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Family issues 5 (OS, évolution)
Lionel Roque-Lartigue

Family issues

Partie 5

Evolution de Mercuria

/!/ TW : homophobie intérnalisée, évocation d'abus familiaux, comportements toxiques, alcool /!/


La soirée s’était bien passée. Comme Shérylle était de passage pour quelques semaines, Lionel s’était permis de l’inviter à jouer au billard avec Hanson et lui car la Jaskoviak semblait entousiasmée par la proposition. Cependant, plus la soirée avançait, plus Lionel se sentait bizarre. Peut-être que toute cette situation lui rappelait un peu trop « avant ». Enfin, l’époque où ils étaient ensemble avec Shérylle et qu’ils sortaient de temps en temps avec Hanson et Gladys. Difficile de faire plus hétéro que des « double dates « en famille » » de ce genre. Aujourd’hui, le coordinateur se dit que c’était peut-être un peu forcé et étrange. Ou alors, c’est un décalage qu’il ressent dans sa situation amoureuse actuelle qu’il ne pouvait pas vraiment ressentir avant, en plus du décalage social qu’il ressent encore plus souvent et qui est dû à… quelque probable neuroatypie qu’il ne veut pas encore explorer. Il a vu ce mot de manière un peu récurrente dans ses recherches de psy, ces temps-ci et cela l’effraie, car il s’est plusieurs fois dit que ça lui rappelait certains de ses comportements. C’est le bazar dans la tête du cadet Roque-Lartigue, ces temps-ci et ça l’épuise.  

En se retrouvant dans un contexte où Sherylle et Hanson se racontent leur vie comme si ne rien était, qui lui rappelle ce qu’il était il y a presque 15 ans, probablement que le bleu se rend compte qu’il a évolué. Que maintenant, il se pose des question pour changer des choses et donc, se sent un peu loin de cette image qu’il continue de renvoyer de lui-même. Ce côté forcément jovial, superficiel, fier de ce sa réussite et de son travail et attaché à des choses bien futiles comme tous ces trophées ou ces photos avec les rivaux, rivales et ami.e.s qu’il s’est fait à mesure de ses voyages et de ses affrontements. Cela fait partie de lui, mais intérieurement, il n’a pas envie d’être toujours souriant et de se donner une apparence confiante et extravertie dans les moments où il se sent forcé (ou se force) et préférerait disparaître.

Ces derniers temps, il se montrait un peu plus franc que d’habitude avec Hanson, même s’il en devenait encore souvent immature. Il le voyait bien, d’ailleurs, que son comportement faisait un drôle d’effet au plus âgé qui l’avait rarement vu ainsi, ou entendu dire qu’il était en colère contre quelque chose ou quelqu’un (nommément, leurs parents). Devant ce changement, Hanson ne savait pas bien comment réagir non plus et pouvait se montrer cassant. Si Lionel s’agaçait du manque de réaction de son grand frère, mais en même temps, il lui était difficile de lui en vouloir quand il a lui-même a du mal à saisir ce qui lui arrive.

« Bon, bah j’y vais, moi ! »

Fit Shérylle après quelques temps. Ils avaient terminé leur partie depuis une petite demi-heure et la grande mauve ne voulait pas rentrer trop tard chez ses parents. Concentré sur ses pensées et sur son dessous de verre qu’il avait commencé à faire tourner depuis quelques minutes par ses petits coup d’index, le bleu ne s’était pas trop rendu compte qu’il avait totalement décroché de la discussion des deux autres adultes. Lionel était concentré et ne réagit pas au départ de la plus âgée dans un premier temps. Shérylle et Hanson furent un peu déstabilisés par l’absence de répondant du plus jeune quarantenaire. D’un air malicieux, la plus grande se pencha vers le cadet et lui souffla dans l’oreille afin de le tirer de ses pensées. Cela marcha encore mieux qu’elle l’avait prévu, comme Lionel se mit à crier, se leva en se couvrant l’oreille d’un air horrifié.

« M’enfin !! Qu’est-ce que tu fiches ?! »
« Ah, ça y est, il a atérri. »


Le bleu fronça les sourcils, vexé qu’on parle de lui à la troisième personne comme s’il n’était qu’à peine là. Bon, certes, il était effectivement un peu parti ailleurs ces dernière minutes. Lionel se mit à rougir comme s’il se faisait gronder de n’avoir pas été assez attentif.

« Mais, enfin… c’est pas très drôle... »

Marmonna le plus jeune, les épaules toujours tendues. Shérylle et Hanson levèrent brièvement les yeux au ciel et la mauve rajouta un « roooooh » que Lionel trouva étrangement infantilisant.

Du calme, Lio… ne commence pas à prendre tout de travers avec ta sensibilité.


Cette dernière pensée sonnait un peu faux. Probablement car dans sa tête il a clairement vu Zlatan regarder la caméra (et c'était vaguement malaisant).

« Hm… tu t’en vas, Shérylle ? »

Finit-il par dire afin de changer de sujet.

« Mais oui, très cher, il me faut vous quitter ! »

Shérylle ricana et Lionel percuta alors que la plus grande semblait un peu pompette. Ça expliquerait qu’elle parle fort et soit soudain devenue collante. Sur ce point, elle n’avait pas trop changé depuis quinze ans mais dans le contexte actuel, le coordinateur était mal à l’aise qu’elle se soit ainsi invitée près de lui en prenant son bras pour qu’il se lève afin de lui dire au revoir. Non sans un début de grimace irrité, le cadet s’exécuta. Shérylle fit d’abord la bise à Hanson, puis fit un bisou baveux sur la joue de l'autre qui fit hurler intérieurement le bleu de malaise.

« Mais arrête-euh ! »

Se mit-il à geindre en s’extirpant, ce qui rendit l’ex-coordinatrice encore plus hilare.

Oh, elle est pénible quand elle s’y met !

En pestant intérieurement, le bleu hésita un instant, puis s’excusa auprès de son grand frère avant de suivre la plus âgée dehors. Celle-ci fut surprise de le trouver à l’entrée, lorsqu’il la rattrapa. Maladroitement, il rattrapa la Jaskoviak et prononça son prénom afin d’attirer son attention. Il voulait juste lui dire qu’il avait été un peu gêné par ses gestes… sauf que ce n’est pas vraiment ça qui sortit, dans le texte comme en sous-texte.

« Écoutes, euh, ne… ne refais pas ça, c’était un peu… et je ne voudrais pas qu’Hanson se pose des questions! »

Shérylle se retourna vers Lionel et lui envoya un regard agacé. En la voyant lui envoyer des regards noirs, le bleu fut mal à l’aise et se dit qu’il avait peut-être mal formulé sa pensée ou paru trop sec et autoritaire.

« Roooh, qu’il t’imagine avec une dame aussi sublime que moi, c’est pas si insultant, tu t’en remettras... »


Shérylle appuya bien d’un ton monocorde et sarcastique ses propos. Ça l’irritait, l’attitude du bleu, elle ne comprenait pas pourquoi il paniquait apparemment « pour rien ». A ses yeux il était gonflé de venir pleurer pour si peu. En entendant les propos de la mauve, le Roque-Lartigue se tendit, comprenant qu’il avait fait de mauvais choix de mots. Évidemment, qu’il ne voulait pas être insultant en parlant de interprétation que pourrait avoir son frère du geste de Shérylle. Quoique, peut-être qu’il ne voulait pas qu’on se des questions sur sa situation amoureuse et qu’à cet égard, il en devenait vigilant à l’excès. Il ne sait pas trop, en fait, mais il est certain de s’être senti très embarrassé. Il avait plus honte de sa réaction qu’on lui avait presque reproché d’être excessive, avait l’impression d’avoir raté une blague dont il était le sujet. Et maintenant, il se sentait mal de ne pas avoir ricané de lui-même ou juste joué le jeu alors qu’il n’en avait pas envie. Mais peut-être que Shérylle à raison. Peut-être que s’il ne stressait pas autant pour quinze trucs à la fois (qu’il pourrait commencer à résoudre s’il se comportait un peu moins comme un lâche et un gamin), alors peut-être se détendrait-il et arrêterait de devenir parano à la moindre occasion.

« Mais enfin ! Je ne voulais pas dire que… ! Ce n’est pas le sujet !! »

Dans sa confusion, il ne parvint pas à formuler sa pensée et eu l’air de se justifier un peu lâchement au lieu de s’excuser. La presque cinquantenaire grogna.

« Rohlala… arrêtes un peu de flipper, ce que t’es susceptible, ces temps-ci ! »

Jamais elle n’irait le « outer » devant son grand frère. Devant personne d’ailleurs, elle a elle-même déjà fait les frais de ce genre de mésaventure et même si Lionel est extrêmement susceptible et pénible à cet égard ces temps-ci, elle ne lui souhaitait pas de vivre ça. Sauf que Lionel a tendance, ces temps-ci, à voir n’importe quoi comme une menace envers son intégrité et sa vie privée. S’il a d’autres problèmes, il lui fallait admettre que sa honte d’être encore dans le placard et de ne pas savoir quoi en faire était en grande partie responsable de sa rumination. C’est arrivé au point où il s’est enfermé dans un cercle vicieux : il a encore plus peur d’essayer de se sortir de cette situation que de rester à se détester. Dans tous les cas, quelque soit sa douleur, il a appris ces dernières années qu’il était inacceptable qu’il s’en prenne à d’autres personnes « qui ne comprennent pas sa grosse souffrance ohlala ». Mais il était tout aussi inacceptable qu’il se laisse souffrir dans son coin, parait-il. Après tout, jamais le bleu ne se confie ni n’explique jamais rien… il ne veut même pas admettre son malaise et toute sa colère refoulée.

La dernière intervention de la Jaskoviak avait laissé le coordinateur sans voix. En le voyant baisser les yeux et rougir de honte comme à chaque fois quand il vient de dire ou faire une connerie, la grande dame aux cheveux mauves se détourna en enfilant sa veste. C’était plus fort qu’elle, elle avait besoin d’en remettre quand même une couche, en plus, l’alcool faisait qu’elle n’avait plus beaucoup de filtres.

« T’as qu’à lui faire ton coming-out, au moins tout le monde sera fixé. Et toi ça te détendra sûrement un peu. »

Bon sang, elle a raison… pourquoi est-ce que je suis comme ça ?!

Rendu muet par les propos de son amie, le bleu ne sut quoi lui dire sur le moment. Mais il n’osa pas admettre qu’il la trouvait un peu culpabilisante quand même.

Mais ce n’est pas si facile que ça… si ?

Shérylle avait été un peu abrupte dans la forme, jusque là, ce n’est rien d’inhabituel, il l’a toujours connue ainsi. Mais ce n’est pas uniquement le fait que la plus âgée soit incisive. C’est ce que ça bouscule en lui, ce que ça met en évidence.

La honte…

Lionel avait tout le temps honte, depuis qu’il était revenu d’Unys. Ah, il est bon avec ses beaux discours sur « les erreurs c’est ce qui nous réunit, nous les humains hoho j’ai un gros cerveau ». Même s’il le pense, il n’arrive même pas à croire ses propres paroles, à les prendre pour lui, à se sentir simplement légitime. Depuis qu’il avait décidé de sortir du statut quo, que ce soit par rapport à l’adoption, ou par rapport à sa relation avec Zlatan qu’il n’avait plus envie de cacher, tout était devenu plus concret, trop réel. Le coordinateur commence à réaliser que les gens ne devineront sûrement pas d’eux-même qu’il s’avère ne pas être hétéro ou neurotypique. Donc, c’est une chose de prendre sur soi pour ne plus se cacher et se respecter, mais l’assumer devant d’autres personnes, mettre des mots sur tout ça en public, c’en est une autre. Est-ce qu’il réussira seulement à procéder avec ces nouveautés de la bonne manière sans penser que s’il ne s’y prend pas parfaitement, cela ferait de lui une horrible personne ? Et si tout se passait mal ? S’il se faisait rejeter par sa famille pour de bon ? S’il rendait juste Zlatan malheureux et le blessait lui et d’autres personnes dans le processus ? S’il était un mauvais père malgré tous ses efforts ?

Pour d’obscures raisons, se résigner avec des « et si » catastrophés semblait toujours plus simple qu’être honnête et d’assumer les « je ne vais pas bien », « j’ai la haine contre ma famille », « je suis stressé parce que j’ai peur de mal faire ». Parce que les « et si » n’existent pas. Ses défauts, sa lâcheté, sa frustration, ses mensonges par omissions sont en comparaison bel et bien réels. Beaucoup trop détestables à ses yeux. Qui en voudrait ? La venue de son compagnon imminente et cette histoire d’adoption, de rejet le mettait dans un état anxieux et paranoïaque trop élevé. Car à partir de quelques semaines… « ça va se voir ». Ça va se voir, qu’il a peur de tout, qu’il ne se sent légitime nulle part, qu’il est lâche et prétentieux et prend sa douleur pour le centre du monde. Qu’il n’est pas fier de ce qu’il est.

C’est normal d’être anxieux en pensant à ses procédures d’adoptions. Ou même en pensant sérieusement à ses relation avec les autres. Ce n’est pas anormal non plus de stresser à l’idée d’accueillir quelqu’un dans sa routine quelque temps et de faire des changements à cette occasion, même si c’est Zlatan. Pourtant, Lionel préfère se détester de ne pas réussir à être un petit ami, un fils, un frère, un pote parfait qui ne se plaindrait pas et serait plus décoratif qu’autre chose.

Lionel ne veut pas vivre dans la honte de ce qu’il est, mais en même temps, il ne se retrouve pas dans le concept de célébrer des choses qui sont pour lui très intimes et qu’il ne comprend qu’à peine. Évidemment, qu’il aime Zlatan, qu’il est bi, qu’il est probablement neuroatypique, qu’il se prépare à adopter un enfant par lui-même, qu’il devrait s’affirmer dans ses choix ; tout ça, ce n’est pas honteux. Mais il ne peut pas s’en empêcher. Ce n’est pas des choses dont il a appris à être fier.

Néanmoins, il existe un juste milieu entre la honte et la célébration qui est simplement… qu’il n’a pas envie de se planquer toute sa vie. C’est cliché, mais finalement, c’est normal. Mais il a encore du chemin à faire, rien que pour se dire qu’il a le droit de ne pas se cacher, le droit d’être honnête avec les autres et surtout lui-même.

Mais dans tous les cas ce n’était pas une raison pour mettre ça sur le dos de Shérylle, une fois encore.

« Shérylle, excuses-moi. Je sais que je réagis de manière excessive quand je… enfin, tu sais. »


La Jaskoviak soupira d’un air lassé et marmonna un « c’est bon ». Elle était visiblement toujours agacée, mais avait bien vu que les excuses du bleu étaient sincères. En la regardant s’éloigner après que Shérylle lui ait dit au revoir, Lionel serra le tissu de chemise au niveau de sa poitrine. Sa gorge se serrait en pensant à Zlatan. Est-ce qu’il souhaitait vraiment l’accueillir dans cet état… ? En même temps, même s’il commençait à travailler là-dessus, son état ne s’améliorerait pas immédiatement. S’il attendait que tout ait disparu pour concrétiser ses projets, alors il sera mort avant d’avoir pu faire quoique ce soit. Il lui avait déjà longuement parlé de son malaise, car ça ne pouvait plus durer d’être malhonnête. Le Roque-Lartigue lui avait aussi dit comme il se sentait en colère envers tout le monde ces temps-ci, combien il pouvait se sentir anxieux à l’idée de ne pas être dans le « bon » état pour retrouver son copain et ne pas réussir à s’organiser avec lui. Ils avaient passé du temps à Unys ensemble, mais c’était du temps de vacances, ce n’était pas du tout la même chose que ce qui allait se concrétiser bientôt. Il leur faudra retrouver un autre rythme, leur propre rythme qui leur convienne. Et pour le moment, même si Lionel voulait vraiment travailler à ça, il avait encore plus peur de mal faire. Mais se placer en deçà de modèles inatteignables n’allait sûrement pas aider. Se dire qu’il devait absolument être fier, que tout devait forcément bien se passer, qu’il devait faire des efforts en permanence pour s’améliorer, qu’il devait aspirer à des objectifs absurdes… ça l’usait depuis trop longtemps et probablement que c’est de là que vient sa colère et sa frustration.

C’était toujours intense émotionnellement, ses relations avec les gens et Lionel trouvait ça terrifiant. Mais c’est peut-être le signe qu’il essaie un plus qu’avant. Qu’il essaie réellement de créer des liens. Sans arrêts, il tentait de verbaliser, de raisonner, mais ça ne sonnait pas toujours juste avec ce qu’il ressent intérieurement. Il n’arrive pas à contrôler, il est impulsif, il y en a toujours trop. En même temps, ce n’est pas fait pour ça, les sentiments…  ce n’est pas fait pour être contenu, pour être caché. Surtout quand on est d'un naturel si sensible. Les propos de Shérylle l’avaient un peu bléssé, mais… peut-être que c’est de cela dont il avait besoin pour subir le déclic. Comprendre qu’il y avait urgence de chercher de l’aide, en vrai, cette fois-ci. Car ce n’était pas pour être « mieux » avec les autres, qu’il devait le faire mais, pour simplement ne pas continuer à se faire du mal.

Le coordinateur se sentait épuisé et n’allait pas s’éterniser avec Hanson, finalement. Rentrer chez lui se morfondre dans ses oreillers lui semblait une meilleure solution. En revenant dans le bar, renfrogné et les mains dans les poches, le cadet s’enfonça dans son siège en face de son frère et reprit rapidement sa pinte pour terminer de la vider cul sec. Évidemment, c’est tout sauf une solution à ses ennuis que de procéder de cette manière, d’ailleurs, cela mit Hanson vaguement mal à l’aise. Le plus âgé émit un « euuuh » passablement préoccupé.

« Ça va ? Il s’est passé quelque chose avec Shérylle ? »

Ce n’est pas la première fois qu’Hanson voit son petit frère boire de cette manière quand il est contrarié. Même s’il s’en est un peu détaché avec le temps, c’est toujours malaisant d’assister à ça.

« Hein ? Mais bien sur que non ! »

Évidemment, maintenant, Lionel grognait. Déjà qu’il était à fleur de peau ces temps-ci, alors l’alcool n’allait sûrement pas aider. N’ayant pas vraiment envie de comprendre pourquoi l’autre s’énervait en interprétant ses paroles d’une manière qu’il ne comprenait pas, Hanson soupira et resta calme, pour sa part.

« Oui, bah, c’est pas la peine de devenir hystérique. »

Bougonna le Roque-Lartigue le plus âgé, sans devenir sévère pour autant. Il n’avait pas vraiment que ça a faire qu’élever le ton sur son petit frère de 42 ans. Ce dernier s’avachit dans son siège et croisa les bras contre son torse, soupirant telle une diva lasse de sa vie d’opulence et de popularité.

« Mais tu ne comprends rien... »


Lionel se serait bien mis à geindre, mais un petit moment de lucidité le poussa à ne pas tomber là-dedans. Il se dit qu’il avait passé l’âge et qu’il n’avait pas lieu de se mettre à chouiner pour rien. De plus, le reproche qu’il faisait à Hanson semblait un peu hypocrite, quand il y pense plus de trois secondes. D’ailleurs, c’est également ce que l’aîné pointa lorsqu’il répliqua.

« Tu n’expliques jamais rien, Lionel, tu es super bizarre depuis quelques mois. »

Bizarre ? Oh, maintenant, je suis bizarre ? Mais bizarre de quoi ?! De me poser des questions ? D’essayer d’être un peu moi-même, pour une fois ?! ...Ah. Évidemment. Hanson n’en sait rien. Je ne lui ait pas dit.


Lionel a cet espoir vain que les gens comprennent sans qu’il n’ait rien à leur dire. Mais quand il y réfléchit, il se rend bien compte que ça ne pourrait pas se passer ainsi. D’ailleurs, n’est-ce pas une discussion qu’ils ont tout le temps avec Zlatan ?

Oh, mais quel idiot…

Il se serait bien facepalmé, mais se contenta de le faire mentalement. Car il se ridiculisait et avait l’air déjà assez triste comme ça. Cela dit au-delà du fait qu’il avait envie de se cacher dans un trou de Rattata, Lionel ne supportait pas qu’on lui dise que le fait qu’il tente d’agir, de fonctionner différemment, d’une manière qui lui convienne pour aller mieux, est bizarre. Il ne pouvait s’empêcher de jalouser l’apparente aisance d’Hanson dans les situations sociales, quand lui doit trop souvent se forcer à avoir l’air jovial, se cacher derrière des blagues nulles et débordant d’une ignorance crasse pour amuser la galerie. En conséquence logique de ces ruminations, le bleu redevint, une fois encore, une véritable tête à claque.

« Oh, je sais ce que tu penses, que je passe mon temps à faire le con pour éviter de… tu… tu n’es pas parfait non plus ! »


Qu’est-ce que je raconte encore… qu’est-ce qui me prend ?! Depuis quand est-ce que j’ai commencé à agresser les gens gratuitement dès que je suis contrarié… ?

Peut-être est-ce l’effet de l’alcool qui empirait son état, mais le plus jeune Roque-Lartigue se donnait la nausée. Il ne fut pas surpris de voir son grand frère perdre patience face à lui et à son manque de self control. Hanson devait être lassé que Lionel lui projette sans cesses ses insécurités à la figure.

« Tu dis qu’on te prend pour un imbécile, mais c’est toi qui prends tout le monde de haut, là... »

Les mots du presque cinquantenaire frappèrent le coordinateur dans la poitrine. Il ne pouvait pas lui donner tord. Lionel baissa les yeux et recommença à tripoter son dessous de verre, encore plus honteux que tantôt.

« Pardon, je... c’est vrai je suis complètement à fleur de peau. J’ai du mal à me contrôler. »

Il avait l’impression de faire les mêmes erreurs en boucle. D’être incapable de trouver par lui-même la sortie du cercle, s’énerver d’y être enfermé et terminer par des excuses bien faibles. Face à Hanson, il essayait de trouver les mots pour qu’on le comprenne, pour s’expliquer. Néanmoins il n’a aucune idée d’où il va avec ses excuses foireuses.

« Beaucoup de choses ont changé, ces temps-ci, tu sais. Je suis désolé d’être « bizarre » ou de sonner hautain. Je suis juste paumé. »


Son regard se détourna vers un autre coin du bar. Quand il livre ce genre de confession, Lionel ne peut pas regarder ses interlocuteur.ice.s dans les yeux. Encore moins quand c’est Hanson ou quelqu’un de sa famille. D’ailleurs, le banquier ne répondit rien dans un premier temps. Un silence pesant passa avant que le bleu ne reprenne, supposant que le plus âgé lui laissait le loisir de continuer à vider son sac.

« Ça a commencé depuis quelques années, je me pose des questions sur la famille, sur moi, bref. Avec la Milice… et depuis que je suis avec quelqu’un, ça s’est un peu empressé. Ça fait 6-- 8 mois et c’est chez cette personne que j’ai passé Noël d’ailleurs. Parce que… à ses côtés, je ne me sens juste pas jugé et je peux-- Bref. »

S’empourprant en pensant à son partenaire et en sentant son cœur s’emballer à toute vitesse et se réchauffer dans sa poitrine, Lionel ne put retenir un petit sourire. La chaleur lui monta jusqu’aux joues et il eut l’impression de se détendre un peu. Cela dit, c’était sans compter sur le moment de battement étrangement malaisant qui suivit. Pour le coup, le coordinateur avait osé être sincère, même si ce n’était pas grand-chose, il tenait à cette confession et ne la regrettait pas. En face de lui, en revanche, Hanson galérait à son tour à trouver les bons mots.

« Pourquoi tu en as pas parlé aux parents, alors ? Ils t’auraient foutu la paix. Tu sais bien qu’ils veulent juste-- »

Lionel se mit à ricaner jaune. Il ne sait pas pourquoi son grand frère devait forcèment ramener tout ça à leurs histoires de famille… probablement parce qu’il avait évoqué Noël en premier lieu. Sûrement qu’Hanson voulait bien faire, lui dire qu’il ne devrait pas se sentir obligé de s’isoler s’il est heureux avec quelqu’un que leurs parents n’auraient pas choisi pour lui. Peut-être essaie-t-il juste de lui dire que derrière leurs condescendance et leur discours humiliants, Sixtine et Agamemnon veulent bien faire ? Sur le coup, Lionel fronça les sourcils, peu convaincu, même s’il est plus enclin à donner le bénéfice du doute à leur mère qu’à leur père.

Sauf qu’il n’a pas toute les informations. Et comme il n’est pas concerné par la question, je ne crois pas qu’il m’imagine autrement que dans une relation hétéro. Et pour les parents, franchement, vu ce qu’on m’a sorti la dernière fois, je doute qu’ils soient de grands défenseurs des couples homosexuels.

« Ah, non, je ne crois pas. »

Finit-il par répondre, non sans perdre son sourire en coin amer. Oh, évidemment, il y a largement plus à plaindre que lui dans un tel cas de figure. La société n’avantage pas les couples gays ou les personnes qui souhaitent adopter seul.e.s. Seulement, à son niveau, ce sont des choses qui ne touchent pas tant Lionel. Enfin, le pire qu’il risque, ce serait un shitstorm sur les réseaux sociaux de la part de ses fans les plus réacs (et vu son manque de réflexion sur certains sujet - même s’il est amélioré - ce n’est pas très étonnant) en cas de coming-out public. Au pire, ça fera le tri et ça ne ruinera jamais sa vie, mais ce n’est pas une chose que le coordinateur souhaite traverser dans l’absolu. Dans tous les cas, la dernière affirmation du milicien avait laissé Hanson perplexe. Il ne voyait pas (évidemment) où le cadet voulait en venir.

« Je comprend pas. »


Lionel devenait une carrière de sel irritante, ces temps-ci, quand il faut parler des parents Roque-Lartigue. Rarement son grand frère l’avait connu si incisif que ces derniers mois. Il avait des choses à extérioriser, c’est sûr, mais en attendant, le banquier ne savait pas trop quoi faire de la colère du plus jeune.

« Pour qu’ils me fichent la paix, il aurait fallu que cette personne soit de préférence une femme de la haute, de 15 ans de moins que moi si possible. Et qu’on connaîtrait depuis la maternelle, histoire que ce soit limite incestueux, aussi. »

Hanson eut un moment d’arrêt, à la limite d’être choqué par les derniers propos de Lionel. Ce dernier souffla du nez en souriant en coin, toujours narquois.

« Mais… quoi ? Tu pourrais te calmer ?! »

Une partie d’Hanson commençait à en avoir vraiment marre de la crise d’adolescence à retardement du plus jeune. Mais en même temps, il commençait à être un peu inquiet. Qu’est-ce que le bleu allait finir par lui dévoiler, à la fin ?

« T’exagères toujours… et tu veux en venir où avec ça ? »

Tenta de tempérer le banquier. La colère du coordinateur semblait être partiellement retombée maintenant qu’il avait craché son venin. Maintenant, Lionel s’était ratatiné dans son siège et hésitait.

« Je suis… je… »

Le milicien ne savait pas quoi faire. Il s’était mis tout seul dedans. D’un côté, le bleu en a marre d’avoir honte et de se braquer en permanence mais de l’autre, il ne sait pas s’il se sent vraiment prêt. Peut-être ne le sera-t-il jamais vraiment avant de s’être jeté à l’eau car on ne peut pas prévoir la réaction des autres. Après quelques longues secondes, le cadet se pencha sur le bord de son siège, emmêlant ses doigts tout en cherchant ses mots.

« Il s’apelle Zlatan. Je suis avec lui et… et voila. Je… enfin, c’était un sacré changement, mais, je l’aime et si je tiens tant à progresser, c’est aussi pour être bien avec lui. »


Lionel reprit son souffle, sans savoir s’il était plus serein. Il n’osait pas encore se tourner vers son grand frère qui n’avait rien répondu pour voir sa réaction. Après un petit moment, le coordinateur reprit :

« Voilà. Au moins tu seras pas surpris si… si je l’amène un soir, comme ça. »


Conclut le plus jeune en déglutissant difficilement. Le silence qui suivit était vraiment flippant et en  même temps, une part du milicien était satisfaite d’avoir été honnête. Lionel ne sait pas combien de secondes s’écoulèrent ensuite. Il se concentra soudain sur les voix et le brouhaha du bar qu’il avait totalement oublié durant ces dernières minutes. Le coordinateur dévia le regard vers Hanson et n’y vit que de la confusion. Au moins, il n’avait pas l’air de soudainement le mépriser. Il ne sait même pas s’il espérait une réponse particulière de la part de son ainé. Après tout, il ne connaît pas son avis sur le sujet, jamais ils n’ont eu l’occasion d’en parler entre eux.

« Euhm… du coup… tu veux reprendre un verre ou… ? »

Articula finalement Hanson. Déstabilisé, son petit frère le dévisagea, sans comprendre ce qu’une telle réaction sous entendait par rapport à la confession qu’il venait de lui faire.

C’est une manière de me dire que ça lui est égal ? Qu’il s’en fiche ? C’est une maladresse… ? Ou alors il veut juste changer de sujet et ne plus en parler ?

Cette dernière interrogation lui fut douloureuse. Lionel baissa les yeux, réalisant une fois de plus qu’il n’avait pas vraiment assez dénergie pour tout ça ce soir. Il ne savait pas s’il devait donner plus d’explications, faire comme s’il n’avait rien dit, recentrer la conversation sur le sujet qu’il avait abordé.

En même temps, qu’est-ce que tu veux répondre à ça… ?

Clignant des yeux et laissant retomber ses épaules, le coordinateur finit par secouer négativement la tête.

« Hm, non… je suis épuisé, je crois que je vais rentrer à la maison. »


Il ne put camoufler une certaine tristesse et se détourna pour ramasser sa veste sur le dossier de son siège. En pliant son habit pour le prendre sur son épaule, Lionel força un sourire à l’adresse de son grand frère, lui demandant s’il rentrait bien en taxi ou en teleport. Hanson se leva pour lui dire au revoir et les deux échangèrent maladroitement des politesses et des « oui fais attention en rentrant quand même hein » avant de se séparer. En marchant pour rejoindre la plage afin de la longer pour arriver chez lui, le coordinateur recommença à ruminer, sans savoir s’il s’y était pris comme un manche, avait été trop subtil ou s’il aurait dû insister.

Hmph. Je ne sais pas si j’étais prêt. Mais… je commençais à être ridicule et à me trouver des excuses pour ne pas le faire, non ? Je ne sais pas comment c’est censé se passer, un coming-out.


Avec sa famille il a aussi peu de raisons de penser que cela puisse vraiment bien se passer, comme Zlatan avec sa mère, par exemple. Il consulta son téléphone pour voir l’heure et se demanda si son copain était réveillé, par chez lui. Finalement, Lionel se résigna car il n’avait pas spécialement envie de s’étaler sur sa soirée, son comportement de gamin pénible ou juste ce qu’il avait raconté à son grand frère. Ce n’est pas qu’il avait envie de le cacher à Zlatan (même s’il n’en était pas très fier), mais, remuer le couteau dans la plaie ne lui faisait pas envie pour le moment.

Au bout d’une petite demi-heure de marche, Lionel arriva sur sa plage et fit le tour pour voir si tous ses alliés étaient bien là, ou dans le jardin et la maison, un peu pressé d’aller se coucher. Une fois de plus, Mercuria était encore dans la mer. Avec l’approche de l’été, l’eau était de plus en plus chaude en journée et donc, la Phogleur profitait de la nuit pour se affranchir comme il se doit. Elle était devenue de plus en plus à l’aise pour nager et passait sûrement tout son temps à explorer les fonds marins, encore une fois pour y trouver de l’eau plus froide. Le Roque-Lartigue alluma la petite lanterne électrique qu’il emmenait parfois sur la plage et alla s’asseoir en mettant de la musique dans ses oreilles, en attendant que Mercuria revienne vers le bord. Généralement, elle ne tarde jamais trop tard pour ne pas inquiéter les autres. Bercé par sa musique et le bruit des vagues, le coordinateur sentit ses paupières et sa tête devenir plus lourdes. Il fut tiré de sa somnolence par le bruit d’une créature surgissant de l’océan. A quelques mètres de lui se trouvait une ombre imposante, qui ne ressemblait pas au premier abord à celle de Mercuria. Ses yeux s’habituèrent rapidement à l’obscurité et il put distinguer les traits d’une Kaimorse qui venait vers lui. A peine eut-il pu prononcer le nom de son alliée que cette dernière s’avachissait près de lui, quémandant des grattouilles alors qu’elle était encore trempée. Le coordinateur ricana brièvement en donnant à la Kaimorse ce qu’elle voulait, tout fier d’elle.

Maintenant que la dernière de la bande était rentrée au bercail, Lionel la laissa gagner son coin de rochers qu’elle aimait bien pour dormir et pu monter dans sa chambre afin de roupiller à son tour. Il aurait aimé dire qu’il s’était endormi sereinement, mais ce ne fut pas aussi facile. Ses craintes subsistaient et il avait encore en travers de la gorge son comportement de la soirée, ainsi que la réaction étrange et maladroite d’Hanson.

Au moins… il ne m’a pas dit des horreurs, c’est déjà ça… ? Peut-être que c’est aussi bien d’en rester là et de m’estimer heureux que ça ne se soit pas mal passé ?

Le bleu n’a aucune idée d’à quel niveau de standards il se tient, ou devrait se tenir dans ce genre de situation. Mais probablement que les siens volent vraiment ras les pâquerettes. Sa résignation eut au moins l’avantage de mettre temporairement ses ruminations de côté, au moins pour qu’il réussisse à dormir cette nuit. Tout ça aura au moins servi à mettre un post it « appeler psy » sur son planning, avec un numéro écrit juste en dessous.

« Baby steps, mais steps quand même », comme dirait l’autre.
Unys / Chez Lionel - Printemps 2025
Lionel Roque-Lartigue
Lionel Roque-Lartigue
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Dim 17 Mai 2020 - 0:16
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