« Hm... hmm... hmmmm... »

Un nœud, pas de nœud, veste bleue foncée ou bleue claire, pantalon ample ou serré, chaussures noires ou chaussures marrons... Il y en a, des choses à penser, pour préparer un mariage. On ne dirait pas, mais il y a beaucoup à réfléchir, à choisir, à demander... Bon, heureusement, il y a quelqu'un pour ça, mais c'est à moi de faire les sélections afin que ça soit exactement comme je l'ai imaginé.

« Hmmmmm... Non, ça non plus, ça ne me va pas.
- Qu'est-ce que tu dis ? Moi je trouve que ça te va très bien.
- Mais il ne faut pas que ça m'aille bien, il faut que ça m'aille parfaitement. »

Devant mon expression exceptionnellement stricte, ma mère ne peut empêcher un gloussement de s'échapper d'elle. Bien sûr, je sais qu'elle ne se moque pas, mais elle doit trouver que mes exigences sont un peu ridicules. Mais bon, je m'en fiche bien. J'ai envie que la cérémonie soit sublime à rendre vert de jalousie tous les invités, et pour ça, je compte bien y mettre les moyens nécessaires. Je les ai, après tout. Il faut juste que je trouve LA tenue de mes rêves. Les principaux hôtes de l'événement doivent être à tomber par terre, après tout. On ne va pas se mentir, un mariage, au-delà de l'aspect romantique -qui me plaît dans notre cas je l'avoue-, c'est surtout pour montrer qui en impose le plus, alors si je vois un costume plus beau que le mien, je fais un procès ! Il n'y a que celui de Natsume qui sera encore meilleur, mais ça c'est normal, vu le concerné qui le portera. L'homme le plus séduisant du monde ne peut que porter des vêtements à sa juste valeur, n'est-ce pas ? Tiens, voilà justement le vendeur qui arrive avec de nouveaux habits.

« Je crois que j'ai trouvé pour Monsieur ce qu'il lui faut. Tenez, regardez, il s'agit de notre tout dernier modèle. »

Je me retourne vers le concerné, ne lui offrant qu'une grimace franchement hautaine et dégoûtée lorsqu'il me présente l'ensemble à la teinture plutôt terne dont il semble si fier.

« … Quand je dis 'bleu saphir' vous entendez 'couleur vomi', vous ?
- Euh... N-Non, bien sûr, m-mais c'est-à-dire qu'il s'agit de notre meilleure vente actuellement et-...
- Je. M'en. Fiche ! Je ne veux pas d'un truc que tout le monde met. Je veux quelque chose d'unique ! Vous avez compris, quand j'ai demandé du sur-mesure ?! Où est Madame Hopkins ? Vous savez si elle en a encore pour longtemps ?
- Oh, euh... Elle ne devrait plus tarder, Monsieur. »

Le tailleur, aussitôt, baisse le regard un peu honteusement en rapportant le complet qu'il amenait avec un grand sourire à peine quelques secondes plus tôt. Maman est un peu gênée, mais elle ne peut s'empêcher de rire. Kiba, qui dormait tranquillement sur ses cuisses en attendant, relève la tête d'un air curieux.

« Les pauvres, tu les fais vraiment tourner en bourrique.
- Hmpf... Ça va, c'est un magasin de luxe. C'est bien l'un des seuls endroits où tu peux t'autoriser à être difficile. »

Et puis pour ma tenue de mariage, je ne dois pas faire les choses à moitié, quitte à être excessif. Bon, si mon copain me voyait comme ça, je ne pense pas qu'il apprécierait que je me paye des fringues aussi chers, même si j'ai le compte en banque qui va avec, mais bon, de toute façon, ça ne doit lui faire ni chaud ni froid, ce genre de tenue, même s'il devra lui aussi y passer. Et que je vais probablement passer toute la séance shopping à baver sur ses essayages mais peu importe. C'est pourquoi nous sommes allés avec ma mère prendre ma tenue de cérémonie ce matin chez une grande marque que dirige ma couturière personnelle afin qu'elle me confectionne son plus beau costume pour le grand jour. Comme elle a un planning plutôt chargé, je dois attendre qu'elle vienne en compagnie de son assistant qui me fait divers suggestions pour savoir quels sont mes goûts, comme je n'ai pas encore d'idées. J'aurais pu y aller seul, mais... Je suis quand même content que Maman soit là. Cela me fait plaisir de partager ça avec quelqu'un, mais en plus avec elle. Mon Medhyèna n'a rien à voir là-dedans, mais il tenait à nous accompagner aussi, alors je le laisse hors de sa Pokéball bien qu'il semble s'ennuyer.

« Donc... Tu m'as dit que tu t'occupais des habits, de la décoration, du banquet, des invités... Et Natsume, dans tout ça ?
- Bah !.. Voyons, M'man, Natsume, c'est le second marié, bien sûr.
- Non, je veux dire... Pour le mariage, de quoi il s'occupe, de son côté ?
- Lui ? Bah... de rien. C'est moi qui m'occupe de tout !
- Qu-Quoi ?.. Mais... Cela ne fait pas un peu beaucoup, de gérer ça tout seul ?
- Tu plaisantes ? Au contraire ! Il a dit qu'il acceptait de se marier avec moi que si je me chargeais de tout ! Je ne pouvais rêver mieux ! »

Enthousiaste, je me retourne vers elle avec un très large sourire.

« Tu sais ce que ça veut dire ? Qu'il dit oui à tout ce que je fais, et que par conséquent, je fais ce que je veux ! »

Par Arceus, non seulement il m'a dit oui, mais en plus je peux m'amuser pour que la cérémonie se passe à ma façon, alors tu parles que je suis content ! Cela m'arrange, s'il trouve les préparatifs ennuyeux, mais j'avoue que depuis des jours à organiser la fête, je suis comme un gamin excité à son goûter d'anniversaire. J'ai quartier libre, et les fonds qui s'accordent à mes souhaits, alors je ne vais certainement pas me gêner.

« Eh bien... Si ton fiancé n'y voit aucune objection, alors tant mieux. »

Exécutant des petits pas de danse pour exprimer ma joie à l'idée de laisser libre court à mon imagination, je m'arrête aussitôt, les joues un peu roses et une expression faussement modeste. 'Fiancé' elle va peut-être un peu loin, nous n'en sommes pas encore à ce stade même si je ne suis pas le premier qui serait contre.

« Oooh, Maman, on est pas encore mariés, tu sais, je sais que j'ai l'air impatient mais pas la peine de précipiter les choses ainsi, c'est encore mon petit-ami. »

Elle n'a pas l'air de comprendre ce à quoi je fais allusion et cesse de caresser le chiot doré contre elle, avant de pencher légèrement la tête sur le côté.

« Hmm... Sam... Quand deux personnes vont se marier, on dit qu'ils sont fiancés.
- … Hein ?
- Techniquement, Natsume n'est plus ton petit-ami, c'est ton fiancé.
- Mon... fiancé ?.. »

Immobile, le regard en poisson mort, ses mots font peu à peu le chemin dans mon esprit jusqu'au niveau 'assimilation' de mon cerveau.

« Natsume est mon... fiancé ?.. »

Le temps que je comprenne ce que ça implique (c'est-à-dire juste un terme à sauvegarder dans mon vocabulaire pour parler de l'éleveur), mon visage se retrouve tout à coup rouge et un sourire béat s'y est retrouvé, accompagné d'une expression rêveuse. Effectivement, je ne l'avais pas vu sous cet angle, mais je peux désormais l'affirmer. Natsume est mon compagnon de vie, mon partenaire, mon amant, mais aussi... mon fiancé. Et bientôt, il sera... Il sera...

« Hiiiiiiiiii ! Natsume est mon fiancé ! »

Je sautille presque sur place, agité comme une puce mais satisfait, mièvre et heureux. Mon réaction enfantine fait glousser mon aînée qui ne croirait pas avoir devant elle son fils unique de vingt-six ans, bientôt vingt-sept, leader de la Milice et Maître Dresseur de l'île. M'enfin, vu l'autre énergumène qui me sert de coéquipier, vous me direz... Non, c'est vrai, j'aime bien-... Enfin je tolère plutôt Lionel mais soyons honnête, je ne crois pas qu'il soit si sérieux non plus (et quand je dis 'je ne crois pas', je veux dire 'je suis sûr' ou du moins il n'est sérieux que quand il veut). Mais j'avoue que je suis plus que ravi de savoir que je peux désigner Natsume comme mon 'fiancé' étant donné que ça fait référence à une étape très importante de notre relation que nous allons célébrer tous ensemble très bientôt.

Je regarde distraitement les nœuds papillon posé sur un grand oreiller en tissu. Je défais le gris que je portais pour en mettre un noir aux reflets marine. Devant les trois grandes glaces qui me font face, je me tourne pour m'admirer sur toutes mes coutures. Bon, ce ne sera pas ma tenue définitive, mais le couturier en charge de ma commande a voulu me donner un costume pour déjà voir quelle forme me plaisait, et si éventuellement je voulais des motifs pour les accessoires qui iront avec. Difficile de choisir étant donné que je suis très pointilleux pour tout ce qui va concerner la cérémonie, mais je verrais bien des Carapuce ou des Brindibou sur le nœud... Le Pokémon avec lequel j'ai commencé mon aventure ou celui qui possède un type alliant nos spécialités respectives avec Natsume ? Je ne saurais dire... Cela pourrait être un Pokémon symbolique... Ou un chacun qui soit important pour nous... Raaah c'est ce genre de détails sur lequel je reste bloqué des jours mais que je ne peux pas négliger ! Rien ne doit être négligé. Mais malgré tout... Je reste serein, au fond de moi. Je sais que tout se passera bien. Mais j'ai hâte... Surtout après tout ce que nous avons traversé jusque là.

« J'attendais ce jour avec tant d'impatience...
- Et tu as attendu, comme tu lui as promis.
- Oui... C'est un peu égoïste, mais... Je suis soulagé qu'il ait accepté. Sinon je... Je ne sais pas...
- Sinon tu aurais juste continué à l'appeler ton 'petit-ami'. »

Lyra lui offre un petit sourire affectueux tandis que Kiba saute de ses genoux pour s'approcher de son dresseur. Ce dernier le prend dans ses bras pour le câliner et lui gratouiller la tête. Au même moment, le vendeur qui s'occupe de lui, apercevant le chien, fait quelques pas en sa direction avec une mine inquiète.

« Hm, pour le chien, il faudrait mieux éviter... Les poils pourraient-...
- GRRR !
- AAH !.. F-Faites comme si je n'avais rien dit. »

Il n'aura pas fallu longtemps au toutou chromatique pour aboyer assez férocement de telle sorte à ce que le commerçant, droit comme un 'i' et aux airs coincés, ne déguerpisse après avoir sursauté comme s'il avait vu un monstre effrayant. J'attends qu'il nous laisse pour éclater de rire et faire des bisous entre les oreilles de mon chiot, qui commence à peser de plus en plus lourd. Lyra s'approche elle aussi pour caresser le dos du Medhyèna qui se met à battre de la queue, la langue pendouillant pour exprimer son aise.

« J'ai encore du mal à croire que mon fils va se marier... Je me souviens encore pourtant de tes premiers pas comme si c'était hier. »

Un sourire nostalgique apparaît sur le visage de ma mère. C'est une période dont je n'ai aucun souvenir, mais elle doit les chérir chaque instant dans sa mémoire. Cela doit lui faire tellement bizarre... Je ne sais pas quoi dire face à ses mots. Alors je ne dis rien. J'ai juste peur qu'elle dise ça tristement. Pourtant, c'est avec une petite lueur plus vive dans le regard qu'elle relève les yeux vers moi pour dégager une mèche de cheveux qui traînait en bataille.

« Mais aujourd'hui, tu ne marches plus. Tu coures. Et tes pas t'ont mené bien loin déjà. »

Elle semble fière du jeune homme qu'elle voit devant elle. J'espère de tout cœur que c'est vrai. Contre moi, Kiba se met à me lécher le menton. Je craque devant son adorable bouille et ses yeux bleu ciel.

« Heureusement que ton père n'est pas là, il aurait été encore plus agité ! »

Nous partageons un rire bref mais complice, conscient tous deux que je serais de loin le moins nerveux si Papa était avec nous. Mon excessivité ne vient pas de nulle part après tout, et il avait un côté fleur bleue encore pire que le mien. Sans doute que lui aussi aurait adoré préparer la fête avec moi. Mes pensées iront pour lui quand je commencerai les préparatifs.

« Aaaah les voilà ! Hellooo ! »

Une voix aiguë mais familière retentit dans le magasin, et je reconnais aussitôt Nina Hopkins, la couturière qui fut en charge de ma tenue d'Elite et que je connais donc depuis quelques années maintenant. Maintenue au secret professionnel, je sais que je peux lui faire confiance ; elle a l'habitude en plus de travailler pour quelques célébrités. Très dynamique mais stricte, elle ne me fait pas de cadeaux mais ses réalisations sont toujours de belles réussites. En nous apercevant, elle nous fait de grands mouvements enjoués de la main et nous la saluons quand elle vient à notre rencontre.

« Madame Enodril, toujours aussi charmante !
- B-Bonjour, Madame Hopkins.
- Et vous toujours aussi... aussi... Enfin, bref. Prenons vos mesures, il est temps de commencer ! »

En sentant le regard de la nouvelle venue sur lui, Kiba arrête aussitôt de mâchouiller ma tenue et saute de mes bras pour laisser champ libre à la tailleuse. Je m'exécute quand elle me demande de prendre une certaine pose tandis qu'elle plaque un mètre mesureur sur moi pour ensuite faire ses patrons. Assise sur un fauteuil mis de côté, ma mère la regarde faire, le Medhyèna dans ses bras.

« Alors, quel la suite du programme ?
- Héhé... Cet après-midi, je t'emmène voir le lieu de la cérémonie !
- Ooh ! Eh bien, je suis impatiente de voir ce que tu nous réserves. »





« Encore un peu... On y est presque. »

J'ai tenu à lui faire une surprise. Yeux bandés, Kiba et moi guidons ma mère à travers l'immense place dégagée en extérieur où quelques personnes s'affairent déjà aux premières préparations que verront les invités. Je sens que ma mère est fébrile à l'idée de découvrir le lieu de la réception. Je suis sûr que je vais la surprendre au moins là-dessus. Une fois arrivés, j'enlève délicatement le foulard qui lui bloque la vue.

« Tadaaaaa ! »

Son regard se pose sur la première chose qu'elle voit. Et en effet, je crois que je l'ai surprise. D'abord confuse, elle me pointe du doigt une direction comme pour me demander s'il s'agit bien de là, et j'acquiesce en hochant énergiquement de la tête.

« Un... dirigeable ?
- Un dirigeaaaable ! »

Avec un grand sourire, je lui présente l'engin volant, les bras tendus dans le ciel comme si j'essayais de le lui vendre. Elle est perdue, et je peux la comprendre. Mais cela fait aussi partie du jeu, après tout.

« C'est là-dedans que se passera la cérémonie ?
- Ouiiiii ! N'est-ce pas formidable ?
- Euh... Tu ne trouves pas que c'est...
- Excessif ?..
- Eh bien...
- Peut-être un peu. Mais n'est-ce pas extraordinaire ?
- Je dois l'avouer, c'est plutôt incroyable. Cela te ressemble bien, aussi, mais... »

Quelque chose semble la déranger. Je cligne des yeux, attendant une réaction claire qui me permettra de saisir ce qui la tracasse. On dirait qu'elle sait mais qu'elle n'ose pas me le dire. Embarrassée, elle finit par se tourner vers moi.

« Je croyais que Natsume avait le vertige.
- …
- …
- … Un dirigeaaaable ! »

Maman se plaque la paume de sa main contre son visage, l'air mi-blasée mi-amusée. Je sais qu'elle serait surtout inquiète si elle ne savait pas mon goût pour l'extravagance.

« Tu n'es pas possible, toi. Au moins une chose qui n'est pas prête de changer. »

Elle me sourit, l'air de dire, pour la énième fois, qu'elle ne sait pas ce qu'elle va faire de moi. Je suis un cas désespérée, elle devrait le savoir. Au moins, j'ai toujours mon Medhyèna pour me réconforter. Mais quand je pense à ce dernier, je me rends compte qu'il s'est éclipsé. J'écarquille les yeux, paniqué à l'idée de le perdre alors que le hangar pour le dirigeable est très grand. Mais tout à coup, nous entendons un bruit de verre qui se casse. Près de nous, des livreurs de chez le traiteur portaient une table sur lequel trônait un punch qu'ils devaient me faire goûter ; je m'en rappelle désormais. Apparemment, Kiba a trouvé plus ingénieux que ce soit lui qui boive le breuvage puisqu'il s'est jeté la tête la première dedans pour faire tomber le pot entier qui contenait l'alcool, rendant maladroit la prise en charge de son transport. Rien de grave, mais du coup, tout est renversé, à commencer par le liquide qui a mouillé le sol et, notamment, mon Medhyèna. Effet du punch ou pas, ce dernier se met tout à coup à briller, puis change de forme pour devenir un Grahyèna doré aux yeux bleus. Je cligne des paupières, avant de pouffer. Puis, je fais quelques pas en direction de mon chien des ténèbres avant de demander une serviette à quelqu'un pour le sécher. Je préfère ne pas penser à une potentielle prémonition de ce que pourra être le véritable mariage. Mais dans tous les cas, je suis sûr d'une chose : ça ne sera probablement pas parfait, mais... J'espère que ça le sera assez pour nous. Et que tout le monde s'amusera.