et c'est tout ce qui compte dans ce procès. »
« Ces antécédents, si vous nous permettez de les énumérer jusqu'au bout me permettront de vous prouver que mon client à le droit à des circonstances atténuantes de par... »
« Objection ! Vous ne roulerez pas cette cour d'assises dans la farine avec des larmes, Monsieur Fanchon. Vous oubliez que nous parlons de crimes contre l'humanité. »


La salle s'agite de nouveau. Et des insultes fusent, soutenant l'accusation et avançant que Fanchon et mes vieux feraient mieux d'avoir honte de leur démarche, que ça ne changera rien à mon sort de « sale enflure ». Le juge s'énerva de nouveau sur son marteau de manière à calmer la salle, mais, cette fois-ci, ce fut inefficace. Les greffiers déclarèrent qu'une pause forcée s'imposait et la salle fut évacuée sans tarder.

***


Le quart d'heure qui suivit, Fanchon ne souffla mot. Je crois qu'il était définitivement exténué et à bout. Au bout d'un moment, il se tourna vers moi.

« Vous n'avez jamais espéré obtenir d'allègement de peine, n'est-ce pas ? »

Je me contente de hausser les épaules, avec un fin sourire narquois qui n'a toujours pas disparu.

« Pourquoi m'avez-vous donné votre feu vert pour... Faire venir vos parents, les faire témoigner... ? S-si vous n'espériez rien de tout cela... »
« Vous avez lu mon dossier psychologique et vous savez pourquoi on me condamne, non ? »
« ...Oui mais... »
« Alors, ça ne devrait pas être très difficile de comprendre pourquoi j'ai laissé faire ça. »


Mon sourire cruel est évocateur. Le jeune avocat ferme les yeux après quelques secondes de réflexion. Mes rires durant la séance et mon sourire provocateur l'avaient largement mis sur la piste. Probablement espérait-il quand même encore un peu. Certainement trop, dans tous les cas. Tout ça, j'ai laissé faire pour mon propre amusement. Le regard chevaleresque et effronté de mon défenseur s'assombrit et je crois bien avoir vu ses mains trembler de colère.

« Je... J'imagine donc... Que vous ne m'en voudrez pas si je renonce à mon dernier plaidoyer. »
« Mais bien sur que non, Gilbert ! Pourquoi ferais-je une chose pareille ? »
Déclarais-je d'une voix suintant de fausse innocence. « Après tout, comment aurais-je pu échapper à la perpétuité, dans mon cas ! »

Il ne répliqua plus rien. C'est à ce moment qu'on nous annonce que l'on va reprendre, et que mes parents passent devant moi. La flamme joueuse qui occupait mes pupilles disparaît alors que je croise les yeux bleus de mon paternel. J'ai le temps de lui glisser quelques mots.

« J'espère que t'as meilleure conscience, maintenant, gros con. »


Il n'a pas le temps d'ouvrir la bouche pour répondre. Il n'a rien à répondre, je sais que j'ai raison, je sais pourquoi il a fait tout ça. Pour sa pomme, surtout pas pour la mienne ni celle de Ludwig. Pourtant, quand nous sommes installés et que je me retourne pour le fusiller encore une fois du regard pour avoir pensé une seconde m'avoir compris tantôt, je le vois secouer la tête négativement, l'air presque blessé. Je ne veux pas croire en sa sincérité. Pas une seule seconde. Je n'écoute qu'à moitié la suite. Le juge demande à Fanchon s'il veut continuer son plaidoyer et lui déclare que la défense n'a pas plus de témoins ou de preuves à présenter. La surprise envahit la salle les quelques secondes qui précédent le moment où l'on déclare la fin du procès public. La salle se vida suite aux décisions du juge, annonçant le verdict pour dans 3 jours, bien que personne ne doute de ce qui tombera.

Une fois dans la salle, Fanchon déclara que nous avions encore le temps de décider de ce qui se passera pour Ludwig, « histoire d'en finir une bonne fois pour toutes », sans même me jeter un regard. Même moi, j'étais fatigué et j'avais le regard bas. Même pas une envie de lancer des piques histoire de les achever. Avant que nous ne sortions vers une autre pièce, la procureur interpella notre avocat à l'air bas.

« Monsieur Fanchon. »

Il n'osa pas regarder son aînée, sachant bien comme il s'était humilié durant le procès.

« Ce procès était lamentable. »
« Je le sais, Madame la procureur Reza, c'est inutile de m'enfoncer d'avantage. »
« J'espère néanmoins que votre bonne volonté sera mieux utilisée dans un procès plus intéressant pour vous. »
Le regard de l'avocat s'éclaircit et il fit volte-face vers la grande dame brune, dont le visage demeurait impassible. « Tenez le coup. Ces séries de procès seront bientôt terminés. Bonne chance pour la suite. »

La procureur repartit en vitesse sans que le plus jeune ne puisse la saluer ou la remercier. Je roule des yeux dans mon coin. Tsss... ça me dégoutte.

***


L'ambiance est toujours aussi sale quand on discute du cas de Ludwig. Fanchon laisse l'assistante sociale, une femme d'environ 40 ans aux cheveux blonds prendre la parole.

« Étant donné que Monsieur Nagel ici présent vient d'être condamné, la garde reviendrait normalement à ses plus proches parents, c'est à dire normalement... Eh bien, à ses parents biologiques. »


La tension et le malaise est palpable. Si bien que la dame enchaine sans attendre.

« Néanmoins, avec les discussions que nous avons déjà eus, le dires de son ancien tuteur et de Monsieur Green sur les préférences de Ludwig, et la récalcitrance desdits parents... » Elle ne se gêna pas vraiment pour lancer une sale œillade à Martha et Helmut. Je pense que personne n'aurait l'audace de dire que cela était injustifié. « La proposition la plus logique et souhaitable serait de confier ce jeune garçon à monsieur Soltan Green, qui est d'ailleurs père de trois autres enfants, et qui s'est occupé de Ludwig également ces derniers mois. Après nos discussions et le procès et si nous avons le consentement de tous, nous mettrons dans les mois à venir la procédure en marche. Des rendez-vous réguliers avec le nouveau tuteur de Ludwig seront fixés de manière à s'assurer du bon déroulement des choses.  »

Chacun répondit affirmativement et avec une certaine lassitude et une honte qui ne se cachait même plus. Elle prit une pause pour sortir un certain nombre de formulaires alors que Soltan hochait la tête, sans m'adresser le moindre regard. Les deux commencèrent à discuter du déroulement de cette future tutelle et pendant ce temps, on annonça qu'il me fallait retourner en cellule.

« Sachez avant de partir, Monsieur Nagel, que selon les besoins de Ludwig et le résultats des entrevues avec lui et son tuteur qui auront régulièrement lieu et dont vous pourrez être tenu au courant, il pourra venir vous voir au pénitencier. »
« Ah. C'est bien. »


Fis-je, détaché, plutôt impatient de pouvoir larver dans un coin de cellule en regardant le mur ou le plafond. Le regard de Soltan m'aurait bien tué 4 ou 5 fois, mais ce n'est plus ma guerre, tout ça. Et ainsi, ce fut terminé. Quelques 48h plus tard, mon verdict tomba. Prison à perpétuité, aménagements de peine négociables si bon comportement dans 20 ans minimum. Bon, eh bien... Il ne me reste plus qu'à espérer que l'avenir me donne à observer des choses un tant soit peu intéressantes pour me distraire.
Avec le Chiot, le Grizzli,
la Vipère, le Buffle et d'autres guests
La cour d'assises, ce zoo.
Alexander Nagel-Jung
Alexander Nagel-Jung
Ex-Régimeux
Voir le profil
Dim 14 Jan 2018 - 16:10
Revenir en haut Aller en bas
Sauter vers: