!!!      Attention, contient des sujets qui peuvent être choquant pour certain, comme l'abus physique et psychologue sur un enfant / un adulte, de la violence, de la cruauté, et traite de la déficience intellectuelle      !!!

-Madame Morgans, je ne suis pas votre ennemi, je veux simplement vous aider…

La travailleuse sociale connaissant pourtant déjà la réponse de la mère qui se tenait face à elle. Elle savait bien que ce dossier n’allait pas se régler sans accrochages. D’ailleurs, elle n’avait qu’à observer la position dans laquelle était le bébé d’à peine quelques semaines pour savoir qu’elle allait devoir y mettre tous ses efforts pour arriver à maintenir cet enfant dans son foyer sans pour autant craindre pour sa vie. Le bébé portait déjà quelques bleus sur son corps, bien que sa génitrice avait toujours insisté pour dire qu’il avait simplement roulé en bas de la table à langer, chose qui, d’après les connaissances de la spécialiste, était impossible vu l’âge de l’enfant.

Des cas dans ce genre, la jeune diplômée en avait vu des tas. Des mères monoparentales, où le père n’est plus dans le portrait depuis bien avant la naissance, avec des compétences maternelles plus que limités. Mais dans le cas du petit Jake Austin Morgans, l’inquiétude des services sociaux était bien fondée. D’après ce que la mère avait pu raconter lors de l’ouverture du dossier, l’enfant était l’issu d’une relation qu’elle avait avec un homme marié, et qui possédait déjà sa propre famille. À l’annonce de la grossesse non planifiée, il s’était bien fait comprendre: il était hors de question qu’il fasse partie de la vie de cet enfant. L’homme avait alors offert de l’argent à son amante, qui avait bien rapidement vu là une opportunité de se faire un peu de sous. Alors elle s’était mise à multiplier les visites, réclamant toujours de plus grands montants. Mais cette source monétaire ne semblait pourtant pas l'intimé à adoucir son comportement face à son fils unique, qui portait tantôt un bleu, tantôt une brûlure de cigarette contre sa peau.

Au fil du temps, la mère avait accepté de suivre une partie des conseils des intervenants, qui la suivaient étroitement depuis la naissance du petit garçon, bien que ces derniers doutaient qu’il s’agissait vraiment de bonne volonté, mais plutôt d’une sorte de trop grande fierté pour se voir arracher son enfant afin que celui-ci soit placé. Dans tous les cas, pour ces gens, il s’agissait d’une manière ou d’une autre d’un progrès, bien que la violence psychologique, elle restait toujours présente. Le petit Jake n’était encore qu’un bambin et pourtant, il semblait porter toute la misère du monde sur ses petites épaules. Dorothée Morgans semblait toujours prête à blâmer sa misère sur son petit garçon, qu’elle accusait entre autre d’avoir ruiné son corps qui autrefois faisait sa fierté. Et si elle acceptait de répondre à ses besoins de base, on aurait vite remarqué les lacunes du côté affectif. L’enfant était souvent laissé à lui-même dans son berceau, à pleurer pendant des heures avant qu’on ne vienne lui glisser un biberon à la bouche. Et bien qu’il était loin de vivre dans des conditions saines, le petit, lui, ne pouvait que grandir en voyant cet abus comme était la norme. N’ayant jamais connu autrement, le bébé qui devint enfant ne pouvait que chercher à s’épanouir malgré l’adversité. Et malgré les cris, malgré les claques tout de même présentes, il ne pouvait que sourire, et chercher à combler son manque affectif en allant lui-même quérir l’amour de sa mère. Car bien que celle-ci n’était jamais portée à lui offrir l’amour dont il avait tant besoin, le petit garçon était toujours partant pour s’élancer vers sa mère, et la couvrir d’amour.

Les années passèrent ainsi dans des conditions malheureuses pour le petit garçon, jusqu’à ce que celui-ci fasse une entrée assez précoce à la garderie. Un soulagement à la fois pour la mère et pour l’équipe traitante de cette dernière, qui pouvaient enfin souffler à l’idée que le petit châtain soit entre de bonnes main pendant une grande partie de la journée. Le petit garçon semblait alors bien grandir, bien que l’équipe de la garderie avait vite fait de remarquer quelques retards développementaux chez le petit Jake, autant au niveau du langage qu’au niveau de la propreté. Alors qu’une grande partie des petits avaient commencés à utiliser le petit pot, ce n’était pas le cas du châtain. Mais dès que les spécialistes de la petite enfance avaient tenté d’approcher la mère sur le sujet, ils s’étaient retrouvés face à un ramassis d’insultes, suite à quoi elle avait menacé de retirer son fils de la garderie. Face à cette impasse, la condition du petit Morgans était donc resté sous silence, et ce, jusqu’à l’entrée de ce dernier à la maternelle.

-Madame Morgans, comprenez-moi, je ne dis pas ça pour vous insulter ou dénigrer Jake, mais il s’agit là de compétences qui devraient déjà avoir été acquises. Laissez-nous vous aider, nous pourrions lui offrir des services spécialisés, vous comprenez?

Le corps enseignant ainsi que la direction s’était rapidement mobilisé devant la situation du petit garçon qui présentait un retard significatif comparativement aux autres élèves. Ils avaient donc cherché à convaincre la mère de leur permettre d’offrir à Jake une aide particulière visant à aider ce dernier à rattrapper une partie de ce retard. Mais de nouveau, la mère s’était buté à refuser tous ces programmes spéciaux, tenant fermement son bout, et insistant sur le fait que personne d’autre qu’elle n’allait décider de l’éducation de son fils. Alors la direction s’était vu dans l’obligation de respecter la décision de la mère, et le petit Jake s’était donc vu contraint de faire avec les moyens du bord. Heureusement, bien qu’il n’avait pas accès à tous les services que l’école avait à offrir, le petit Jake semblait tout de même bien se débrouiller. Il avait cette capacité, malgré ses difficultés au niveau du langage, de se faire des amis en un claquement de doigt. Jamais ses enseignantes ou enseignants ne le voyaient dans la cour d’école sans que celui-ci ne soit tenu par la main par un ami. Il n’était d’ailleurs pas rare que les enfants s’arrachent le petit garçon, à un tel point qu’éventuellement, il avait fallu établir un horaire de jeu, où tantôt Jake jouait avec tel élève, et tantôt avec un autre. Il y avait toujours un volontaire pour l’aider à accomplir les tâches qui semblaient dépasser ses capacités, ce qui rassurait autant les enseignants que les services sociaux, qui suivaient toujours aussi étroitement la mère et son fils. Et Jake lui, ne pouvait demander mieux. Durant ces heures qu’il passait à l’école, il pouvait enfin connaître ce qu’était l’affection et l’amour d’un autre. Et bien que cette découverte contrastait avec la vie qu’il menait toujours à la maison, cela n’allait pas pour autant brouiller le regard qu’il portait à sa mère. Le traitement que cette dernière lui réservait avait beau ne pas s’être attendrit à travers les années, il lui portait toujours ce même regard empli d’amour et d’admiration. Le petit garçon n’avait de toute évidence la même compréhension de la situation que celle qu’avait son équipe d’intervenants, mais peut-être au final n’était-ce pas une mauvaise chose.

La vie du petit Morgans semblait s’être enfin stabilisée. Il progressait certes lentement, mais suffisamment pour lui permettre de passer d’une année à l’autre, grâce à toute l’aide que lui offraient ses enseignants. Ce ne fut qu’à l’âge de quinze ans que la vie du jeune homme fût complètement chamboulée. Jake était alors un adolescent, bien que psychologiquement il semblait encore très enfantin. Sa mère avait alors décidé que l’école normale, ce n’était pas pour lui. AInsi, plutôt que de le laisser poursuivre sa scolarité dans l’école spécialisée qu’on lui avait alors imposé, Dorothée avait déterminée que le mieux pour son garçon était de poursuivre sa scolarité dans une école de métier, puisque de toute manière, d’après elle, Jake n’arriverait à rien même avec un “vrai” diplôme. Malgré les protestations du jeune châtain, qui se plaisait énormément dans son école, la mère l’avait fait transféré, et il s’était ainsi retrouvé dans un endroit où on lui apprenait à ramasser les tables et à faire la vaisselle. Et malgré le choc initial, l’adolescent s’était tout de même habitué assez rapidement à sa nouvelle routine, et ainsi, après un an d’apprentissage, il s’était retrouvé un emploi en tant que plongeur dans un petit casse-croûte non loin de chez lui. Et malgré les longues heures, les mauvaises conditions de travail, et la très maigre paie qu’il recevait pour son dur labeur, le garçon maintenant âgé de seize ans trouvait tout de même le tour de garder le sourire. Chaque semaine, il ramenait fièrement sa paie à sa mère, qui s’en emparait sans aucun scrupule. C’est qu’elle avait déterminée que, puisque le père biologique avait cessé de lui payer une pension depuis maintenant plusieurs années, c’était maintenant à Jake de la compenser pour tout le travail qu’elle faisait pour lui. Et Jake, lui, avait finit par s’en laisser convaincre. Il avait toujours ce sentiment de redevance face à sa mère, qu’il aimait plus que tout malgré le traitement que cette dernière lui réservait depuis sa plus tendre enfance. Et ainsi, il avait continué de travailler dans ces conditions jusqu’à ses dix-huit ans.

Les dix-huit ans de Jake marquaient pour lui deux des événements les plus importants de sa vie. Il s’agissait tout d’abord de sa maturité légale, et donc, cela marquait pour lui la fin des interventions des services de protection de la jeunesse qui, jusqu’ici, avaient fait partie intégrante de sa vie. Du jour au lendemain, le dossier des Morgans avait été fermé, bien qu’on leur avait offert des références pour recevoir des services s’ils en faisaient de nouveau la demande de manière volontaire. Mais inutile de dire que toutes ces belles références avaient terminés dans la poubelle. Rapidement, ce changement de routine avait eu pour effet de déstabiliser le jeune homme. Lui qui, à travers les années, s’était énormément attaché à ses intervenants, se retrouvait à présent laissé à la mercie de sa mère et des décisions qu’elle prenait sans jamais réellement le consulter. Alors, les crises s’étaient multipliés. Le cadre qu’on imposait à la famille Morgans s’était évaporé du jour au lendemain. Et il avait bien fallu que la mère ne se force à faire quelques efforts pour retrouver un certain calme dans l’appartement familial, bien que les choses soient restés plus fragiles qu’avant le départ des services sociaux. Mais la fin de ces services n’avaient pas été le seule changement dans la vie de Jake. Un autre, tout aussi important si ce n’est pas plus important, était venu perturber sa petite existence redevenue paisible. Du jour au lendemain, Dorothée avait décidé qu’un changement de carrière s’imposait pour son fils. Et c’était donc ainsi qu’un beau matin, plutôt que de se rendre au casse-croûte pour gratter des casseroles, Jake s’était retrouvé dans l’un des centres de recrutement du Régime, qui s’était installé au pouvoir récemment. Et après à peine quelques heures d’entrevues, le jeune homme s’était retrouvé avec un uniforme, et un horaire de déploiement. On avait déterminé qu’avec ses capacités limités et sa carrure imposante, le jeune adulte deviendrait gardien de sécurité, chargé de contrôler les allées et venues dans les bâtiments appartenants au Régime.

Et ce nouvel emploi, honnêtement, n’était pas pour lui déplaire. Il avait un cadre bien serré, un peu comme lorsqu’il était à l’école, et même s’il leur servait un peu trop souvent de souffre douleur, Jake aimait bien ses collègues. Chaque jour il revêtait son uniforme avec fierté, et il trouvait toujours rigolo de porter son masque. De plus, il se sentait privilégié de pouvoir dire qu’il était là pour protéger ceux qui lui étaient cher, face à ces horribles résistants. En réalité, Jake n’avait pas vraiment conscience de ce qui se tramait autour de lui. Il savait qu’il devait empêcher ceux qui n’avaient pas de badge de franchir les portes qu’il gardait, et qu’à l’occasion, il devait effectuer d’autres tâches qu’on lui confiait. En fait, il ne compris la gravité de la situation qui envahissait sa terre natale que lors de la rafle qui eut lieu au mois de janvier, lors d’un festival qui avait pris place dans une grande place publique. C’était la première fois qu’il s’était retrouvé face à la violence de son île, et malheureusement, ce ne fut pas la dernière. Les attaques violentes s’étaient multipliées à travers les années, jusqu’à ce jour fatidique, où le Régime vécu enfin sa chute.

Ce jour là, Jake était comme à son habitude de garde. On l’avait posté devant le Pôle de développement technologique. Cette journée s’annonçait comme une belle journée. Le jeune homme était accompagné de son fidèle Roméo le Rattata, et portait à sa ceinture quelques uns de ses alliés, alors que d’autres faisaient des rondes aux alentours comme on leur avait enseigné à le faire. Sauf que cette belle journée avait pris un tournant majeur au moment où l’explosion se fit retentir. Et alors, tout avait basculé. Avant que le jeune homme ne puisse comprendre ce qui se passait, il s’était retrouvé coincé sous les débris de l’explosion. Et malgré ses hurlements, personne n’était venu à son secours. À cet instant, malgré sa compréhension limitée, Jake savait. Il savait que son heure était venue, et qu’il allait mourir. Il se vidait dangereusement de son sang, et savait qu’il n’avait pas la force de s’en sortir tout seul. Il s’était résigné, et au moins, il pouvait être heureux de mourir aux côtés de son meilleur ami, qui ne l’avait jamais quitté depuis leur première rencontre. Alors le jeune homme avait fermé les yeux, convaincu que son dernier souffle allait se faire d’une seconde à l’autre.

Ce ne fut que quelque jours plus tard que Jake avait rouvert les yeux, dans un hôpital de fortune qui avait pris racine au beau milieu de la capitale en ruine. Il était entassé contre d’autres Régimeux, Résistants ou civils. En fait, à cet instant, le camp de chacun ne semblait plus vraiment faire de différence. Ils étaient en lambeaux, et c’était tout, et ça Jake l’avait rapidement compris, alors qu’il avait réalisé qu’on lui avait retiré son uniforme pour simplement le couvrir d’un habit bleuté. Des équipes médicales se relayaient jour et nuit, pansant ses blessures, et prodiguant les soins de bases, jusqu’à ce qu’éventuellement on le transfert dans un véritable hôpital, où le diagnostic était tombé. Sa jambe droite et son bras gauche avaient été trop abîmés sous les décombres, et il n’y avait plus rien à faire pour eux. En fait, les médecins avaient déterminés que si ces derniers n’étaient pas amputés, l’infection risquait de s’y propager, et alors, le jeune homme risquait de ne pas s’en sortir. Malgré l’abondance de patients qui affluaient dans l’hôpital, Jake avait pu obtenir sa chirurgie rapidement, et ainsi, il s’était retrouvé mutilé, sans qu’on ne lui offre véritablement le choix. Le jeune homme était absolument terrifié de tout ce qui se passait autour de lui, et qui plus est, on n’avait toujours pas retrouvé sa mère parmi les décombres d’Amanil. Il s’agissait sans doute là pour le jeune homme de la plus rude épreuve qu’il avait dû affronter de toute sa courte vie. La panique de se voir mutilé et abandonné de ceux qui avaient formés sa famille s’était emparée de lui, ce qui avait finit par forcer le corps médical à le contentionner durant son séjour à l’hôpital. Les crises répétés n’avaient pas aidé sa condition, lui qui déjà s’était présenté dans un état critique.

On l’avait gardé un certain temps sous observation, afin de s’assurer que ses plaies n’allaient pas s’infecter, ainsi que pour lui prodiguer une aide psychologique plus que nécessaire, suite à quoi il avait eu droit à quelques semaines de réhabilitation pour l’aider à s’habituer à sa nouvelle condition, et une fois le traitement terminé, ce fut l’heure du jugement. Comme les autres Régimeux qui avaient été retrouvés, Jake se vit faire face à des accusations pour toute la violence qui avait été perpétré sur l’île. Et bien que le jury eut connaissance de la condition psychologique de Jake, il était tout de même hors de question de le laisser filer sans aucune peine. Après tout, il avait participé à pratiquement chacun des évènements de violence, et il était impensable de croire qu’il n’avait jamais fait de mal à qui que ce soit. Il s’était donc retrouvé face à une peine relativement minime. Il se vit condamné à deux ans de prison.

Derrière les barreaux, le jeune homme, bien que toujours traumatisé par les évènements, s’était vu retrouver une routine qui ne lui déplaisait pas. On s’occupait de lui, il avait à manger, et il avait un toit au dessus de sa tête. Les journées passaient et se ressemblaient, jusqu’au fameux jour où il fut enfin libéré, dans un monde qui ne ressemblait plus à celui qu’il avait connu avant que tout ceci n’arrive. Son premier réflexe, une fois libre, avait tout de suite été de retourner à Amanil, là où se trouvait anciennement l’appartement qu’il partageait avec sa mère, cherchant désespérément un peu de familier dans ce nouveau décor. Mais celui-ci n’y était plus, sans doute démoli durant l’explosion qui avait mit fin à tout ce qu’il avait connu jusqu’à présent. Alors, le jeune homme s’était simplement mit à errer à travers la ville, sans but véritable. Il cherchait sa mère, ses Pokémon, ou n’importe quoi qu’il avait pu connaître dans son monde d’avant. N’ayant nulle part où dormir, il avait commencé à fréquenter les refuges pour sans-abris, ou alors parfois il pouvait compter sur l’hospitalité d’une personne ayant assez de coeur pour l’accueillir de quelques jours à quelques semaines. Le jeune homme était certes terrifié par sa nouvelle vie, et terriblement inquiet face à toute cette incertitude, mais il était impensable pour lui de baisser les bras. À force de parcourir la vieille capitale, l’ex-Régimeux avait fini par retrouver sa Cabriolaine, abîmée par les années d’errance, de famine et de solitude. C’était la seule qu’il avait pu retrouver à travers les années, et pourtant, le jeune homme n’avait pas perdu espoir. Malgré sa condition, il s’en était fait la promesse, il comptait bien retrouver tous ceux qui lui étaient cher.