Il y a des soirées comme ça, où on se fait un peu chier. Voyez, entre la prise de son ratée et à refaire, ainsi que le logiciel de montage qui persiste à foirer, je perds un peu patience. J'aimerais être ailleurs un samedi soir – d'ailleurs j'ai refusé une sortie avec des potes pour terminer ça à temps pour le weekend – mais ça ne se terminera pas tout seul, contrairement à ce qu'on pourrait croire. C'est comme ça, si je veux continuer à faire marcher la chaîne, je dois tenir deux streams publiés par semaine, déjà que j'ai le droit à des remarques dès que je prends un peu plus de temps... Je soupire. Au moins, la véranda est un endroit sympathique pour faire ça, avec l'air frais qui me chatouille le visage et me tient éveillée, malgré la jalousie que je ressens en voyant que tous mes camarades sont de sortie, et donc indisponibles pour discuter et m'occuper. J'avoue que ça me fatigue un peu : j'aime toujours les streams, hein, mais des fois c'est juste... Mais mince, quoi, ça fait un bon trois heures que je suis là dessus. Et puisque papa est parti rendre visite à Isaac ce soir, je suis seule à la maison, Morgane étant couchée depuis un bail déjà. La seule personne qui m'accompagne, aujourd'hui, c'est Totoro le Goinfrex.
Mon seul réconfort, c'est que le samedi, j'ai le droit à toutes les cochonneries que je veux, alors j'ai été acheter un sceau d'oignons frits dehors pour les grignoter devant mon ordinateur après les avoir éhontément trempé dans de la sauce marinara épicée. C'est plus par besoin de calmer mon anxiété que par vraie envie de manger que je me sustante, actuellement. Mais cela risque de devenir difficile, puisque Totoro continue de trépigner sur mes genoux. Je souffle d'un air exaspéré et lui envoie un regard blasé.
« Toto, t'es lourd... »
Pas juste objectivement, hein. Le souci d'aujourd'hui, voyez-vous, c'est qu'il est pénible. Faut dire que ça fait une heure que je devrais lui avoir donné à manger, et que je répète que je le rejoindrai plus tard. Il perd patience, et moi aussi, en fait, car je n'ai pas envie d'être là. Le pire, d'ailleurs, c'est qu'il se met à tripoter mon sceau d'oignons frits, un air gourmand sur son visage, alors qu'il se lèche les babines d'avance. Ah non ! Je chasse sa main vivement, et lui offre un regard ferme.
« Mais ! J'ai dit que je te nourrirais un peu, sois patient ! Pis t'arrêtes pas de grossir, ces temps-ci, gourmand ! »
C'est vrai, en plus. Si il mangeait déjà beaucoup avant, ce qui est normal pour un Goinfrex, j'ai la sensation bizarre que cela s'aggrave depuis quelques jours, et ce pour le malheur de mon argent de poche et des friandises qu'il ne cesse de me chipper. Et puisque je tiens à mes cochonneries durant les soirées montage, je n'ai pas envie de lui laisser celles-ci. Je dois tirer un peu pour garder le sceau avec moi, mais il insiste, le bougre. Je sens bien à son expression joueuse qu'il veut en profiter pour avoir mon attention et faire deux pierres d'un coup, mais je ne compte pas me laisser faire. Alors j'insiste, et lui aussi, et nous nous retrouvons
« Drah, non, Toto, lâche-moi ! Non, Toto, c'est mes oignons frits ! »
Il tente de s'enfuir vers l'avant et marche sur mon clavier, le pauvre, mais je ne compte pas le laisser partir. Nous nous bousculons tellement que j'en chute de la chaise, tombant sur le carrelage. et j'échoue à récupérer mon précieux, surtout quand il me mord la main et me fait pousser un piaillement de douleur. Mon dieu mais qu'il est têtu, quand ça concerne la nourriture, ce sale petit voleur ! Je grogne comme je le peux, mais un pouffement m'échappe lorsque je me rends compte que nous roulons comme des gros bêtas, et qu'il se débat d'une manière très rigolote en dessous de moi. Il me chatouille les aisselle et, en piaffant stupidement, je tente de m'échapper, mais il me monte sur le dos.
C'est lorsqu'il m'ébouriffe les cheveux que je rigole alors sans trop de retenue. Je l'entends machouiller ma nourriture, mais ses grosses fesses m'empêchent de me relever. Lassée, je feins de tenter de l'arrêter, mais c'est trop tard, et je le sais. Grmbl, qu'il est pénible... Mais bon, c'est aussi un peu de ma faute, je n'avais qu'à le nourrir avant, je suppose. Et vu les geignements satisfaits qu'il pousse, il avait plus besoin de cette graisse que ma pauvre personne. Si je soupire un peu, ayant hâte qu'il termine car mine de rien il est lourd, le pépère, je fronce de plus en plus les sourcils. Dites, c'est moi où il grossit en live, là... ? Je sais que c'est gras, la friture, mais quand m--
Oh non. Il est en train d'évoluer sur mon dos, le... !
Je m'esquive très, très rapidement et m'écrase sur le gazon mouillé alors que le corps du Goinfrex se met effectivement à grandir. Il prend en poids, énormément, plus que d'habitude je veux dire, et j'ouvre de très grands yeux impressionnés devant la taille de son corps. Le Ronflex qui se tient devant moi avec un sourire très bête m'observe avec un air heureux. Je ne peux m'empêcher de faire un commentaire.
« La vaaaache ! T'es grand, Toto ! »
Puis, alors que je m'apprêtais à lui faire un câlin, il... Il me rote dessus. J'esquisse une moue des plus dégoûtée en me reculant brusquement, dégoûtée par l'odeur affreuse qui m'aggresse les narines, et quelque peu agacée par son comportement. Je lui offre une mine un peu coléreuse alors que je m'éloigne.
« Mais sale bêêêête ! »
Il glousse bêtement, ce gros cochon, et je soupire d'un air exaspéré. En m'asseyant de nouveau sur la chaise de la table, je reconcentre mon attention sur mon objet de travail. Je remarque alors, avec une crainte grandissante, que le logiciel a disparu, remplacé par l'écran d'accueil. Paniquée, je clique désespérément sur le logiciel de montage. Il s'ouvre. Il s'ouvre. C'est-à-dire qu'il était fermé, et alors que je fouille désespérément dans mes dossiers, je pousse une série de geignements désespérés. Oh non, oh noooooon ! Effondrée, je pleurniche et jette le carton d'oignons frits vides sur la tête du Ronflex, à côté de moi.
« Tout est de ta faute, Toto ! »
Il sourit bêtement, assez peu inquiet par mes pleurnicheries puériles. Trou du cul, va.