'Parce que je suis le meilleur copain du monde', aurais-je bien eu envie de répliquer à sa question rhétorique. Il me connaît, pourtant. J'étais même prêt à le bouder pour de faux s'il avait refusé dans le but de m'embêter. Je considère que j'ai mérité son affection après ce qui m'est arrivé, même si je ne l'obligerais jamais, évidemment. Je souris néanmoins quand il se rapproche enfin de moi, bien content d'avoir enfin ce que je voulais. Des frissons me parcourent lorsque mes lèvres entrent en contct avec les siennes. C'est toujours aussi doux et chaud à chaque fois. J'avais peur, au début de notre relation, que nos sentiments s'estompent au fil du temps. Cela peut arriver, mais je veux dire... De manière rapide. Vous savez, quand on dit que l'amour dure trois ans, ce genre de truc... Je craignais que ça marche pour nous, en fait, alors il m'était arrivé durant notre troisième année de relation que je me mette à psychoter. Mais lorsque j'ai finalement décidé d'abandonner cette idée en me disant que ça devait être faux, je me suis rendu compte à quel point c'était stupide. Au final, je ne me suis jamais senti aussi amoureux de lui. Et c'est dans ces moments comme ça que je m'en souviens le plus.
Mes mains en profitent pour parcourir un peu les parties de son corps auxquelles j'ai accès dans cette position. Elles passent sur ses hanches, dans son dos, derrière sa nuque, dans ses cheveux... Je ne sais plus la dernière fois que j'ai pu être aussi proche de lui physiquement, en vérité. Je suis bien, détendu, et mes pensées sont dirigées sur tout sauf mon travail. Enfin, pour le moment, bien sûr, elles sont surtout concentrées sur l'éleveur. Me détachant de ses lèvres tendres, je le regarde en passant mes doigts sur une de ses joues. Ce devrait être simple, pourtant, de lui faire part de mes envies. Il y a des jours où il peut être disponible pour faire une sortie ou juste s'autoriser une pause câlin avec moi. Je lui lance ma plus belle expression niaise et glousse un peu.

« Peut-être. La journée n'est pas finie, après tout. Mais là, c'est plutôt pas mal. »

En vérité, je suis plus que satisfait. Je ne vais pas commencer à faire le capricieux alors que, pour une fois, il m'a donné ce que je voulais sans m'embêter avant. Enfin... Pas comme si ça avait été une véritable torture pour lui non plus, ou alors si m'embrasser est devenu pour lui une épreuve affreuse, il faut qu'il me le dise. J'espère qu'il se doute cependant que je vais lui réclamer d'autres marques d'affection aujourd'hui. Pour l'instant, je vais le laisser tranquille un peu et me contenter de l'enlacer en plaçant mes bras autour de son cou pendant que ma tête repose sur son épaule. Lentement, mes paupières se ferment et je me laisse bercer par le son des vagues, me raccrochant un peu plus à mon copain. C'est vrai qu'il a commencé à prendre l'odeur de la mer, mais je sens encore son parfum naturel derrière. Le mélange donne quelque chose de particulier mais c'est rigolo en même temps. Tout en jouant distraitement avec les mèches de cheveux qui tombent sur sa nuque, je rapproche une nouvelle fois ma bouche près de son oreille. Quand je fais, ça, c'est généralement que je veux qu'il m'entende sans que j'ai à lever la voix.

« Qu'est-ce que tu n'aimes pas à la plage, d'ailleurs ?.. Hormis le monde, je veux dire. »

Et encore je peux comprendre que ça soit l'unique argument, puisqu'il n'en faut pas plus pour être dégoûté d'un endroit où y'a vraiment du monde. Après tout je sais qu'il n'aime pas trop ça en temps normal, et je ne peux pas lui en vouloir. Après mon malaise, je voulais aussi un lieu où je pourrai me détendre plainement sans entendre des cris ou me faire éclabousser de partout. Mon regard dévie vers la plage à quelques mètres, où je peux apercevoir des petits Pokémon s'amuser.

« C'est le sable ?.. En même temps ça colle et c'est désagréable, le sable. »

Et c'est galère de ouf à enlever. Je déteste le contact du sable sur la peau quand ça reste trop longtemps. En plus, pour remettre mes chaussures lorsqu'on part, faut que j'enlève les grains de mon pied avec la main et ça me fait frissonner de déplaisir à chaque fois. Alors je n'hésite pas à utiliser quelques stratégies pour éviter ces petits désagréments avec l'aide de mes Pokémon.

« Mais avec moi, t'es à l'aise, là, non ? »

Je me redresse pour le scruter cette fois-ci avec un sourire candide, avec l'espoir qu'il sera honnête alors que je m'attends en vérité à ce qu'il me sort une nouvelle phrase sarcastique à la place.

Je me disais bien, que la foule n'était pas innocente à ça. Il n'était pas sûr qu'il s'agisse de l'unique raison non plus, ceci dit, d'où mon interpellation. Il faut dire que malgré les années passées ensemble, jamais il ne m'a proposé de lui-même d'aller à la plage, alors j'avais cru comprendre qu'une réticence particulière en était la cause. Pourtant, je n'étais déjà pas sans savoir que l'air marin fait le plus grand bien aux poumons d'un asthmatique. J'imaginais que c'était bien, déjà, pour le détendre, qu'il puisse respirer convenablement. Enfin... La forêt qui nous entoure au quotidien fait déjà un merveilleux travail à ce propos, mais la mer, c'est encore autre chose. Cela fait un peu de bien de voir un autre genre de paysage, même si j'aime beaucoup Erode. C'est juste que... Autant la ville, ça ne me dérange pas d'y être éloigné un temps, autant les espaces naturelles j'en aime bien les différents cadres. Et heureusement, pour les balades dans la nature, je sais que mon copain n'est pas spécialement contre non plus, alors j'ai toujours une chance de le voir m'accompagner quand je lui propose et qu'il a du temps. Comme aujourd'hui, en outre.

Je suis au moins rassuré qu'il partage la même opinion que moi concernant le sable. Au moins, je suis sûr qu'il ne va pas chercher à m'embêter avec ça. Je me souviens avec un frisson désagréable des enfants qui ont déjà pu s'amuser à jouer au plus malin en balançant à tort et à travers du sable mouillé sur les autres ; dont moi. Et quand ce n'était pas des coups que je recevais dans le dos dû au lancer, ça m'arrivait parfois au visage et je devais aussitôt cracher pour ne pas en avaler par mégarde. Mais bon, pour une fois, on ne peut pas dire que l'argent ne nous facilite pas la tâche. Je ne vais pas me plaindre que nous soyons débarrassé de quelques gêneurs qui voudraient gâcher notre moment de détente privilégié. Eh oui, je fais carrément ma princesse, là, mais c'est bien la seule fois où je me dis que me tuer au travail n'était peut-être pas vain, finalement, pour le salaire que j'ai chaque mois, même s'il est encore et toujours un peu indécent.
En revanche, un sourire satisfait ne peut évidemment pas se détacher de mes lèvres alors qu'il m'annonce ce que je voulais entendre depuis le début. De toute manière, il sait que ça ne sert pas à grand chose de faire le tsuntsun avec moi, ça ne prend plus. Enfin, il peut toujours essayer, mais je sais la vérité. C'est juste que cette dernière est toujours plus agréable à entendre que son sarcasme, mais comme c'est également sa marque de fabrique, je ne lui en veux pas trop. Héhé, voyez comme je suis plutôt clément, non ?

« Héhé... C'est rigolo parce que tu dis que je suis potable et on est entourés d'eau. »

… Bon, d'accord, celle-là, je n'ai pas pu m'empêcher de la faire et maintenant je glousse comme un débile, un peu trop fier de sa vanne qui était sans doute peut-être volontaire de la part de l'autre (ou pas, avec Natsu, allez savoir les jeux de mots qu'il réussit parfois à faire sans s'en rendre compte). J'ai l'impression quand même d'aller bien mieux, là, même si ça paraît évident. Avec un peu de sommeil et le moral remis à plein, je ne peux qu'être niais et souriant. Cela me rappelle les vacances d'hiver où j'étais également un peu dans cet état, mais... C'est encore autre chose. Au moins, j'ai avoué ce que j'avais à dire à mon copain. Même si je m'en veux toujours de lui avoir caché des trucs, j'ai mis de côté ces quelques pensées sombres pour me concentrer sur le présent. Ce qui est fait est fait, alors je préfère, moi, porter mon attention sur ce qui arrive à l'instant T. Et pour le moment, je profite de mon copain dans un environnement isolé et tranquille où je peux être aussi gaga que je le veux.

« Allez, je te relâche, petit Bulbizarre. Je t'ai déjà capturé, après tout. Et j'ai envie de me dégourdir un peu les jambes. »

Je lui glisse un bisou sur la joue et dans le cou avant de défaire ma prise autour de lui pour me remettre debout, tout en gardant ma main dans la sienne, cependant, afin de ne pas le lâcher. On sait jamais, il est tellement léger que le courant pourrait bien l'emporter !

« On va voir s'il y a des Pokémon ? On devrait pouvoir trouver quelque chose, pas loin. »

Je pose un pied devant l'autre, mes mouvements ralentis par l'eau salée, et baisse le regard pour admirer l'onde transparente. Ci et là j'aperçois quelques reflets, mais je n'arrive pas à distinguer des formes bien précises. Elles se confondent bien trop avec le fond, si des créatures aquatiques se trouvent ici, et de plus, elles doivent être encore plus rapides dans leur élément.

« Oh, regarde ! »

Mes yeux s'illuminent en constatant un Hypotrempe qui vient de se heurter doucement à ma cuisse. Sans brutalité aucune, j'avance mon bras disponible pour que la jeune femelle puisse y grimper, ce qu'elle fait. Je lui souris pour ne pas qu'elle soit trop intimidée, mais on dirait que ce n'est pas notre présence qui pourrait lui faire peur. Elle arrive à se hisser même jusqu'à mon épaule pour scruter avec curiosité le Miyano. Pendant quelques secondes, elle le fixe, papillonnant des paupières. Puis, après un court instant où on dirait qu'elle hésite, elle finit par cracher un petit jet d'eau sur l'éleveur. Surpris, je tressaute, avant de lâcher un petit rire que je tente d'étouffer, ne m'étant pas attendu à ça.

Je ne devrais pas, mais je n'ai pas pu m'empêcher de ricaner un peu. Pas méchamment, bien sûr, mais la tête qu'a tiré mon copain était trop belle pour que je reste de marbre. Faut dire qu'en plus je ne m'y attendais pas du tout moi-même, alors pour une fois que je ne suis pas lui qui l'embête... Mais bon je ne peux pas rire de lui indéfiniment, j'allais même lui demander si tout va bien, mais heureusement, il n'a pas l'air d'avoir mal pris cette petite farce de la part du Pokémon. Il surenchérit, même, en nous renvoyant de l'eau pour se venger et je glousse en lui renvoyant à mon tour des petites vagues à l'aide des paumes de mes mains. D'ailleurs, ça sentait l'air blasé avec mon jeu de mots pourri, mais il n'est pas mieux, de ce que je constate. Enfin plutôt que je le savais déjà, en vrai, mais ce n'est pas souvent qu'il se laisse aller autant. Quoique quand nous sommes vraiment seuls il s'ouvre davantage, mais les occasions s'étaient faites plus rares, il faut dire, et le rappeler me redonner un léger coup à la poitrine. Bon... Faut vraiment que les choses changent, hein ?..

« Pffft ! Tu dis ça mais tu ne résistes pas à mes charmes, et je le sais ! »

Il peut bien essayer de le nier tant qu'il veut, moi, je connais la vérité.

« Mais il y a... Un plus gros poisson juste ici ! »

Lorsque l'Hypotrempe saute de mon épaule, je me jette sur mon copain pour que nous basculions tous les deux dans l'eau, dans une zone toutefois où elle n'est passez profonde pour risquer de nous couler. Je ne le laisse pas bien longtemps non plus dans la mer puisque je nous remonte aussitôt enfin que nous puissions quand même respirer. Je continue aussi de rire un peu, fier de mon coup, les bras toujours autour de son torse. Ne voulant pas le bloquer, cependant, je les retire assez vite et recule de quelques petits centimètres pour lui laisser de l'espace. Progressivement, je reprends mon souffle.

« Héhé... Tu vois quand même que... C'est pas la mort, la mer. Tant que c'est pas... la mer morte ! Haha ! »

Et je ricane une nouvelle fois, les mouvements de l'eau m'obligeant à me dépenser plus pour avancer dedans. Je me rapproche un peu à mon copain et entoure sa nuque avec mes bras, me laissant faussement pendouiller à son cou et me penchant pour le regarder d'en bas.

« Et c'est aussi salé que toi, en plus. Dooonc... Tu serais d'accord pour venir avec moi plus souvent ? »