Enfin une journée paisible après ce mois de janvier. Pas que ce fut vraiment pénible, mais... J'ai repris le travail. Comme avant, je veux dire. Je me suis rendu compte du peu de retard que j'avais et je suis devenu parano depuis. J'ai eu peur de trop en donner aux Conseillers ou même au Maître Coordinateur. Alors j'ai redoublé d'efforts, en espérant que cela suffirait. On vante mon acharnement au bureau, mais je n'ai aucun mérite. Au contraire, je n'en fais même pas assez. J'évite même de plus en plus la fatigue pour éviter de m'écrouler sur ma table. Mes cernes reviennent elles aussi petit à petit, mais on va dire qu'elles n'avaient jamais complètement disparues. C'est un peu comme si rien n'avait changé, mais je suis quand même content des vacances de Noël que nous avons eu. Elles m'ont permise de réfléchir et de prendre un peu de repos, même s'il a fallu que je bosse plus en rentrant. Il faut dire que le fait de ne pas travailler assez me fait stresser, désormais. Et certains commentaires de la population n'aident pas. On nous reproche à certaines occasions d'avoir encore voulu que nous nous mêlions de la politique. Je n'expose pas mon point de vue à ce sujet, je ne peux pas nier que rester dans le domaine du spectacle et m'en contenter m'aurait bien suffit, mais c'est Swan qui décide, après tout. Je tente simplement de limiter les dégâts comme je peux et de faire bonne figure, même si ce n'est pas toujours évident.
Aujourd'hui, toutefois, j'ai de la chance. J'ai voulu me déplacer après qu'on nous ait signalé des inquiétudes concernant la crue récente de la rivière, mais pour l'instant, tout semble aller pour le mieux. Un problème plutôt naturel, mais comme des gens habitent aussi dans cette zone, je me suis dit que je pourrais y faire un tour pour les rassurer.

« C'est bien mon grand, bats bien des ailes. »

Ce n'est pas seulement pour mon travail, que je suis ici, en vérité. J'ai pris un peu de temps pour pouvoir regarder les progrès que fait Donald dans sa maîtrise du vol. Pour nager c'est un champion, mais en ce qui concerne ses ailes, il a encore du mal à les utiliser pour planer. Il avait peur un moment de s'en servir et de tomber, mais depuis quelques temps, je le voyais s'entraîner avec Tori et j'ai voulu évaluer ses capacités moi-même. Assis en tailleur sur Kame qui me sert de transport sur le courant de la rivière, j'observe avec attention le petit Couaneton qui s'agite maladroitement, mais... Qui malgré arrive à tenir une certaine hauteur tout seul. J'ai étendu mes bras pour le rattraper si besoin, mais il semble se débrouiller. Une prouesse, pour celui qui avait même le vertige rien qu'à l'idée d'être seulement à quelques centimètres du sol. Mais même si le Couaneton a toujours été plus du genre à faire des petites bêtises et à être surexcité, il fait des efforts considérables pour s'améliorer, je le vois bien. Alors, comme je peux, je l'encourage à s'élever de plus en plus, même si je sens parfois que mes paupières préfèrent se fermer sous le coup de la fatigue plutôt que de surveiller le jeune canard. Mais je ne peux pas roupiller maintenant, je suis censé être en mission, et en plus, je dois vérifier que Donald puisse se débrouiller par lui-même. Je ne l'aurais jamais obligé à voler s'il n'en avait pas eu envie, mais c'est une très grande avancée qu'il fait là.

« Couac ! »

Le canard, dérangé par le Tritonde sauvage qui nage à côté de nous et qui nous éclabousse, perd sa concentration et retombe lourdement. Je le rattrape in extremis dans mes mains et le ramène contre moi. Si je tente de le rassurer aussitôt au cas où il aurait eu peur, je constate qu'il est à présent bien plus préoccupé à tirer la langue et à insulter le fauteur de troubles en langage Pokémon. Je le regarde faire en soupirer, mi-blasé, mi-amusé.

« Allons, Dodo. Reprenons. Tu y es presque. »

Le Couaneton hésite quelques instants, puis en voyant que le Tritonde est parti, se remet lentement mais sûrement en vol. Il bat frénétiquement des ailes comme il a vu Tori, Smaug et les autres le faire si souvent, poussant même sur ses pattes arrières pour avoir plus de force.

« Oui, c'est bien, continue, ne t'agite pas trop ! »

Enfin, après quelques secondes maintenu en l'air, je le vois s'agiter un peu moins, se concentrer un peu plus. Il tente de garder son calme, prend de grandes inspirations, prend en hauteur, et enfin, plane comme un cerf-volant sans plus avoir besoin de beaucoup d'efforts. Je pousse un petit cri de victoire, ému et fier du Couaneton qui réussit enfin à voler plus ou moins correctement. Il me rappelle Tori lorsqu'il n'était qu'un tout jeune Roucool. Et qu'est-ce qu'il était grognon ! On ne pourrait pas croire, vu le sérieux Roucarnage que c'est aujourd'hui, mais je pourrais sortir des tas de dossiers le concernant. Peut-être qu'un jour, Donald sera lui aussi un maître de la voltige, comme Tori. Celui-ci a plus d'expériences, évidemment, mais le canard blanc fait des progrès considérables. Qui sait ce qu'il pourra devenir, une fois évolué en Lakmécygne ?
Sur le point de le rappeler, je constate toutefois, près de nous, la curieuse présence d'un Pokémon pas si commun que ça : une jeune Moustillon qui regard, intimidée, mon Tortank qui se prélasse sur l'eau. Ce dernier tourne distraitement la tête vers la nouvelle venue, qui sursaute en apercevant le regard de Kame. Ce gros balourd peut être impressionnant, quand il veut, je veux bien le croire, mais... Là, encore, il n'est pas dans le meilleur état, à paresser pendant que d'autres petits poissons lui chatouillent ses pattes avant.

« Coucou, toi. »

J'esquisse un regard doux à la femelle eau, qui me scrute un léger instant avant de m'adresser un signe de la main et un sourire timide. Donald, quant à lui, toujours dans les airs, ralentit un peu à ma hauteur. Ses yeux se baissent ensuite sur la Moustillon ; mais en l'apercevant, le Couaneton sursaute et ouvre grand la bouche... Avant de tomber à l'eau.

« Donald ! »

Inquiet, je me penche sur le rebord de la carapace de mon ami et cherche des yeux le Couaneton. Il sait nager et respirer sous l'eau, là n'est pas le souci, mais son corps fait des roulades dans la rivière sans s'arrêter. Je tente de le prendre avec mes mains en plongeant ses dernières dans l'eau mais j'ai bien du mal à l'attraper. Kame manque de le faire à ma place, toutefois il se fait devancer par la Moustillon sauvage qui vient de plonger pour récupérer le canard. Je l'aperçois qui file sous l'eau pour s'agripper à l'oiseau et le ramener sur le dos du Tortank en quelques secondes seulement. La scène se déroule vite, mais une fois que mon ami est allongé et reprend progressivement ses esprits, je pousse un soupir de soulagement.

« Merci pour ton aide, Moustillon. »

Une fois mes paroles prononcées, la concernée semble se souvenir de ma présente et tressaute, avant de lever ses yeux vers moi. Puis, elle hoche de la tête, apparemment contente de s'être rendue utile. Donald, lui, s'ébroue et se relève comme il le peut, se demandant probablement où il a atterri. Ce n'est qu'en remarquant la loutre bleue qu'il s'immobilise et se met à la fixer intensément. Très intensément. Tiens... Serait-il tombé sous le charme de sa sauveuse ?.. En tout cas, il en a totalement oublié sa fausse noyade. Il se remet même debout en décrassant ses quelques plumes pourtant impeccables. Puis, tout à coup, il replonge. Les yeux ronds, je manque de me facepalmer, me demandant s'il compte recommencer pour que la Moustillon l'aide à nouveau (il tiendrait de moi, pour le coup, là). Mais alors que cette dernière s'apprête à le faire par réflexe, je pose une main devant elle pour l'en empêcher. Je veux attendre que Donald remonte. Et il finit par le faire au bout de quelques petites minutes. Il sort sa tête de l'eau et remonte sur Kame, avec une chose verte en plus dans son bec. De plus près, ça ressemble à de la mousse. Je me souviens alors que les Couanetons raffole des sphaignes. J'aurais trouvé son acte assez inutile s'il n'essayait pas de... donner sa cueillette à la Moustillon, peut-être pour la remercier. Et je souris, attendri. Je ne savais pas que ce canard grognon avait un petit côté niais comme ça, dis donc.

La Moustillon n'a pas l'air de comprendre le geste du Couaneton, mais semble tout de même flattée. Elle prend donc la mousse dans ses pattes et la pose sur sa tête. Donald est comblé, en fait je ne l'ai jamais vu aussi heureux. Mais je crois qu'il a finit par s'enticher de la petite loutre. Je n'y aurais pas cru, d'ailleurs mais même ce bougon de canard peut révéler son côté fleur bleue, quand il veut. Amusé, je me repose sur la carapace de Kame. Nous n'avons pas besoin de rester ici plus longtemps, mais je ne suis pas si mal, après tout. Mais Tortank en a assez d'être laissé de côté et il geint un peu de son rugissement rauque et profond pour demander à rencontrer la nouvelle venue. Cette dernière, moins intimidée que tout à l'heure, hésite pourtant à s'avancer vers la grosse tortue.

« Vas-y, il te mangera pas. »

La Moustillon pèse le pour et le contre. Invitée également par Donald pour parler avec le Pokémon à canons, elle finit par plonger dans l'eau et s'installe aux côtés du Tortank pour se laisser porter par le courant, plutôt tranquille pour le moment. Il pourra faire son rapport et préciser que la rivière s'est calmée. Les habitants aux alentours n'auront plus à se préoccuper de ça, au moins. Bon, c'était un boulot de flemmard, on se l'accorde, mais il avait bien fallu quelqu'un pour y aller et personne n'était disponible (mensonge éhonté mais même aux stagiaires il n'avait pas voulu refiler cette tâche). De ce que je peux voir, la Moustillon ne semble plus du tout effrayée par Kame, sympathisant même avec lui. Donald ne tarde d'ailleurs pas à les rejoindre, collant la femelle eau. Ce n'était pas une mauvaise journée, en somme. Mais il a bien fallu que nous regagnions la maison. Alors quand la journée commença à toucher à sa fin, j'ai ramené tout le monde à la berge. Moustillon ne voulait pas nous dire au revoir, toutefois. Elle avait demandé, avec Donald, si elle pouvait rester avec nous. Ma foi, pourquoi pas ? Je ne sais pas ce que je ferais d'une Moustillon, mais si elle se sent seule, elle sera la bienvenue, comme tous les autres.