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Deux désastres à Vanawi (OS)
Lionel Roque-Lartigue

Deux désastres

à Vanawi

/!/TW : homophobie internalisée, évocation de maculinité toxique, refoulement, persos têtes à claque et molassons, etc. /!/
Les dialogues en gras/italique signalent des passages dits en anglais par les personnages.

Lionel n’arrive jamais à l’heure aux rendez-vous. Soit il arrive trop en avance, soit il se retrouve en retard. Plus souvent le premier que le second, d’ailleurs, ce qui fait que l’attente entraine toujours chez lui une séquence où il fait les cent pas nerveusement car il s’ennuie. Aujourd’hui, il est arrivé en avance à Vanawi là où il était prévu qu’il retrouve Zlatan. Et cela faisait un bon quart d’heure qu’il ne tenait plus en place. Le bleu avait eu le temps de se faire beaucoup de films sur la manière dont ce… cette rencontre allait se passer. Etait-ce déjà seulement des retrouvailles ou un rencard ? Pas moyen de le savoir comme Lionel n’avait évidemment pas osé poser la question. D’autant plus qu’il ne savait pas trop où il en était alors il préférait encore se dire qu’il s’agissait d’une simple sortie entre potes qui ont des choses à se raconter. Mais si le coordinateur voulait à ce point penser qu’il pouvait y avoir un peu plus que juste quelques heures à discuter en bon amis, c’est bien car il voulait que ce soit plus que ça. Il est un peu tard pour faire marche arrière et continuer de nier. Quand il repense à leurs échanges, aux moments passés avec le Eriksen il y a quelques semaines… le bleu est long à la détente mais reconnait les signes : Zlatan lui plait. Cet état de fait est à la fois déstabilisant et pas si étonnant que ça. Mais, ce n’est pas si facile que le voudrait le Roque-Lartigue.

Sa famille n’est pas vraiment un exemple à suivre en terme de tolérance envers la communauté LGBTI mais ils ont au moins arrêté de vouloir le marier à tout bout de champ (sans doute qu’ils n’espèrent même plus ça de leur cadet qui ne peut leur « donner » de petits enfants). Lionel n’a pas vraiment connu de relations sérieuses après Shérylle et il n’a fréquenté que des femmes cisgenre. Pourtant, cela ne signifie pas qu’il n’a jamais été intéressé par les personnes d’autres genres. Dans son milieu social, les couples gays sont rares, si on parle de ceux qui sont hors du placard et encore, ce n’est pas comme si ces derniers étaient toujours bien acceptés. En restant dans ce milieu, la plupart des couples non-hétéros que Lionel a connu étaient fictifs et il pensait que ce serait un type d’attirance qui resterait pour lui au stade du fantasme. Il ne s’est jamais autorisé à découvrir par lui-même ce qui se trouve en dehors de l’hétérosexualité, en réalité. Cela par habitude et parce qu’il ne se sentirait absolument pas capable de faire le moindre coming-out sans risquer des sermons interminables de la part de son entourage familial (ça veut aussi dire de la part de tous leurs amis de la haute) et professionnel. Son milieu professionnel est pourtant largement plus apparemment tolérant que la haute société : dans le milieu de la coordination, la diversité des identités de genre et d’orientation est assez présente comme dans pas mal de domaines artistiques. Du moins, il y a dans cette communauté de plus en plus de personnes qui affirment cette partie de leur identité publiquement. C’est quelque chose que Lionel a toujours envié mais qu’il s’est toujours su incapable de faire et en ce sens, il s’est souvent caché derrière une certaine neutralité qui ne faisait pas de lui un bon allié. A coup de « oui vous savez moi je ne suis pas trop pour créer d’autres cases… ».

Il a eu le temps de ruminer et de repenser beaucoup à ce dont il pensait être convaincu sur le sujet de l’orientation, ces derniers jours. Il s’est rappellé d’une part que dès ses 16 ans, il regardait déjà les autres garçons autant que les filles et que par ailleurs, Shérylle ne cessait de lui souligner assez lourdement que son admiration pour certains hommes n’était pas très platonique et qu’il y avait des chances qu’il soit bi, selon elle. Et puis, même s’il n’est sorti qu’avec des femmes après la Jaskoviak et que cela lui plaisait assez, il ne niera pas qu’il lui est arrivé d’avoir envie d’aller voir ce qu’il y avait de l’autre côté du spectre et de regretter un peu de se l’interdire. Enfin, il n’y a pas que son côté refoulé qui l’a retenu. Même si le quarantenaire aime rencontrer des gens, il est assez rare qu’il ait envie de construire des relations plus qu’amicales et par ailleurs, les relations très ponctuelles ou qui ne font l’objet que d’une nuit n’ont jamais été son truc. Mais parfois, tandis qu’il sympathise avec quelqu’un, l’attirance et le désir se manifestent de manière inattendue. Evidemment, le fait que Zlatan soit un homme faisait se poser beaucoup de questions au bleu, mais… pas assez de questions pour s’enterrer la tête dans le sable et faire comme si cette relation n’avait jamais commencé. Lionel ne voulait pas mettre des mots sur cette histoire pour le moment mais ce dont il est certain, c’est qu’il regretterait amèrement de ne plus parler avec l’unyssien car il aurait décidé de ne plus y penser parce que « c’est quand même un peu gay ». D’ailleurs il ne voulait pas se dire que c’était « gay », juste dire « oui je suis peut-être un peu attiré par une personne qui s’avère être un homme » (ce qui est on ne peut plus gay, donc, mais passons).

Si Lionel était en avance, Zlatan, lui, était officiellement en retard. Le bleu avait le temps d’anticiper leur rencontre de manière soit très idéalisée et midinette, soit en mode scénario catastrophe. Le Roque-Lartigue s’efforçait de se raisonner et de ne pas se forger de trop grandes attentes même si de nombreuses questions tournaient dans son esprit.

Et s’il venait juste par obligation car j’ai trop insisté ? Est-ce que j’ai encore été trop lourd ? J’espère que ce n’est pas pour ça, que je ne vais pas faire d’autres gaffes. Est-ce que, accessoirement, je vais lui plaire aussi ? Ce serait bien. Enfin, je suis vraiment beau aujourd’hui et mon Outfit of The Day est parfait mais je ne crois pas que Zlatan accorde beaucoup d’importance à l’apparence…. Argh. Je suis tellement bête, qu’est-ce que je pourrais bien avoir à dire qui ne me rendrait pas totalement ridicule ! Mais… imaginons que je lui plaise et qu’il le veuille… est-ce qu’on va tenter quelque chose… ? J’aimerais bien, hein, mais, je n’ai vraiment aucune idée de ce qu’il pense de tout ça.

En repensant à son accoutrement, le bleu réajusta le col de sa chemise bleue avec un imprimé de poissons de toute les couleurs. Il l’avait acheté récemment et se sentait vraiment à l’aise avec des manches courtes et cette coupe décontractée. C’est pour ce genre de vêtements qu’il adore vraiment l’été et vivre sur une île tropicale toute l’année. Il espérait un peu que son accoutrement mette en valeur son bronzage de kéké. Oui, Lionel avait définitivement passé trop de temps devant son miroir et quand il rentrera, il lui faudra ranger toutes les chemises qu’il avait empilé sur son lit et dans son dressing changé en un joyeux bazar. Pour patienter, il tenta d’imaginer comment Zlatan avait choisi de s’habiller aujourd’hui, sauf qu’il fit vite le tour des options, n’ayant surtout vu le Eriksen habillé dans des teintes noires et sombres. Tandis qu’il jouait avec sa chaine en brainstormant, le coordinateur ne faisait plus vraiment attention à ce qui se passait autour de lui. C’est lorsque Zorin, qui était sur son épaule, lui donna un coup de coude pour attirer son attention sur ce qui se passait autour de lui. En voyant que son ami était arrivé, Lionel sursauta presque et surprit au passage son vis-à-vis aussi.

« AH ! Zlatan ! Bonjour ! Je… excuses-moi, j’étais dans mes pensées ! »

Un ange passa, Zlatan hocha la tête en ricanant brièvement et les deux ne surent pas trop où se mettre. Lionel en profita pour observer l’autre de la tête aux pieds. Il trouvait que les cheveux plus courts allaient très bien au brun-châtain, tout comme la chemise à carreaux verte qu’il portait (il avait l’air d’un cliché texan, comme ça, mais Lionel le trouvait très beau ainsi).

« Euh… bref, sorry, me suis perdu et huh, j’ai pris du retard parce que j’ai caressé un chat sur le chemin. »

Moooh… il est en retard parce qu’il caressait un chat… Quel homme ! Euh. Arhem.

Lionel tenta de ne pas rire parce qu’il trouvait tout ça un peu cocasse mais ne pouvait s’empêcher de sourire bêtement en fixant l’autre.

Fais gaffe, abruti, ça va finir par se voir que tu baves.

A la simple pensée de baver en public sans s’en apercevoir, le bleu se reprit vite et essuya le coin de ses lèvres au cas où.

« Ce n’est rien ! Je ne suis pas là depuis très longtemps. »

Juste depuis une demi-heure si on compte mon avance…

Mais ce n’est pas bien grave. Ça vaut le coup. Les deux adultes restèrent à une distance très « no homo but yes homo » l’un de l’autre que Lionel avait vraiment très envie de franchir, mais hors de question qu’il le fasse sans le consentement de son ami. Comme l’ambiance était encore tendue, le coordinateur prit les devants pour essayer de détendre un peu tout ça.

« Ça te va très bien les cheveux courts ! Tu es allé chez le coiffeur, finalement ? »
« Nan, c’est ma belle-sœur… »
Il s’interrompit avant de reprendre, ce qui interpella un peu le coordinateur. « Euh, enfin, Shizune -c’est la mère de mes nièces et de mon neveu-, a régularisé pendant qu’elle s’occupait des autres… bref. »

Lionel ne situait pas encore bien tout le monde dans l’arbre généalogique du Eriksen, mais les explications de l’autre lui convinrent. Connaitre toute la famille de son vis-à-vis n’était pas ce qui l’intéressait le plus pour le moment, de toute façon.

« Je vois… »

Il sourit en coin et lécha furtivement ses lèvres sous le coup de sa nervosité et de l’effet que l’autre lui faisait. En passant une main sur sa nuque, Lionel hésita un instant avant de dire ce qui lui brûlait les lèvres dès l’instant que le plus grand était entré dans son champ de vision.

Oh, et puis zut !

« Tu es drôlement beau gosse quand on voit mieux ton visage, tu sais ! J’aime bien la chemise, aussi ! »


Le Roque-Lartigue ne s’attendit pas à ce que son interlocuteur pique un fard puis se détourne l’espace d’un instant, l’air un peu intimidé en cachant son grand sourire idiot derrière sa main.

« Euh… why, huh, th-thanks. »

Lionel avait du mal à rester de glace en ayant l’impression que ses propos faisaient plaisir à l’autre. Il était un peu trop nerveux pour être franchement inspiré dans ce qu’il voulait dire à son pote, alors qu’il n’avait pas arrêté d’y penser ces derniers jours. Maintenant, il ne sortait que des grosses banalités comme « ohlala té bo » car son seul neurone actif faisait une fixette. Comme ses compliments avaient l’air d’intimider un peu Zlatan, le bleu espérait cependant le détendre en continuant son numéro. Pour ça, il tendit la main vers la chemise de son ami qu’il avait déjà complimentée.

« Je peux ? »

Zlatan hocha la tête d’un air entendu et laissa l’autre regarder plus en détail sa chemise, encore quelque peu abasourdi. Devant la dimension franchement neuneu de ce qui était en train de se passer avec le quarantenaire qui semblait fasciné par les motifs à carreaux, le brun-châtain finit par pouffer de rire, ce qui tira Lionel de son admiration.

« Jeez, t’as jamais vu une chemise à carreaux ou quoi ? »


Ce fut au tour du plus jeune de ricaner bêtement, sans lâcher la chemise ni cesser ses minauderies.

« Roooh, je ne m’attendais juste pas à te voir comme ça ! »

En roulant des yeux, Zlatan expliqua que c’était son cousin qui le lui avait refilé, car elle était trop petite pour lui. Sachant que le Eriksen est déjà drôlement grand, le bleu se demandait comment devait être le cousin de ce dernier. Enfin.

« Pfff… dis que d’habitude je suis dégueu pendant que t’y es ! »

Ce fut au tour du quarantenaire de lever les yeux au ciel. Comme s’il avait eu l’air de le trouver dégueu les dernières fois. Ce qui est certain c’est que le Eriksen avait l’air aussi beaucoup plus en forme que lorsqu’ils s’étaient rencontrés à Zazambes. Le voir plus énergique, plus souriant et spontané était quelque chose auquel Lionel ne s’attendait pas, mais qu’il adorait découvrir.

« Roooh, tu vas pas commencer, vilain ! »


Fit le coordinateur capricieux en tirant sur la chemise de l’autre pour insister sur ses mots et continuer d’embêter l’autre. La scène qui suivit fut plutôt gênante vue de l’extérieur et attira le regard d’autres passant.e.s qui se demandaient ce que fabriquaient ces deux abrutis en train de se lancer des « shut up », des « mais arrêtes-euh », des « de toute façon mes carreaux sont mieux que tes poissons, yuck » tout en empêchant l’autre d’attraper sa chemise à carreaux ou à motifs. Au bout d’un moment, Lionel ricanait tellement qu’il lui fallut se reposer sur l’épaule de l’autre pour reprendre son souffle et c’est aussi là qu’ils se rendirent compte de l’attention qu’ils attiraient. Fort heureusement, le coordinateur avait choisi un endroit pas trop passant et s’était assuré de ne pas être reconnu trop facilement (ça ne lui arrive pas à non plus à chaque coin de rue, sauf dans les cas où il se met sous une affiche à l’effigie de Zingaro et prend la pose), mais la réalisation fut tout de même un peu embarrassante. Les deux hommes se séparèrent, s’envoyèrent des sourires en coin embarrassés en regrettant de devoir se décoller et se remirent à une distance correcte l’un de l’autre.

« Hem… so… où tu voulais m’emmener ? »

Après que Lionel eut indiqué au Eriksen par où le suivre, ils se mirent à marcher l’un à côté de l’autre en se demandant des nouvelles de leurs vies respectives. Pour le coup, ils s’étaient déjà dit beaucoup de choses dans leurs messages mais donc, après avoir un peu parlé de son dernier concours de ligue contre un spécialiste du type glace qui n’avait pas usurpé sa réputation, Lionel commença à faire son numéro de visa touriste. C’est quelque chose qu’il adore faire, montrer les lieux qu’il connaît à d’autres gens, car il l’aime, son pays, après tout. Il aurait sans doute fait un bon guide dans les lieux touristiques (si seulement il avait un peu mieux travaillé son anglais). Son comparse lui avoua ne connaitre que le coin du campus d’Elixir pour sa part, comme c’était là-bas que vivaient Julianne (sa fille biologique) avec sa petite fille. Lionel trouva assez cocasse que son ami soit techniquement un grand-père et ne pouvait pas s’empêcher de se dire que la fameuse Julianne lui ressemblait peut-être physiquement… Il eut l’envie de parler de ses projets d’adoption mais préféra s’abstenir sachant que rien n’était encore commencé pour le moment et puis il ne voit pas pourquoi il faudrait qu’il raconte tout ça à son ami, c’est un sujet peut-être trop sérieux et c’est connu que Lionel pense être trop bête pour aborder les sujet sérieux, pour ça qu’il les évite comme la peste afin rester sur son petit nuage. Ce serait presque ironique que pendant cette chouette balade avec son crush, Lionel se prenne un seau d’eau froide en pleine figure, n’est-ce pas ?

Evidemment, ils passèrent aussi par la plage car le bleu n’avait pas pu s’empêcher de faire un petit détour dans cette direction tout en assurant à l’autre qu’ils passaient dans le coin « totalement par hasard ». Ça les faisait ricaner bêtement même quand Zlatan vida sa Santiag pleine de sable sur le jean de Lionel et qu’il partit en courant en narguant l’autre que « anyway, t’as assez de thunes pour t’en payer 50 autres ! ». Au moins, de cette manière, le bleu venait de réaliser son fantasme incroyable de courir comme un débile derrière Zlatan sur la plage et rigolant tel la midinette qu’il a toujours été. Il ne s’attendait pas à ce que l’autre soit si rapide mais de toute manière, vu la chaleur du début d’après-midi il sentirent rapidement l’urgence d’aller boire un coup à l’ombre. Une fois assis dans un bar que Lionel avait choisi et après que Zlatan se soit plaint des prix et refusé 5 fois de changer de lieu ou de se faire inviter car il avait la flemme, il commandèrent enfin leurs boissons. Quant à Lionel…

« Je suis vraiment désolé, je suis bête, j’aurais dû y penser avant ! »

Dit-il pour la sixième fois en tripottant le mélangeur de son cocktail sans alcool. Son interlocuteur eut l’air lassé tandis qu’il tirait sur la paille de son Pepsi.

« On peut parler d’autre chose ? »


Lionel força un sourire un peu gêné et hocha la tête pour passer à autre chose. C’était certain que ce genre de scènes arriveraientt, vu comme il marche sur des œufs depuis ces derniers mois pour tout et n’importe quoi. Il tenta de se rappeler que ce genre de gaffes arrivaient à tout le monde et que ce n’était pas la fin du monde. Même s’il se sentait encore plus bête que d’habitude et avait tendance à se dire dans ces moments qu’il était définitivement un cas désespéré et qu’il ferait mieux de commencer par ne pas gaffer et fermer sa bouche.

« Oui, oui, bien sûr… »

Lionel observa Zorin à ses côtés, caché sur le bord de la banquette et en train de suivre avec les yeux grands ouverts le Cornèbre en train de picorer par terre. Il en délaissait complètement ses croquettes. Le bleu espérait que son Farfuret n’allait pas sauter sur le vieux corbeau chapeauté de Zlatan pour le déplumer afin de tester ses instincts de chasseur et caressa doucement le dos du félin pour détourner son attention. Ils s’étaient installés en terrasse, à l’ombre et avaient une jolie vue sur la mer. La brise était fort agréable et les boissons bien fraiches.

Je sais que je ne devrais pas penser ça mais on dirait VRAIMENT un rencard, vu comme ça… !

« Ça va mieux avec Aegis ? »


La question du brun à propos de sa dragonne favorite le tira de ses pensées mièvres. Lionel haussa les épaules pour raconter que son alliée avait fini par arrêter de bouder en laissant le coordinateur lui dire qu’il n’était pas du genre à les délaisser, ni elle ni les autres.

« Comme je le pensais, elle s’inquiètait juste que je… »

Euh… est-ce que je peux dire qu’elle a probablement capté mon attitude de grand nigaud qui a un coup de cœur, là… ? Oups. En même temps, je me demande pourquoi Zlatan a demandé de ses nouvelles, du coup ? Euh, bref.

Lionel sentit ses joues se réchauffer un peu, et ce n’était pas à cause de la chaleur. Il comprit qu’il était en train de se coincer tout seul, mais cela faisait aussi bien ressortir le fait qu’il avait certaines choses qu’il avait vraiment envie de dire à l’autre. Mais son propre refoulement faisait qu’il ne le faisait pas, car il avait peur de choquer l’autre (clairement, c’était lui qui se persuadait d’être bizarre, à force, ça commençait à se voir) et d’être trop lourd. A force de tourner en rond et de ruminer il allait faire comme une vache constipée : exploser (et ce serait très moche).

« Euh… eh bien, elle voulait être certaine que tu étais… que tu ne me voulais aucun mal ! »

Et clairement, elle était passablement irritée de voir son abruti de maître se monter la tête comme dans un feuilleton romantique (car oui, tout le monde le voyait, à la maison). Si Lionel essayait d’en faire paraitre le moins possible (spoiler : ça ne marchait pas du tout), cette histoire faisait toujours autant marrer Zlatan.

« Oh, well. T’es pas encore sûr, que je pratique pas le Giratinisme dans la cave de mon cousin en sacrifiant des bébés Laporeille. »


Lionel ouvrit grand les yeux puis pouffa tout en s’insurgeant sur le côté franchement glauque de la vision mentale qu’il venait d’avoir.

« Zlatan, enfin !! Pas les Laporeille ! »

A quoi bon essayer de débattre, Lionel était en train de glousser aussi bêtement qu’il pouvait le faire. Ce devait être horripilant au possible pour leurs voisin.e.s de terrasse mais ce n’est pas comme s’il avait vraiment conscience de leur présence quand il tentait déjà de ne pas trop dévorer du regard l’energumène aux yeux vairons placé en face de lui.

« Just kiddin’, c’est un grenier, pas une cave. »

Roh, mais qu’il est bête !

Ceci étant, il ricanait quand même avant de se reprendre.

« Bref ! Giratiniste ou pas… »


Il adressa un clin d’œil à son interlocuteur. Ce n’est pas vraiment ça qui le gênerait, vu le goût prononcé qu’il a pour les gens et les personnages de fiction avec des looks et des centres d’interêt un peu edgy-d4rk.

« Je pense qu’elle se fait vraiment du soucis pour rien. Si elle te revoyait, elle pourrait voir que tu es quelqu’un de bien ! Enfin, en tout cas, c’est ce que je pense ! »

Ah, bravo Lionel, tu n’as rien de plus banal à lui dire ? Franchement, je me souvenais que tu avais plus d’aisance dans la conversation que ça…


Un bref silence passa et Zlatan eut surtout l’air de ne pas savoir quoi répondre. Pas qu’il y ait grand-chose à dire dans ce genre de cas. Sauf quand on aime manifestement pas prendre les compliments sur sa personne.

« Heh. T’as un truc à me demander aujourd’hui ou quoi, avec tes compliments ? »

Avec son sourire perpétuellement joueur, le brun-châtain s’était penché puis appuyé sur son coude. Lionel avait l’impression qu’il cherchait aussi à capter ces regards, mais peut-être s’imaginait-t-il des choses. En tout cas, l’étincelle un peu provocatrice qui persistait dans les yeux marron et bleu clair du plus vieux faisait toujours autant d’effet au coordinateur. En l’observant ainsi, ce dernier remarquait d’ailleurs de petite subtilités dans les iris et sur le visage de l’autre comme des petite tâches de couleur plus sombre ou des grains de beauté. Il en oubliait complètement leur conversation.

« Hein ? Euh, non, non ! Je… De quoi on parlait ? »
« Bah, tu disais, comme ta dragonne veut pu me cramer le cul je suis pu persona non grata chez toi. »


Oh... Oui. Chez moi. C’était bien quand il était venu chez moi. Ça ne me dérangerait pas qu’il repasse un de ces jours, d’ailleurs mais… c’est peut-être un peu trop intime, non ? Quoiqu’il avait eu l’air à l’aise la dernière fois, alors peut-être préférait-il ça qu’un lieu public. J’en sais rien… oh, non, je perd encore le fil !

« Ah ! Parce que tu préférerais qu’on aille chez moi ? »

Il y eut un blanc. Zlatan cligna des yeux et se demanda d’où sortait cette nouvelle question à laquelle il se demandait comment répondre. Dans tous les cas, les deux se mirent à rosir dans leur embarras.

« Hein ? Euh… chez toi… ? »
« Non, non, je me disais… enfin… c’était sympa la dernière fois, du coup j’y repensais et… enfin, que ça plaise à Aegis ou non, tu es le bienvenu, évidemment ! »


Il s’était plus ou moins bien rattrapé. Mais ses oreilles le chauffaient et d’un coup, ni l’un ni l’autre n’osaient se fixer dans le blanc des yeux. D’autant plus que le fait qu’il soient dans un lieu public faisait que Lionel se retenait de dire beaucoup de chose et sentait bien qu’il n’était pas aussi spontané qu’habituellement, par peur du qu’en dira-t-on, très probablement. Mais en même temps, il sentait une chaleur vibrante envahir son estomac en pensant à ce qu’il aurait pu dire ou faire s’il avait été complètement seul avec le Eriksen. Disons juste qu’il aurait certainement osé demander qu’il pouvait être plus tactile et l’idée d’embrasser l’autre se faisait de plus en plus présente à son esprit, si seulement il n’y avait eu personne autour.

Ce n’est pas le moment de penser à ça… peut-être plus tard si je… si…

« Y’a ton phone qui sonne. »

Comme il était pris par la rom-com idiote qui passait dans sa tête en boucle, le Roque-Lartigue n’avait pas percuté pour son portable posé sur la table en train de vibrer et de diffuser le générique de Devilman un peu fort. En voyant le nom de sa mère s’afficher, il revint un peu violement sur terre et hésita avant d’envoyer l’appel vers sa messagerie. Il s’excusa en bafouillant, quelque peu agacé de recevoir un coup de fil de Sixtine dans un moment pareil alors qu’il avait envie de profiter. Zlatan lui dit aussi que si c’était urgent, ça ne le gênait pas qu’il aille répondre, comme son cellulaire vibra de nouveau pour signaler que sa maternelle le rappelait. Le bleu se crispa et l’envoya de nouveau vers la messagerie, non sans grogner cette fois-ci.

« C’est bon. Je rappellerais. »

Fit-il, plus sèchement qu’il l‘aurait voulu. Son humeur était en train de plonger. Il se doutait que cet appel était à propos de leur prochain repas de famille. Il avait raté ceux des dernières semaines en se trouvant des excuses et ce n’était pas exactement dans ses habitudes de faire de fausses excuses : ça lui créait des remords même s’il n’avait clairement pas envie d’y être. Il était fort probable que Sixtine allait lui faire du passif agressif à la « oh tu ne veux plus nous voir, c’est ça, hein ? hohoho je plaisante mon chou mais j’espère que tu viendras quand même sinon je vais vraiment être très malheureuse de ta décevante ingratitude »… Il se sentait injuste de la juger ainsi pour un simple repas et car il aurait préféré ne pas penser à sa famille tandis qu’il partageait un bon moment avec Zlatan.

« C’est ton travail ? »

La voix un peu enrouée du brun-châtain le tira à nouveau de sa torpeur. Il tenta de s’y accrocher et de se re-concentrer sur leurs échanges pour de pas laisser de mauvaises pensées l’envahir. En répondant, le bleu se sentit un peu amer et haussa légèrement les épaules.

« Non, non, juste ma mère… surement pour me parler du repas de famille de dimanche prochain, enfin, rien de très intéressant. »

Son manque d’enthousiasme devait se trahir au vu du ton qu’il employait. Il se sentait encore plus mal en voyait l’inquiétude s’insinuer sur le visage de son ami.

Pourquoi est-ce que j’en fait toujours trop ? C’est juste un repas de famille, pourquoi est-ce que je devrais me plaindre d’avoir une famille qui pense à moi tous les dimanche juste pour passer un moment entre nous et…

« Surveiller ce que je fais de ma vie », est ce qui lui était alors venu à l’esprit naturellement. Plutôt que « prendre des nouvelles de moi ». Quand est-ce que les choses ont changé ainsi ? Depuis quand a-t-il repris l’habitude de se victimiser et de s’excuser à longueur de journée comme lorsqu’il était enfant ?

« Ah. Sorry, j’voulais pas être indiscret. »


Toujours en ayant du mal à se concentrer, Lionel secoua la tête et força un sourire à destination de l’autre, espérant que cela lui fera oublier la sensation de serrement envahissant sa gorge. Mais apparemment, il n’était pas vraiment convaincant comme Zlatan n’avait pas l’air plus rassuré. Son portable vibra encore pour lui notifier un SMS de la mère Sixtine :

Peux-tu nous dire rapidement si tu viens dimanche ? On aimerait inviter les De Bonnefoy et ils s’attendront à te voir.

Oh. Il était ravi.

…Depuis quand est-ce que je suis aussi amer ?

Peut-être car il commence à se rendre compte qu’il change. Que la manière dont il s’est reposé sur ses acquis ces derniers années ne l’ont pas aidé, et ne lui ont pas non plus permis d’être un meilleur milicien ou… ça l’a fait stagner, tout simplement, se renfermer derrière des certitudes dont il avait besoin en rentrant chez lui et en voyant l’état de son pays d’origine. Probablement qu’il n’a jamais été bon pour rester au même endroit, avec les mêmes personnes. Peut-être a-t-il tant voyagé car il a toujours un peu su que ses parents étaient contrôlants et qu’être loin lui permettait de s’éviter de les confronter de trop près. La distance lui permettait d’oublier avec plus d’aisance, de ne pas s’impliquer dans des causes durables, de prendre ces choses à la légère. Pour autant, en dehors de ses responsabilités de Milicien, le coordinateur avait quand même envie d’être libre, de faire ce qu’il voulait, comme… juste sortir avec l’homme qui lui plaît ?

« Ce n’est rien. »

Ce n’était pas rien. Il avait l’impression de faire des cachotteries alors qu’il ne devait de comptes à personne, surtout pas si ça concerne sa vie privée. Mais l’espace d’un instant, il s’était imaginé vivre sa petite histoire avec Zlatan et en parler tout naturellement au repas de famille… car, c’est à ça que servent les repas de famille, non ? A prendre les nouvelles les uns des autres ? Dans le cas de ses parents… l’idée était surtout de faire des leçons de morale à leur progéniture. Est-ce qu’ils apprécieraient potentiellement une nouvelle comme « j’ai rencontré quelqu’un, il s’apelle Zlatan » ? Sûrement pas. Ils en auraient, des horreurs à dire. Des horreurs qu’il avait lui-même surement déjà répétées. Et ils étaient forts, pour dégouter Lionel de ses lubies passagères et… là, il ne voulait pas être dégouté avant d’avoir essayé.

Lionel n’avait aucun doute sur ce que serait la réaction d’Agamemnon, Sixtine et probablement Hanson : de la déception, du dégout, des sermons. En s’en rendant compte, une certitude vint le percuter en plein cœur : ses parents ne voulaient sans doute pas qu’il soit heureux, ils voulaient qu’il suive un code de conduite, un planning établi depuis sa naissance. Quitte à ne jamais approuver qui il est réellement. Même en ayant compris ça, Lionel ne pouvait s’empêcher d’avoir mal au ventre en se disant qu’il ne pouvait pas parler de ce bel après-midi, qu’il n’avait pas de confident.e, pas de personne qui viendrait lui dire qu’il a bien raison de ne pas trouver ça honteux, qu’il fait bien de se dire qu’en fait, on s’en fout des genres des gens qui nous plaisent. Et c’est vrai, que ça n’a pas d’importance, que lui-même pense que chacun a le droit d’aimer qui il veut, qu’il a 40 ans, qu’il est indépendant et qu’il a le droit de décider comme il le veut. Mais ce n’est pas aussi simple. Alors qu’il était presque prêt à tout dire à Zlatan, il bloquait en s’imaginant devoir lui imposer ses complications familiales, qui induisait que tout ce qu’il s’imaginait couler de source quand on sort avec quelqu’un ne pourrait pas se faire aussi spontanément. Au cause du côté « public » de certains aspects de sa vie professionnelle également. Tout ça car ce « quelqu’un » serait un homme, il ne pourrait pas l’enlacer ou lui tenir la main en public : ça lui semblait ridicule il y a encore quelques heures (et il y a encore peu de temps, il pensait que les personnes LGBTI étaient ridicules d’être sur la défensive ou de craindre d’être agressés pour si peu), mais la réalité venait de le frapper au visage. Et puis, il ne pouvait pas imposer à Zlatan de se cacher lui aussi, il ne voulait pas tout compliquer, ni le faire souffrir ou lui manquer de respect en mentant à son sujet quand il sera devant sa famille et leur entourage. Car il reste un lâche, car il sait qu’il ne saura pas être franc et il ferait aussi ça pour rester accroché à ses privilèges et à son confort. Probablement accorde-t-il trop d’importance à ce que diront les gens, peut-être devient-il aussi parano alors que dans son cas et vu comme son argent le protège... dans les faits, il ne risque vraiment pas grand-chose à titre personnel, à part d’être une fois de plus (il n’est plus vraiment à ça près) source de condescendance et de mépris dans le regard de Sixtine et Agamemnon. Non, le plus effrayant, c’était d’accepter comme sa perception de la réalité, de ce qu’il avait pu dire et faire, commençait à changer radicalement. Réaliser le travail qui lui restait à faire et qu’il aurait dû faire bien avant.

Il aurait dû tout dire à son ami, vider son sac et comprendre qu’il n’était pas le seul à avoir des doutes en ce moment, que si ni l’un ni l’autre ne faisait le premier pas, c’est qu’ils devaient sortir d’un refoulement choisi ou forcé d’abord. Ça se serait surement bien passé. Mais Lionel était en train de bloquer, se sentait mal à force d’hyperfixer sur toutes ces nouveautés et de se faire des scénarios catastrophes à partir de presque rien. C’est toujours le problème quand ses parents sont mêlés, même indirectement, à quelque chose : le coordinateur redevient un enfant apeuré incapable de se raisonner.  Il se secoua et se reconcentra sur sa boisson, jetant un œil vers la mine déconfite de son comparse.

Oh, non, Zlatan, ne tire pas cette tête de chien battu. Ne me demandes pas encore si je vais bien en m’autorisant à m’étaler sur mes problèmes alors que je devrais plutôt m’occuper de responsabilités plus importantes.

Enfin. Il ne devait pas tout confondre non plus. Le bleu tenta de se calmer et prit les devants avant que l’autre ne s’inquiète de trop.

« Enfin. C’est juste que mes parents se mêlent un peu trop de mes affaires et ces derniers temps j’aimerais bien me… enfin, ils donnent leur avis sur mes choix de vie et je n’ai pas vraiment le temps pour ça. Il y a d’autres… »

Il hésitait un peu, ne voulait pas s’étaler non plus mais se sentait au moins à peu près honnête, pour une fois. Il ne voulait même pas jouer au rebelle pour faire son intéressant juste… essayer d’agir en adulte, pour une fois.

« Il y a d’autres choses auxquelles je voudrais consacrer mon temps plutôt qu’à leurs sermons, ces temps-ci. »
Son regard croisa de nouveau celui de Zlatan tandis qu’il entamait d’admettre un de ses autres désirs du moment. « …D’autres personnes, aussi. »
« Oh. »


Le Eriksen cligna des yeux percutant lentement les allusions faites par son interlocuteur. Lionel inspira profondément et mit son portable en mode avion pour être certain de ne plus être dérangé. Juste pour quelques heures, ça ne serait pas un problème et en cas d’urgence, on le biperait. Il se sentait un peu mieux même si bien trop tendu pour continuer d’être totalement serein pendant cette sortie. Malgré lui, il surveillait ses arrières, ne parviendrait pas à être aussi spontané que tantôt. Peut-être bien que se voir chez lui aurait été plus judicieux, en fait. Ou dans un endroit moins fréquenté. Enfin.

« Les vieux de mon cousin sont du même genre, I guess. »


Le Roque-Lartigue leva la tête en échappant un « oh » interrogatif. Zlatan hocha la tête en continuant.

« Les rich people, I mean… toi, ça va, encore, m’enfin, y se croient mieux que les autres. M’enfin, j’dis ça mais, c’est obvious. »

Lionel ne répondit pas et baissa les yeux. Il n’avait pas envie de contredire ni d’encourager l’autre, jugeant que ce n’était pas vraiment son rôle, que ce serait sûrement un peu hypocrite. Il préférait largement écouter son ami parler de sa famille que broyer du noir en pensant à la sienne.

« Hm… et tes parents, à toi ? »

Mais qu’est-ce que c’est que cette conversation de mort ?! Enfin, ce n’est pas que ça ne m’intéresse pas mais pour le coup, j’ai vraiment ruiné l’ambiance…

« Oh, euh… c’est juste ma mère qui m’a élevé. »

Oh. Ça explique qu’il m’ait repris sur certaines choses par le passé.

Cette fois, Lionel s’abstint de poser la question la plus nulle qui était « et ton père ?! ». La leçon commençait à rentrer.

« Tu n’as pas de frères et sœurs ? »
« Nope. C’était juste moi et mes cousins, mais c’était bien, hein. »

Lionel se remit à sourire sincèrement. Il imaginait plus facilement son ami être l’ainé, ou le deuxième enfant, en train de jouer avec des cousins qui devaient surement lui ressembler physiquement. Il savait déjà que l’un d’eux était plus grand que Zlatan, donc l’autre était certainement plus petit, pour équilibrer, quant à la mère de son ami… Bon, à ce rythme, il était en train de se visualiser tout l’arbre généalogique du Eriksen, pas sûr que c’était spécialement productif, mais c’était rigolo et ça le distrayait de ses propres histoires de famille.

« Tu as grandi à Illumis, alors, c’est ça ? Toute ta famille est de là-bas ? »

Ce n’était pas le genre de conversation qu’il avait imaginé mais au moins, leurs échanges reprenaient plus naturellement et il apprenait des choses sur son comparse. Ce dernier lui raconta que leur arrivée datait de l’époque où sa mère et sa tante avaient commencé leurs études à Unys. Mais, en revanche, les Eriksen avaient des origines danoises et donc Zlatan lui racontait avoir passé plusieurs vacances en Europe aussi, au Danemark, surtout, donc, où vivaient ses grands-parents. Lionel avait bien entendu pleins de questions sur le Danemark et se demandait se l’autre savait parler danois mais le laissa plutôt raconter d’autres choses sur son enfance et sa famille. Le temps se remit à filer plus vite, probablement trop, comme ils eurent très vite fini leurs boissons et leur promenade et maintenant, ils étaient à la gare routière pour que l’unyssien rentre chez lui en bus (apparemment, il avait préféré ne pas prendre sa moto par peur de la paumer une fois de plus). Il était tôt mais comme il se sentait fatigué, Lionel ne voulait pas que les choses s’éternisent non plus et avec ce qu’il s’était passé tout à l’heure, il sentait qu’il valait mieux reculer l’instant où il dirait ce qu’il a sur le cœur à Zlatan à un moment et un lieu où il n’aurait pas la tête à moitié ailleurs. C’était sans doute mieux, au moins, maintenant, le coordinateur savait qu’ils auraient toutes les vacances pour se revoir. Il avait aussi l’impression que le brun avait aussi envie de revenir une autre fois pour le voir. La prochaine fois, le Roque-Lartigue tenterait de faire en sorte qu’ils aient un peu plus d’intimité.

« Oh, je crois que c’est ton bus ! »

Déclara-t-il en désignant un véhicule prêt à se garer pour embarquer des voyageurs. Il n’y avait pas autant de monde que ce à quoi Lionel s’y serait attendu, ni foule sur le quai. Les deux grands nigauds n’avaient pas beaucoup de temps pour se dire au revoir, mais ils étaient plutôt sûrs qu’ils s’enverraient des SMS pour compenser. Après plusieurs « bon bah », « oui alors »,  « doonc euh », « bon, aller, hein, here I go », les deux hommes se fixèrent encore une fois dans le blanc des yeux puis se sourirent. Lionel avança en premier en posant doucement sa main contre le bras de son comparse et Zlatan fit de même au même moment. Après un instant de surprise, leur contact furtif devint ce qui était censé être une accolade amicale au départ mais leurs gestes s’emballèrent pour serrer l’autre plus fort. Lionel retint son souffle lorsqu’il sentit les bras de l’autre passer autour de sa taille et qu’il plaça sans même y réfléchir son bras autour du cou du plus grand tout en enfouissant son visage contre la gorge du Eriksen. Il restèrent sans doute trop longtemps ainsi pour que cela soit totalement platonique.

« Tu m’envoies un text, hein ? »

La voix de Zlatan était un peu trop proche d’un coup et le quarantenaire se sentit frémir, avec du mal à se concentrer sur le fond des paroles de l’autre. Ce dernier eut également l’air distrait au moment où Lionel posa sa main contre son torse et se reprit en bafouillant.

« Pour… enfin, quand t’es chez toi et… bah, bon courage pour ton repas de famille. »

Comme il leur venait d’autres envies qu’ils n’oseraient pas concrétiser en public, les deux « amis » se séparèrent et Lionel hocha la tête en souriant. Il tenta de se retirer de la tête l’idée persistante de prendre l’autre par la main et l’entrainer derrière le petit hangar de la gare routière pour l’embrasser longuement. Mais, c’était un peu tard pour ça. Ou alors, il se trouvait des excuses.

« Merci, c’est gentil… je te tiendrais au courant. »

Le Eriksen fit un pas en arrière et se massa la nuque d’une main, les joues encore un peu rouges. Il renvoya au coordinateur son sourire en l’invitant à finir son laius. Ce que ce dernier fit en caressant doucement l'épaule du plus grand.

« Toi aussi, dis-moi quand tu es arrivé ! »


Et comme ça, l’unyssien fut reparti pour Cayagane. Lionel soupira longuement en regardant le bus partir et gratta le sol avec la pointe de sa chaussure. C’était bête d’avoir raté des occasions aujourd’hui, mais ce n’était que partie remise. Du moins, il espérait que ce n’était pas trop tard. Tandis que Lionel partait pour prendre son téléport dans le centre, Zlatan, lui, était passablement grincheux en regardant le paysage défiler par la fenêtre. En rentrant quelques heures plus tard chez son cousin Soltan, le Eriksen était toujours aussi boudeur. Il se sentait stupide d’avoir probablement été trop subtil dans ses approches, pourtant, il pensait vraiment qu’il était transparent avec ses regards de merlan frit et ses réparties cassantes d’edgelord taquin. A force, il commençait à se dire qu’il était peut-être vexant et juste méchant avec Lionel. Comme l’idiot qu’il est dans son refoulement de vieux hétéro en pleine crise de la cinquantaine, il se disait que pour flirter avec l’autre, il devait se comporter comme un gros beauf un peu cassant parce que « bah euh les hommes ™ ça parle pas de sentiments ça agit »… donc maintenant, il se sentait un peu mal d’avoir été sec avec Lionel même s’il trouvait des fois ce dernier un peu lourd. Au moins, Lionel était un peu plus transparent au sujet de ses émotions et bien plus expressif (d’ailleurs une des choses qui faisait le plus craquer le brun-châtain quand il parlaient, en plus de l’intimider). Bon, au moins, leur accolade avait été assez signifiante et avec ça, l’unyssien se disait qu’il ne laissait probablement pas le coordinateur indifférent. Mais il se sentait quand même con de ne pas avoir trouvé les bons mots en voyant l’autre démoralisé avec ses histoires de famille, même en le voyant ravi d’entendre des anecdotes un peu connes sur sa famille.

Voila dix minutes qu’il ruminait avachi sur le canapé de la salle à manger. Soltan venait de sortir de son bureau et se préparait à faire le ménage avant que les enfants de rentrent avec Shizune de Baguin où il étaient partis faire des grosses courses et voir le futur Dojo de la Onizuka. Etalé sur le sofa, le Eriksen se languissait déjà comme une diva létargique de son ami le Zazambien dont il aurait aimé profiter plus longtemps. Tandis que Soltan rangeait un peu la remise, son cousin d’unys lâchait des « gnnnnnn » des « meeeeeeh » et des « aaaaaah » en guise de complainte plaintives, espérant attirer l’attention du fermier et obtenir des mots de consolation.

« J’suis une meeeeerde… »

Gémit-il pendant que le fermier aux cheveux gris rentrait dans la pièce avec son aspirateur. Ce dernier grogna et poussa les pieds de l’autre avec l’appareil à aspirer la poussière  pour passer autour du sofa.

« Pousses-toi, j’dois passer un coup d’aspirateur. »

Avec un nouveau « méééééé » plaintif, le Eriksen se poussa et s’allongea à plat ventre sur le canapé, la tête enfouie dans un coussin.

« Merci d’être toujours aussi compatissant… »
« De rien. »
« C’était un sarcasme, dumbass. »


Devant son numéro de « dorlottes moi je suis très très malheureux dis moi que je suis très intelligent et très fort », Soltan offrit à l’ancien psy en manque d’attention son meilleur sourire de faux demeuré.

« Ah bon. »

Zlatan se remit à chouiner entre deux « gngngn pfffff gngn mais roh » et roula sur le dos, une main posée sur son front et son cousin serré contre lui.

« Te fous pas de moi je me sens vraiment comme… »
« Une merde ouais, tu répètes ça depuis plus d’un quart d’heure. »  


C’était malheureusement un peu trop vrai. Le Eriksen ferma enfin son clapet et se redressa sur ses pieds. Il fit le tour du canapé et s’occupa d’épousseter dehors les plaids et les coussins afin de venir en aide au plus grand. En revenant dans la salle de vie pour continuer de faire le ménage avec son cadet, Zlatan faisait toujours la grimace et donc, Soltan soupira longuement avant de l’interroger.

« C’est quoi le problème ? Depuis trois jours on pouvait pu t’arrêter de parler et t’en devenais limite chiant avant de partir à Vanawi et maintenant… »

Ah, oui, ça, il avait été extrêmement enthousiaste en attendant sa sortie (qui n’était pas du tout un rencard) avec Lionel et avait cassé les oreilles de tout le monde en exprimant son entrain qui le rendait hyperactif. Enfin, il n’avait pas parlé de ce qui le rendait ainsi mais personne (à part probablement Mikoto) n’était dupe à la ferme. Bref. Pour répondre à l’autre, Zlatan se remit à geindre :

« J’ai l’air d’une meeeeerde. »
« Si t’y tiens. »


Grogna son interlocuteur qui s’occupait désormais d’épousseter le meuble de la télé.

« T’es d’aucune aide Soltan… »

Fit remarquer l’ancien psy tout en ramassant les quelques Légo et jouet qui trainaient sur la table basse pour les ranger dans le grand placard sous l’escalier dans les caisses prévues à cet effet. Avec ce genre d’affirmations à la con, Soltan perdait clairement patience et envoya son regard le plus lassé à son cousin chouineur.

« Mais tu veux que je dises quoi ? Tu me fais chier. »


Zlatan renifla exagérément pour pester à l’égard de son interlocuteur qui avait pourtant un peu raison.

« Bah rieeeeen… J’me suis raté avec… la personne que je voyais. »

Le fermier savait que son cousin n’était pas doué. Surtout, il savait que quand ce dernier avait quelqu’un en vue, il était infoutu de vraiment se bouger pour faire part de ses sentiments à la personne concernée, si cette dernière ne faisait pas le premier pas.

« Tu t’es pris un râteau ? Ce serait pas la première fois que ça t’arrive. »

Que Soltan ne soit pas vraiment mieux et parlait comme le dernier des hypocrites n’était pas la question actuellement. Mais, comme d’habitude, la vérité blesse quand on a pas envie de l’entendre et quand on connaît la mauvaise foi du Eriksen, sa réaction vive était tout à fait prévisible.

« Mais vas te faire foutre ! J-je me suis pas pris un râteau. C’est compliqué. Enfin, non, pas vraiment, mais, y avaient besoin de rentrer se reposer, et… bref. »

Le fait que Zlatan ait encore à son âge un problème assez casse-pied vis-à-vis du fait de faire part de ce qu’il ressentait à quelqu’un provoquait souvent des malentendus. Dans ses relations, cela avait souvent été source de beaucoup de regrets et s’il s’écoutait, il en aurait encore avec Lionel. Aujourd’hui, il sentait que le coordinateur avait la tête ailleurs et c’était peut-être pas prêt à entendre tout ça. Où alors, peut-être était-ce lui qui ne se sentait pas prêt. En voyant son cousin se braquer à ce sujet, Soltan avait un peu de peine, mais il trouvait surtout ça agaçant de voir quelqu’un de plus âgé que lui se comporter encore comme un gamin.

« Bah, vas leur causer et arrêtes de chialer. »

Utiliser le « they » en anglais était bien pratique, dans le cas présent, même si Soltan n’était pas dupe. De cette manière, Zlatan pouvait encore se convaincre qu’il n’était pas refoulé en évitant d’avouer qu’il sortait avec un autre homme. Ce dernier savait que le fermier avait raison, qu’il n’y avait pas 15 autre solutions. Que c’est ce qui se passerait et sinon, il se frustrerait pour rien. Pas comme si ce serait la première fois que ça lui arriverait.

« Si tu veux continuer de m’aider tu peux t’occuper de passer un coup dans la cuisine et sinon… bah tu bouges ton cul. Sinon tu vas refaire une Reine. »


Cette remarque eut pour effet de clore la conversation à ce sujet. En se rappelant l’épisode de sa vie véçue avec Reine pendant quelques moins, Zlatan leva les yeux au ciel et marmonna un :

« Pfffff… N’importe quoi… »


Mais, le message était passé. Avec Reine, il avait regretté pendant de longs mois de ne jamais lui avoir déclaré ses sentiments et s’en était longuement plaint à Soltan. Donc, oui, sur son histoire avec Reine, il y avait prescription, mais c’en était un bon pour remettre les pendules à l’heure.

Les deux cousins terminèrent leur ménage et eurent un peu de temps à passer devant la console avant que le reste de la famille ne rentre finalement au bercail. Zlatan reçut à peu près au même moment un message de Lionel, comme ce dernier lui avait promis quelques heures plus tôt.

Hey toi ! Je viens de rentrer chez moi ! Merci encore pour tout à l’heure et pardon d’avoir encore perdu mes moyens, je ne voulais pas ruiner l’ambiance :S J’ai très envie de te revoir et il y a pleins de choses que je n’ai pas pu te dire plus tôt mais je ne veux pas en parler par SMS. Si tu veux bien évidemment !

Le Eriksen sentit sa cage thoracique se serrer agréablement. Ce message avait plutôt l’air d’un bon signe. A moins qu’il ne se fasse de faux espoirs. Dans tous les cas, il s’empressa de sortir sous le porche pour répondre tranquillement et être certain d’avoir assez de réseau.

Good to hear ^^ Faut qu’on se revoit ouais. Mais ça va pas être chiant avec tes horaires de travail ?

Car ça avait déjà été un peu compliqué pour leur dernière sortie.

Je peux venir le soir après le travail à Cayagane. Mon abonnement téléport peut bien servir comme ça !

Le coordinateur tenait visiblement à faire le déplacement le plus tôt possible, il parlait même peut-être du lendemain. A cette idée, Zlatan ne tenait pas en place non plus. Il ne put répondre avant d’être pris de court par le message suivant de son ami enolian.

Mais j’ai quand même une question à propos de cet après-midi… Mais tu n’es pas obligé de répondre.
?


Il avait envie de dire à voix haute « mais dis-mouaaaaaa », car il espérait que ce soit une grande déclaration (bah, oui, rien que ça, c’est qu’il veut le beurre, l’argent du beurre et surtout le cul du crémier, le Zlatan).

Est-ce que c’était un rencard ?

« Yessssssss » faillit-il crier à voix haute sur le pallier en réalisant que toute cette histoire avançait un peu et allait surement dans une direction qu’ils souhaitaient tous les deux. Mais, il devait quand même en être sûr… ou plutôt vérifier qu’il n’avait pas été le seul à espérer quelque chose comme ça.

… Was it... ?
Je ne suis pas le seul à m’être posé la question on dirait !


« Héhé. »

Ricana le brun-chatain, à la fois gaga et un peu blasé par sa propre attitude de midinette. Il ne savait pas trop quoi répondre mais Lionel prit une fois de plus les devants.

Aloooors on fait quoi pour la prochaine fois ? =3
Mais j’en sais rien ?? XD


Sauf qu’il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, en terme de molesse. Quelques minutes passèrent et Zlatan se disait que peut-être que Lionel attendait une proposition officielle de rencard. Il se prépara à l’idée de lui demander directement mais on le devança.

Je vais formuler autrement !
Do you want to go on a date with me Zlatan?


« Oh jeez », marmonna-t-il à voix haute en devenant rouge pivoine à la simple vue de ce message écrit dans un anglais à la Lionel. L’unyssien le trouvait juste trop mignon, quand il faisait ce genre de choses. Il se sentait devenir une véritable flaque mais ne peut quand même s’empêcher de répondre  avec son attitude de petit con habituelle.

You’re so cheesy. But cute.

Avec le texto suivant, il pouvait presque entendre Lionel faire « rooooooooh ! » en gonflant les joues. Et il aurait bien raison.

Dis moi juste oui ou non au lieu de faire ton tsundere !! Je sais déjà que je suis cute !! >_< En plus j’ai fait attention à pas faire de fautes d’anglais cette fois !


Franchement, Zlatan lui-même se sentait mal de faire poireauter l’autre de la sorte. Lionel avait fait l’effort d’être plus honnête alors il lui devait bien de l’être également.

Yeah, sorry. Mais ok. Let’s do this !

Et certains pourraient dire que c’était pas trop tôt et qu’ils auraient du avoir cet échange de SMS pourtant simple depuis bien longtemps. Mais bon. Quand les concernés sont deux désastres coincés sur pattes, on ne pouvait pas vraiment espérer mieux de leur part.
Juillet 2024 - A Vanawi
Lionel Roque-Lartigue
Lionel Roque-Lartigue
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Lun 11 Nov 2019 - 18:16
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