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Ludwig Green
Retour au bercail (Partie 1)
Ferme des Green-Onizuka - Novembre 2023
     
Le temps est passé vite depuis que je suis revenu de chez Monsieur Miyano. Je n’y ait pas passé des semaines non plus, c’était très bref, mais j’ai la sensation d’y être resté longtemps. J’ai perdu la notion du temps pendant quelques semaines, en revenant à la ferme. Ça n’a pas été une très bonne période pour moi. La première chose que j’ai fait en rentrant chez Soltan, ce fut de m’enfermer dans ma chambre sans vouloir en sortir. Je ne suis retourné à l’école qu’à la moitié du moins de novembre. Pour ce qui est des explications, bien entendu, mon tuteur en a voulu et de toute façon, il en faudrait aussi en allant chez l’assistante sociale. Dans un premier temps, j’ai été muet. J’avais trop peur et je me trouvais ridicule. J’avais peur des retombées si je parlais de mon harcèlement à l’école (car j’ai su plus tard que c’est ainsi qu’on appelait ça), j’avais peur qu’on me juge, qu’on minimise cette douleur que je n’arrivais qu’à peine à cerner. Et en même temps je me sentais bien bête de me mettre dans un tel état pour « si peu ». Après plusieurs jours cloitrés à sortir seulement pour manger et prendre parfois une douche, j’ai ressenti le besoin de parler. Je ne savais juste pas à qui. Surement pas à l’assistante sociale. J’ai beaucoup hésité, avec Soltan, surtout car je voyais bien qu’il avait l’air vraiment fatigué et au bout de sa vie, à ce moment-là, même s’il me disait qu’il était là « pour parler », il donnait aussi l’impression, comme d’habitude, de ne pas être spécialement disponible. Au moins, personne ne me forçait à aller à l’école en attendant que je me remettre et ça, ça me soulageait assez. Enfin, j’ai bien senti que l’assistante sociale n’approuvait pas forcément, je crois qu’il est normal qu’elle ait des réserves après une fugue. Même avec ça, j’ai eu du mal à me sentir pleinement en sécurité malgré tout. Je ne voulais pas sortir et risquer de voir Ellias accompagné par mon père, de voir Raoul et compagnie qui pourraient me charrier, alors je restais à la maison en attendant que ça se calme.

Et petit à petit, ça s’est calmé.

J’ai senti que les choses sont devenues plus simples pour Soltan une semaine après être rentré, quand Monsieur Eriksen (enfin, maintenant je l’appelle par son prénom) est arrivé, de ses dires « pour aider son cousin ». Je crois que ça a été un vrai soulagement pour Soltan. Pour ma part, j’étais méfiant. J’avais déjà vu le Eriksen par le passé, très brièvement, quand il était passé pour des vacances. Il s’entendait bien avec Riku, je me rappelle, ils avaient parlé de motos et de groupes de musique, enfin, je me rappelle mal. Alex ne l’aimait pas, pour sa part. Bref, je ne savais pas trop quoi penser de ce type, en premier lieu, même s’il s’occupait beaucoup des enfants de Soltan, et que ça soulageait clairement le fermier. C’est dans la semaine qui a suivi que j’ai senti que je pourrais, peut-être, aller parler avec mon tuteur. Mais, pas si les autres étaient là.


***


12 novembre 2023
Je descendis vers l’heure du gouter. J’imagine que j’en avais un peu marre d’être enfermé, la maison était calme et j’avais un peu faim. A l’exception faire de Soltan, tout le monde était dans la salle à manger, Marilyn terminait tout juste ses devoirs avec son « oncle » Zlatan et Iris et Mikoto étaient sur le tapis du salon avec des Lego. Iris est la première qui vient me dire bonjour en me proposant un câlin. Elle est toujours si spontanée et douce malgré le fait que je ne sois pas forcément d’humeur à la voir elle et ses frères et sœurs en ce moment… je ne peux pas lui refuser grand-chose, à la cadette.

« Lulu ! Ça va bien aujourd’hui ? »

J’entends aussi Mikoto et Marilyn me saluer vaguement comme ils sont concentrés sur leur ouvrage. Si c’est habituel pour Mikoto d’être complètement absorbé, ce n’est pas la même avec sa grande sœur. C’est un peu bizarre, avec Marilyn, depuis que je suis rentré et ça l’était déjà avant, comme on s’était disputés. Soit elle me fait la tronche, soit elle est mal à l’aise comme moi, ou alors un peu des deux. J’en profite pour dire bonjour à tout le monde, par politesse et sourit doucement à la plus jeune qui prend son temps pour me cajoler.

« Hm, pas mal… »

Répondis-je, un peu vaguement, certes, mais spontanément. Clairement, ça pourrait aller mieux, mais je ne me sens pas si mal que ça… d’où l’expression « pas mal », j’imagine, hein. Wah. Bref.

« Il est pas là Soltan… ? »

Tandis que Zlatan relève la tête et commence à prononcer un « euuuuuuuh… » interminable qui veut sûrement dire « je devrais le savoir mais je ne sais plus », c’est encore une fois Iris la plus réactive.

« Il travaille dans son bureau ! »

Zut. Je n’ai pas envie d’aller le déranger s’il est en plein boulot. J’hoche la tête, un peu déçu et comme je suis là, j’imagine que je vais au moins aller boire un verre de jus. Je ne mange pas très bien, depuis un temps, enfin, on surveille que je mange assez pour la journée, mais je n’ai pas tellement faim ni le cœur à me forcer, donc, j’ai souvent faim dans l’après-midi. Laissant la brunette retourner à ses légos, je me rends dans la cuisine et ouvre le frigidaire pour y prendre ce que je cherche. C’est le moment choisi par mon tuteur pour sortir du bureau. Il semble chercher quelque chose dans le living-room jusqu’à m’apercevoir. Il semble confus tout d’abord quand à ce qu’il essaie de me dire.

« Euh. Je t’ai entendu descendre et… tu voulais quelque chose ? »


C’est vrai que je voulais lui parler de certains trucs, mais, là, je suis plus trop sûr, surtout avec les autres autours. Je n’ai vraiment pas envie que plus de personnes sachent pour ce qui m’est arrivé au collège. Il n’est pas sorti de son bureau et stoppé son travail juste pour voir si j’allais bien… si ? Je ne sais pas comment réagir mais suis un peu touché par son apparente sollicitude.

« Non, enfin… Je voulais… C’est pas grave, je reviendrais quand tu auras du temps. »


Me défilais-je en me préparant à retourner dans ma chambre avec mon verre de jus. Soltan m’observe d’un air cirsconspect puis, au moment où je commence à monter les marches, je l’entend prendre son inspiration avant de parler, ce qui me fait faire volte-face.

« En fait… je dois aller transporter deux-trucs dans la grange, tu voudrais bien m’aider… ? »


Me demanda-t-il en m’adressant un regard entendu. Comme je n’ai rien à faire et que je ne suis pas contre me rendre utile et que ça me permettra peut-être de parler de certains trucs à mon tuteur… j’ai hoché la tête puis suis allé enfiler mon manteau.

Mine de rien, il ne fait pas très chaud à hauteur de Cayagane, durant les mois de novembre et décembre. La pluie est pas mal tombée ces jours-ci et a tout transformé en bouillasse froide, comme les températures chuttent, dont Soltan se plaint tous les jours parce que « ça va encore mettre des jours de nettoyer ça, bientôt je pourrais pu sortir les bêtes longtemps et en plus ça en fout partout et les gamins vont encore chopper la crève »… Sans vouloir faire le pessimiste, je suis d’accord avec lui. Enfin, j’aime bien l’arrivée de l’hiver et la pluie, puis plus tard, la neige et le ski, mais à la ferme, ça rend tout de suite tout extrêmement boueux et pas trop praticable. Et franchement, j’adore Iris et Mikoto mais je comprends pas ce qu’ils trouvent sympa à barbotter dans la boue, sous la pluie, puis dans la neige trempée, surtout si c’est pour se retrouver grippé ensuite. Bref, nous voila après avoir échangé à peine quelques mots dans la grange, où il fait assez chaud et nous entrons dans la remise pour prendre du matériel.

« Hm, donc… pendant qu’on y est, tu voulais me parler de quoi ? »

…Ah, donc cette histoire de grange, c’était une diversion ? Oui et non, je crois, comme on sort quand même quelques trucs de la remise. Je ne sais pas trop quoi en penser mais je ne vois pas chez mon tuteur une volonté de me forcer à parler maintenant qu’on en est là. Ça semble partir d’une bonne intention, sauf que maintenant que je me dis que ce serait peut-être le moment de sortir ce qui me trotte dans la tête et sur me cœur depuis des semaines, eh bah… C’était vachement plus organisé quand j’y pensais, et là, je ne sais plus par où je pourrais commencer.

« Euh… c’est… je sais pas, enfin… c’est peut-être pas si important, en fait, du coup… »

J’ai entendu le fermier soupirer dans mon dos. Quand je me retourne, je le vois m’observer en biais en faisant la moue. Pas une de ses moues à la « ça me saoule jpp » qu’il a assez souvent, mais une moue qu’il affiche quand il est plus inquiet. Je l’ai vu faire cette tête asses souvent ces temps-ci, quand Marilyn ramenait un mot négatif sur son comportement, quand Iris et Mikoto se plaignait de l’absence de leur mère, quand il terminait un coup de fil avec Shizune… Bref. Je crois qu’il s’inquiète pour moi.

« Ouais, si un jour tu passais sous le tracteur tu dirais aussi que c’est « pas si important ». »


Maugréa le quarantenaire tandis que je m’empourprais légèrement. Ouille. Touché. Je me sens bête, d’un coup… est-ce que je suis si transparent que ça… ? Est-ce que tout le monde le voit, quand quelque chose cloche… ? Cette idée me pousse à me crisper et à me remettre sur la défensive.

« … Ouais bah… ! Toute façon c’est mon problème ! »

Je le sens, que j’ai été sec, que j’ai élevé la voix parce que j’étais percé à jour. Peut-être que j’ai un peu fichu en l’air l’ouverture que me montrait Soltan pour que je me confie. Enfin, je ne vois pas pourquoi il aurait envie de continuer à m’entendre après que je lui aie mal parlé… même si ça aurait pu être pire, que dans le contexte, je ne l’aurais peut-être pas mal pris, je… je ne sais pas. Je crois avoir confiance en mon tuteur, enfin, c’est plutôt que des personnes susceptibles de m’aider à qui je pourrais raconter ça, ben, Soltan est le plus évident et je ne me méfie plus vraiment de lui. J’ai surtout peur qu’il me trouve ridicule comme lui, qui est impassible et que j’idéalise sans doute, j’ai l’impression qu’il est bien trop au-dessus de tous mes « petits soucis » d’adolescent.

« Hé, tu sais que je vais pas me moquer, hein. »


Tiens, quand je disais que j’étais transparent. Je ne sais pas si c’est aussi son cousin qui est psy qui l’a encouragé et qui lui a un peu éclairé la voie sur ce qu’il pourrait dire mais… Je suis soulagé de l’entendre dire ça bien qu’une fois de plus, j’ai honte et je rougis d’être aussi prévisible. En faisant la moue, je finis par m’asseoir sur une caisse fermée à côté de la porte ouverte de la remise, regardant mes pieds posés sur le sol… C’est en sentant mes jambes moins tendues que je me demande au passage si je n’ai pas un peu grandi, ces dernières semaines. Il serait temps, je suis vraiment un nain, comme disent les abrutis du bahut… meh, on dirait que j’y reviens toujours, hein. Ça me démange, mais je ne sais pas comment le formuler.

« … mais… tu vas trouver ça trop drama et ridicule. »


Le fermier s’était assis à son tour et soupira en haussant légèrement les sourcils.

« Non. Je ne suis plus vraiment à ça près, tu sais. »

Vraiment ? Il lui serait arrivé des trucs moches, à lui aussi… ? J’imagine que c’est possible. Je me suis souvent demandé comment Soltan avait vécu avant que je ne vive chez lui, mais il est tellement secret que je n’ai jamais osé lui demander. Et puis, il a été là pour moi depuis longtemps, je l’idéalise sans doute un peu et j’aurais sans doute peur d’apprendre certaines choses négatives.

Soltan s’était assis à son tour dans la remise, pendant que le silence envahissait de nouveau l’espace. C’est à mon tour de soupirer en comprenant que j’aurais du mal à trouver mes propos et à les restituer dans le bon ordre, ou d’une manière qui ne serait pas confuse. Je ne veux pas prononcer des mots « graves » comme « harcèlement » ou « fugue », je me dis que ce serait trop alarmant par rapport au « peu » qui m’est arrivé. Mais est-ce que c’est vraiment si « peu » que je ne le crois ? Je ne suis pas le meilleur juge pour ça, il me semble, et en même temps… c’est à moi que c’est arrivé, non ? En me grattant la nuque, je me mets à fixer encore plus fort le sol de la remise, esquivant à tout prix le regard du fermier.

« Je, euh… en fait… ce qui s’est passé… »

Super, très intéressant. On va aller loin, avec ça. Aller, Lulu, un peu de courage.

« Tu le dirais à personne, hein… ? »

La chose la plus importante, j’avais failli oublier. J’ai terriblement besoin que seul lui sache tout ça. Je ne veux pas que d’autres apprennent et que ça me retombe dessus. Soltan me répond par un « mais non », sans le regarder je l’ai imaginé secouer la tête. J’espère qu’il tiendra parole. Personne ne doit savoir. Même pas les profs, car, Raoul et les autres sauraient que j’ai cafté et ils me feront encore plus ma fête une fois que je reviendrais… Mais en même temps j’imagine qu’en ayant été absent après les vacances, ça sera ma fête dans tous les cas. Un frisson désagréable me parcourut le corps et mon abdomen se noua brusquement. Peut-être que c’est par là que je devrais commencer.

« Je veux pas retourner au bahut. »

Lâchais-je finalement et j’ai l’impression que le poids qui me pèse sur le ventre est en voie de sortir par ce biais. Je ne veux pas être raisonnable. Après avoir prononcé ces mots, je sens tout plein d’émotions m’envahir, et j’ai envie de tout « cracher »… Je pensais que j’aurais juste peur, mais il y a autre chose, à commencer par une colère viscérale qui domine tout le reste, accompagné d’une envie de crier pour réussir à exprimer tous ces sentiments qui me prennent soudain à la gorge mais que je ne peux exprimer en paroles claires. De la tristesse, un sentiment d’abandon, de solitude terrible, une angoisse bien présente, mais, rien qui ne dépasse ma contrariété actuelle et mon envie de taper dans des murs.

« Je… j’ai peur. Il y a… il y a des cons qui me font chier tous les jours. »

J’ai perdu tout mon calme en prononçant cette phrase entre mes dents, me crispant pour atténuer les tremblements qui envahissent tout mon corps. C’est… dur. Je n’ai pas d’autres mots. Ce sont des cons. Des enfoirés. Je les déteste, même si certain.e.s d’entre elleux étaient mes amis avant, je… je les hais de m’embêter sans raison. J’ai eu envie de les frapper, de leur hurler dessus et je ne l’ai pas fait car je me disais que ça passerait. Mais, non. Alors je crie seulement maintenant, quand ils ne sont pas là. Ici, au moins, ils ne m’entendront pas et je n’aurais pas à m’inquiéter de subir leurs réactions.

« C’est depuis que j’étais allé chez Raoul à Dimaras, à la fin des grandes vacances. »

Maintenant que j’y pense, Soltan était venu me chercher, puis était passé prendre mes affaires chez Raoul. Je ne voulais pas parler à ce moment-là et il n’a pas insisté pour en savoir plus. Peut-être que j’aurais préféré qu’il m’interroge. J’ai juste dit que Raoul n’était plus mon pote et l’incident était clos. Du moins c’est ce que j’espérais.

« Je me souviens. »

Fit le fermier comme pour m’encourager à continuer. Et il est temps que je lui explique.

« Raoul, c’est le pire. Tout est à cause de lui. Il m’a dit que j’étais une tapette et que Ellias aussi et… »


Oh, la suite m’a bien plus choqué que tout le reste. Les « tapette » depuis la rentrée, de la part de son gang, c’était devenu habituel et ce n’était pas vraiment ce qui était le plus violent. C’est la répétition, l’acharnement, la gratuité qui est le plus violent et ils savaient qu’il y avait quelque chose qui me tétanisait pour de bon quand ils le prononçaient ou le sous-entendaient.

« Il a dit… « c’est où « chez toi » ? »… comme si… comme si j’avais pas de « chez moi » et… pas de famille. »


Je sens les premiers sanglots me secouer et sortir de ma gorge. Ma voix s’est faite plus discrète, plus basse tandis que j’essaie de contenir mes pleurs et que je cache mes yeux dans les paumes de mes mains.

Je ne pouvais même pas donner tord à Raoul. Je me suis mis à croire qu’il avait raison. Et dans les faits… J’habite dans la maison de Soltan, qui n’est pas mon père, avec Marilyn, MIkoto et Iris qui ne sont pas mes frères et sœurs. Cela m’importe peu, qu’on soit liés par le sang ou pas, ça ne rentre pas en compte dans le fait que je tends à les considérer un peu comme s’ils étaient on cousin et mes cousines. Néanmoins, je n’avais pas de « réponse » à donner à Raoul pour le contredire. Rien qui soit assez « légitime » à mes yeux. Car je suis perdu. Car c’est mon point faible. Et le fait qu’il le connaisse si bien est terrifiant.

« Et… quand c’était la rentrée… Il a continué, avec ses potes. »

Je renifle entre mes mots, ma voix altérée tandis que je tente de pleurer en silence.

« Et moi… j’étais… tout seul. »

Continuais-je, douloureusement et sentant mes yeux devenir lourds, mon nez se congestionner et rendant ma respiration plus difficile.

« M-mais c’ma faute ! J’ai été débile ! Je me suis dit qu’en étant pote avec ce connard de Raoul, ça… ça se p-passerait bien… p-parce que… parce qu’il était p-plus fort et… et que… que… je voulais juste que… que les autres m’aiment bien aussi p-parce que lui, tout le monde l’aime bien. »

Ce qui n’est pas vrai, parce que maintenant, il y a au moins une personne pour le détester : moi. Et probablement Lise… Merde, Lise, qu’est-ce qu’elle doit penser de moi, maintenant… En m’étendant parler, je me sens encore plus stupide et ça me fait sangloter de plus belle. Mais pourquoi est-ce que j’ai été aussi stupide ?! Toujours aussi désordonné, j’arrive à reprendre après m’être mouché avec un sopalin que Soltan avait trouvé dans la remise.

« Et puis à la maison, bah, euh… y’avait les problèmes avec Maril’ et Shizune et… et… et j’avais l’impression qu-que j’étais en t-trop… »

Je ne me rends pas compte que j’ai spontanément dit « à la maison », comme si la ferme était mon foyer, car ça l’est probablement. Je ne l’ai pas relevé, mais au fond, je l’ai sur en repartant de chez Monsieur Miyano et en suivant Soltan que… je rentrais vers ce que je pourrais appeler « chez moi ».

« Alors… alors… je me suis dit… »

Je n’arrive pas à terminer car je pleure désormais trop fort pour continuer. Je n’ai pas pu évoquer les histoires avec Ellias, mais… Je pense que c’est encore trop frais et je n’ai pas vraiment envie d’évoquer ça. Vraiment pas. Les mains couvrant mon visage et les coudes appuyés sur mes genoux, je n’arrive plus à cesser de sanglotter fort, le corps secoué et fatiguer par l’effort que ce la représente. Le mouchoir de tout à l’heure est trempé, c’est assez dégueulasse, alors Soltan m’en refile d’autre. Il n’a encore rien dit et je ne lui demande pas de me sortir le discours du siècle, mais… j’espère juste qu’il ne me trouva pas nul et n’est pas déçu. L’idée d’avoir pu le mettre mal à l’aise me fait chouiner de plus belle et je ne sais pas combien de temps s’écoule avant que cela cesse finalement. Enfin, que cela se calme, du moins.

« D-désolé, j-je… » Je renifle bruyamment. « Je sais p-pas… j’sais p-pas pourquoi j’suis c-comme ça… » Toujours angoissé, pleurnichard depuis que je suis petit, et dégonflé lorsque je devrais savoir me défendre seul. « Je… je suis nul, je sais… »

Terminais-je dans un souffle, complètement épuisé après tout ce qui a pu sortir. Je ne sais pas encore si je me sens mieux. Dans l’absolu, je crois que je me sens pas très bien et surtout vraiment fatigué ? J’ai envie d’aller m’allonger sous ma couette et dormir. Je pensais que Soltan ne dirait rien, mais, sa réponse est tout de même parvenue à mes oreilles.

« Non, pas du tout. »

Il doit surement dire ça pour me rassurer, mais il a tout de même réussi à me faire relever le visage. Je scrute son regard, dans l’expectative d’autres paroles réconfortantes. Je sais qu’il n’est pas très doué pour ça, mais, non sans hésitation et en demandant mon consentement du regard (ce qui rend le processus ridiculement long), le fermier tendit une main vers mon épaule, qu’il atteignit après quelques secondes.

« En fait, tu… t’as été courageux. »


J’ai inspiré fortement sous le coup de la surprise et du fait que j’avais chaud au cœur d’entendre un truc pareil. Puis, j’ai à nouveau baissé les yeux vers le sol en niant en bloc, pour cacher mon sourire en coin.

Pour la première fois en un mois, je me suis senti significativement « un peu mieux ».

***


D’autres jours se sont écoulés. Nous n’avons pas reparlé de tout ça avec Soltan mais mon moral semblait remonter, même si je ne voulais pas encore retourner à l’école. On ne me forçait pas même si je voyais bien que cela travaillait le fermier. Il m’avait demandé, quand même, si je voulais qu’il appelle l’école pour en parler, mais ma réponse demeurait un « non » radical et pas débattable. Je ne voulais pas le mettre dans l’embarras, lui donner plus d’ennuis (même s’il me l’avait dit, que ce n’était pas le cas), ni risquer de me prendre des sales retours de flamme si je reviens au bahut après avoir cafté à l’administration.

Même si je me sentais un peu mieux, que j’avais beaucoup moins sur la conscience et le cœur désormais, il y avait toujours ce statut quo de « qu’est-ce que je vais faire ? » et la certitude que « il faudra bien que je retourne au collège un jour ». Je n’entrevoyais pas vraiment de solution et j’avais tendance à éviter les conversations qui pourraient m’en donner. Ces réponses, en fait, c’est une personne inattendue qui me les a apportées.  


***


15 novembre 2023
Il fait beau aujourd’hui, même si le temps se rafraichit à notre hauteur. Je suis un peu sorti avec les petits puis sus remonté me poser un peu devant l’ordinateur pour la fin de l’après-midi. Il doit être l’heure du goûter quand j’entends qu’on m’appelle depuis le rez-de-chaussée. Ce n’est pas la voix de Soltan, c’est celle de son cousin Zlatan. Interpellé, je m’ébroue doucement et descends les escaliers mollement. Et alors, je me pétrifie sur place au milieu du pas et manque de rater une marche, au point qu’il me faut me retenir à la rampe de l’escalier de bois.

Que… qu’est-ce que Lise fait ici ?!

A peine remis de mes émotions, je parviens en bas de l’escalier, les yeux rivés sur ma camarade d’école qui me sourit timidement et m’adresse un signe de main. Je ne sais vraiment pas comment réagir et donc, c’est Monsieur Zlatan qui prend la parole pour me livrer des explications.

« Euhm… C’est ta camarade, elle est venue pour… pourquoi… ? »

Comme le cinquantenaire est plus anglophone que francophone, il a tendance à galérer un peu pour « reprendre ses bases du français », comme il disait l’autre jour en ricanant dans son embarras. Mais il arrive toujours à se faire comprendre puis ça le rend un peu sympathique à mes yeux. Enfin, pour le coup, ses paroles ne me rendent pas moins confus. Pour ça qu’il a demandé de l’aide à Lise, j’imagine.

« Ah ! On est dans le même groupe en espagnol alors j’ai pris tes devoirs ! »


… Oh… Elle est tellement gentille.

« Ah… euh… merci, tu n’étais pas obligée… »

Un silence gênant s’impose et je vois le regard de Zlatan passer entre moi et ma camarade, ne sachant pas quoi raconter pour détendre l’atmosphère. Puis, finalement, Lise semble prendre son courage à deux mains.

« Et puis… Je venais voir si tu allais bien. »


J’ai dégluti à mon tour, sentant mon cœur se serrer un peu. Je culpabilise, mais ça me fait aussi un peu plaisir de voir que je ne suis pas totalement « seul » parmi mes camarades du bahut. Néanmoins, je n’ai pas envie de parler de ça en présence de Zlatan ou de Marilyn, Iris et Mikoto qui pourraient revenir d’un moment à l’autre. Aussi, je presse un peu Lise de me suivre.

« Oh, euhm… pour les devoirs et tout… on va monter pour discuter, ok… ? »

J’ai peur d’avoir eu l’air un peu autoritaire et la rouquine a eu l’air un peu déstabilisée sur le coup. Tandis que le cousin de mon tuteur, pour sa part, comprit qu’on préférait être tranquille, il ressortit de la maison pour retourner avec les enfants. Après avoir envoyé un regard d’excuse à ma camarade, je la guide vers l’étage et la laisse entrer dans ma chambre, en laissant la porte entre-ouverte. Elle sort les quelques polycopiés et notes de son sac en observant mon lieu de vie. Elle remarque les posters de Voltron et d’Avatar que j’ai dans ma chambre, ainsi que quelques photos de mes Pokémon et je ne sais pas si elle a remarqué une photo particulièrement chère à mon cœur, qui nous montre, Alex, Riku et moi, en train de faire un selfie après un de nos fameux pique-nique.

J’indique à Lise qu’elle peut s’asseoir au bureau pendant que je prends une autre chaise.

« Voila, alors, on a surtout fait du vocabulaire et en ce moment on fait aussi des révisions parce que la proffe a dit que le dernier contrôle était pas génial… »

Effectivement, mon 9/20 n’est pas fameux, mais ça aurait pu être pire. J’avais pas vraiment essayé, faut dire, vu mon état avant les vacances. Je regarde avec Lise les cours et vois qu’elle m’a tout recopié. Je me sens un peu gêné… je ne lui en demandais pas tant et je ne voulais pas qu’elle s’oblige à faire ça. Je ne sais pas trop quoi dire quand elle termine ses explications, à part me crisper de honte.

« Wah… euh… tu sais, t’étais vraiment pas obligée de faire tout ça pour moi… »

Je la vois rosir un peu, au moins autant que moi dans mon embarras. Je ne pensais pas qu’on s’inquièterait pour moi au bahut, encore moins que Lise s’inquiète surtout avec notre dernière conversation qui… Roh, bon sang, ce que j’ai été abruti. La rouquine ne sait pas quoi me répondre, mais je la devance, car ma conscience me presse.

« Euh ! Et… je suis vraiment désolé pour avant les vacs ! »

Elle cligne des yeux et ne semble pas comprendre tout de suite à quoi je fais allusion, c’est-à-dire, à cette fois, au CDI, où je l’aie envoyé balader car je n’allais pas bien, alors qu’elle venait s’enquérir de mon état. Est-ce qu’elle a oublié et est-ce que je me suis pris la tête pour vraiment peu de choses… ? Peut-être bien. Héhé. Je vois Lise hésiter quelques secondes avant de me répondre.

« Tu sais, c’est pas grave, enfin… je comprends un peu. Quand il y avait des gens qui se moquaient de moi à l’école primaire, j’étais pas bien non plus. J’étais dans un établissement qui faisait primaire, collège et lycée et donc, des grands m’embêtaient. »

Jamais je n’aurais imaginé que la rouquine à lunettes avait pu vivre des choses semblables… en fait, avant que ça m’arrive, j’avais la sensation que ce genre de choses ne pouvait jamais m’arriver. Et quand ça s’est finalement fait, eh bien, je me suis dit que j’étais vraiment, totalement seul face à mes problèmes. Depuis quelques jours, je réalise que ce n’étais pas le cas, et ça me rassure un peu. Même si ça ne règle pas tout. Mais… qui serait assez un sac à vomi pour aller faire la vie dure à Lise, hein ?! Elle est sympa avec tout le monde (même avec moi, c’est dire) et… Hm… j’imagine que les gens qui sont un peu trop gentils… y’en a que ça énerve… ? Alex avait dit quelque chose comme ça, un jour, que quand on est « un peu trop soi-même », ça dérange, des fois. Bien entendu je ne pouvais pas savoir à quoi il faisait allusion pour sa part, mais aujourd’hui, maintenant, ça résonne en moi de manière inattendue. Même si je continue de trouver absurde de vouloir du mal aux gens qui veulent du bien.

« Oh… je savais pas… »


Je ne sais pas quoi dire d’autre. Lise sourit un peu tristement et hausse les épaules. Ce qui est fait est fait, j’imagine… Mais bon, ça me dégoute quand même pour elle. Même si encore une fois, je me sens un peu moins seul et bête d’avoir autant souffert des « taquineries » quotidiennes de mes camarades.  

« Bah, c’est passé, maintenant. Heureusement, ma mère a bien compris que j’allais pas bien et m’a fait changer d’école. »
« Aaah… bah, tant mieux, du coup. »


Ouais, j’imagine que dans mon cas et avec Soltan, pas question que je change d’école… Ce serait trop de complications inutiles. Et puis maintenant que j’ai la sensation d’avoir une alliée en la présence de Lise et peut-être même une « vraie » amie potentielle, je ne sais pas si j’ai envie de changer d’établissement. Tout en faisant mine de feuilleter les notes de cours et les polycopiés d’exercice que la rouquine m’a transmis, je me mets à cogiter sur tout ce qui s’est dit. Je suis toujours certain que revenir des jours, des semaines après la rentrée attirera l’attention sur moi dans tous les cas. Tandis que je rumine, le silence se fait à nouveau dans ma chambre, jusqu’à ce que Lise soit celle qui se remette à parler.

« Hm… Monsieur Green, ton tuteur, il m’a un peu fait peur quand je l’ai vu en arrivant. Enfin, il a l’air gentil et tout mais… »

Je crois que Lise préfère changer le sujet et ça marche car celui-là me fait sourire en coin.

« Ah, mais ouais, moi aussi il me faisait peur, quand j’étais petit, t’inquiète ! »


Je rigole un peu, de bon cœur, j’ai l’impression que ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps. La rouquine rigole doucement à son tour et se redresse en me regardant à nouveau.

« Tu le connais depuis longtemps… ? »

Je ne veux pas m’étaler sur ma vie et surtout pas détailler tout ce qui m’a conduit à vivre ici depuis mes 8 ans. Cela me parait loin mais j’ai toujours un coup au cœur et la gorge sérrée en repensant à ce qui s’est passé, même si c’est très confus dans ma tête. Je ne veux pas y penser et je prefère répondre évasivement.

« Oui, oui. Enfin, c’est un ami de… d’une cousine »

Désolé, Riku, tu es ma cousine favorite, promis ! Désolé Lisa aussi, du coup… Bref. Je ne veux pas dire « c’est un ami de ma famille », car je ne veux pas que Lise m’interroge sur ma famille ensuite et en plus ce n’est pas vraiment vrai, je ne crois pas que lui et mes parents soient très « amis ». J’aurais pu dire « un ami d’Alex », mais je ne veux pas non plus dévoiler que mon grand frère est en prison, même si je l’adore et même si… même si je sais que c’est quelque chose qui s’était déjà su à l’école. Bref… tout ça est juste vraiment dur à aborder et pas clair dans ma tête… encore plus en ce moment, je veux éviter à tout prix de réfléchir à ces choses, surtout car je commence à être de plus en plus convaincu qu’il y a vraiment un gros problème derrière le malaise qui me saisit à chaque fois qu’il faut parler de mon grand frère, alors que… bah, je l’aime et il me manque.

Lise est assez subtile pour comprendre que ce sujet est compliqué et continue sur autre chose. Elle semble un instant un peu gênée avant de reprendre la parole.

« En fait… C’est ma mère qui m’a proposé d’appeler chez toi, à la base. Elle a eu Monsieur Green et elle m’a dit qu’il avait dit que t’étais « pas disponible » en ce moment et il a dit qu’on pourrait peut-être rappeler plus tard. Du coup… elle a rapellé hier pour demander si je pouvais t’amener les cours et elle m’a dit que ton pè—euh, ton tuteur avait dit que maintenant, c’était bon. Alors… »


Elle n’a pas besoin de se justifier à ce point ! Quoique j’apprécie vraiment sa sincérité, ça me fait plaisir et j’ai la sensation que je peux faire confiance à Lise. Sa mère a l’air de quelqu’un de bien aussi, vu comme elle en parle. J’ai tout de même un peu du mal à comprendre pourquoi… pourquoi elle s’inquiète tant pour moi… ? On était dans la même classe l’an dernier, puis en espagnol ensemble mais on ne se connait presque pas, en réalité. Notre plus grande conversation (avant celle qu’on a actuellement) avait dû se limiter à « salut » « salut » « euh, ça va ? » « oui, oui » « tu attends le bus » « euh bah oui je vais à mon cours de karaté » « ah, cool, euh, moi, je fais du volley » « cool » « ah, voilà mon bus »… bref. J’avais dû avoir l’air bête. Mais, eh, je sais que Lise fait du karaté, depuis, au moins ! Je sais qu’à chaque fois que quelqu’un a l’air d’en avoir quelque chose à faire de moi je suis dans la confusion la plus totale et j’ai aussi tendance à prendre un peu peur… même avec Alice, à qui je n’ai pas parlé depuis longtemps et qui me manque beaucoup mais… j’ai peur qu’elle m’en veuille pour mon silence radio.

« Ah, mais, y’a pas de problèmes, tu sais ! Enfin… c’est vrai que ça allait pas très fort y’a une semaine, mais… »
Ca, elle a dû le deviner toute seule, comme je ne suis pas revenu au collège depuis presque deux semaines après la rentrée. « Soltan a vraiment été cool avec moi. »

Encore une fois, je ne veux pas rentrer dans le détail, mais je ne peux m’empêcher de sourire doucement. Lise a l’air un peu contente pour moi aussi. Nous revenons sur le cours pour quelques minutes. Alors qu’on parle un peu de la prof d’espagnol et des autres personnes de notre groupe, Lise finit par lâcher la question qui fâche.

« Mais… tu vas revenir en cours, hein… ? »


C’est vrai que ça ne peut pas durer. Mais… si Lise est là, alors, il y a au moins un truc qui me donne envie de retourner au bahut. Ça et aussi l’idée de ne plus être un boulet pour Soltan. Je fais la moue en n’ose pas rendre son regard à la rouquine.

« Je… je sais que faudra bien que j’y retourne, mais… Enfin, tu sais… »

Je lui adresse un regard en biais évocateur. Lise avait fait allusion à Raoul, une fois, à la rentrée. J’avais nié en disant que ses taquineries n’étaient qu’un délire entre nous mais elle n’avait pas été dupe.

« C’est à cause de Raoul et des autres, dans ma classe… »

Lise ne répondit rien, elle eut juste l’air désolée.

« Si je reviens, ça va encore être ma fête. »

Le silence qui suivit me parut long, vraiment long. On a réessayé de se concentrer sur le cours, sans grand succès. J’ai fini par observer mes pieds en soupirant. Bravo, Lulu, pour ce qui est de casser l’ambiance, tu devrais te faire agréger. Après quelques longues secondes ainsi, ma camarade semble reprendre son souffle, puis prend la parole.

« Et si… et si tu changeais de classe ? »

Je sursaute presque devant la vivacité qui a envahit ses paroles. En voyant mes yeux écarquillés de confusion et ronds comme des soucoupes, la rouquine se reprend en bafouillant.

« Euh… enfin… c’est ma mère qui a dit que… si tu le dis à Monsieur Green, il pourrait appeler le collège et… »

Je n’aime pas l’idée de mettre le collège au courant, mais… Si je n’étais plus dans la même classe, j’ai la sensation que les choses s’arrangeraient peut-être. En tout cas, l’idée me rassure… juste un petit peu. Et si par hasard je me retrouvais dans la classe de Lise, ce serait encore mieux. Mais je ne veux pas me faire remarquer.

« Je… je sais pas… j’y avais pas pensé… »

Avouais-je, ne sachant pas trop comment prendre cette idée. Lise se remet à parler et cette fois, elle a l’air vraiment sérieuse.

« Tu sais, ma mère, quand j’étais en primaire et que j’ai parlé de toi et de tes soucis avec Raoul parce que ça me rappelait des sales souvenirs, bah… Elle a dit que c’était très important de tout faire pour protéger les enfants qui étaient harcelés. »

Je me sens touché. Je n’aime pas encore prononcer le mot « harcèlement » car ça rend tout trop réel et je ne pense pas que ce qui me soit arrivé soit si grave que ça (on peut dire que ça m’arrange de minimiser, surtout, ça me protège). Mais les propos de ma camarade m’ont fait réfléchir, enfin, un peu, c’est encore très confus dans mon cerveau. Il ne nous a pas fallu très longtemps pour terminer avec les devoirs d’espagnol, puis Lise me dit qu’elle devait rentrer bientôt chez sa mère et ne voulait pas déranger plus longtemps. Ce n’est pas comme si elle dérangeait qui que ce soit ici mais je ne voulais pas la forcer à rester, donc je l’ai raccompagnée jusqu’en bas du chemin qui descend de la ferme jusqu’au portail.

Une fois Lise partie, je suis revenu vers la maison pour trouver Soltan en train de fumer avec Zlatan sous le porche en causant en anglais comme c’est leur langue maternelle. En train de jouer dehors, Iris et Mikoto me prennent à parti immédiatement en me voyant arriver, pour me dire que « Papa et Tonton ils doivent arrêter de fumer, c’est pas bien ! ». Enfin, Zlatan n’est pas leur tonton mais leur grand cousin mais ça reste plus simple de l’appeler « tonton » comme il est plus âgé que leur père. Bref. Les gamins me font rire à essayer de donner des arguments contre les plus âgés qui sourient en coin devant les plaidoyer des jumeaux et leur répondent des « oh bah oui, ah bah c’est vrai, ça, hein, la cigarette c’est pas bien ». En me voyant approcher, le fermier s’apprête à s’intéresser à si les choses se sont bien passées avec Lise.

« Elle m’a apporté les cours d’espagnol et on a un peu discuté. C’était sympa de sa part. »

Mon tuteur hocha la tête.

« Elle et sa mère ont l’air de gens corrects. »

Je sais qu’il est de nature méfiante et pas très sociale et que pour dire de quelqu’un qu’il ou elle est « bien », c’est un sacré labeur. Mais je pense que c’est un début, s’il a eu une bonne première impression. J’ai souri légèrement au fermier et après être resté un peu avec les jumeaux, je me suis rendu derrière la maison, dans l’abri qui a été bricolé pour les Pokémon, à côté de la petite pouponnière. J’y retrouve Sami et Kylian, qui m’accueillent avec des sourires ravis… je me demande ce qui les rends aussi heureux… enfin, ils ont l’air contents de me voir mais il n’y a pas que ça. Ils sont cet air qu’ils portent quand ils veulent me faire une surprise. Sami se frotte contre mon flanc et semble vouloir me guider dans la pouponnière, là ou mon Charmina est déjà entré. Maintenant je suis curieux de ce qu’ils ont à me montrer et m’impatiente.

« Hé ! Mais qu’est-ce que vous me cachez, hein ? »

Demandais-je d’humeur joueuse et un peu capricieuse. Voila un bail que je ne me suis pas vu ni senti dans cet état de fébrilité… dans le bon sens du terme. Finalement, Kylian ressort de la pouponnière avec un petit Pokémon dans ses bras. Un tout jeune Bulbizarre nouveau né est en train de se faire cajoler et somnole comme un bienheureux avec un grand sourire. Je ne suis pas déçu d’avoir raté l’éclosion vu le regard qu’il me lance en ouvrant grand ses yeux. Il faudra que je dise à Monsieur Miyano que ce petit se porte visiblement très bien… enfin, après que Soltan ait confirmé, bien sûr. Mais ce jeune Bulbizarre a l’air bien trop content d’être là, aux petits cris qu’il produit et à ses sourires un peu trop prononcés.

Le fermier laissa le jeune Pokémon plante aller gambader et quémander à mon Charmina de le reprendre dans ses bras après l’avoir examiné. Elim, comme j’avais décidé de l’appeler était en très bonne santé. Soltan le regarda quelques secondes avec un sourire en coin discret que je devinais attendri. Je ne l’ai pas relevé car je sais que j’aurais probablement gâché le moment, mais ça me fait plaisir de voir mon tuteur ainsi. Il s’est détendu depuis quelques jours. Je pense que la présence de son cousin l’aide et peut-être que notre conversation d’il y a quelques jours a pu lui donner un coup de main également. D’ailleurs, maintenant que je le voix se lever pour me laisser avec mes alliés, je me dis que je pourrais ré-aborder le sujet de l’école, chose que je voulais faire depuis quelques heures que les propos de Lise résonnaient dans mon esprit.

« Hm… Dis… ? »

L’interpellais-je pour le retenir quelques minutes. Le fermier fit volte face, arquant un sourcil mi-pêrplexe, mi-soucieux, peut-être préoccupé par mon hésitation.

« Hm… pour l’école… je voulais te parler d’un truc… »


Finis-je par dire. Les minutes qui suivirent, je lui parlais de ma conversation avec Lise et de la perspective de demander à changer de classe. Je voyais à sa mine que ça n’allait pas être simple, mais au moins, après tout ce qui s’était passé, j’avais un début de certitude : Soltan voulait m’aider, et je ne suis pas si seul que ça.
Ludwig Green
Ludwig Green
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Mer 6 Mar 2019 - 17:43
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