Mardi 13 août 2024
Nuva Eja, Enola
Je ne sais pas quelle heure il est ici, mais à Londres, ce n’est que deux heures du matin. Le soleil a l’air d’être déjà haut dans le ciel et je commence à ressentir la grosse différence de température avec l’Angleterre. Ce n’est pas pour me déplaire, mais après plus de seize heures de voyage, je suis complètement crevé. J’ai juste envie d’une seule chose : me reposer. Les douze heures d’avion ont été longues malgré ma place en première classe et les deux heures d’attente entre l’arrivée à l’aéroport et le départ du ferry pour Nuva Eja m’ont achevé. Heureusement, j’ai pu dormir un peu dans le bateau. Le décalage horaire est assez important, mais je m’y ferai, pas maintenant ça, c’est sûr, mais d’ici quelques jours ça devrait être bon. Voilà un deuxième inconvénient après la durée du trajet qui fut comme une éternité. Je n’ai pas arrêté de penser à ma mère ainsi que mon futur qui est encore plus flou que ce que je me l’imaginais. Qu’est-ce que je vais faire ici ? Je n’en sais rien. Je me suis inscrit à la ligue d’Enola en tant que dresseur, suis-je vraiment à la hauteur ? Je n’ai jamais entraîné de Pokémon de ma vie, les combats n’en parlons même pas. Je n’en ai fait qu’à l’école. J’en ai vu beaucoup à la télévision, donc je ne suis pas un amateur non plus, mais quand même. Surtout, de ce que j’ai compris, la Compétition offre un œuf dont on doit s’occuper pour montrer que l’on sait dresser ces petites bêtes. Moi, Lucas Anderson, vais m’occuper d’un bébé ! Déjà s’occuper de moi est difficile... Une chose est sûre pour mon avenir, je ne vais pas chômer. Mes habitudes vont changer et je vais enfin pouvoir me sortir les doigts. Un point positif dans ma liste. Ma vie va complètement changer, c’est ce pourquoi je suis venu et je vois déjà de nombreuses différences. Déjà, la langue française est parlée de partout ici. Ça va être une bonne coupure avec l’anglais qui m’a suivi durant toutes ces années de galères. Un deuxième point positif.
J’arrive complètement chargé de mes deux valises et de mon sac à dos à l’hôtel où j’ai réservé une chambre pour deux bonnes semaines. Je partirai début septembre à la quête des badges d’arènes. Avant ça, je vais faire en sorte de m’entraîner un peu et de m’acclimater à ce soleil que je n’ai pas beaucoup vu dans ma vie. J’ai chaud, je dois être en sueur. J’espère que l’hôtesse ne fera pas de remarque. De l’extérieur, cet établissement est magnifique. Très chic et luxueux. Ayant fait des recherches sur l’île, j’ai su que Nuva Eja abritai la population la plus riche. J’ai donc sauté sur l’occasion. Une entrée tout en douceur dans ma nouvelle vie qui va être très compliquée dans les mois à suivre, j’en suis sûr. Devoir dormir dehors à même le sol, devoir marcher de longues heures et ne pas connaître de confort pendant quelques jours... Je ne sais toujours pas comment j’ai pu me lancer là-dedans. Mais ça va me changer, je dois en être sûr. Je suis là pour ça de toute façon. Bref, pour l’instant, je dois récupérer les clés de ma chambre.
-Bonjour.La dame me sourit et me demande mon nom. Ce qui est sûr, c’est qu’importe où tu te trouves dans le monde, les hypocrites se situent tous dans le milieu du luxe. Elle me parle comme si j’étais quelqu’un d’important. Je fais mine d’entrer dans son jeu tout en restant distant, je n’ai pas l’intention de perdre mon temps avec elle. Je suis trop fatigué pour ça. Elle me demande alors une pièce d’identité, toujours avec son faux sourire et ses dents tellement blanches qu’elles pourraient éclairer une pièce dans la nuit. Je suis un peu anxieux. Je viens sur Enola en tant qu’Hugo Anderson, et non Lucas. Les deux noms sont inscrits dans mon passeport, il ne devrait pas y avoir de soucis, mais ça me gêne de devoir déjà donner ma véritable identité. Même si elle doit s’en foutre complètement. Je ne suis personne pour elle, je ne lui rapporte que de l’argent. Je récupère calmement mon passeport ainsi que la clé de ma chambre qui est une carte magnétique tout à fait banale comme on peut en trouver partout. Pour un hôtel de ce genre, je m’attendais à mieux. Mais bon, l’argent a plus l’air de passer dans le sourire Colgate de l’hôtesse que dans la sécurité. Une carte comme ça, c’est tellement facile de pirater. Je me rappelle d’un de ces voyous de Londres qui avait réussi à pénétrer dans une dizaine de suites avec une seule carte. M’enfin bon, ce n’est pas ici que je vais me faire voler quoi que ce soit, surtout que je n’ai pas non plus grand-chose.
-Merci, bonne journée.Bon, la politesse c’est validée. Par contre, hors de question que je parle un peu plus avec elle. Je veux dormir, bordel ! Si j’avais su que j’allais tant galérer avec mes deux valises, je serais allé dans un hôtel beaucoup plus cher. Il y aurait eu un portier au moins ou quelque chose comme ça. Mais que voulez-vous, même pleins aux as, j’essaye d’économiser un maximum. L’ascenseur est très spacieux et va très vite au troisième étage où ma chambre se trouve. La fatigue commence à prendre beaucoup de place et je n’ai qu’une seule envie : me jeter sur ce lit double qui m’attend. Même si ce n’est pas la suite la plus onéreuse, elle restera quand même très confortable. Du moins, elle a intérêt. J’arrive donc à ouvrir cette porte électrique très facilement puis pénètre à l’intérieur de mon nouveau chez moi pour quelques semaines. Elle n’est pas extrêmement grande, mais me convient complètement, je vais rester beaucoup de temps ici en fin de compte. Je pose mes valises non loin de la porte et mon sac à dos sur le lit. Je l’ouvre et récupère les deux Pokéball qui n’attendent qu’une seule chose. Je fais sortir Victoria et Andrew qui inspectent du regard leur nouvel environnement. Ça ne devrait pas beaucoup les changer.
Si la Miaouss commence déjà à faire le tour du propriétaire pour repérer le coin le plus confortable, le Loupio se dirige sur le bureau menant sur une fenêtre qui montre la mer calme entre l’île principale et Nuva Eja. Le regard de ce dernier semble triste, et je ne peux être qu’attendri. Depuis la mort de mon père, je ne sais pas trop comment réagir avec lui. Ils étaient très complices tous les deux et il essayait même de le sortir de sa galère. Mais il n’y est pas arrivé, il se dit sûrement que c’est de sa faute. À croire que cette famille est vouée à avoir des regrets. Je me place donc juste derrière lui et regarde dans la même direction. La mer est l’une des raisons qui m’a donné envie de venir ici. Ma mère m’en parlait souvent dans ses contes qui se passaient tous sur l’île. Je m’imaginais sur les plages, nageant dans l’eau chaude et entouré de nombreux Pokémon. Malheureusement, je n’ai jamais eu l’occasion de réaliser ce rêve. Je regarde le ciel et imagine ma mère dans les nuages. « Tu vois, j’ai réussi. Je suis à Enola maintenant. ». Bien sûr que j’aurais aimé qu’elle soit ici avec moi, mais c’est déjà une première victoire dans ma nouvelle vie. J’esquisse un sourire pour la première fois depuis longtemps et en profite pour caresser la tête d’Andrew qui esquive puis se déplace jusqu’au grand canapé. J’ai peut-être fait une erreur de l’emmener, lui qui est habitué à Londres. Mais je ne pouvais pas l’abandonner, ça aurait été vraiment trop dur. Un deuil n’est jamais facile, j’en sais quelque chose. Il arrivera à dépasser tout ça, j’en suis persuadé.
Je regarde encore quelques secondes l’eau turquoise puis me décide enfin à me diriger vers le lit où Victoria est déjà en train de dormir. Je suis beaucoup trop fatigué pour faire autre chose. J’enlève mon t-shirt, mon pantalon et mes sandales puis m’écroule sur le matelas comme un Wailord échoué. Je m’engouffre dans un sommeil profond et me laisse entraîner dans cette obscurité tout en espérant que des cauchemars ne viennent pas me réveiller. Ma nouvelle commence, à moi de la rendre merveilleuse.