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Une affaire de tisane, d'égos fragiles et de bouse.
Ludwig Green
Une affaire de tisane, d'égos fragiles et de bouse.
Ferme des Green-Onizuka - Fin mai 2024
/!/ TW : l'OS parle de déni de burn out/surmenage, de comportements toxiques et les personnages y parlent comme des gros ados edgy vulgaires. Je précise que c'est volontaire que Soltan et son cousin se comportent comme des sales cons :v:
PdV Soltan et extérieur principalement. Soltan et Zlatan se parlent anglais et les passages où ils parlent dans leur langue maternelle sont en italique.


Les nuits sont toujours calmes, à la ferme. Soltan aime beaucoup ces moments de quiétude après les journées animées qui se succèdent depuis quelques mois. Même si l’année scolaire n’est pas terminée, il n’y a pas un jour sans que l’endroit ne grouille d’animation. Entre les enfants, les Pokémon, les vaches et tous les habitants de la maison tendance à parler fort pour s’entendre par-dessus le reste, ce n’est pas le fermier qui se plaindra du moindre ennui. De toute manière, il n’a pas souhaité avoir des enfants avec Shizune en espérant qu’ils soient des plantes vertes dociles. Contrairement à ce dont rêvent certains (qui mettent de toute évidence plus d’importance sur leur tranquillité que sur l’épanouissement de leur progéniture), Soltan est plus rassuré de voir les gamins crier et s’amuser chez eux, de faire des espaces vides des endroits pour inventer des trucs. S’il faut bien les rappeler à l’ordre de temps à autre car aucun gosse n’est un ange pur et innocent et qu’il doit parfois leur paraitre trop sec, le fermier aimerait se dire qu’il n’est peut-être pas si mauvais que ça. Au moins, ses enfants ont le sourire quand ils veulent faire des choses ensemble (ou chacun dans leur coin) ou partager. Ça lui ferait presque oublier son impression persistante qu’il ne mérite rien de tout ça, parfois. Il aimerait se dire qu'il fait malgré tout de son mieux, mais ça ne semble pas rentrer dans son crane. A ses yeux, ce n'est jamais assez et il a la sensation de se reposer sur ses acquis et stagner.

Les cas de Marilyn et Ludwig lui demandent tout de même une vigilance plus accrue. Ce n’est pas qu’ils soient plus ou moins faciles, mais les deux adolescents l’inquiètent plus que les plus petits, par leur vécus et à cause des évènements récents. Si Ludwig semble moins méfiant et que ça fait assez plaisir à son tuteur de le voir oser prendre plus de place chez lui, Marilyn, pour sa part, fait tout pour tester les limites de son père. Evidemment, à son âge, ce n’est pas anormal, mais il y a aussi un certain désir d’avoir l’attention et la validation de sa mère revenue depuis quelques temps maintenant. Ce n’est pas que sa mère la pousse à ça, mais l’adolescente semble avoir besoin de montrer à tout le monde que sa mère est plus cool que son père. Soltan ne sait pas vraiment comment réagir face à ça et les provocations de son ainée le lassent à certains moments mais au moins, elle est ravie d’avoir sa génitrice pour elle. Soltan n’ose pas vraiment admettre par ailleurs que la Onizuka n’a pas l’air aussi impliquée avec Mikoto et Iris, mais elle a toujours été plus proche de la plus grande et celle-ci est bien plus demandante. Marilyn veut que Shizune reste, c’est évident qu’elle a peur que la Onizuka reparte sur un nouveau coup de tête. Et le fermier renfrogné ne tient pas non plus à ce que la grande brune qui aime bien donner des coups de pied et de sabre derrière la maison s’en aille une nouvelle fois.

Vu de l’extérieur, tout semble un peu idyllique : les enfants s’amusent, les parents ont l’air de bien s’entendre, on a même tonton qui squatte et fait des travaux dans le grenier. Le problème principal de la maisonnée réside pourtant dans les soucis de communication de certain.e.s. Car, oui, Soltan n’avait pas encore abordé les sujets qui fâchent avec Shizune. Du moins, pas en mettant tout à plat une bonne fois pour toute. Il n’était pas le genre subtil qui parvenait à glisser des indices aux détours de conversation (et probablement que la Onizuka n’est pas vraiment assez fine pour les saisir non plus)… Il n’est pas comme ce sans-gêne de Zlatan qui se permet parfois de faire du passif agressif et des sous-entendus sur le fait qu’il était temps que Shizune revienne, « car le fermier, là, il était un peu au bout de sa vie parce que tu prenais des vacances mais y veut pas l’avouer, hein » (ce n’est pas dit ainsi mais le message est clair). Si l’ancien psy passe son temps à se récupérer des regards noirs dans ce genre de contexte, que Shizune lui rit au nez ou ne relève même pas, Soltan voit bien que son cousin commence à en avoir un peu marre de le voir repousser ce qu’il ne pourra pas éviter de toute manière. Le fermier sait bien que le Eriksen s’inquiète plus qu’autre chose, mais il n’en est pas moins pénible. Puis, sans doute Shizune esquive-t-elle, elle aussi. S’ils ont déjà essayé, cela a toujours été difficile d’aborder le sujet des responsabilités et du fait, eh bien, que les enfants ne peuvent pas s’élever tout seuls.

Il faudra bien que Soltan lui demande … va-t-elle rester, cette fois-ci ? Repartir ? Décider d’assumer ou non ses responsabilités ? Bref vont-ils peut-être pouvoir projeter quelque chose sur le long terme, que ce soit ensemble ou séparément… ? Et la dernière question qui fâche… Est-ce qu’on s’aime encore assez pour ça ? Il y a quinze ans, ces questionnements auraient paru bien sots à Soltan. Passé tous les arguments visant à lui faire croire qu’il ne mérite probablement pas tout ça, qu’il devrait se contenter de ce qu’il a et même de galérer seul car il ne devrait pas faire la fine bouche, vu sa chance, mais… Il n’oublie pas les mauvais coups et les lapins que Shizune leur a posés à plusieurs reprises, pendant l’hiver, puis quelques mois avant.

Je devrais juste me faire à l’idée que je dois gérer ça par moi-même. Sauf qu’elle est là, maintenant. Qu’est-ce qu’elle va faire, en fait ? Qu’est-ce qu’elle cherche ?


Le mieux serait de lui demander clairement, mais Soltan a cette sale impression d’être contrôlant, d’être un mauvais compagnon en agissant de cette manière. Il sait à quel point son amie tient à son indépendance. Il sait aussi qu’elle ne fait pas ça car elle n’aime pas les enfants… Enfin, il est certain qu’elle adore Marilyn, en tout cas.

Mais, même… pourquoi elle veut pas rester ? Est-ce que je suis trop con pour comprendre ce qui la gêne par moi-même ?


Lui aussi, il y a des jours où il en a marre des enfants, où il aurait bien envie d’une pause. Il en était carrément à appeler son cousin pour ça, à l’époque. Mais la question ne se pose même pas : ce sont ses gamins, il faut les élever.  

J’essaie de trouver des excuses pour pas en parler en fait… M’enfin, ça va bien deux secondes de faire la chochotte. Sauf que y’a pas que moi qui balise sur la question.  

Ses enfants… leurs enfants voudraient sûrement bien savoir, eux aussi, ce qu’il en est. Soltan devrait d’abord faire le point sur ce qui serait possible comme alternatives…

Mais ça commence à me saouler d’être celui qui fait tous les arrangements. Depuis quand je suis devenu aussi mou ? Hmph, c’est pas vraiment nouveau, hein.

Assis sous le porche avec son cendrier posé à ses côté, l’armoire à glace se pinça l’arête du nez en grognant, ne parvenant pas à s’imaginer clairement la discussion qu’il devrait avoir avec sa partenaire un jour ou l’autre. Très prochainement, ce serait même le mieux.

Avant qu’elle reparte en tout cas… si c’est pas trop demander.

En recoiffant ses cheveux gris qui lui tombaient dans les yeux vers l’arrière, le fermier fronça les sourcils lorsqu’il entendit un pas familier se rapprocher.

« Bien sûr que tu dors pas, toi. »


Gromella-t-il en voyant son cousin maigrichon se rapprocher sous le porche.

« Ben non. Mais j’peux te laisser tranquille, hein. »


De toute façon, tout ce que je fais, là, c’est me prendre le chou. J’ai l’impression d’avoir toujours le cul entre deux chaises et d’être incapable de décider. Autant l’écouter raconter des conneries, ça me distraira.


« Nan, c’est bon, ramènes ton cul. »


Zlatan n’était pas venu les mains vides comme il avait même préparé des tisanes avant de débarquer sans prévenir. Le plus jeune ne cache pas qu’il aimerait mieux être seul avec ses pensées, mais en même temps, ces dernières tendaient à tourner en rond, à le faire se sentir coincé de toute manière. La présence du brun qui ne changera probablement jamais de son look d’ado edgy à base de blouson de cuir et de santiags ne mettait pas Soltan tout à fait à l’aise ces temps-ci. Depuis le retour de Shizune, une ambiance quelque peu pesante s’était installée entre les deux cousins. Probablement car le plus âgé n’aime pas trop la Onizuka et ça, Soltan n’en a jamais vraiment douté. Bien entendu, il n’attend pas de confirmation de son cousin le plus âgé et se fiche bien de son avis sur la question. Mais il n’y a pas que ça, car en même temps… il ne peut pas donner tout à fait tord à Zlatan quand ce dernier sous-entend que lui et la grande brune devraient « causer », que « ça leur ferait pas de mal ». Ça a toujours beaucoup énervé le gris d’admettre que son cousin a parfois un peu raison. Mais il n’apprécie pas que même Zlatan, dont il est pourtant proche, donne son avis sur la manière dont il gère la situation… Même si, en même temps, c’est aussi lui qu’il a appelé il y a des mois pour lui demander de venir l’aider avec les gamins car il était au bout du rouleau entre a fugue de Ludwig, les soucis de Marilyn à l’école, et l’absence de durée indéterminée de Shizune. Par conséquent, le fait d’être mis en dehors de tout ça de manière un peu soudaine depuis le retour de sa « belle sœur » (il ne sont pas frangins avec Soltan mais c’est tout comme) n’avait pas l’air de plaire à Zlatan.

Pourquoi est-ce que c’est si compliqué avec tout le monde ?!

Il en était presque à se dire qu’il était aussi bien à l’époque où il vivait peinard, sans personne. Sauf qu’il n’avait jamais vraiment réussi à se sentir bien sans s’occuper d’autrui et sans avoir de l‘animation autour de lui. Puis, il aime bien trop ses enfants pour les lâcher.

…Contrairement à d’autres…

Amer, le fermier se dit qu’il ne devait pas antagoniser sa conpagne. Ça n’apporterait rien de bon. Mais c’était un autre résultat de leur manque de communication. Tandis qu’il recommençait à se donner e tournis à force de trop réfléchir, l’autre s’était assis à quelques mètres et sirotait sa tisane en silence. Ce fut Zlatan qui, comme souvent, brisa le silence.  

« Heum, alors… comment ça va, en ce moment ? »


Le ton de l’autre était un peu trop sérieux aux oreilles du fermier. En un sens, évidemment qu’il s’inquiète peut-être de le voir encore debout vers 2h du matin à fumer sous le porche. Et vu les pensées qui tournent dans la tête de l’armoire à glace refrognée et les évènements des derniers mois, il n’a pas vraiment tord de se faire du mouron. Soltan n’aime pas ça, cette évidence qu’il est toujours prévisible, surtout aux yeux de son cousin qui le connait depuis trop longtemps pour être dupe.

Il en sait carrément trop d’ailleurs. Je sais pas s’il est trop débile ou trop tolérant pour être « ok » avec ce que j’ai fait mais… bon, j’apprécie, en un sens (lui dites pas), m’enfin… Bah, des fois, c’est gênant, car je sais qu’il est capable de me pousser dans mes retranchements.


Lui aussi connait trop bien l’ancien psy. Dans un pareil contexte, il sait qu’il tente de prendre des pincettes pour aborder un certain sujet. Et Soltan n’aime pas qu’on tourne autour du pot. Même si c’est bien ce qu’il fait dans sa tête très régulièrement.

Ouais, mais, euh, c’est pas pareil, moi, je fais pas chier les autres avec ça.


« …Quoi ? »


Rétorqua-t-il sèchement en rendant au brun avec les cheveux dans la figure son regard en biais.

« Quoi... quoi ? »


Gnagnagna, « bah quoiiii ? », gnagnagna… arrêtes de faire l’innocent, trouduc.

Il l’insulte affectueusement dans sa tête fort souvent et c’en est devenu une habitude. Mais là, il faut avouer que le ton de son cousin lui courre un peu sur le haricot.  

« T’as ta voix de psy et j’aime pas ça. »

Expliqua le fermier en portant finalement sa tasse à ses lèvres. L’autre sembla un peu pris au dépourvu et se mis à bégayer, ce qui lui donna l’air assez niais.

« Ah, non, non, euh… j’ai même apporté la tisane, hé. »
« Hmph… »


Soltan n’était pas sûr de ce que cette histoire de tisane venait faire là-dedans… ce devait être un argument. Depuis le temps, il ne cherchait plus tellement à déchiffrer tous les implicites dans les paroles de son cousin. Le plus jeune laissa passer un bref silence avant de répondre à la question initiale de son interlocuteur. Néanmoins, vu la situation actuelle avec lui et Shizune, il ne pouvait s’empêcher de rester méfiant au sujet des intentions de Zlatan.

Est-ce qu’il est vraiment juste là pour savoir si je vais bien ?

« J’vais bien. Enfin, en ce moment, ce serait bizarre que j’aille mal, toute façon. »

Quoi ? Je peux nier encore plus fort s’il faut.

Le fermier donna une réponse neutre pour se donner l’ait détaché. Il se demanda tout de même à quoi cela pouvait bien rimer de jouer cette comédie devant l’autre. Il n’y a qu’à voir le regard sceptique que posait désormais l’ancien psy sur lui.

« …Pourquoi tu précises, alors ? »


Soltan soupira à la manière d’un pachyderme mal luné dans sa tasse et leva les yeux au ciel. Ça l’agace, que l’autre le connaisse si bien, en ce moment.

« T’es obligé d’analyser comme ça ? »


Le ton cassant du plus grand provoqua un air fort blasé chez Zlatan. Oui, c’était probablement un peu une manie chez lui, que d’analyser les comportements. Son intention n’a jamais été de faire du mal avec ça, pourtant. Contrairement à ce que Soltan a l’air de penser, il n’essaie pas de lui faire une thérapie… car s’il avait causé à ses anciens patients comme il parle à son cousin, il aurait été encore plus mauvais praticien qu’il ne l’était déjà.

« Poses-la, ta question indiscrète et arrêtes de me faire chier. T’es lourd, en ce moment. »


Le cinquantenaire eut l’air momentanément choqué par le ton employé par son cousin. Il arqua un sourcil et pinça les lèvres en marmonnant.

« Oh, ça va, du calme… »


Maugréa Zlatan en reprenant son air boudeur naturel. Il aime beaucoup son cousin, ça, personne ne s’y méprend. Cependant, cette attitude ma lunée est toujours plus naturelle chez l’ancien psy que la façade aimable qu’il a pour garder une distance polie avec les inconnu.e.s. Cependant, l’absence de détour qu’il allait s’autoriser à faire à présent, même si Soltan lui avait demandé d’être direct, ça ne lui faisait pas spécialement plaisir. Parce que c’est un sujet qui va fâcher et qu’il ne prend aucun plaisir à mettre mal à l’aise son prochain (à part s’ils l’ont vraiment cherché).

« Elle va rester, cette fois, Shizune ? »

Lâcha finalement le plus âgé et Soltan n’attendit pas longtemps avant de répondre par un grognement sourd. En même temps, c’était l’occasion de faire comprendre une fois pour toute à son cousin indiscret qu’il avait plutôt intérêt à rester en dehors de ça à l’avenir.

« Pourquoi t’as l’air d’insinuer qu’elle va repartir ? »


La question l’avait piqué au vif mais Soltan le dissimula derrière son habituelle façade neutre. Bien sûr, ce n’est pas son cousin qui est accessoirement son confident de longue date qui sera dupé par la tentative du fermier de le pousser dans ses retranchements.

« Come on… »


Zlatan avait levé les yeux au ciel pour insister sur le fait que l’état de son cousin les mois avant le retour de sa compagne était assez inquiétant. Visiblement, le fermier ne tenait pas du tout à en parler.

« Quoi ? Que je sache, elle peut bien faire ce qu’elle veut, j’ai pas le contrôle sur sa vie. »


Ça, ce n’est pas l’ancien psy qui en douterait, mais peut-être s’y était-il pris maladroitement pour faire comprendre à l’autre où il voulait en venir. Ce n’est pas tant les rapports entre les deux conjoints qui le préoccupait mais la manière dont Soltan laissait tout ça l’affecter et l’épuiser.  

« Je sais, ça, c’est pas la question. » Reprit-il, en essayant tout de même de rester diplomate, bien que ça n’ait jamais été sa spécialité car il fait sans arrêt des gaffes. « Tu vas pouvoir gérer, si elle repart ? »

Le fermier se sentit immédiatement très gêné et il tenta de ne pas laisser transparaitre son malaise, même l’espace d’un court instant.

Mais bien sûr que je vais gérer, il est con ou quoi ? Qu’est-ce qu’y veut, à la fin, me sermonner ou juste prendre plaisir à être indiscret ? Dans tous les cas, s’y pense m’aider, c’est raté.  


« …Evidemment. »


Même si l’autre allait très probablement lui avancer des faits pour le contredire, Soltan n’aurait pas été capable de répondre autre chose. Evidemment qu’il était capable, qu’il le pouvait, qu’il le devait, la question ne se posait même pas. Il n’aime pas la faiblesse, s’il en est à l’origine. Il estime être faible quand il donne la possibilité à son cousin d’insinuer qu’il se surmène. Car le Green refuse de l’entendre pour de nombreuses raisons. Déjà, il se dit que ça fait de lui un mauvais père qui met ses problèmes en avant de ceux de sa progéniture et de sa compagne et d’autre part il est persuadé que pour « rattraper » ses crimes et ses erreurs passées, il ne doit jamais fléchir. Comme s’il devait accumuler une sorte de quota afin d’être éligible au repentir. C’est le procédé le plus censé à ses yeux, mais dès qu’il y pense plus d’une minute le fermier constate que la logique ne saurait donner la bonne manière de se racheter et oublier.

« Comme quand tu m’as appelé au bout de ta vie y’a quelques mois ? Tu comptes lui en parler un jour, de ça ? »

La voix de l’autre tendait à l’irriter, ce soir. Ou alors c’est simplement qu’il s’aventure vers des questionnements que le plus jeune a préféré esquiver jusqu’à maintenant. Soltan s’en rappelle bien, de son état de l’année passée, à l’automne, alors que Ludwig avait disparu depuis plusieurs jours. Quelque chose ne marchait plus, la moindre tâche non planifiée lui paraissait insurmontable, il en oubliait de manger et surtout, il avait peur de ne pas réussir à passer outre pour les enfants et son travail. Ça lui semblait ridicule, de céder devant la fatigue quand jugeait avoir vécu bien pire.

« Faut pas exagérer ! Je t’ai pas obligé à… c’était un contexte particulier. »


Tenta de se défendre le fermier qui arrivait déjà à court d’arguments. D’ailleurs, l’autre se contenta d’émettre un « yeah, right », peu convaincu.

Et, non, je lui en ai pas causé et je compte pas le faire ! Je veux pas qu’elle me prenne en pitié et se sente obligée. C’est totalement de l’orgueil mal placé et je… je me fouttrais la honte car j’ai pas les mots pour parler de ça. Et puis, c’est pas important.

C’est exactement pour ça qu’il espérait que son cousin prenne des vacances et l’oublie un peu. C’est lâche, mais de cette façon, il échappera aux doutes que les paroles de Zlatan ont fortement tendance à titiller. Dans ce genre de situation, en plus, Soltan n’arrive pas à répliquer autrement que très sèchement.

« Tu veux pas que ta copine se sente obligée de rester, ok, mais… imaginons qu’elle reparte. »


Le quarantenaire aux cheveux gris posa sa tasse et reprit une cigarette pour la faire tourner entre ses doigts en espérant que cela l’apaise.

« …Eh ben, quoi. Je vais gérer. Comme d’habitude. »

Il ne sait pas vraiment quoi dire d’autre et espère en répétant « je vais gérer » qu’il va véritablement gérer toutes les situations et imprévus possibles et surtout, que son cousin va finir par le croire. Il eut l’espoir que Zlatan ait enfin compris en le voyant se taire quelques secondes. Sauf que cette pause lui servit à revenir à la charge et plus ça, va, moins le cinquantenaire mâchait ses mots.

« C’est quand même un peu facile, pour elle, tu penses pas ? Elle peut se barrer des mois quand elle veut, laisser ses trois gosses désorientés à leur paternel qui en mène pas large tout seul et… »

Fuck off… Qu’est-ce qu’il en sait, que c’est facile pour elle ?!

« C’est trop te demander de pas te mêler de ma vie, des fois ?! Et arrêtes de toujours faire passer Shizu pour la méchante, ça commence à me gonfler. »

Dit celui qui avait accumulé de la rancune vis-à-vis de sa compagne depuis des mois et qui refusait de l’admettre. Néanmoins, il n’aime pas que l’autre parle d’elle de cette manière. Mais le soucis, ce n’est pas Shizune elle-même. Le soucis, c’est la manière dont son comportement influence celui de son compagnon et fait que ce dernier se met en permanence au second plan en essayant de « gérer » trop de choses pour compenser l’absence de sa partenaire.

« Nan, mais, c’est pas ça, mais je m’inquiète pour toi ! Ça va devenir dangereux pour ta santé, cette histoire ! »


Ma santé va très bien. Qu’il arrête avec ses histoires de déprime et de burn-out. Ça m’arrivera pas à moi, j’ai plus de force de caractère que ça…

« Est-ce que tu peux me laisser gérer mes problèmes et… »

Zlatan échappa une sorte de soupir fort agacé, un espèce de « ffffhhhzhhffgrmbl » qui montrait qu’il commençait à perdre patience en entendant l’autre se répéter.  

« Tes gamins ont déjà une mère qui va et vient quand bon lui semble… qu’est-ce qu’y vont faire quand leur paternel va commencer à être à moitié là aussi car à force de prendre sur lui, il va finir par se bousiller la santé, hein ?! »

Le fermier posa sa tasse et fusilla son interlocuteur du regard. Il ne décelait pas de méchanceté volontaire dans les paroles ni dans les yeux vairons de l’autre. Mais Soltan avait quand même été frappé dans un point très sensible. Il aimerait se dire qu’il est au-dessus de tout ces trucs, ces maladies de surmenage et de fatigue… Mais ce n’est pas le cas. Il le sent bien, qu’il n’a plus d’énergie, qu’il puise dans des réserves presque vides en permanence et tire sur la corde depuis trop longtemps. Mais il refuse de l’admettre. Pour ça, il est prêt à renvoyer des piques tout aussi douloureuses à son cousin en espérant que cela le fasse taire.

« Ah, ouais, c’est vrai que préserver sa santé, t’en connais un rayon, toi. »

Je sais. C’est bas de parler de ses problèmes d’addiction qui lui ont niqué la santé. Justement, il en connait un rayon. Il sait ce qu’y m’arrive.

Et il ne peut pas le supporter, que Zlatan le sache pertinemment. Ce dernier se contenta de lever les yeux au ciel et de ricaner narquoisement sans pouvoir camoufler qu’il avait été quelque peu blessé par les paroles de l’autre. Soltan sait quand son cousin est vraiment vexé. Le psy entreprit de se lever, surement après avoir décrété que cette conversation ne servira à rien pour le moment, à part déclencher une dispute comme ils en avaient déjà eu plusieurs fois ces dernières semaines. Le fermier ne sut pas s’empêcher d’en remettre une couche.

« Et tu devais pas prendre des vacances une fois que Shizu serait revenue, en plus ? T’avais l’air ravi à l’idée de partir, quand on en parlait, l’autre jour. »


Ce n’est pas seulement qu’il ne veut plus que son cousin lui étale des faits pénibles dans le visage, mais c’est aussi qu’il veut le préserver et il s’y prend assez mal, pour ça. Il n’aimerait pas que Zlatan se surmène aussi en continuant ses travaux et se fatigue en plus avec les soucis familiaux des Green-Onizuka. Bref, Soltan n’a pas vraiment d’excuses à son attitude, mais dans l’absolu, la défense agressive lui semble être la seule issue.

« Si t’es si content de la revoir que ça, pourquoi t’es dehors à 2h du matin, hein ? »

Siffla l’autre en grimaçant, une fois debout et prêt à partir. Soltan haussa les sourcils d’un air faussement détaché en scrutant son interlocuteur.

« Venant de toi… »


Zlatan grogna et se retint de réagir vivement au ton rabaissant de l’autre. Un instant après, il soupira et ses épaules tendues retombèrent. Il se massa l’arête du nez, l’air fatigué par cette « conversation ».

« Si c’est ce que tu veux, très bien, je vais prendre des vacances et faudra pas venir chouiner dans mes pattes… »


C’est ça, casses-toi et surtout, occupes-toi de ton cul, ça me donnera du temps pour penser, comme c’est ce que tu veux.

Derrière ces pensées qu’il ne partagea pas, l’armoire à glace sentit sa gorge se nouer. Oh, il se réconcilieront. Depuis toujours, ils se chamaillent et se boudent régulièrement et finissent par se rabibocher. Mais ça reste désagréable à chaque fois.

« …t’auras qu’à continuer de chialer dans ta grange. »

Rajouta l’ancien psy avec le même ton qu’un collégien qui aurait une phrase trop extrême juste pour le plaisir de sortir un « cassééééé » derrière.

Pfff… il est pathétique !


« Je chouine pas dans ma grange. C’était les vaches. »

Répondit-il avec une mine peu assurée, assez incapable de nier entièrement les accusations de l’autre sans craindre que son nez ne s’allonge. Le plus âgé eut l’air encore plus exaspéré et tourna les talons afin de repartir d’un pas bruyant vers l’intérieur de la maison en baragouinant quelque chose comme « yes, fucking cows, my ASS, grjqdqhsjdh ».

Sois pas vulgaire, en plus, sale fuck boy. Y va me réveiller les enfants, ce con…

***


Le lendemain en fin de matinée, Soltan ne pouvait pas dire qu’il se sentait mieux que la veille. Il n’avait pas bien dormi car à force de se prendre la tête il en perdait le sommeil, Shizune l’avait réveillé en s’étirant et en lui mettant sa main dans la figure alors qu’il comptait faire la grasse matinée, les jumeaux s’étaient disputés à grands cris dès le petit déjeuner pour une histoire de céréales, Zlatan avait encore oublié de remettre les outils à leur place et Soltan avait perdu vingt minutes à retrouver ceux dont il avait besoin… Bref, le fermier avait le pressentiment que ça ne serait pas une très bonne journée. Espérant un peu de calme jusqu’à l’heure du déjeuner, le Green s’était réfugié dans la grange pour nettoyer tandis que les vaches étaient dans le pré. Ça le détendait, de faire le ménage et d’être aux petits soins pour ses bêtes.

Sa tranquillité fut de courte durée. Le fermier pensait effectivement être au calme jusqu’au moment où il entendit quelqu’un trébucher sur les seaux et autres affaires empilées à l’entrée du bâtiment. La manière dont l’intrus jura à l’encontre de la porte encombrée de la grange suffit à Soltan pour deviner qu’il s’agissait de son cousin. D’entre les habitants de la ferme, Zlatan était probablement celui qu’il voulait le moins voir en ce moment, surtout après leur entrevue de la nuit passée.

« Qu’est-ce que tu fous dans ma grange ? »
« Bonjour à toi aussi, hein. »


Il a une gueule qui dit qu’il a juste envie de faire chier et j’aime pas ça.

L’éleveur grimaça en essayant d’ignorer l’attitude provocatrice de l’autre mais ne pouvait s’empêcher de le surveiller. Apparemment, son cousin cherchait simplement quelques outils dans la remise donc, ils se contenteront de s’ignorer. Enfin, jusqu’au moment ou Zlatan se rétama de nouveau dans le bazar présent à l’entrée, pesta dans sa langue maternelle, puis entreprit de ranger. Comme ça l’insupportait de l’entendre encore marmonner sans quitter son lieu de travail, Soltan fit volte-face et tenta d’être à peu près diplomate.

« Shizu a dit qu’elle s’occuperait de ça, laisses. »


Ce qui était vrai, pas juste une excuse pour chasser le plus âgé. Mais ce dernier, qui venait de se relever en massant son derrière devenu douloureux après sa chute, ne fit que grincer des dents et répliquer avec une voix de crécelle :

« Ouais, bah, elle est pas là, elle est partie ce matin avec Marilyn. »


Soltan resta interdit l’espace d’un instant. Il fut saisi par la réalisation qu’il n’avait pas pris le temps de se demander où était passé Shizune après son lever. Il se disait qu’elle devait s’entrainer derrière la maison et ne voulait pas être dérangée. Pour Marilyn, il avait supposé que l’ado dormait encore, comme c’est une lève tard. Le paternel décida de ne pas relever la dimension passive-agressive du ton employé par Zlatan en retournant à son ouvrage.

« Ah. Ok. »


Niveau réponse, on ne fait pas facilement plus neutre et désintéressé. C’est exactement ce que Soltan voulait et il fut presque satisfait de voir l’autre faire la moue en voyant que ses provocations étaient inutiles.

Quel petit con… Y se comporte vraiment comme le dernier des gamins quand l’est mal luné. S’y pense que ça va me faire quelque chose…

Et il n’est pas le seul à être très immature présentenent, mais ce n’est pas une question que le fermier souhaite aborder maintenant. Il lui fallait résister à ne pas changer cette conversatin en un concours de réparties méchantes totalement gratuites. Cependant, le Green espère quand même que l’autre n’ira pas le pousser. Sinon, la suite de la scène allait devenir moche et encore plus puérile qu’elle ne l’est déjà. Mais, dommage pour eux et pour l’avancée du débat, aucun ne comptait se comporter en adulte et surtout pas le Eriksen en premier lieu.

« Elle aurait pu prévenir quand même… »

Oh, god dammit, je vais l’étrangler.

En entendant les clairs sous-entendus dans les remarques Zlatan, le fermier en eut marre de se la jouer distant. En faisant mine d'ignorer l'autre en premier lieu, Soltan se saisit d’une pelle puis fit quelques pas vers le tas de bouse qui s’était accumulé tandis qu’il faisait le ménage. En moins de temps qu’il ne fallut à l’ancien psy pour pester à nouveau, Soltan lui balança une portion de fumier bien dirigée dans l’arrière de la tête. En sentant que ça lui retombait dans le cou, Zlatan se retourna lentement et eut l’air sincèrement choqué par ce qui venait de se passer. L’espace de plusieurs longs instants, il ne parvint pas à trouver les mots pour exprimer son outrage et son dégout.

« …Est-ce que tu viens de m’envoyer de la bouse dessus ?! »


Articula-t-il presque difficilement, encore estomaqué. A quelques mètres de lui, Soltan posa ses mains sur ses hanches et pencha la tête sur le côté, ne retenant pas un léger sourire mesquin.

C’est pas moi qui ait commencé…

« Ouais, et… ? »

Le visage de Zlatan fut gagné par un rouge colérique en une fraction de seconde. Pour témoigner de son agacement, il donna un coup de pied dans les seaux qu’il venait de réempiler et se mit à grogner comme un roquet à l’encontre de son cousin le fermier, dont il s’approcha en essayant de se donner l’air menaçant.

« Espèce de batard ! C’est quoi ton problème ?! »


L’ancien psy se dressa devant le fermier et lui adressa des regards noirs, en essayant de camoufler le fait qu’il n’en menait pas très large et ne voulait pas se frotter à son cousin de manière trop musclée. Soltan se contenta de repousser l’autre vers l’arrière d’un geste ferme, en guise d’avertissement. Avec son poids plume, le Eriksen maigrichon fit quelques pas vers l’arrière et se mit à fulminer encore plus fort devant l’attitude suffisante du fermier.

« Tu vas arrêter avec ton passif-agressif, maintenant ?! »


Soltan n'eut pas le temps de terminer d’intimider son cousin car ce dernier avait attrapé le tuyau d’arrosage et lui projeta le jet d’eau dessus. La suite se fit à base de cris, d’insultes fleuries, de glissades assez pathétique sur le sol qui se couvrit bientôt d’eau et de bouse. Le boucan finit par alerter Ludwig qui venait de terminer son petit déjeuner sous le porche. Le blondin resta interdit devant le « spectacle » donné par les deux cousins puis fut rejoint par Iris et Mikoto qui demandèrent à l’adolescent qui étaient ces nouveaux Pokémon nommés « motherfucker », « dickhead », « shit-eater » que leur Papa et leur Tonton invoquaient avec détermination. Ludwig connaissait les sales caractères de son tuteur et de l’ancien psy et savait qu’ils se chamaillaient de temps en temps, mais jamais il ne les aurait imaginés en venir à se bagarrer en se poussant dans la boue et en s’envoyant de l’eau et du caca de vache à la figure. Ce à quoi ils assistaient le laissa sans voix un petit moment, tout comme les jumeaux qui semblaient mesmérisés mais pas trop inquiets.

« Euuuuuuuuuuuuuuuh… »

Dans sa confusion, le jeune blond perdait ses mots et se demandait sincèrement ce qu’il fallait faire quand on est témoins d'une situation aussi pathétique. Normalement, ce sont les enfants qui se disputent comme des chiffonniers et les adultes qui viennent les calmer. Mais là… C’était confusant et quelque peu blasant. Le Nagel fut soulagé de voir Marilyn et Shizune revenir juste à temps dans le domaine et être à leur tour alertées par le boucan produit par les deux abrutis. Marilyn fut la première arrivée et vois son père et son oncle s’envoyer des crottes et des insultes à la figure la fit glousser grassement.

« …M’maaaaaan ? Y’a Papa et Tonton qui se jettent du caca ! »

L’ainée des Green-Onizuka se mit à pouffer car le caca c’est rigolo et fut imitée par Ludwig, Iris et Mikoto. Les éclats de rire des enfants finirent par distraire les deux adultes qui réalisèrent finalement qu’ils n’étaient pas seuls. Shizune entra dans la grange, observa le désastre, lança des regards assassin aux deux energumènes couverts de boue et qui ne sentaient pas la rose, puis s’avança vers eux en fulminant. A l’arrière, dans l’entrée qui faisait office de meilleure place dans le théâtre, Marilyn donna un coup de coude à Ludwig et lui glissa quelque chose comme « huhuhu, y vont s’faire dé-fon-ceeeeer ». Même si le blondin n’est pas vraiment fan des clash, là, il devait bien avouer que la scène était bien trop absurde pour ne pas ricaner bêtement aux propos de son amie d’enfance.

« Mais qu’est-ce que vous foutez, bordel ?! »


Lâcha finalement la Onizuka en posant sa main sur sa hanche. Soltan plissa les yeux, croisa les bras sur son torse et regarda ailleurs en marmonnant. Zlatan, pour sa part, se mit à observer le sol, mains dans le dos, en tortillant du pied par terre. Le psy qui ne faisait pas le malin fut pourtant le premier à répondre en reniflant de manière dédaigneuse.

« C’est lui qu'a commencé… »

Le fermier se retourna afin de lui lancer de nouveaux regards de tueur puis se remit à lui rugir dessus.

« Quoi ?! Fous-toi de ma gueule ! » Puis le regard de Soltan repassa sur Shizune qui attendait des explications en tapant du pied sur le sol. « Mais, euh, Shizu, vous étiez où ?! »

Sa dernière question sortit un peu trop agressive et ça n’était pas son idée initiale. Evidemment, sa compagne haussa les sourcils et continua à le juger très fort. Elle-même se surprenait de trouver autant de patience envers la situation actuelle et se demandait vraiment pourquoi elle se devait d’en faire autant pour deux débiles incapables de gérer leurs conflits sans dégueulasser la grange.

« Déjà tu te calmes, j’ai juste emmené ta fille observer des bestioles dans la forêt le matin car ça fait une semaine qu’elle demande et ensuite… depuis quand je dois me justifier en fait ?! »


Soltan pinça les lèvres et rougit légèrement d’embarras. Ce n’était effectivement pas son but que de demander à sa compagne où elle était passée et avec qui, comme s’il ne lui faisait plus confiance.

En même temps, pour être franchement honnête…

Il ne pourrait assurer que lorsque Zlatan lui a dit que Shizune était partie avec Marilyn, l’idée qu’elle leur avait encore faussé compagnie ne lui était pas passé par la tête. Probablement pour ça qu’il s’était énervé aussi rapidement. L’ancien psy n’avait fait que sous-entendre ce que le fermier avait osé penser tout bas.

…Y’en a pas un pour racheter l’autre, on est vraiment des sales cons.

« N-non, mais, c’est pas ça, j’étais inquiet. Et lui, là, il… bref. »

Tenta-t-il quand même de s’excuser de manière assez minable. Zlatan avait l’air tout piteux aussi et ne quittait plus le sol boueux de la grange des yeux. Très peu convaincue, Shizune les jugea avec son regard le plus blasé. Elle soupira longuement puis tourna les talons en direction de la sortie.

« Ouais, bah, la prochaine fois mets tes lunettes, j’avais laissé un mot sur la table du salon… »


Marmonna la Onizuka franchement exaspérée par tout ce bazar totalement inutile. Soltan entrouvrit la bouche et s’empourpra encore d’avantage. En le voyant croiser les bras et tapoter avec les doigts sous le coup de la gêne, Marilyn et les autres enfants retirent un gloussement, surpris de voir le fermier d’habitude impassible se ratatiner de la sorte.

« …Je… Je suis désolé. »


Le paternel tenta assez pitoyablement de s’excuser, mais cela ne provoqua qu’une nouvelle expiration irritée chez Shizune qui avait juste l’air de vouloir aller taper sur des bottes de foin derrière la maison. Cependant, elle se retourna vers son partenaire en continuant de le regarder de travers, manifestement lassée et quelque peu blessée.

« C’est bon, on va arrêter de me prendre pour l’irresponsable de service, maintenant ?! »

Cette vérité fut un peu trop fraiche pour que Soltan n’essaie pas de nier et d’encore une fois remettre la faute sur son cousin, qui, selon lui, avait un peu voulu envenimer les choses entre leur discussion de la nuit passée et celle de ce matin. C’était lâche, une fois de plus, il ne voulait pas admettre que sa confiance envers sa compagne et amie de longue date n’était plus du tout celle qu’ils partageaient autrefois.

Puis… C’est Zlatan qui voulait me mettre le doute, là ! Il fout la merde, en ce moment !

Du moins c’est ce dont il tente de se persuader, pour ne pas admettre qu’il a trop peur d’aller parler de tout ça à la principale concernée.

« C’est lui qui... »

Avant même qu’il ne finisse sa phrase, Shizu se retourna une dernière fois, incapable d’être diplomate cette fois-ci et haussa le ton de manière à leur fermer leur clapet une bonne fois pour toute.

« Bordel que vous êtes chiants, grandissez un peu ! »

Elle s’en alla et Marilyn lui emboita le pas, lançant un « popopoooooo » à la cantonade en sortant.

…Ouais… j’imagine que j’agis pas mieux qu’un gamin débile qui a peur de parler des choses qui fâchent…


Le fermier se raidit et attendit que les autres aient quitté les lieux. Il se retrouva seul avec Zlatan avec qui il n’osait plus échanger un regard. Quelques longues secondes passèrent dans un silence pesant. Le fermier décida de nettoyer une bonne fois pour toutes la grange, mais pour cela, il devait reprendre le tuyau d’arrosage à son cousin le psy, qui tirait une très sale tronche. C’est probablement d’apercevoir une bonne dose de jugement dans le regard de Zlatan qui fut la goutte de trop et qui rendit le Green passif-agressif.

« T’es content de toi, j’espère… »

Grinça-t-il et l’autre lui jeta presque le tuyau à la figure, encore rouge et tremblant de colère. Zlatan ravala son envie de provoquer l’autre de nouveau et s’éloigna à son tour vers la sortie de la grange en montrant son majeur à ce dernier comme le dernier des adolescents edgy.

« Fuck off ! »

Fuck off toi-même…

Pensa très fort le quarantenaire en fusillant du regard son cousin en train de s’éloigner, probablement pressé d’aller prendre une douche et crier dans un oreiller pour se calmer.

Il fallut un petit moment à Soltan pour sentir son énervement diminuer à mesure que le grange redevenait un peu plus présentable. Il commençait à avoir envie d’une douche quand tout ça serait fini. Avec le calme il retrouva aussi la culpabilité, celle-ci le frappa plus fort encore que d’habitude, surtout quand il vit Zlatan sortir de la maison en direction du garage et sortir sa moto en expliquant à Ludwig qu’il prenait juste un peu de vacances pour aller se balader, mais qu’il reviendrait.

C’est bon, j’ai compris, je suis vraiment le dernier des nazes. Zlat’ se barre et Ludwig et les enfants vont être inquiets, maintenant…

Pensa-t-il en se massant l’arête du nez.

C’est moi qui lui ait dit de se barrer, en même temps…

Il grogna et se rapprocha de son cousin qui bricolait sa moto une dernière fois avant de partir. Il fut accueilli par un regard noir et des grognements. C’est vrai que son cousin est sacrément rancunier. Donc ce n’était peut-être pas plus mal s’il partait quelques jours. Avant même qu’il ne puisse dire quelque chose, l’ancien psy lui dit qu’il allait revenir de toute manière et qu’ « on reparlera de tout ça à ce moment-là, t’avais raison sur un point, j’ai besoin de vacances ».

Drama-queen. Mais je suis pas mieux.


Au moins, sur le point des vacances, l’autre avait l’air plus ou moins sincère. Soltan ne sut pas quoi répondre et se contenta, probablement pour se donner bonne conscience plus qu’autre chose, de rappeler à son cousin de ne pas oublier ses médicaments, mais ne se reçut qu’un « grmmgrmbl » en guise de réponse. Tous les deux, ils ont probablement tendance à trop se materner. Ils se protègent l’un l’autre mais ça en devient étouffant. Evidemment que Zlatan savait qu’il serait bienvenu à son retour et que les choses se rangeront à ce moment-là, mais présentement, ça ne les faisait pas se sentir mieux.

J’imagine que ce sera aussi l’occasion de finalement causer avec Shizu. Avec ce qui vient de se passer je sais pas si j’ai encore le choix… Si je continue de laisser couler, ça va jamais s’améliorer.

Avant de se diriger vers la maison pour aller finalement se laver, le fermier se contenta d’un « bon bah, salut », adressé à son cousin plus âgé. Ils n’aiment pas les au revoir et s’en contenteraient. Ça ira mieux dans une petite semaine.

En attendant… je vais essayer de faire le tri dans tout ce bazar.

Par « ce bazar », il faisait référence à sa vie de famille. Avec tout ce qui s’était accumulé au fil des mois voire des années, Soltan sentait déjà le vertige le gagner.
Ludwig Green
Ludwig Green
Civil
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Jeu 11 Juil 2019 - 17:01
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