Appelez Léééo ! Appelez Léééo ! ♪

Eclosion de Sarabi

« Ah... O-Ouais, d'accord, je vois... Non, non, ça me dérange pas du tout, je pensais juste... Ouais... Ça marche. À plus tard, rappelle-moi quand tu as fini. »

Je raccroche, osant enfin pousser un soupir, avant de rejoindre mes enfants qui m'attendent déjà à l'entrée du parc.

« Maman a dit qu'elle pourrait venir ?
- Euh... Sûrement ce soir pour souffler vos bougies, oui, mais là, elle a beaucoup de travail.
- Comme d'habitude...
- Noah... »

Se rendant compte de ce qu'il a dit, mon fils lève ses yeux gris-bleu vers moi, le regard un peu assombri, avant de baisser la tête. Il n'a pas à dire des choses comme ça, mais je peux le comprendre. Avec les vacances, surtout, la pension de leur mère était très chargée. Le jour de leur anniversaire, je leur ai promis qu'on irait au parc d'attraction de Zazambes tous les quatre. Mais l'Hôtesse a dû se décommander pour cette fois. Si je comprends que Noah soit déçu, j'espère juste que la journée qu'on va passer ici va lui permettre d'oublier un peu Makenzie. Maëlle s'approche déjà de lui et lui patpat l'épaule pour le consoler. Elle aussi est triste que sa mère ne puisse pas venir, mais elle prend les choses davantage du bon côté, disant à son jumeau qu'ils la verraient bien vite, de toute manière.

« C'est pas grave, Noah, on va quand même trop bien s'amuser !
- Mais oui. D'ailleurs, allons-y, les attractions n'attendent plus que nous. »

Je les dirige au guichet où je fais passer nos places et, enfin, nous pénétrons dans le parc une fois les portiques passés. Ce n'est pas un environnement dans lequel j'ai l'habitude d'aller, pour tout dire, mais j'aime bien les fêtes foraines, en vrai. C'est sympa, y'a du monde, des stands remplis de trucs sucrés et très caloriques, et généralement, la bonne humeur y règne. Un endroit où on s'amuse, tu parles que je vais adorer ça, aussi. Mais bon, quand on est un adulte seul, c'est difficile de s'y enjailler, on va dire. Peut-être que je devrais emmener Julianne si un jour nous n'avons pas nos enfants. Enfin, même un jour où nous les avons, d'ailleurs, mais j'ai peu d'amis qui accepteraient de m'accompagner ici, je crois. C'est sûr qu'il y a beaucoup de gamins, mais ça ne nous empêche pas de profiter aussi, à notre âge. Dans le doute, puisqu'il y a quand même pas mal de gens (normal, pendant les vacances scolaires), j'ai inscrit sur les bras de mes enfants mon numéro de téléphone et on a convenu d'un point de rendez-vous, dans l'éventualité où on se perdrait. Même si je compte bien surveiller les deux de près. Je peux devenir rapidement parano quand je les perds de vue, faut dire, alors pour ma santé mentale, vaut mieux qu'ils ne s'éloignent pas trop.

« Bon, alors, qu'est-ce que vous voulez faire, en premier ?
- Le Chenipan ! J'veux faire le Chenipan !
- Et toi, Noah, qu'est-ce qui te tente ? »

Le concerné ne me répond que par un haussement d'épaules. Il n'affichait plus d'expression boudeuse mais de toute évidence, il mettrait sans doute deux ou trois manèges avant de complètement oublier sa frustration.

« Bien... Va pour le Chenipan, donc ! »

Et quand ma fille dit Chenipan, c'est-à-dire une sorte de petite attraction où les enfants vont dans ses wagons en forme de chenilles et font un tour sur des rails, sans looping bien sûr. Mais le train va assez vite pour que les petits en profitent assez, alors c'est avec un débordement d'enthousiasme que Maëlle se précipite vers le manère en question et entraîne son frère à sa suite. Ce dernier se laisse faire, ne pouvant jamais vraiment refuser une demande de la part de sa jumelle. Je les regarde alors monter dans le Chenipan mécanique avec d'autres enfants, un sourire aux lèvres en voyant qu'ils arrivent malgré tout à s'amuser. Pas de surprise pour ma fille, mais le cadet avait l'air moins sûr. J'espère quand même de tout cœur que cette journée pourra lui remonter le moral. Je compte un peu sur Maëlle pour le motiver : c'est celle qui le connaît le mieux, et qui sait ce qu'il faut faire et dire pour l'aider à se sentir mieux.
Après le Chenipan, nous essayons cette fois-ci ensemble le Noctumanoir censé nous faire peur. Enfin, les décors sont plutôt impressionnants, mais le seul Pokétronic qui a réussi à nous effrayer c'était un Branette défectueux qui a perdu la tête juste devant nous en lâchant des faux rugissements assez rauques et très bizarres qui annonçait pour la machine une mort certaine et douloureuse. Bon, les types déguisés qui poursuivent les gens ça fait plus effet depuis le début des années deux milles, faudra les prévenir. Malgré tout les jumeaux ont bien aimé, et si Maëlle n'a pas arrêté d'être émerveillée et de rigoler tout le long, j'ai senti Noah s'accrocher à moi de temps à autre en poussant des hoquets de stupeur quand on arrivait à le surprendre. Y'a eu le manège Octillery aussi, où y'a un gros Octillery au milieu et au bout de ses tentacules tournantes t'as des sièges pour t'installer. Puis le labyrinthe de Mr Mime, qui est un labyrinthe de miroirs, en fait. Mais c'est typiquement le genre de truc dans lequel je me paume ou je finis par me taper des vitres à force de foncer dans ce que je crois être un passage accessible. Je n'arrive pas à croire comment mes gosses ont réussi à trouver la sortie aussi vite, d'ailleurs. Puis après on a mangé un petit peu, puisque les stands de nourriture leur donnaient assez envie et que c'est pas tous les jours que je les laisse se gaver comme ça. Alors on s'est pris des crêpes et des churros sur le chemin, et on a continué à avancer dans le parc. Je vous raconte pas tout ce qu'on a fait, hein, ce serait assez inintéressant à raconter en soit puisque vous savez en gros comment est organisé un parc d'attractions de façon général, mais j'ai attendu qu'ils digèrent un peu avant que nous montions dans les chaises volantes, parce que Maëlle avait très envie d'y faire un tour. Mais au final, elle y est allée toute seule, comme son frère, au dernier moment, était pris de vertige incontrôlables. Encore une fois sous l'influence de ma fille (oui je sais, je suis trop faible), j'ai dû l'accompagner dans les auto-tamponneuses. Elle s'éclatait comme une petite folle, au moins, vu son immense sourire, mais pour ma part, ma partie de la voiturette a été chahutée de partout alors j'ai l'impression d'avoir au moins cinq côtés fêlées. Mais bon, ça lui faisait tellement plaisir. C'est peut-être seulement plus de mon âge, tout ça.

La journée se déroule plutôt bien dans l'ensemble. Noah a réussi a oublier sa déception du matin et il se régale désormais avec une barbe à papa partagée avec sa sœur. Les organisateurs annoncent toutefois la fermeture imminente du parc. En effet, il est déjà l'heure de partir, ce qui n'est bien sûr pas au goût des jumeaux qui auraient préféré rester un peu plus longtemps. Je leur assure, néanmoins, qu'on reviendra très vite, peut-être même un peu avant la rentrée scolaire pour qu'ils profitent de leurs derniers jours de libre avant de retourner à l'école. Nous nous dirigeons donc vers les portiques de sortie, mais au moment où je vérifie que mes enfants me suivent bien, je me rends compte qu'il en manque une à l'appel.

« Noah, où est ta sœur ? »

Mais pour toute réponse, mon fils, surpris de ma question, regarde autour de lui et, comme moi, a également perdu de vue sa jumelle.

« Je... Je ne sais pas... M-Maëlle ? Maëlle !
- Bon, euh... Ne t'en fais pas, elle ne doit pas être bien loin. Reste près de moi, on va la retrouver. »

En le rassurant, j'essaye de me convaincre moi-même que ce que je dis est vrai. Au fond, une boule de stress commence à monter au fond de ma gorge, mais je tente de me calmer pour ne pas que Noah s'aperçoive que je suis en réalité aussi anxieux que lui. Bon sang, il manquait plus que ça !.. J'ai entendu des histoires d'enfants qui se faisaient kidnapper dans ce genre de truc, mais j'avais pourtant jurer que...

« Ah, la voilà ! Maëlle ! Maëlle, mais qu'est-ce que tu fais ?! »

Je la croise, enfin, au détour d'un angle. Elle est scotchée devant un de ces trucs à grappin là, les machines à pinces où tu dois récupérer des peluches mais où tu te fais forcément arnaquer. En poussant un soupir de soulagement, mais quand même contrarié qu'elle se soit volatilisée comme ça, je m'approche d'elle. En nous voyant arriver, ma fille détache enfin son regard de la cage à peluches.

« Maëlle, je t'avais dit de ne pas t'éloigner !
- Oui, moi j'ai eu peur ! Encore plus que dans le Noctumanoir ! »

Quand elle se retourne vers nous, honteuse, la concernée baisse le regard en tortillant son pied au sol. Elle désigne ensuite la machine derrière elle, même si elle semble embêtée d'avoir fait une bêtise.

« Pardon... Je... Je voulais juste avoir une peluche...
- Mais tu en as quand tu veux, des peluches !
- Mais... Mais celles-là c'est des Hélionceau ! J'en trouve jamais, des peluches d'Hélionceau !..
- Eh bin si tu veux, moi je t'en trouverais. Allez, ma puce,  il faut rentrer, le parc va fermer.
- Mais papaaa, s'il te plaiiiit ! Juste une comme ça ! Après j'te demande plus rien et... Et je ferais mes devoirs en avance !
- Pour quelqu'un qui a désobéi à son père, tu ne crois pas que tu exagères ?
- Pardon, pardon, papa, je recommencerai plus, j'te promets ! Mais juste un Hélionceau, s'il te plaiiit !
- Je t'ai déjà dit, qu'il ne fallait pas disparaître sans prévenir... »

Je porte sur elle un regard qui se veut sévère, mais elle insiste quand même en faisant ses yeux de Ponchiot battu. Elle sait qu'en temps normal, je n'y résiste pas. Il faut pourtant que je me montre ferme si je veux qu'elle comprenne, car j'ai bien été averti qu'il ne fallait pas se reposer sur de simples promesses, même si Maëlle n'est pas du genre à mentir pour la forme. Quand elle veut vraiment quelque chose, elle est prête à faire des efforts incroyables. Possible que je continuerai à me ronger les sang à l'avenir pour d'autres raisons la concernant, mais j'ai peur de la perdre si un jour ça se reproduit et que les conséquences sont aggravantes.
Timidement, pourtant, une voix discrète s'élève alors que le silence s'est installé.

« Euh... J'ai-J'ai pas fait de bêtise, moi... J'ai le droit d'essayer à sa place ? »

Curieux, je porte mon attention vers mon enfant le plus jeune, qui s'est mis à côté de sa sœur (elle me fait toujours ses yeux de chaton larmoyants, d'ailleurs).

« Je sais très bien que tu lui en donneras une si tu réussis à en attraper...
- Mais je peux quand même tenter. Tu nous récompenses toujours quand on est sage. »

Je fixe Noah du regard. Le sien est assuré et confiant. Pour le coup, il dit vrai. Techniquement, il aurait droit d'avoir sa chance puisqu'il n'a fait aucune bêtise aujourd'hui. Et c'est encore leur anniversaire. Poussant un léger soupir, je finis par esquisser une expression mi-amusée mi-perplexe, avant de lui tendre quelques pièces de mon porte-monnaie.

« Vas-y, amuse-toi. Mais quand les gardiens du parc arriveront pour fermer, on devra vraiment partir, cette fois. »

Noah hoche la tête, lâchant même un petit sourire, avant de montrer à sa sœur le petit butin qu'il a pu acquérir pour son cadeau à elle. Cette dernière, émerveillée, se place à côté de la machine en attendant que son frère se mette en place devant pour s'emparer des commandes. Je ne crois pas trop en sa réussite puisque la convention implique qu'il est extrêmement dur d'obtenir quoi que ce soit de ce truc-là et qu'il est connu que le taux de pourcentage est relativement faibl-...

« Yes ! Tiens, Maëlle, c'est pour toi.
- Woow ! Du premier coup ! T'es trop fort, Noah ! »

… Ah. C'était pas prévu au programme, ça. Mais quand je remarque la peluche du petit lion que Maëlle serre dans ses bras avec bonheur, j'en conclus que j'ai perdu mon pari interne, et que je dois reconnaître que mon fils est décidément bien trop malin pour son âge. Ou alors il a juste beaucoup de chance. Et on va pas se mentir, à ce genre de jeu, c'est surtout de la chance. Au moins, maintenant, on peut s'en aller. Enfin, c'était jusqu'à ce que j'entende mon petit garçon s'exclamer d'une manière abasourdi.

« Papa, regarde ! Ça bouge !
- Ça... bouge ?.. »

Interdit, je me rapproche de la vitre pour apercevoir, en effet, qu'à mon grand étonnement, quelque chose en-dessous de la pile de peluches semble remuer. Curieux, je remets une pièce dans la machine et dirige le grappin de telle sorte à soulever un peu une des peluches afin de comprendre ce qu'elle dissimule. Mais alors que je parviens (à mon grand ahurissement), à saisir un faux Hélionceau avec le grappin (je devrais presque me prendre en vidéo pour capter l'instant), j'aperçois un éclair brun qui saute sur la main métallique.

« AH ! Qu'est-ce que... ! 
- Ooooh ! Papa a eu un Hélionceau qui bouge ! Trop bien !
- Mais... Mais c'est pas une peluche, ça, c'est... C'est un vrai ! »

La peluche que j'avais tiré pour la soulever était retombée au profit d'une autre, plus vraie que nature, et c'est le cas de le dire : un véritable Hélionceau s'était caché parmi les faux et était désormais agrippée à ma pince, la faisant chanceler à cause de son poids. Mais... Mais comment un véritable Pokémon s'était retrouvé là-dedans ?! Alors là c'est bien la dernière chose à laquelle je me serai attendu... Mais la pince revient toutefois là où elle était partie, c'est-à-dire juste au-dessus du bac où on est censé récupérer les lots. À la place d'un doudou Hélionceau, c'est donc un véritable félin qui tombe dans le trou de la machine. Par curiosité, j'ouvre la porte du bac, et c'est le petit lion, ou plutôt la petite lionne, que j'ai récupéré qui me saute dessus à peine ai-je eu le temps de la sortir de là. Je sursaute en sentant son poids sur ma poitrine, m'attendant à ce qu'elle me morde ou me griffe. Au lieu de ça, toutefois, elle me couvre de léchouilles et je peux même l'entendre ronronner alors que j'ose enfin la prendre dans mes bras. Aussitôt, elle se blottit contre moi, l'air très heureuse. Confus, je lève la tête pour apercevoir quelqu'un au loin qui aurait perdu un Pokémon, mais le parc est désormais désert, à l'exception des gérants qui nous indiquent déjà, de loin, par où se trouve la sortie. La boule de poils que je viens de récupérer n'a pas l'air si perturbée que ça ; elle semble même plutôt à l'aise, et je ne me permets pas pour l'instant de la déranger. Je ne retire à la limite que les quelques morceaux de coquille d'Oeuf que je trouve encore sur son pelage, signe que son éclosion est vraiment très récente.

« Papa, papa, tu as un Hélionceau toi aussi maintenant ? »

Je cligne des yeux devant les propos de ma fille et jette un œil au lionceau... qui s'est déjà endormie. Si personne n'est venu la récupérer... Eh bien je ne sais pas trop ce que je vais en faire, à vrai dire. La garder me dérangerait pas, mais c'est si soudain... Et pourtant on dirait bien que c'est ce qui est attendu de moi, finalement.

« Euh... Euuh... On-On dirait bien que oui ?.. »

Bon, je vais pas me plaindre parce que c'est un Pokémon qui ne m'a jamais déplu d'envisager d'avoir, mais... Pourquoi j'ai toujours des Pokémon de manière totalement hasardeuuuuse ?