Suite de cette capture.

« Je ne mérite peut-être pas que Clive me fasse confiance... »

Elliott lui faisait de la peine. Sam n'aimait pas le voir dans cet état. Assis dans l'herbe face à la lande fleurie et le regard vert fixé vers l'horizon sur un point fixe qu'il était seul à voir, son expression reflétait une peine qu'il ne montrait que rarement. Mais parfois, en présence de l'Enodril, il avait l'impression de pouvoir se lâcher plus qu'à d'autres moments. Peut-être était-ce parce qu'il était l'un des seuls qui aimait Clive en dépit de ses actions passées. Qu'il ait commis des crimes, ça, Elliott s'en était toujours bien fichu, après tout. Il savait pourquoi il avait fait tout ça. Il l'avait bien vu, de manière plus ou moins discrète, essuyer les verres du bar comme si de rien n'était après avoir probablement tué quelques personnes en échange d'argent qui pourrait les nourrir. Le cadet n'avait jamais voulu réfléchir à ce que son frère avait pu faire, mais jamais il ne l'aurait jugé ; il avait fait preuve -de son point de vue- d'un courage qu'il n'aurait jamais pu avoir. Il aurait alors rêvé de lui rendre la pareille : s'occuper d'Axel comme Clive s'était toujours occupé de lui. Une autre personne avait pourtant été choisie pour occuper ce rôle, et s'il y avait bien une chose que Elliott avait du mal à avouer, c'est qu'il était peut-être un peu jaloux, quelque part. Et cela lui faisait lentement douter de lui quand bien même il était habituellement toujours confiant de ses capacités.

« Non, c'est faux ! »

Une autre chose qu'il avait appris à ses dépends : Samaël était quelqu'un de déterminé quand il le voulait et qui avait le don, de temps à autre, de le surprendre. Son comparse s'était relevé pour planter ses yeux dorés dans les siens.

« Je suis sûr... Que Clive t'aurait confié son fils sans hésiter. »

Il ne cillait pas en disant ses mots quand bien même il savait qu'il aurait été tout à fait capable de le faire et d'hésiter. De nombreuses fois, il ne s'était pas senti légitime de parler aux noms de d'autres ainsi. Pourtant, il savait que le jumeau de Faust aimait sa famille et lui faisait confiance.

« Faust n'était pas en état, et Kagami...
- Maman n'aurait pas eu l'énergie pour s'occuper d'Axel au quotidien. »

La relation qu'entretient Clive avec son jumeau et sa mère était sans doute trop forte pour que ce soit réalisable. Elliott avait accepté le choix qui avait été fait, mais il s'en voulait en pensant qu'il n'avait sans doute pas été présent pour son frère aussi souvent qu'il aurait aimé. Sa poitrine avait beau eu se serrer en sachant qu'un autre allait s'occuper de son neveu, mais il n'était pas naïf au point de croire qu'il aurait fait un meilleur travail de parent. Son regard dévia vers les nuages qui passaient à un rythme paisible.

« Je n'aurais pas eu, moi, la maturité nécessaire pour son éducation. Mais Natsume... »

Il ne savait rien de l'Hôte de Pension, maintenant qu'il y pensait. Il ne le connaissait réellement qu'à travers les (trop) nombreux récits que Sam faisait de lui. C'était amusant de voir comme ce pouvait l'idéaliser, mais Elliott se trouvait curieux. Il avait l'air de bien s'occuper de l'enfant, au moins. Même avec toute la mauvaise foi du monde, personne ne pouvait dire que Axel était malheureux, là où il était. Et même si cela avait été étrange et pesant pour Sam les premiers temps, il avait suffit qu'il s'habitue et qu'il connaisse un peu mieux le petit garçon pour apprendre à... à...

« Clive a choisi Natsume comme parrain. Au début, j'avais du mal à comprendre, mais... Maintenant je crois... Que je comprends. »

Intrigué, le Donovan scruta son ami. Le dresseur affichait un très léger sourire et il semblait serein. Perdu dans ses pensées, aussi. Son attention se porta sur un Spododo un peu plus loin, comme s'il essayait de ne plus y réfléchir. Quelques mois plus tôt, Elliott se souvenait pourtant des quelques difficultés qu'il racontait parfois quand le sujet d'Axel était abordé. Désormais, c'était comme s'il n'en avait jamais parlé.

« Alors peut-être que tu peux m'expliquer. »

Nul condescendance ou mépris dans l'interrogation du Donovan. Ce dernier, connaissant ironiquement mal le Miyano quand bien même ils pourraient sûrement s'entendre, veut faire confiance dans le jugement de son frère ainsi que celui de son ami l'Enodril. Curieux et attentif, il observe le cadet -de quelques mois- avec un regard profond. Elliott veut en savoir plus à propos de l'éleveur, mais sans que cela n'ait un rapport quant à son lien avec Axel. Le fait qu'il n'ait jamais pris le temps de faire plus ample connaissance avec ce cousin du côté de sa mère ne l'a pas aidé à se figurer comment il pouvait être au quotidien. Mais quand on côtoie le dresseur ainsi que le fils de Clive, difficile de se dire que le conjoint du Milicien est une mauvaise personne. Ce dernier laisse ses yeux se perdre dans le vide, comme s'il réfléchissait. Même si, en parlant, il sait déjà ce qu'il va dire.

« Il aime beaucoup les enfants. Cela se voit. Il a juste... peur de mal faire. »

Il lui avait raconté, un jour, sa peur de blesser des gamins. Sam peut le comprendre. L'idée ne lui a jamais effleuré l'esprit puisqu'il fait toujours très attention en présence d'enfants, mais il sait dans quel état il serait s'il venait à faire du mal à l'un d'entre eux. Le fait que la Compétition ait été accusée d'avoir tué indirectement une fillette l'avait d'ailleurs mis très mal à l'aise, et ce n'était pas à cause de l'image qu'ils auraient pu avoir.

« Ce n'est pas évident tous les jours avec Axel pour des raisons évidentes, mais il fait tout son possible pour le rendre heureux, et je trouve... Qu'il se débrouille bien mieux que ce qu'il croit. »

Un léger sourire doux apparaît sur son visage, repensant à tous ces moments où il avait pu remarquer l'attention toute particulière dont son copain faisait preuve pour que son filleul ne manque de rien. Bon, il lui était déjà arrivé de l'oublier une (ou deux) fois au magasin, mais ça n'enlève rien à l'affection qu'il lui porte. Qu'ils se portent mutuellement, d'ailleurs, se dit le Maître de la Ligue. Propos banals en somme mais qui sortirent avec une telle sincérité que cela suffit à apaiser le Donovan. Il n'a jamais remis en question la maturité de Natsume à propos d'Axel : il veut seulement que son neveu grandisse dans un cadre adapté où il est certain que ses tuteurs pourront s'occuper de lui et lui donner la vigilance nécessaire dont il a besoin. Il se sent pourtant tout à coup bien bête d'avoir posé de telles questions à son compère.

« Et toi, dans tout ça ? 
- Moi ?.. »

Le vent balaie ses mèches de cheveux. Il ne pensait pas que Elliott serait aussi intrigué par sa vie personnelle. Pas que cela le dérange particulièrement. Il ne s'y attendait pas. Le Donovan n'a pas l'air bien intrusif de manière générale. Il respecte généralement le privé d'autrui et n'est pas bien du genre à s'immiscer dans les affaires qui ne le concernent pas. L'Enodril le rend tout simplement curieux. Normal, selon lui, de vouloir en savoir plus sur une personne que l'on sera amené à côtoyer souvent si Kagami et Lyra restent aussi proches. Il y a quelques temps, Samaël n'aurait pas su répondre honnêtement à cette question. Il n'hésite pas cependant lorsque, après un court instant de silence, il répond.

« Moi... Je crois... Que je m'y suis fait aussi. »

Un léger sourire s'est dessiné sur ses lèvres. Aussitôt, son ami l'imite. Le sujet de Clive lui passe pour la journée. Il n'en a pas oublié de se focaliser sur le présent, mais surtout l'avenir.

« Tu aimerais bien avoir des enfants ? 
- Dans l'idéal... oui.
- Et si Natsume ne veut pas ? »

Encore une fois, si Elliott est connu pour être curieux, le dresseur n'aurait pas imaginé qu'il puisse trouver un intérêt à ses propres envies. Ou alors peut-être qu'il s'ennuie, se dit l'Elite. Pourtant, Elliott ne s'ennuie jamais vraiment.

« Bah... On avisera. Et puis, on en a déjà un à la maison. »

Le Maître se permet de glousser un peu. Il avait certes du mal, au début, mais ça s'est arrangé. L'enfant ne le rend plus nerveux. Au bout d'un moment, il s'est accoutumé à sa présence. Il a même appris à le connaître.

Les yeux verts du Donovan restent rivés sur son comparse, se demandant à quoi il pense. Aurait-il posé trop de questions personnelles ? Son visage paisible n'a pas l'air perturbé par une quelconque gêne, mais Elliott s'en voudrait d'avoir été trop loin dans sa curiosité. Il souhaite réellement en savoir davantage sur l'Enodril. Il le connaissait après tout bien avant que Lyra et Kagami ne se mettent ensemble, mais le dresseur l'ignore. La bouche du nerd s'ouvre pour parler, mais il se rend compte qu'aucun mot ne veut vraiment sortir. Au lieu de cela, il est surpris par une forme jaune qui arrive comme un éclair pile sur son visage, le faisant sursauter et pousser un hoquet de stupeur. Samaël esquisse un geste de recule, surpris lui aussi par la créature qui vient d'apparaître sur la tête de son ami. Elliott se fige un court instant. Puis, quand la bestiole se stabilise et arrête de bouger, il reconnaît le Pokémon qui s'est penché sur lui pour le regarder, un adorable sourire aux lèvres.

« Un Pikachu ! »

Les prunelles de l'aîné s'illuminent. L'autre ne croit pas l'avoir déjà vu aussi heureux, mais son expression s'est tout à coup éclairée comme s'il venait d'apercevoir quelque chose de fascinant. Le Pikachu en question tombe de la tête du brun aux cheveux hérissés pour se poser entre ses jambes, faisant bouger ses oreilles et sa queue en forme de cœur.

« J'ai toujours rêvé d'en avoir un !
- Oh !.. Eh bah alors, qu'est-ce que tu attends ? »

Circonspect, Elliott scrute le Maître sans trop comprendre. Ce dernier sort une Poké Ball de sa poche pour être plus explicite.

« Je peux ?.. Vraiment ?
- Bien sûr ! »

Le Milicien lui rend son sourire jovial. Le Donovan a beau avoir un air un peu enfantin, on dirait qu'il ne fait quand même jamais les choses au hasard. Le voir aussi excité amuse donc un peu le cadet qui est d'habitude celui qui est toujours intimidé par l'informaticien.

« Tu es d'accord, Pikachu ? Tu veux bien que j'essaye de te capturer ? »

Le regarde brillant, il se baisse vers le Pokémon en question. Ce dernier ne semble pas particulièrement contre la proposition de l'humain, hochant même vigoureusement la tête comme pour le mettre au défi de le mettre dans la boule. Le dresseur tend finalement la Poké Ball à son ami pour qu'il tente sa chance, impatient de voir si la créature sera encline à la proposition ou si elle va lui donner du fil à retordre.

« À toi de jouer ! »

Ce n'est pas la première fois que Elliott lance une Poké Ball pour capturer un Pokémon. Mais le faire en présence d'un dresseur confirmé, c'est autre chose que de s'amuser tout seul dans son coin. Il craint toujours de ne pas s'y prendre de la bonne manière quand bien même le geste en soit est des plus simples et qu'il est fait pour que tout le monde puisse s'en servir. Même des enfants peuvent lancer une Poké Ball, qui rentre dans la paume d'un adulte mais qui possède une légèreté encore parfois surprenante même avec un Pokémon à l'intérieur. Là, évidemment, puisque le Pokémon est juste en face de lui, pas de lancer. Il lui suffit de tapoter gentiment la tête du Pikachu entre ses oreilles pour enclencher le mécanisme pour le faire entrer dans la boule. Ce sera à la souris électrique seule de décider si elle y reste. Pas de cliquetis qui retentit, cependant. Une seule lumière rouge apparaît pour signifier que la capture est achevée, mais rien de plus. Il l'a eu du premier coup. Les yeux brillants, Elliott prend la Poké Ball remplie avec une expression fière et joviale.

« T'es plutôt sympa, en fait. »

En souriant, il se tourne vers l'Enodril, qui se trouve au dépourvu par cette remarque soudaine, comme si cela le surprenait.

« … Tu es en doutais ?! »

Il se vexerait presque. En voyant sa mine faussement boudeuse, le Donovan glousse.

« Comme tu n'arrêtais pas de m'éviter... Je ne pouvais pas savoir pas vrai ? 
- Oh... O-Ouais... »

Il marque un point, se dit l'Enodril qui ne peut pas en vouloir à Elliott de mal le connaître, au final, si l'Elite essayait de ne pas le croiser, pour certaines raisons. Durant cette sortie, il n'a pas eu le choix que de l'accompagner, mais possible qu'il aurait trouvé une excuse s'il en avait été autrement. En fin de compte, cela s'était plutôt bien passé.

« D'ailleurs, pourquoi est-ce que tu m'évitais ? 
- … Euuuh.... »

Les joues roses, le concerné détourne soudainement le regard, embarrassé de sa propre stupidité. Car ce n'est nullement la timidité qui l'a poussé à esquiver le Donovan.
Au même moment, c'est un coup de téléphone inattendu qui le sauve de cette situation gênante. En voyant le numéro de sa mère, il décroche tout de suite.

« Ouais ?.. Ah euh, on arrive tout de suite ! »

Après quelques secondes, il raccroche assez vite. Lyra leur demande de les aider à faire un peu de ménage à l'auberge. Il prend volontiers cette excuse pour échapper à la question de son ami. Il appelle déjà Synkro à lui pour qu'ils les emmènent le plus près possible de Vanawi.

« Alors ?..
- On doit vraiment rentrer. Une autre fois, peut-être ?
- Tu peux m'expliquer sur le chemin, non ?
- Plus taaaard ! »

Samaël prend déjà le bras du Gardevoir en intimant au nerd de faire de même pour la téléportation. Son interlocuteur lève les yeux au ciel avant de le rejoindre enfin, conscient qu'il n'aura pas la réponse qu'il attend aujourd'hui. Il se promet toutefois de remettre le sujet sur la table un jour, et cette fois-ci, il ne pourra pas s'enfuir aussi aisément.