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Family issues 3 (OS)
Lionel Roque-Lartigue

Family issues - Partie 3


/!/ TW : ça parle un peu d'abus familiaux, d'homophobie internalisée et de masculinité toxique, comme d'hab /!/
L'OS est en deux posts car j'ai trop écrit déso pas déso



Novembre 2024 - Zazambes

« Lionel ! »

Je me retourne en entendant une voix familière m’appeler. Shérylle est arrivée en avance, cette fois encore. Je ne ferais pas de commentaire à voix haute, mais c’est cocasse, car avant, c’était plutôt moi qui arrivais trop tôt et elle qui prenait son temps. Je m’asseois en face de ma vieille amie sur notre terrasse habituelle. Nous nous sommes revus plusieurs fois depuis nos fameuses retrouvailles au mois d’Aout. Je pensais que cette réunion ne consisterait qu’en moi faisant des excuses à Shérylle, je m’étais fait à cette idée et ça ne me gênait pas, mais, en réalité, nous sommes restés à discuter plusieurs heures autour d'un verre après ça. La bleue m’avait rapidement avoué qu’elle n’était pas venue pour me voir me ratatiner derrière des excuses, mais qu’elle avait tout de même apprécié d’avoir de mes nouvelles. Je n’aurais pas deviné vu que nos échanges par SMS n’avaient pas été des plus chaleureux, mais j’étais content de l’entendre me dire qu’elle était aussi venue car elle voulait savoir comment j’allais, me raconter sa vie actuelle… ça m’a vraiment fait plaisir. Je ne sais pas si la Jaskoviak m’a pardonné (je ne lui en demande pas tant), mais je suis heureux qu’on puisse de nouveau causer comme deux amis. Enfin, au moins, comme des connaissances. J’ai envie de penser que notre amitié lui à manqué à elle aussi, sinon, elle ne serait pas en face de moi actuellement.

J’ai appris durant nos dernières entrevues que la violette venait régulièrement à Enola avec son fils, pour voir ses parents. Si elle ne s’étend pas trop sur sa vie de famille, j’ai compris que ses aller-retours étaient devenus réguliers depuis la naissance de Charles-Ellliot, mais, sinon, lui et sa mère sont bien installés à dans le coin de Nénucrique à Hoenn depuis presque 10 ans. Enfin, tout ça pour dire qu’on avait pas mal parlé, finalement, surtout pour se raconter ce qu’on était devenus depuis quasiment 15 ans.

« Eh ben, t’as pas une super mine, toi. »

Je ne peux pas donner tord à la grande quarantenaire qui, pour sa part, resplendit. Je suis content de voir qu’avoir quitté le monde de la coordination pour retourner à ses activités de plasticienne lui réussit. Mais dans mon cas, ce n’est pas que la coordination qui est en tord même si la fin de saison a été épuisante. J’ai un peu l’habitude. Le climat actuel sur Enola est, pour la Milice, fort inconfortable. Je rentre chez moi pratiquement tous les soirs pour gagner une bonne nuit de sommeil, néanmoins, la situation avec les Monarchistes nous demande d’être sur le qui-vive de manière beaucoup plus accrue que d’ordinaire.

« Oh, non ce n'est rien. Avec la situation actuelle, je suis un peu épuisé, c'est tout. »

Me contentais-je de répondre sans trop entrer dans les détails. Je crois que Shérylle sait à quoi je fais allusion. Elle m’observe un instant sans rien dire, intriguée.

« Hm… tu prends décidément ton rôle au sérieux, hein… »


J’arque un sourcil, interpellé par son ton un peu énigmatique. Elle a probablement raison, mais je ne sais pas si elle se moque ou si c’est une simple observation. Probablement que je ne parle un peu que de ça, depuis des mois. C’est vrai que c’est important pour moi et… que je ne suis pas non plus très supporté par mon entourage familial dans toute cette histoire. Puis il faut bien compenser le stress et la déprime en parlant de quelque chose. 

« Hm… j’essaie. Enfin, je fais de mon mieux… je crois. »

Ça n’a pas toujours été le cas, mais, ça, je crois que Shérylle s’en doute, après tout, elle m’a connu des années avant, quand mon discours devait être différent. Ma dernière intervention laisse un blanc et je me sens un peu gêné. J’ai l’impression de me plaindre pour rien. J’aimerais mieux que Shérylle me raconte des anecdotes sur Charles-Elliot ou que je reparle de ma procédure d’adoption… car, oui, le sujet est tombé sur la table et étrangement, la Jaskoviak a été d’un plus grand soutien que Papa et Maman. Enfin, elle a juste dit qu’elle pensait que c’était une bonne chose que je sois à peu près passé au-delà de mes réserves concernant ces procédure… et donc j’avais passé encore cinq minutes à m’excuser d’avoir dit des conneries à cet égard par le passé. Enfin, bon, des excuses, c’est bien, mais je ne crois pas que ça répare vraiment les choses quand le mal a déjà été fait.

« Enfin, Charles-Elliot va bien ? »


Je me force un peu à sourire et j’espérais que Shérylle ne le remarquerait pas. La violette sirote son thé et me lance un regard en coin, puis son sourire roublard apparaît.

« Oui, très bien, mais tu me l’as déjà demandé, ça. »
« Ah. »


Son expression s’adoucit un peu. Je crois que même si j’essaie d’avoir l’air calme, j’inquiète quand même les gens qui me connaissent un tant soit peu. Ce n’est pas parce qu’on ne s’est plus parlés régulièrement avec Shérylle que nous sommes des personnes complètement différentes maintenant. Certaines de nos expressions sont familière à l’autre et c’est le cas pour les moments où je masque mes contrariétés avec des sourires faux et des sujets de conversation qui se répètent ou sont juste vides.

« T’as l’air ailleurs, hein. T’es sûr que ça va ? »

C’est rien de le dire. Je ne pensais juste pas que c’était si évident. Ce n’est pas vraiment dans mes habitudes d’engager la conversation sur mes problèmes alors, souvent j’attends que d’autres remarquent et me posent la question. Sauf que c’est assez rare et tout le monde n’a pas forcément la tête à essayer de décrypter dans mon comportement si je vais bien ou mal. Alors tout ça revient à m’isoler et noyer mes problèmes d’une autre manière… souvent de manière pas très saine, d’ailleurs. Depuis que Zlatan m’a parlé de son addiction, je me pose des questions au sujet de mes habitudes avec l’alcool… enfin, ce n’est pas le sujet. Je crois que je préfère encore me débrouiller seul que d’imposer mes problèmes à d’autres, en risquant de mettre une sale ambiance. Ce n’est pas grave, s’ils ne se rendent pas compte des moments où je suis en détresse, je n’y peux pas grand-chose et eux non plus. Mais c’est un cercle vicieux, car j’en viens à me sentir quand même coupable quand des gens qui me connaissent bien (ou sont juste perspicaces) comprennent que ça ne va pas. Je ne sais pas comment ils font, des fois, je leur en voudrais presque de voir au-delà de mon masque que j’ai parfois tant de mal à faire tenir. Probablement n’est-ce pas une si mauvaise chose, pourtant, que je m’ouvre un peu par ce biais.

« Hm… non, pas vraiment. Mais bon. Ça ira mieux à un moment où à un autre. »

Je ne sais pas depuis combien de temps j'en suis presque à m'interdire complètement de répondre « non » à la question « est-ce que ça va » ? Pfff, on a pas idée d'être attaché à ce point aux apparences, quand même. Enfin, j'ai beau dire ça, je ne me crois pas capable de faire sans ces habitudes. Je sais qu'elles sont mauvaises, mais bon, elles m'ont aussi souvent permis de me préserver de bien des malaises. Si je ne savais pas si bien faire semblant je... ah, c'est vraiment pathétique. Mais bon. C'est aussi mon métier et c'est bien s'il y a au moins une chose que je fais bien dans mon travail, non ? Tout ça n'est pas très positif mais j'ai bien du mal à l'être ces temps-ci. Je suis morose à cause de mes histoires de famille, je suis toujours aussi nul au travail, mon partenaire est loin... enfin, bon. En dehors de mes entraînements, comme d'habitude, je n'arrive pas à trouver de quoi me remonter le moral. Sans surprises, la dernière scène que m'ont fait mes parents au sujet de l'adoption me reste encore en travers de la gorge. Je me suis senti tellement mal ce jour-là que je crois que je bloque quand on me parle de ma famille ou même d'adoption. Mais je ne vais pas encore les laisser me gâcher ça.

« Maman m’a envoyé un message dramatique pour me dire qu’elle serait infiniment heureuse de me voir à Noël avec le reste de la famille. »

Je ne peux pas m'empêcher d'avoir l'air désabusé et ironique en rapportant les propos de ma mère. Peut-être bien qu'elle tient à moi, j'en suis à un point où je n'en sais plus rien, mais tout ce que j'aurais en allant passer les fêtes chez eux, c'est me forcer à avoir l'air heureux tandis que personne ne me demandera comment je vais et si mes procédures administratives se passent bien. Appelez-moi lâche si vous voulez, mais je n'ai aucune envie de lui répondre ou de retourner les voir pour le moment.

« Ah, cette chère Sixtine… Il y a des choses qui ne changent pas, hein… »

Aujourd'hui, ce que je ne voulais pas étendre à l'époque m'apparaît de plus en plus comme une évidence. J'ai toujours ressenti un profond malaise face à mes parents et bien entendu, du temps où elle venait manger chez eux avec moi, Shérylle n'était pas bien à sa place non plus. Comme elle le dit... rien n'a vraiment changé, hein ?

« Hm. J’imagine que non… »

Je ne sais même pas si moi-même j'ai changé, dans toute cette histoire. Qu'est-ce qui me dit que je ne régresse pas ? Que je ne suis pas en train de me tromper... ? Non, c'est stupide de penser ainsi. Quand je me concentre sur le positif il est difficile de nier que j'essaie réellement de faire des progrès. Mais c'est étrange. Des fois, j'ai l'impression que ces progrès ne sont pas les miens. Qu'ils ne sont dûs  qu'aux efforts d'autres personnes où simplement à mon statut social qui fait que les choses ont tendance à me tomber à point dans le bec plus facilement.

« C’est bien le problème en fait. »

Je ne veux plus stagner, moi. J'ai bien remarqué que ça ne suffisait plus quand on nous donnait la place de co-chef de la milice. Je ne saurais pas encore bien dire ce que je veux faire à cette place, mais, en tout cas, je ne veux pas faire foirer quelque chose.

« Quoique je fasse… enfin, j’imagine que ça ne sert à rien de me plaindre auprès de toi, ce n’est pas comme si tu ne m’avais pas prévenu. »


Oui, hein, de quoi je me plains, en fait ? J'aurais dû m'y attendre.

« Je préfère encore que tu te plaignes que tu fasses comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. »


J'ai déjà entendu ça quelque part. Je ne saurais dire quand exactement mais je suis pratique sûr que Zlatan m'a déjà dit quelque chose de semblable. Mais bon, comme n'importe quel conseil avisé que l'on me donne, j'ai l'impression que ce n'est pas pour moi. Que je ne suis pas capable de le suivre car je serais trop bête pour ça.

« Je suis vraiment navré d’avoir été aussi immature, tu sais. »
« Oh, oui, je sais, depuis 3 mois tu as déjà dû me le dire 20 ou 30 fois. »


Voila. Je préfère encore rappeller que j'ai été nul par le passé et... « par le passé ». Est-ce que ça veut vraiment dire que je suis différent aujourd'hui ? Que ce serait pour ça que la Jaskoviak accepte de boire des cafés avec moi de nouveau ?

« Pour tout te dire, ils ne sont d’aucun support. Que ce soit pour la crise actuelle ou pour l’adoption. »

Shérylle n'a pas l'air d'avoir grand chose à ajouter. Elle baisse les yeux et soupire en regardant sa tasse.

« Rien d’étonnant, finalement. »
« …Non, ça, rien d’étonnant… J’aurais aimé être capable de m’en rendre compte avant. »
 

Ça ne sert à rien de regretter maintenant, parait-il. Je ne pourrais pas refaire le passé ni changer le comportement de mes parents juste en étant gentil et en présentant bien. J'ai probablement trop essayé dans l'espoir qu'il finiraient par me remercier, me féliciter pour ce que je suis réellement. Mais non. Je crois que ça n'arrivera jamais, en fait. Les personnes qui nous veulent du bien n'attendent pas qu'on fasse des choses pour elles pour nous apprécier en retour. Elles sont juste... là pour nous. Je pensais que Zlatan avait des raisons intéressées d'être gentil avec moi, pendant un temps, c'est dire comme j'ai pris l'habitude. Mais, non, finalement... il voulait être avec moi. A cette pensée, je sens mon cœur se mettre à battre plus vite et se réchauffer. J'ai envie de lui envoyer un message juste pour lui dire que je pense à lui et que je l'aime sans raison particulière.

« Mais, alors, qu’est-ce que tu vas faire, pour Noël… ? »

Shérylle me tire de mes pensées tandis que je suis en train d'écrire un SMS dégoulinant de mièvrerie. Bonne question. J'ai plusieurs possibilités mais clairement, celle qu'on m'a faite il y a une petite semaine me tente beaucoup plus.  


***


Je ne m'attendais pas du tout à ce que la mère de Zlatan prenne l'initiative de m’appeler. Le soucis, c'est qu'on a un peu du mal à se comprendre comme mon anglais est très mauvais et que pour sa part, elle a du mal avec le français. Elle a l'air très enthousiaste depuis qu'elle m'a dit (je crois) « bonjour », « comment ça va », « I have something to -je sais plus trop quoi- you »... Et après, je ne sais pas vraiment vers quoi la discussion et partie, car elle parlait très vite (moi qui croyait que l'anglais de Zlatan était trop rapide) et j'ai donc laissé un gros blanc quand elle termina de parler. Ah, je suis vraiment nul, c'est embarrassant ! J'essaie de me rappeler quelques rudiments d'anglais.

« Euh... I ame so sorri Helène ! I can... do... have du mal… I dontte understand veri ouelle… »

C'est une catastrophe. Helène est heureusement patiente (c'est de famille d'être trop tolèrant avec moi ou quoi) et répête ce qu'elle disait plus lentement... Elle parle de “Chris Meuss”? Ah !!

« Christmeusse ? Ah !!! Christeumas ! Noël ! Yes, yes, Noël, I get the Noël ! »

Elle avait finit par dire “Noël” aussi en français. Ahlala, si je comprenais mieux... Attends mais pourquoi me parle-t-elle de Noël, alors ? La voila qui dit “Yes” et qui dit quelque chose comme... “do you wanna come”. C'est quoi déjà le verbe... ah !

« Quoi…? Vous… »

Est-ce qu'elle m'invite pour Noel à Unys ? Je veux lui poser la question en anglais mais je mets un peu de temps avant de trouver les bons mots. Encore que je n'ai aucune idée de si mon charabia veut dire quelque chose.

« You inviting mi for Christmasse ? »

C'est presque corect, non (non.) ? J'ai vraiment fait attention ! Quelle manière de faire bonne impression à la mère de mon partenaire, quand même. Je ne sais pas si c'est la latence dûe à la distance qui fait ça où juste que j'ai l'air vraiment con, mais il y a un blanc avant le rire de mon interlocutrice. Zlatan me dira quelques jours plus tard qu'elle aussi était un peu gênée aussi de me parler avec son français qu'elle considérait vraiment mauvais, mais qu'elle tenait être celle qui faisait l'invitation. Enfin, je crois que à ce moment-là, elle me disait quelque chose en s'essayant à mélanger de l'anglais et du français... je crois qu'elle me demandait si ça posait un problème pour moi ou quelque chose du genre.

« No… It iz oké ! This iz veri veri nice !! »

Je me rapelle que Zlatan m'a déjà dit que je devais arrêter de parler anglais car c'était totalement “cringy” et embarassant pour moi. Mais il faut bien que je pratique, pour progresser et je n'ai pas le temps de prendre des cours. Cela dit, on continue à échanger un peu avec Helène (enfin, on essaie) pour se dire des politesse et plaisanter. Je suis tout intimidé donc je ne dois pas avoir l'air très malin et à la fin je ne trouve rien de mieux à dire que :

« Yes ! Merci beaucoup ! I will bi veri happi tou ! »

Oui. Je confirme. On avait eu notre dose de gêne pour la journée.


***



Je ne sais pas si je suis gêné ou rêveur en repensant à ce coup de fil. J'ai si hâte même si je n'ai pas encore définitivement confirmé que je venais car je suis toujours un peu retenu à des obligations familiales

« Je crois que je vais aller à Unys. La mère de mon cop-- partenaire m’a invité. »


Oui, on en est un peu au point, quand on s’appelle, où on en est au point « oui oups j'ai glissé une évocation de ton existence au détour d'une conversation je suis désolé mais euh en même temps la tronche des gens confus quand j'ai dit « mon partenaire » est quand même méga drôle tu devrais essayer »... Bon, ça n'arrive pas si souvent, hein, c'est juste qu'en dehors de sa mère, Zlatan l'a dit à quelque chose comme deux autres personnes et moi, bah, en dehors de Shérylle... bref. Ce serait tout de même bizarre de forcer le trait pour ne surtout pas parler de l'autre et je n'arriverais pas non plus à dire « ma copine » pour passer inaperçu ce serait... enfin, j'ai dit que je devais vraiment arrêter d'être homophobe... oui, je dois faire attention à ce que je dis, quoi. Parce que je dis souvent n'importe quoi la preuve. Bref, c'est un peu embarassant, j'en étais où ?

« Ça ne va pas plaire à mes parents, mais bon… S’ils n’acceptent même pas que j’adopte et que je choisisse de vivre comme j’en ai envie, je ne vois pas pourquoi je… enfin, voilà. »

Shérylle n'a pas l'air très surprise. Peut-être jubile-t-elle un peu intérieurement, après toutes les fois où j'ai dû lui dire « mais non je ne peux pas être bi enfin je... les homme enfin, il y en a des très jolis, hein, mais nous euh euh enfin non quoi parce que... parce que voilà ! ». Je pensais qu'elle réagirait ou me féliciterait ou quelque chose comme ça et c'est un peu stupide, en fait. Du genre « oh bravo tu as arrêté de te refouler tu es tellement woke ». Ohlala, j'ai tellement de... ce n'est pas en me flagellant à chaque fois que j'ouvre la bouche que je vais progresser.

« Tu es heureux ? »

Je n'attendais pas vraiment qu'elle réagisse à l'annonce de ma relation avec Zlatan (même si je ne l'ai pas nommé histoire de garder son intégrité intacte). Je décide de rester sobre et de ne pas trop m'étaler. C'est que je ne suis pas encore tout à fait en confiance à l'idée de sortir du placard et je préfère largement une réaction sobre à des félicitations et un discours à un « ooooh, mais tu sais ça ne me pose AUCUN problème, love is love », qui, tout bien, réfléchi, aurait été très gênant. Pas sur le discours en lui-même mais juste le fait d'en faire tout un plat. C'est vraiment hypocrite venant de moi, mais je ne peux pas vraiment apprendre sans me confronter un peu, non ? Maintenant que j'y pense, je n'avais jamais osé demander à Shérylle comment ça s'était passé pour elle, si elle avait un jour annoncé de manière officielle à sa famille ou ses proches le fait d'être bi. Peut-être que je trouverais le bon timing et une manière adaptée de demander un jour... ou peut-être devrais-je attendre qu'elle m'en parle la première ?

« Hm, eh bien, la distance n'est pas toujours réjouissante mais, oui, ça se passe bien entre nous. »


Je suis content du rythme qu'on a trouvé malgré les difficultés au début, avec le décalage horaire. Il a fallu qu'on trouve une petite routine avec des heures où on pouvait se parler ou faire des choses ensemble comme regarder des séries en démarrant le lecteur au même moment (sachant qu'il y a toujours du décalage avec la connexion et que parfois Zlatan ricane sur les blagues d'une série avant que je ne les voie ou l'inverse), où juste de rester au téléphone ou en visuel tout en faisant notre vie chacun de notre côté sans forcement se parler en permanence. Ça n'empêche pas que des fois je ressens le manque et que l'idée de ne pas pouvoir l'enlacer me pèse un peu. Pour le moment ça ne nous empêche pas d'apprécier de nous parler donc je préfère être optimiste... J'ai peut-être l'air d'être en contrôle de la situation avec mon goût pour l'organisation mais c'est loin d'être le cas, je suis toujours un peu perdu en constatant que mes sentiments pour Zlatan semblent devenir plus forts petit à petit.

« Je… j’espère que ça va durer. »

Car même s'il y a toujours cette impression de vertige aussi stimulante qu'effrayante, j'ai envie que ça continue de m'emballer comme ça le fait actuellement. On me dira que peut-être, c'est simplement l'effet « 4 premiers mois » qui fait son office, mais, ça fait partie des meilleures choses dans les relations, les débuts et le moment où les sentiments ont l'air de ne pas vouloir arrêter de s'intensifier. En me voyant en train de rêvasser, la mauve pose sa tasse sur la table de manière à faire un bruit qui me tire de mes pensées et me scrute d'un air malicieux. Oh, non... j'avais oublié qu'elle avait ce côté un peu commère.

« Et moi, j'espère qu’après ça tu comptes me montrer des photos ! C’est un coordinateur aussi ? Tu crois que je le connais ? »
« Oh, non, ça, aucun risque… Désolé si tu pensais tomber sur des dossiers croustillants. »


Arceus, merci, mais non merci. Sortir avec un.e autre Elite ou un.e compétitrice depuis que je suis Maître, ça me semblerait étrange. A l'époque, ce n'était pas pareil avec Shérylle comme nos deux carrières débutaient dans des contextes semblables. Après, chacun fait bien ce qui veut mais je crois que cela fait longtemps que je considère ce milieu et les soirées de la haute de mauvais endroits pour rencontrer des gens. Quand j'y suis c'est comme si je portais un masque opaque, alors je n'imagine pas comment ça doit être pour les autres personnes. Mais c'est aussi probablement que j'ai fini par en être dégoûté et puis... enfin, ça n'a jamais été trop mon genre de « chercher » quelqu'un, d'autant plus que j'ai tendance à avoir des coups de cœur assez souvent (après, il est rare que ça dure ou soit fort au point que ça me pousse vers une vraie relation). De mon point de vue, ce genre de choses arrive quand on s'y attend le moins et c'est ce qui fait leur charme. C'est aussi une liberté que j'ai à peu près réussi à garder vis-à-vis de mes parents qui ont essayé de me présenter des « futures fiancées » à plusieurs reprises (pour une fois, heureusement que j'étais « trop con pour comprendre qu'on essaie de le caser ton imbécile de fils »). Quand j'y pense, le mariage, c'était quand même plus pour faire plaisir que pour Shérylle ou pour moi (d'ailleurs, c'est probablement pour ça que ça n'a pas marché, au final, même si nous avions des envies communes, comme les enfants, par exemple). Enfin, évidemment, je n'exclus rien mais en l’occurrence, Zlatan est bien loin d'être le genre de personne qui ait envie de s'associer à la haute. Nous somme plutôt contradictoires, sur ce terrain, en fait. Mais bon, j'imagine que ces derniers temps, je tends plutôt à être d'accord avec lui sur le fait que vivre comme un gros riche n'apporte pas tant de bonnes choses au niveau développement personnel si ce n'est le confort et un nombre considérable de soucis en moins. Probablement n'aurais-je pas remarqué ça si je n'étais pas devenu Milicien et que je n'en parlais pas de temps en temps avec lui.

Enfin, bref, tout ça pour dire que je n'irais pas montrer des photos de mon copain à Shérylle, même si c'est tentant, il a sa pudeur et n'apprécierait peut-être pas. Mais sans doute que la Jaskoviak ricanerait bien en voyant la dégaine de Zlatan car elle connaît mon faible pour les personnes plus grandes que moi avec un look un peu punk-goth. D'ailleurs, la mauve ne faisait pas vraiment exception avec son mètre 85 et ses talons et elle porte toujours ses corsets et ses robes sombres qui l'ont souvent faite ressembler à une méchante de Final Fantasy. En même temps, elle les a toujours très bien portées.

« Roooh, quelle déception. »

Elle me fait rire à ironiser exagérément et en prenant ses meilleurs airs de diva. Tandis que Shérylle retourne à son thé et s'adresse à la serveuse pour lui demander quelque chose, j'en profite pour regarder furtivement quelques photos de Zlatan que j'ai dans les dossiers de mon teléphone. Je soupire brièvement. J'aime beaucoup cette photo de lui que j'ai prise tandis qu'il faisait un des trucs qu'il préfére, c'est-à-dire bricoler dans le garage et là, il se marrait un peu pour une histoire de gants qu'il avait perdus alors qu'ils n'avaient pas quitté ses mains. Hem. Bref.

« Hm. Je pourrais presque m’habituer à Lionel version « j’ai découvert mon libre arbitre » ! »

Je ne sais pas si elle se moque ou si c'est une sorte de compliment étrange. C'est bizarre, je ne vois pas trop ce que je pourrais répondre, c'est que j'ai toujours eu du mal avec les « vannes » ou le second degré et ce n'est pas tant pour une question de susceptibilité (enfin, ça doit quand même jouer un peu, mais ce que je ressens dans le contexte actuel est plutôt une sorte de gêne malaisante). Le libre arbitre c'est bien, sauf dans la mesure où je crois que je fais encore plus de gaffes qu'avant. Mais, c'est le jeu, parait-il, même si j'ai du mal à m'y faire, c'est la vie que j'ai choisi, mon histoire, mon droit d'y croire, etc.

« Tu sais, moi-même je n'y comprend rien, alors… »

Mais sans doute que s'il y a une leçon à retenir, c'est qu'on ne gagne pas grand chose à ne prendre aucun risque et à rester planqué dans sa zone de confort ou des excuses. Certes, on a rien à perdre dans ce genre de cas, mais... c'est comme la coordination. C'est, bien, ça, faire des analogie avec la coordination, comme ça, j'arrive à comprendre. Ou avec les anime... Oui, à toujours faire le même type de performance ou à toujours regarder le même type d'anime, on ne prend jamais connaissance de la véritable étendue de nos possibilités (et accessoirement, faire les mêmes performances que ce qu'on faisait à 20 ans ou regarder encore des anime avec des idol en mini-jupe à 40 ans c'est moche). On rate des choses bonnes à expérimenter et on peut même passer à côté de sa performance la plus aboutie ou d'une perle rare.

« Enfin, si tu me parlais de ce début de saison, plutôt ? »

Je crois que Shérylle a fini par reconnaître mon embarras et change finalement de sujet. Je ne sais pas vraiment par où commencer pour parler de ce début de saison.

Comme d'habitude, l'ouverture était un joyeux bazar où plus personne ne savait où donner de la tête durant deux longues semaines. Comme d’habitude, c'était beaucoup d'invités, beaucoup de cocktails, des discours plus ou moins réussis dans une ambiance très guindée. Ce n'est pas que je n'aime pas ces ambiances, hein. Quand cela me permet de voir des collègues coordinateurices, je suis ravi. Et puis, sans me vanter, je ne suis pas mauvais pour jouer le rôle de celui qui fait des discours. Enfin, pas que Sirius soit mauvais hein, bien au contraire ! Pour ma part, c'est surtout une question d'habitude ! Durant ces galas, les gagnant.e.s de la saison précédentes (s'il y en a eu) sont généralement invités pour être avec des hauts placés de la Compétition les hôtes de la soirée. Mon discours fini, j'avais profité du champagne et distribue mon quota de poignées de mains et de selfies, enfin, la routine quoi. Ce n'est pas que je me lasse, mais ma tête était ailleurs et je me contentais donc de faire mon travail ce soir et d'être où on me demande d'être. Ce n'était qu'un gala d'ouverture comme les autres, en fait, j'ai l'impression de ressasser ce type de soirée tout le temps donc j'ai préféré parler à Shérylle des derniers matchs de la dernière saison et deu fait qu'Astro, une de mes challengers favorites, n'avais pas reussi à avoir sa place en finale, mais je ne perds pas espoir pour l'année qui vient.

Shérylle m'écouta avec un air nostalgique. Je sais qu'avant la fin de sa carrière de coordinatrice, les choses ne s'étaient pas bien passées pour elle. Nous n'étions plus ensemble à ce moment-là et j'avais commencé à avoir moins de nouvelles car elle disparut un peu brusquement de la circulation à cause d'histoires de harcèlement... des fans d'un ancien maître qui l'accusaient d'avoir triché (entre autres accusations mysogynes) pour gagner. Elle n'était même pas venue à la remise des prix, cette année-là, j'avais beau lui envoyer mon support via quelques messages, je crois que ce monde l'avait un peu dégoutée. Mais, elle semble toujours contente quand de voir quelques extraits des performances d'autres coordinateur.ices. Nous avons fini nos cafés en visionnant des performances solo de quelques compétireur.ices qui ont retenu mon attention en ce moment... je ne vais pas la bassiner avec mes propres performances, car on ne peut pas dire que mon style soit aussi intrigant qu'à ses débuts. Je préfère largement louer l'inventivité des plus jeunes qui iront certainement loin. En échange, la bleu me montra plusieurs de ses sculptures et toiles récentes, il y avait même des photos sur lesquelles Charles-Elliot posait en imitant les attitudes des entités représentées sur les œuvres de sa mère. Il a l'air drôle, ce petit.

Nous fûmes interrompus lorsque la Jaskoviak reçut un appel de son fils, justement. Apparement, il avait hâte que sa maman rentre et cela la décida à prendre congé. Shérylle me proposa même de venir dîner avec eux ce soir, mais j'ai préféré décliner comme j'avais encore plus hâte de rentrer pour appeler Zlatan comme je l'avais prévu. « Peut-être une autre fois » qu'on s'est dit avant de se dire au revoir. Sur le chemin du retour, je ne pouvais pas m'empêcher de sourire à l'idée de m'être rabiboché avec ma vieille amie. C'est que je suis dans une période aussi ou... disons que je suis heureux de voir que j'ai encore quelques allié.e.s, surtout après mon fameux repas de famille où j'ai annoncé que j'adoptais. Je suis d'ailleurs décidé à le dire à mon partenaire ce soir aussi. Je sais que j'aurais du le faire avant et je ne sais pas comment il va le prendre, mais... bon, c'est important, je ne peux pas le laisser dans l'ignorance plus longtemps, comme si je mentais par omission, même si je ne peux pas m'empêcher de partir du fait que personne n'approuverait mes choix. Enfin, ce n'est pas vraiment une excuse. S'il faut, je laisserais Zlatan y réfléchir et... bref, il faut que j'assume.

Malgré ma fatigue constante et ma peur de l'inconnu, je sens que cette année à venir va m'apporter beaucoup. Du moins, je veux apprendre et avancer. C'est cliché de la dire ainsi et plus facile à dire qu'à faire, mais, pour une fois, je n'ai pas l'impression que l'avenir soit tracés par des facteurs extérieurs à mon bon vouloir. Et aussi effrayant que cela soit, ce n'est pas si désagréable.
Zazambes - Novembre 2024
Lionel Roque-Lartigue
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Dim 9 Fév 2020 - 15:25
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Lionel Roque-Lartigue

Family issues - Partie 3


/!/ TW : ça parle un peu d'abus familiaux, d'homophobie internalisée et de masculinité toxique, comme d'hab /!/
L'OS est en deux posts car j'ai trop écrit déso pas déso



Novembre 2024 - Unys

Je n'ai aucune foutue idée de ce qui se passe dans cette série que je ne suis qu'à moitié en parlant avec Lionel et en grattant la tête de Peanut Butter qui n'est, pour une fois, pas en train de déchiqueter un rouleau de PQ. Enfin, peut-être que c'est le matin, le café qui font que je suis bien plus concentré sur les commentaires mignons de Lio sur le design des aliens de Discovery (car il aime définitivement un peu trop les aliens, je ne vais pas juger plus il y a de bras plus on s'amuse mis, bref). C'est une habitude qu'on a pris de se prévoir des moments où on peut se parler en visio tout en regardant une série qu'on démarre en même temps (enfin, on essaie, mais avec le décalage c'est pas évident d'être parfaitement synchrones). Finalement on passe plus de temps à parler plus qu'à suivre la série, comme si on passait un moment, soirée ou matinée comme les autres ensemble. Je vois que pendant qu'il regarde la série, le coordinateur est comme d'habitude sur sa tablette en même temps. Il est surpris lorsqu'il y a une explosion et de la bagarre dans la série et lève la tête pour me demander ce qu'il vient de se passer. Comme j'étais un peu ailleurs je n'ai pas vraiment su lui expliquer. Faut dire que j'en suis encore à essayer de repérer qui est qui avec mes souvenirs un peu pauvres de ce que j'avais vu des séries précédentes il y a de ça bien longtemps.

« Comment ça, tu comprends pas ? Je croyais que tu avais vu Star Trek ?! »

Du coup, l'autre idiot me taquine. Même avec le décalage du son et un peu de l'image en vidéo je peux percevoir un peu l'étincelle roublarde qu'il a dans son regard dans ce genre de moments.

« Ouais, j'avais 20 ans à l'époque... »

Marmonnais-je en descendant un peu ma tasse de café, sans me méfier assez du fait que Lionel va évidemment sauter sur l'occasion pour...

« Parce que tu es vieux ! »


Pour me traiter de fossile, voilà.

« Pfff. Ass. »


Je roule des yeux en rétorquant avec une certaine ironie. Lionel se contente d'un petit sourire puis je le voix retourner à sa tablette. Il n'a pas l'air vraiment intéressé par la série, même si je sais qu'il est toujours en train de faire plusieurs choses en même temps. M'enfin, il a l'air ailleurs depuis qu'on a commencé à causer, peut-être qu'il est juste fatigué, ça ne serais pas étonnant. J'espère dans tous les cas que ce n'est pas que je viens de dire.

« Ça va ? »
« Hein ? »


Il est définitivement pas trop « là ». Je ne lui en veux pas mais je serais un peu blasé qu'il se force pour moi.

« Rien, t'as pas l'air dans la série, normalement tu... »
« Hm... non, non, ça va. »


Je le trouve drôlement sec si comme il le dit « ça va »... Je ne dis rien dans un premier temps mais je le vois qui évite de me regarder dans son écran tandis que je l'observe en arquant un sourcil. Ça ne me fais pas spécialement plaisir de lui rentrer dans le lard mais si je le dorlotte on est partis pour deux heures de « t'es sûr que ça va ? » « mais euh oui » « mais euh vraiment ? » « mais oui non mais oh rohlalala pff ça va très bien comme tu vois ». Je sais que ce n'est pas vraiment moi le mieux placé pour faire le moindre commentaire quand d'autres personnes ont tendance à tourner autour du pot, m'enfin... bref, euh, c'est pas de moi qu'on parle, là, de toute façon.

« Tu mens, là. »


Finis-je par affirmer sans durcir mon ton. Le bleu semble piqué au vif et croise les bras après avoir posé sa tablette. Il fait mine de regarder la série, maintenant.

« Ce n'est pas très important. »
« Lio. »


Pas très important, hein. Tellement pas important qu'il ne dit soudainement plus rien et regarde son écran d'un œil un peu vide.

« Ça peut attendre, je ne veux pas... »

« pas casser l'ambiance », hein ? Il dit toujours ça quand il se sent mal, à force, je pourrais finir sa phrase, dans ce genre de contexte. Tout d'un coup, la série lui semble bien plus fascinante on dirait. Je sais qu'il est un peu trop fan du design des aliens de l'équipage mais clairement, là c'est pas les martiens qui l’intéressent. Enfin, laissons les Klingons et les androides en dehors de ça pour le moment, car je ne pense pas que nier qu'il y a quelque chose qui va mal va vraiment améliorer l'ambiance.

« Si tu dis rien tu crois que ça te remontera le moral ? »

Bon, d'accord, peut-être que je devrais arrêter de me comporter comme un monsieur je-sais-tout. M'enfin, il est habitué à ne pas être trop dorlotté avec moi... si ça le dérangeait, je ne pense pas qu'il serait sorti avec moi en premier lieu, après que je l'aie remis à sa place à plusieurs reprises. D'ailleurs, je sais bien que les conneries qu'il raconte sont souvent des choses qu'il a entendu à répétition qu'il n'a jamais remises en question, mais ça ne change pas le problème. Même s'il fait beaucoup de « muhuhu » et de « maiiis-euh » quand on le remet à sa place pour la forme, je ne crois pas que ça l'empêche de réfléchir à ses propos pour autant. C'est juste que comme on dit c'est des « baby steps ». Au moins je ne risque pas d'être trop à la ramasse car je suis du genre lent aussi. Héhé. Arhem.

« … mais... »

C'est à lui de décider s'il a envie d'en parler, à la fin, je ne vais pas le forcer. J'avais mis la série sur pause et je n'ai plus grand chose à faire de ce que je regarde, maintenant, si ce n'est la mine de Lio qui n'a pas l'air jouasse. Je commence à m’inquiéter tandis que le silence s'allonge. Je me prépare à faire une remarque débile pour détendre l'ambiance mais, finalement...

« C'est... enfin, je suis allé manger chez mes parents l'autre jour. »

Ça m'aurait étonné que ce ne soit pas encore en rapport avec ses parents. Je ne sais pas si c'est à cause de mon ancien job ou si je me fais des idées mais j'ai un sale pressentiment dès que la conversation va vers le sujet de la famille, avec lui. Lionel adore entendre des histoires de famille mais quand il s'agit des siennes, je le sens toujours complètement bloqué. Pas la peine d'avoir exercé comme psy pendant 20 ans pour se dire que c'est pas bon signe, ce type d'évitement systématique couplé à une manie de nier en bloc.

« Et ça s'est mal passé ? »


Qu'il me pardonne de faire des conclusions hâtives, mais vu sa tronche, je n'ai pas l'impression qu'il va m'annoncer quelque chose de joyeux. Je ne sais pas s'il se détend où si c'est encore pire pour lui après ma question, mais le bleu finit par soupirer et se masse le bras en me répondant.

« Pire que d'habitude. »


Oh, super, donc si « d'habitude » c'est déjà pas la joie, ça veut dire qu'il doit pas souvent y aller par plaisir.

« J'ai annoncé quelque chose que... enfin, je ne te l'ai même pas dit non plus, donc c'est un peu la honte que... »


« C'est un peu la honte », mais il s'entend parler, là ? A l'entendre il n'y a que les gamins qui ont de bonne raisons d'être parfois mal à l'aise ou même de ne pas toujours être en mesure d'être transparent sur tous ses faits et gestes. Encore une fois l'entendre parler ainsi n'est pas rassurant et je dois vraiment me faire des idées... mais ça a l'air normal pour lui de s'infantiliser au moindre inconfort et de ne prendre aucun risque parce que sinon, il se ferait taper dessus ou... bon, peut-être pas taper dessus, mais on pige l'idée (quoique du peu que j'en sans sur son père je vais pas m'avancer, mais, bref). Et à part ça... qu'est-ce qu'il va me sortir qui le mette dans cet état, c'était quoi cette annonce pour qu'il ait l'air d’appréhender ainsi ?

« J'ai commencé une procédure d'adoption. Enfin je... j'y pensais depuis un bout de temps même avant de te connaître ! Et... enfin, la vérité c'est que j'ai commencé les procédures début septembre et puis... Je n'ai pas osé te le dire car je ne voulais pas que tu te dises que... enfin, que tu te sentes concerné ou... bref, tu vois. »

Ah. Ah ouais d'accord. C'est pas vraiment à ça que je m'attendais c'est... je tombe des nues. Je sais que Lio adore les enfants et je ne sais pas pourquoi je n'ai jamais trop pensé à demander pourquoi lui n'en avait pas. Je crois que par défaut, j'ai supposé que c'est parce qu'il était occupé avec son travail entre autres explications banales. M'enfin, c'est bizarre qu'il ne m'ait jamais mentionné ce projet, quand même... ce n'est pas juste un détail. Je ne donnerais aucune leçon de parentalité et je pense qu'il est largement conscient du fait qu'adopter un enfant marquera des changements assez radicaux dans ses habitudes. Mais, justement. Je sais que l'idée n'est pas de me piéger dans un truc de « ah bah vu qu'on est ensemble tu adoptes avec moi, alors ? »... et ça n'est pas quelque chose qui me gêne qu'il ait un gamin, mais, dans le cas où on habiterait ensemble un jour, ce serait à... enfin, pas qu'on ait parlé de vivre ensemble ou rien, hein ! On est très bien chacun de notre côté et-- bref ! Je veux juste dire que ce n'est pas rien.

Je me mets à tergiverser sans répondre. Plus longtemps que je ne l'aurais cru. J'essaie de faire un parallèle avec une situation où j'aurais connu Lionel alors qu'il aurait déjà un enfant. J'aimerais dire que ça n'aurait rien changé pour moi mais... Non, je ne peux pas juste faire comme si ça ne changeait rien. Une adoption ça prend du temps, ce n'est pas comme s'il se retrouvait avec un enfant à élever du jour au lendemain, mais, ça veut dire que c'est envisagé très sérieusement. Je ne sais pas quelle est la politique enolianne à cet égard, mais Lionel doit se projetter dans l'idée qu'il aura cette autorisation d'adopter un jour ou l'autre. J'étais encore chez lui régulièrement quand il a envoyé les papiers, ce n'est pas pour être suspicieux, mais je ne demande quand même pourquoi il ne m'en a pas parlé à ce moment là.

« Pardon, je... je suis désolé, je sais que j'aurais du t'en parler avant... »


J'entends ses excuses et je suis toujours aussi décontenancé. Et aussi soudainement un peu insécure.

« Euh, je.... non, enfin, ça fait bizarre, quoi, que tu l'annonces comme ça. »


Ce n'est jamais très réjouissant quand on nous cache des choses. Je suis une commère et j'aime bien savoir les trucs avant tout le monde malgré moi. Mais là, ce n'est pas que ça. Je veux bien me dire qu'il avait des bonnes raisons de craindre les remontrances de son entourage, du peu que j'en sais, il a l'habitude des réactions méprisantes chaque fois qu'il prend une décision par lui-même. Mais je ne suis pas comme eux. J'espère qu'il le sait, que jamais je ne me permettrais de décider de ce qui est bon pour lui à sa place ! Après mes dernières paroles, Lionel a baissé les yeux et a l'air de se sentir coupable. Je ne sais pas quoi dire.

« C'est... enfin, I mean, c'est ta vie. M'enfin, on parle pas juste d'un détail random. »


J'imagine que je suis quand même un peu blessé, au final. Je flippe légèrement, en fait. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que je me suis monté la tête, que Lionel avait autre chose de prévu en ce qui concerne notre relation, pas parce qu'on me mettrait sur le dos des responsabilités, non... je veux dire, si on a décidé de rester ensemble avec la distance, c'est bien parce qu'on a un bon feeling ensemble et qu'on voudrait que ça s'inscrive dans la durée. Ce n'est pas incompatible avec ce qu'il vient de m'annoncer, mais c'est une donnée de prime importance qu'il faut prendre en compte.

« J'peux pas faire comme si ça changeait rien pour moi. C'est... »

Je sens que je tourne autour du pot. Je me mord la lèvre inférieure et finis par cracher le morceau.

« Enfin, euh, tu... tu peux me faire confiance, quoi, pour ces trucs-là, je vais pas réagir mal. »

Le coordinateur pince les lèvres et hoche la tête, plaidant coupable sans le dire. Il y a un nouveau silence. Il est très bref mais j'ai l'impression qu'il dure trop longtemps.

« Je... j'ai envie de... d'être avec toi. Donc, avec ce genre de trucs importants c'est pas... tu peux pas juste rien dire. »


Je me sens nul en entendant ma voix qui s’affole sans que je puisse me contrôler. J'ai l'air de quoi, là, à faire l'hystérique fragile au lieu d'encaisser comme un hom-- Non, non, ce genre de conneries, on avait dit qu'on oubliait. Je me dis que je suis en train de lui faire un caprice comme le dernier des partenaires toxiques à la moindre petite insécurité.

« Désolé, je... ça ne change rien au fait que je veux être avec toi. Je pensais que ça suffirait de me dire que comme c'est juste mes affaires, ça ne te concernait pas vraiment, mais... pardon, je n'ai pas pensé à me mettre à ta place. »

Je le sens sincère mais je baisse quand même les yeux. C'est con que je me mette dans un état pareil pour faire la leçon comme ça quand je suis clairement pas mieux. Je l'ai fait se sentir encore plus mal, maintenant, bravo, quel débile.

« Si tu veux y réfléchir, je... »

Je retrousse les lèvres et regarde sur le côté. Effectivement, j'aurais éventuellement besoin de réfléchir à ce que « petit détail » va changer pour Lionel et moi. Surtout pour lui, mais, s'il adopte dans un an ou deux et qu'on est encore ensemble je ne pourrais pas faire comme s'il n'avait pas d'enfant... quoique... à part qu'il ne vivra plus seul, qu'est-ce que ça change, concrètement... ? Il peut être parent sans que je sois inclus dans ce processus et ça n'a jamais été son plan, pourrait-on se dire. Je me détend un peu même si je suis toujours fébrile. Il a vraiment l'air de ne pas avoir pensé à mal.

« C'est pas grave c'est... mais, ou-ouais, jdois me faire à la news. »

Le coup de la surprise passé, je me sens bête de m'être remonté comme ça. On pourrait aussi dire qu'il ne m'est venu l'idée de poser la question quand on s'est mis ensemble, au sujet des enfants... Ce n'est pas spontané chez moi qui n'ait jamais voulu en avoir (et Julianne ne me voit pas comme son père ce qui est logique). En même temps, je crois que je me suis dit, dans ma brillante perspicacité (non) que « rooooh bah euh oui on est deux mecs pourquoi on parlerait de trucs de couple et de gamins ?! hurrr huuuuurrrr »... huh. Probablement que Lionel a pensé un peu pareil en fait, maintenant que j'y pense, il dit souvent « c'est pas parce qu'on est deux hommes qu'on ne peut pas... » mais des fois il est tout aussi mauvais que moi pour appliquer nos bonnes résolutions. Avec les sales habitudes qu'on a pris des relation hétéros ça expliquerait qu'on soit partis avec la manie de laisser la change de ces discussions à nos ex-partenaires et en l’occurrence, nos ex-compagnes... oh, merde. Quelle bande de cons, je vous jure.  Je me pince l'arrête du nez en grognant. Nous sommes deux adultes, rien que ça, ça devrait induire de mettre ce type de sujet sur la table. Enfin. Il y a certainement pleins d'explications, mais ça change pas que ne pas avoir été mis au courant de l'adoption de Lionel m'a refroidi sur le coup. Mais en même temps... si je commence à faire des remarques quand Lio fait de l'omission par peur de mal faire, alors l'hopital, la charité, tout ça. Le mal est fait, maintenant. Je souffle du nez et laisse mes épaules retomber.

« M'enfin... si j'avais été à ta place, j'aurais pas mieux géré la situation. So, euh, sorry. C'tait lame d'être cassant comme ça. »

Je pourrais reprocher tant que je veux à Lio de mentir par omission mais moi et l'évitement (surtout avec ce type de sujets), ça fait 36. A sa place... j'aurais été capable de partir du principe que jamais il n'aurait accepté mon choix, de me détester pour mes mensonges et juste partir sans rien dire. Tu parles d'une manière saine d'affronter la moindre difficulté.

« Hm... il faut vraiment qu'on se parle des choses importantes, hein. »

No shit. Je réponds en opinant de manière appuyée. C'est pas vraiment inutile de me le faire remarquer. Des « choses importantes », hein. Je peux faire des reproches à Lionel mais, je suis plus du genre à me faire passer en dernier dans mes relations, c'est d'ailleurs souvent ce qui mettait fin à ces dernières. Enfin, je me souviens souvent qu'on me reprochait de ne pas être transparent sur ce que je voulais et d'attendre que les choses se fassent. Et c'est vrai, hein, la preuve, ces derniers temps c'est bien ce qui me gêne et pas seulement avec Lionel, c'est que je me dis que ce que je projette pour moi, dans ma vie, ça n'a pas vraiment d'importance et ça ne change rien et la plupart du temps j'ai aucune idée de ce que je veux... ? Enfin, bref, ça me déprime, tout ça, je vais peut-être retourner voir le psy, hein, il en reste, de la merde à trier. En attendant, je préfère revenir à notre sujet de conversation initial, sans toutefois perdre de vue ce qu'on vient de se dire.

« Huh, tes parents... y ont réagi comment ? »

Il faut un petit moment à Lionel pour comprendre que je parle de sa mésaventure avec sa famille. Il retrousse les lèvres d'un air dépité avant de répondre.

« Bah, mal, bien sûr. »

Il semble hésiter à me faire part de la suite.

« Ils veulent me trouver une copine maintenant... tu sais, parce que seul, je ne peux pas être un bon parent à leurs yeux, hahah. Ou alors je suis parano et j'exagère quand j’interprète leurs réactions, mais... »


Ah. Et après on s'étonne qu'il ne veuille en parler à personne et qu'il tienne à rester dans le placard, tiens. « Quelle bande de connards », ai-je envie de rétorquer en me crispant. Mais je m’abstiens car je ne crois pas que cela fasse avancer grand chose. Ça me me fout en rogne mais je suis surtout peiné pour mon partenaire. J'aimerais mieux pouvoir le tenir dans mes bras que juste écouter sa voix sortir de l'ordinateur sans rien pouvoir faire. Lionel est encore à un stade où il se sent obligé de nuancer et de justifier quand il parle de sa famille... quand quelqu'un essaie de tout faire pour éviter d'associer le mot « violent » à un de ses parents, généralement, c'est qu'il y a un soucis. M'enfin, vu sa tête, il se rend bien compte que tout ça n'est pas normal et qu'il ne devrait pas se sentir si mal suite à une telle annonce. Plus que le fait que ça me brûle pas mal à chaque fois que Lionel me révèle des choses sur sa famille, ce type de réflexion me rappelle des mauvais souvenirs. Disons juste que des commentaires pareils, de la part de mon grand-père, on en a bouffé, Helène et moi. Je ne vais pas me mettre à les insulter car je me doute que Lio ne doit pas oser en parler souvent et donc, il se braquerait, mais je n'en pense pas moins. Je crois aussi que mon partenaire aurait besoin de parler de tout ça à un.e spécialiste. Il a beau être de bonne volonté et fait des efforts pour se sortir de tout ça, sans aide et sans savoir ce qui lui arrive ni où il va, il risque de s'épuiser tout seul.

« Enfin, pardon de t'ennuyer avec ça. C'est un peu ridicule, je sais. »

Je soupire. Il dit toujours ça, à force... on dirait moi quand je ne veux absolument pas qu'on apprécie la moindre de mes qualités sous prétexte que je vais de toute manière tout gâcher à un moment où à un autre.

« Non. Je comprends pourquoi tu as hésité à me dire. Je suis... I mean, j'ai de la peine pour toi. »


Je ne sais pas bien comment mieux lui remonter le moral de là où je suis. Ce que je lui dis est sûrement un peu plan-plan mais au moins c'est sincère.

« J'aimerais vraiment t'avoir dans mes bras pour... I miss, euh, tu me manques et tu m'inquiète m-mais... tu penses à toi, c'est cool. »
« Oh... Désolé. »
« Hein ? No ! »


Qu'est-ce qu'il me dit, là ? Il le sait, que je m'inquiète pour rien. Enfin, pas pour rien, car j'ai pas envie qu'il mette en danger sa santé à cause de ses histoires de famille et son travail, c'est tout. Déjà que le fait qu'il soit flic ne me rassure pas pour sa santé mentale et physique... sans parler de ces histoires de Monarchistes et de leur île pleine de Pokémon dangereux... bref. Oui, je vais m'inquièter pour lui, il n'y pourra rien, mais il faut aussi que je garde à l'esprit qu'au niveau de ses déplacements sur le terrain, il doit savoir ce qu'il fait mieux que moi. Accessoirement, je dois aussi penser à moi et à ce que je veux, aussi complexe que cela en ait l'air ces derniers temps et avec les obstacles que je m'impose en niant certains de mes désirs.

« Hé, euh, j'sais que là c'est compliqué financièrement mais ça va être super cool de te voir en décembre et après ça, bah, je pourrais venir chez toi. »
« Ne te ruines pas pour ça ! »


Je lève les yeux au ciel. Je suis assez grand pour savoir quoi faire de mon fric...

« Oh, jeez, tu veux pas que je vienne te voir, alors ? »
« Roh, mais si ! »


Je ricane tandis que Lionel gonfle les joues en m'observant. Je soupire et on échange un sourire pendant un silence de quelques longues secondes.

« Y'know, quand j'dis "venir te voir" c'est pas juste... »

Cette conversation n'est pas uniquement difficile à cause de l'histoire de l'adoption ou de la distance, mais aussi car quand je dis « je veux être avec toi », ce crois que... j'ai beau me la jouer pragmatique et raisonnable, à quoi ça sert d'être logique avec les sentiments ? Je sais que c'est encore une de ces conneries de masculinité toxique derrière laquelle je me cache pour... j'aimerais bien savoir pourquoi, en fait... mais, ma frustration vient aussi du fait que je veux être avec Lio, retourner sur Enola et, peut-être, avoir une vie où je serais près de lui. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que c'est trop con et que je fais juste la midinette qui rêve en couleurs, m'enfin... c'est humain, non... ?

« Enfin, j'aimerais, bien... enfin... vivre pas loin de toi, t-tu vois, quoi. »

Je n'ose plus regarder l'écran et je sens mes oreilles surchauffer. Je ne m'imagine pas vivre avec lui après seulement quelque mois, mais la distance ne me satisfera pas sur la longueur. Je veux être avec Lionel quand il traverse cette période importante de sa vie, durant ces changements qui affectent aussi beaucoup la mienne... Si je suis resté si longtemps en « vacances », n'étais-ce pas parce que j'avais besoin de ce changement ? Évidemment, je veux aussi être là pour ma mère, mais... l'idée que ce serait impossible de concillier les deux, c'est plutôt quelque chose dont je me suis persuadé seul, non ? Plus les semaines passent, plus je commence à m'imaginer que ce n'est peut-être pas incompatible.  

« Oh... c'est vrai ? »

J'opine en sentant que je suis toujours aussi rouge. Quand j'ose à nouveau regarder l'écran, je vois Lionel qui me sourie, visiblement touché par mes propos.

« Ça me fait plaisir... tu me manque aussi beaucoup. »

Je lui renvoie son sourire. Ma gorge se serre mais je sens aussi ma poitrine se réchauffer. La fin du mois de décembre me paraît très loin et je n'en peux déjà plus d'attendre mais je l'anticipe avec moins de frustration, déjà. Bizarre, c'est comme si s'asseoir pour parler aidait réellement à débloquer des choses et à y voir plus clair dans notre relation. Duh. On a l'air malins à se regarder dans le blanc des yeux alors que c'est juste un écran. Peu importe, hein. D'ailleurs, je suis déconcentré lorsque l'image bug et freeze l'espace de quelques secondes, c'est awkward et je regarde alors l'heure. Il doit commencer à être tard chez Lio, je vais peut-être lui proposer de continuer la soirée en s'envoyant simplement des messages.

« Tu ne trouves pas ça... absurde, que je veuille adopter ? Enfin, j'ai dit beaucoup de bêtises à ce sujet alors que... »


Au moment où j'allais ouvrir la bouche, mon copain me pose une drôle de question et je ne sais pas ce qu'il veut que je lui réponde. M'ouais. Bon. Quand j'étais petit je disais que les épinards c'était dégueulasse et pourtant, maintenant, je mange des épinards. C'est pas parce que je disais du mal des épinards au point de faire des crises à 7 ans que je ne devrais plus pouvoir en manger maintenant. J'ai grandi et j'ai mis mes préjugés au sujet des épinards de côté et depuis je les déteste pu, m'voyez ? Cette analogie commence à être lourde. Vanne à part, je crois comprendre ce a quoi Lio fait allusion mais je ne vois pas en quoi ça devrait le retenir de faire ce qu'il veut, maintenant qu'il a conscience des conneries qu'il a pu prononcer. Il s'en rend compte, que ce qu'il disait de stupide au sujet de l'adoption, ça n'était que des choses qu'il entendait un peu trop souvent de la part de son entourage depuis qu'il est enfant. Si Lio n'en avait pas un peu conscience, alors il n'envisagerait pas des changements plutôt radicaux dans sa vie.

« Je sais pas si j'ai vraiment le droit alors que j'ai dit des choses horribles... »
« Roh, arrêtes. Tu fais ce que tu veux. »


J'hausse les épaules. Il se trouve des excuses pour se rétracter car il a peur des réactions d'autres personnes, là. Il peut tourner en rond très longtemps, de cette manière. A part l'encourager je ne sais pas trop ce que je peux lui dire de plus.

« Par contre, t'as déjà pensé à consulter un psy ? C'est obviously pas facile pour toi, en ce moment, so... »


Je crois que je l'ai un peu pris de court. Lionel, qui était en pleine réflexion se mit à bafouiller à l'évocation d'une éventuelle thérapie.

« Euh... bah... Je... je sais pas, c'est... »

J'ai été assez maladroit. Je voulais juste lui suggérer, pour essayer de dépasser sa peur irraisonnée de déplaire et les blocages que cela entraîne, de chercher de l'aide chez des gens formés pour discuter de ce type de soucis. Il se doute que je ne veux pas dire qu'il a forcement des problèmes psychologiques qui me gêneraient... enfin, j'espère que ce n'est pas comme ça qu'il l'interprête.

« J'imagine que je devrais, au lieu de t'embêter avec tout ça et de te prendre pour mon psychanaliste. »

M'ouais, c'était trop direct. M'enfin, je vois pas le rapport, il a bien le droit de me parler de ses problèmes. Je ne suis pas doué avec les mots mais si je peux un peu le réconforter et lui faire comprendre qu'il trouvera toujours des personnes pour l'écouter sans le juger ou minimiser ses problèmes, alors...

« Ouais, jeez, on a parlé a peine 10 minutes de tes problèmes familiaux, c'est pas comparable à une consultation chez le psy, hein. »

Surtout que d'après ce qu'il m'a dit, c'est nouveau qu'il ose s'ouvrir aux autres à ce sujet. Cependant ce n'était peut-être pas très délicat de parler de psy comme ça, sans prendre de pincettes. Mais, pourtant, passé le coup de la surprise, Lionel semble bien le prendre et se remet à réfléchir à voix haute.

« Haha... je n'en sais vraiment rien, je n'ai jamais osé... mais, c'est vrai. »
Il soupire et détend enfin ses épaules. Il a l'air fatigué en admettant tout ça. « J'imagine que c'est assez récent que... enfin, que j'admette que j'ai effectivement quelques soucis. »

On lui aussi sûrement fait croire que dans tous les cas, c'était lui le souci. Lui ou le fait qu'il ne soit pas d'accord ou qu'il ait une certaine sensibilité qui ne passe pas bien en public. Et quand je dis « sensibilité »... c'est pas juste qu'il est « un peu sensible » et qu'il est « un peu mal à l'aise quand il ne peut pas suivre son planning prévu », pour reprendre ses propos, m'voyez. Bon, je suis pas psychiatre (j'aurais bien aimé mais les études de médecine, toujours très peu pour moi), mais je crois qu'un spécialiste aurait des choses à annoncer à Lionel et peut-être des test à lui faire passer qui donneraient réponse à quelques unes de ses questions. Évidemment, peut-être pas tout de suite comme il en a gros sur la patate, déjà, mais si les choses se passent bien s'il commence une thérapie, ça devrait aller. Enfin, j'espère. Je ne connais pas Lionel depuis si longtemps et je suis clairement plus indulgent envers les bêtises qu'il peut dire pour ça et aussi parce que je l'aime et qu'en étant proche de lui, je vois qu'il fait de réels efforts et veut sincèrement changer et s'en sortir. Je trouve ça un peu étrange de dire que cela me rend fier de lui, en quelque sorte... ça sonne peut-être maternant, maintenant que j'y pense, mais je ne sais pas comment le dire d'une autre manière. Je me réjouis qu'il aille de l'avant comme ça et je dois dire que ça m'influence positivement aussi.

« Je t'aime. »

Oui, c'est bien aussi. Erh, j'aimerais vraiment pouvoir l'embrasser, vu comme il me sourie en retour. Plus que quelques semaines et ça redeviendra possible. Les moments où on pouvait pas laisser le moindre courant d'air passer entre nous lorsqu'on pouvait se voir souvent me manquent vraiment beaucoup, là. Bref, on va pas épiloguer des heures sur le sujet et je vous assure que non, nous n'avons absolument pas échangé des « I love you too je t'aime huhu » cringy avant de mettre fin à l'appel vidéo et de continuer à nous envoyer des textos.

Unys - Novembre 2024
Lionel Roque-Lartigue
Lionel Roque-Lartigue
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Dim 9 Fév 2020 - 15:49
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