L'Elu auto-proclamé des Monarchistes fait son entrée ! La Compétition, Elixir et le Gouvernement sont en crise et les Anarchistes demandent la démission du Chef du Conseil.
"Ou mettre 2 ans à capter un truc évident" /!\ Petit avertissement rapide avant toute chose : cet OS contient des propos de nature homophobe et touche à cette thématique. Si cela vous gêne, vous êtes donc prévenus. Ah, et petit avertissement langage, aussi.
Je me rajuste nerveusement sur ma chaise alors que, prise de surprise et sûrement embêtée qu'on lui ait coupé la parole, mon interlocuteur m'adresse un sourire sucré on ne peut plus débordant de maternalisme à peine dissimulé. De mon côté, je ne vois pas l'intérêt de lui rendre, et tapote des doigts sur mes genoux pour tenter de calmer mon malaise grandissant. Je n'ai pas envie de faire ça, sauf qu'on ne choisit pas tout ce qu'on veut faire, mais des fois, je me dis sincèrement que j'aurais peut-être dû y réfléchir davantage avant d'accepter ce rendez-vous. Ce n'est pas fréquent que j'aille rencontre les professeurs d'Axel, mais c'est elle qui a glissé un mot au petit pour demander à ce que je vienne, alors bon. Je m'étais dit qu'après des mois et des mois de silence radio, ça aurait moins le mérite de faire comprendre que je ne suis pas désintéressé, mais juste... Bon, le terme officiel va être 'occupé', mais en vrai, ça me mettait juste mal à l'aise, alors je tendais à l'éviter. Je sais que le comportement responsable aurait été de suivre tout ça plus clairement, mais... Sérieusement, c'est juste la maternelle. Personne n'a de difficultés en maternelle, non ? Enfin, du moins, dans ma conception encore très immature de la scolarité. Je me justifie de plus en plus depuis que je suis arrivé dans l'école. Déjà dans la salle d'attente, je ne parvenais pas à rester tranquille, et, exactement comme quand j'étais môme, je trifouillais plus ou moins tout ce que je trouvais pour m'occuper l'esprit. Maintenant, néanmoins, il faut que j'évite, car si ça se remarque, bah... Bah, je sais pas, ça va, merci.
« Monsieur Miyano, donc. Je suis désolée de vous déranger, je voulais dire que j'avais cru comprendre, par vos messages répétés, que vous étiez occupé, mais je vous assure que cela sera bref. »
Si ça commence par le même cinéma que lorsqu'on va se faire arracher une dent, c'est mal parti. Je garde pour moi mon commentaire, conscient que c'est à la fois puéril et à la fois contre-productif. Malgré tout, l'idée reste là: j'aimerais qu'elle en vienne à l'essentiel, au lieu de s'attarder sur les mesures de politesse que je déteste toujours autant, tant je les juge inutiles. C'est bien la raison qui fait que je déteste de manière déraisonnable et immature tout ce qui a trait de près ou de loin à des manières. J'attends qu'elle continue, toujours avec ce sourire excessivement poli et sucré qui me donne envie de retrousser mes épaules par le malaise que cela m'inspire.
« Nous allons bientôt arriver à l'entrée en cours primaire, et enfin, il va falloir décider du passage d'Axel au niveau supérieur. En temps normal, je n'aurais pas de trop grandes réticences, mais... - Mais ? »
Mon ton est neutre, désintéressé au possible, mais en vérité, j'ai senti les muscles de ma mâchoire se contracter. Je n'aime pas trop la manière avec laquelle sa voix a fluctué vers la fin, et la manière avec laquelle elle semble choisir ses mots, comme par crainte de quelque chose que j'ignore complètement. Je ne suis pas à l'aise, alors je cherche la petite bête, mais elle tourne autour de quelque chose que j'ai déjà du mal à gérer : mon filleul. C'est pour cela qu'elle m'a appelé, évidemment, et je me doute qu'il doit y avoir un souci puisque cela fait bien trois ou quatre mois qu'elle ne cesse de réclamer ma présence. Mais je ne sais pas pourquoi je me mets sur la défensive aussi rapidement, comme si je m'attendais à une mauvaise surprise. Je devrais peut-être prendre du recul, mais j'ai bien du mal, quand mon regard est ainsi fixé sur le visage de mon interlocutrice pour tenter de trouver un quelconque indice.
« Mais, disons... J'ai conscience qu'Axel a un vécu particulier, et- - Particulier ? »
Je me suis tendu tout naturellement, et je crois, devant la pause que fait l'institutrice, qu'elle sait pourquoi. Je sens ma main droite se serrer autour de ma manche, et si j'ai repris la parole assez directement, c'est justement car ce n'est pas la première fois que j'entends ça. Des assistantes sociales, des agents des affaires familiales, des gens qui croient que j'ai besoin de leurs commentaires et de leurs « conseils »... Je crois que je l'ai vécu assez de fois pour me douter de ce qui va arriver ensuite. C'est devenu ridiculement prévisible. Tellement, d'ailleurs, que je sens mon regard s'aiguiser petit à petit.
« Enfin, vous savez... Je veux dire, si l'on voit son vécu, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il soit aussi.. » - J'ai pas compris. »
Je ne l'ai pas laissé terminer. Car je sais. Je sais déjà ce qu'elle va dire. Je lui admire au moins un certain courage ; beaucoup d'autres n'osent même pas avouer le penser, ou ne serait-ce que me le dire en face, car je les entends, les murmures, les ricanements. Cela ne veut pas dire, toutefois, que je ne suis pas fatigué. Que je ne suis pas lassé de tous ces gens qui, trop perturbés dans leur petite vision étriquée et cadrée du monde, ne peuvent pas s'empêcher de recracher sur la tête d'un gamin leurs propres difficultés. Lors d'une précédente réunion parentale, j'avais dû parler plus fort plusieurs fois à mon filleul pour qu'il n'entende pas ce qui faisait serrer chacun de mes muscles. C'est devenu une habitude fatigante, exaspérante et je le crois, aussi difficile à vivre pour lui comme pour moi. Mais je veux voir si elle a le cran d'aller au bout. Si elle va oser me sortir l'horreur que je sens venir. On me dira que j'exagère, que j'en fais des caisses, mais croyez-moi quand je vous dis que l'habitude me donne rarement tort à ce propos. C'est toujours le même cinéma. Toujours les mêmes mimiques, les mêmes faux semblants de gentillesse, les mêmes airs tolérants pour cacher une saleté qu'il fait honte d'exhiber de nos jours, mais seulement quand c'est trop visible. Alors ça parlemente, ça change de ton, ça tente de de mettre du miel par dessus, comme si je ne reconnaissais pas une tartine de dégueulasserie quand je la sent tous les jours. Exactement comme à l'instant, quand elle détourne le regard et tente de passer par des phrases plus jolies pour dire quelque chose que j'ai déjà entendu des centaines de fois, dans des centaines de variantes différentes.
« Enfin, monsieur Miyano, tout de même. Vous savez très bien qu'avec un père en prison et l'absence de cellule familiale stable... Il est normal qu'il soit perturbé. »
J'esquisse à peine un rictus sardonique. Et voilà. Je sens l'implicite dans chaque fluctuation de son ton, dans son air gêné par le fait qu'elle a sûrement connaissance du fait qu'elle n'a pas suffisamment bien dissimulé ce qui lui pose vraiment souci, dans ses yeux qui s'enfuient, et dans l'agacement que je sens dans sa voix car, après tout, je sais très bien, n'est-ce pas ? Je ne devrais pas lui faire l'affront d'avoir à le dire, car je devrais avoir suffisamment honte pour ne pas la faire aller au bout de sa pensée. Ça l'arrangerait bien, en toute réalité, que je sois docile sur ce genre de choses et que j'applaudisse la moindre tentative de « politesse ». Que je me convainques que ces 'vérités', administrées comme des évidences dont je ne devrais même pas disputer la légitimité, sont indéniables. Mais non. J'ai assez entendu de ce genre de conneries dans ma famille paternelle biologique pour mordre dès lors que j'en vois la queue : c'est sans doute pour cela que je plante mon regard dans le sien, le ton acerbe, parvenant je ne sais comment à rester calme alors que l'envie de vociférer n'a pas disparue.
« Il a une cellule familiale stable en ma personne depuis deux ans. Et pour son père, il ne l'a jamais connu, alors il n'est pas traumatisé non plus, il vit très bien du moment qu'on ne le lui rappelle pas. »
Je n'ai pas vraiment envie de tourner autour du pot. Je déteste les gens qui font ça, à vrai dire, et qui persistent dans les faux semblants alors que la situation est bien claire : elle a un net souci avec la façon dont vit mon filleul, et elle pense qu'il en est traumatisé, ou perturbé. Que ses soucis sont liés à ça, forcément. Toujours les mêmes conneries.
« Oui, enfin, tout de même, vous êtes seul, et puis à votre âge... Ce serait normal que vous ayez du mal à comprendre tout ce qu'impliquer d'élever un enfant, enfin, surtout un qui n'est pas le vôtre et le petit doit le sentir, vous comprenez ? - Je me débrouille. - Mais je veux dire, au delà, enfin, votre mode de vie a suscité quelques questions chez les enfants et comprenez qu'ils soient embêtés et- »
J'enrage. Mes mains se serrent contre mes cuisses. Comme si le gamin me rejetait. La blague, alors que c'est lui qui continue de venir me chercher, de désirer mon attention et mon affection. Qu'il rejette complètement l'idée même de rencontrer son père biologique, et que le fait qu'on le mentionne fait parfois naître des crises de frustration car il ne saisit pas pourquoi il devrait être important, si il l'a abandonné, comme lui le dit. Comme si je n'avais aucune légitimité, parce que bon, après tout, je ne suis rien, n'est-ce pas ? Je ne suis qu'un gamin immature, et puisque nous ne partageons pas exactement le même sang, il serait anormal que je tente d'être ne serait-ce qu'une figure pour lui qui en a désespérément besoin. Et je... C'était ce que je pensais, ou du moins, en partie. Je pensais que je serais incapable de m'en charger. Et pour être honnête, je me sens toujours incapable de le faire. Mais pas pour ça. Pas pour ces raisons idiotes. 'Mode de vie' mon cul, oui. J'enrage toujours quand je constate quand ce genre de propos stupides persistent. Je sens quelque chose de chaud et d'acide à la fois me brûler la gorge et le ventre. Je ne sais pas trop ce que c'est. Comme si quelque chose en moi grondait de colère, mais en même temps, comme si une autre émotion, plus positive, me donnait envie de m'affirmer. Je suis.. Je suis indigné, pour une raison que j'ignore. Au delà de la discrimination évidente que je sentais déjà tout à l'heure, je ressens comme une frustration. Comme si... Je crois que... Est-ce que j'aurais envie de m'affirmer comme responsable de ce gamin ? Est-ce que j'ai vraiment envie de raffermir ma place de tuteur, d'accepter cette position que j'ai pris sans savoir si je le désirais ? Je ravale ma salive, n'écoutant plus ce qui se dit. Je réalise avec un peu de choc que peut-être que oui, en fait. Peut-être que je... Peut-être que j'aime ce gamin et que ce ne sont pas tant les attaques personnelles qui me gênent, mais le fait que l'on dise du mal de lui. Que je l'apprécie vraiment, et que je ne m'en occupe pas juste car 'il fallait que quelqu'un le fasse'. La pensée me prend de court, tellement que j'en suis sonné quelques instants. Je ne peux pas la nier, pourtant, vu l'affection qui me prend la gorge. Vu l'inquiétude que je ressens en imaginant ce qu'il a dû entendre. Qu'on parle de moi en mal, je m'en fiche. Enfin, c'est toujours insultant et exaspérant, mais qu'il soit agressé de cette façon me donne envie de vomir.
Une envie de se vomir qui se transforme en une forme de colère froide et ferme. Mon regard s'affine et je sens mes dents se serrer alors que, sans attendre aucunement, je décide de lui couper la parole.
« C'est ça, en fait, qui vous dérange. Arrêtez de noyer le poisson. »
J'avais bien compris, mais jusque là, j'osais encore assez peu me permettre de le dire expressément, sans savoir exactement ce qui m'en empêchait. Mais ce n'est plus le cas, toutefois. Mon interlocutrice paraît surprise par ma prise de parole vive, et je crois lire de l'étonnement quant à mes mots, comme si elle ne savait pas exactement ce dont je parlais. Mais moi, je le sais bien. Je ne le sais que trop bien.
« Ce n'est pas que le gamin ait du mal à écrire, le souci. C'est le fait qu'il n'ait pas une jolie petite famille 'normale' avec un 'papa' et une 'maman' biologique. Parce que vous pensez que je ne suis pas sain, et que lui non plus. »
Je comprends mieux, d'un seul coup, les questions insistantes que me rapportait Axel de son enseignante quant à la façon dont nous vivions. Quand au fait qu'il ne comprenait pas pourquoi on lui demandait aussi souvent si 'sa maman ne lui manquait pas', ou si il n'était pas triste. Le gamin ne comprend pas. Mais moi, je comprend. Et ce que je vois, c'est qu'on tente de lui faire se sentir mal pour se rassurer sur leurs conceptions nauséabondes, quitte à le mettre mal à l'aise, et à le mettre dans un tel état d'angoisse qu'il me réclame chaque matin de ne pas le déposer à l'école. Je sentais quelque chose en moi que n’identifiais pas encore à ce moment-là, mais je crois pouvoir dire maintenant que c'était de la peur, de l'inquiétude, et un peu de colère en même temps. Je me demandais qui était responsable de son état, car ce dernier m'attristait. Je n'ai pas vraiment de réponse à cette question. Ce serait idiot de croire que son enseignante est la seule responsable, vraiment. C'est plus complexe. Néanmoins, les faits sont là. On lui fait se sentir mal de quelque chose qui n'est pas honteux. Et, pour être très honnête, cela me donne envie de hurler, mais je garde mon calme, sans remarquer également que mon regard s'est fait on ne peut plus mauvais. Sentant sans doute venir le trouble, l'aînée tente de tempérer la situation, avec toujours cette même expression neutre et désintéressée, comme si elle faisait une simple constatation.
« Je ne dis pas ça, ne déformez pas mes propos, c'est juste que sans référent féminin, et puis, sur un point de vue psychologique, enfin, vous comprenez, tout de même. »
Et elle sourit. Elle sourit gentiment, en plus, persuadée de bien faire, de bien penser, de ne pas être blessante car elle ne fait que dire quelque chose dont elle est intimement persuadée. Elle cherche mon regard, comme si c'était pour reprendre un gamin en crise, un gosse qui ne comprend rien, qui ne saisit pas, et qui ferait mieux de hocher la tête en marmonnant un 'oui madame' honteux. Sauf que non. Cela fait bien une quinzaine d'années que je ne le fais plus. Les sourcils froncés, je claque de la langue avant de répliquer avec une voix particulièrement acide.
« Ce que je comprends, c'est que ça vous dérange et que vous essayez de foutre votre homophobie crasse sur des gamins qui n'en ont sans doute rien à faire jusqu'à ce que des adultes complexés en fassent tout un fromage. Mettez-vous là où je pense, votre fantasme de 'vraie famille saine'. - Monsieur Miyano ! - Quoi, j'ai tort ? Allez-y, dites moi pourquoi ça vous dérange qu'Axel ait un seul tuteur. Je vous écoute, je suis sûr que votre explication sera fournie en détails sur ma vie que vous connaissez de toute évidence mieux que moi-même. »
Je n'attends même pas de réponse, en soi. Je la connais très bien. Et je crois que j'ai réussi à la gêner, car elle s'est crispée. Je ne suis pas heureux d'en arriver là, contrairement à ce que j'aurais ressenti en étant ado, bien trop content d'avoir à répliquer. Non, là, je suis juste fatigué. Exaspéré. Ce n'est pas la première fois que j'entends ça ; même de connaissances sympathiques, des fois, et c'est alors bien pire. Mais je crois que je suis exaspéré d'entendre ce genre de conneries. Et j'ai... Je ne sais pas. Je me sens blessé, je pense. Et je n'ai pas envie de mettre ça sur le tapis. Ce n'est même pas de la colère, c'est une énorme lassitude.
« Je ne fais que veiller au bien-être de mes élèves, et Axel est un petit garçon très perturbé, alors il est normal que- - Il est normal que rien du tout. »
Je me suis relevé d'un seul coup, le regard acéré. Je crois que c'était l'instant de trop. Qu'est-ce que je fais encore ici, de toute façon ? Qu'est-ce que j'attendais ? Je me doutais déjà de ce qui allait arriver, de toute manière. J'avais une idée, mais je tempérais lâchement dans ma tête, car je n'osais pas encore m'imposer ou même dire quoi que ce soit. Toutefois, je n'en ai plus l'énergie. Je sens juste un bourdonnement brûlant dans mon ventre que je laisse s'exprimer avec une telle vigueur que j'en suis moi-même surpris. Je grogne presque.
« Foutez-lui la paix, avec son père. Axel n'est pas responsable. Si on arrêtait de l'emmerder en lui disant que quelque chose doit aller mal chez lui, il irait peut-être un peu mieux. Moi, j'en ai ras-le-cul de lui expliquer qu'il n'est pas un problème à chaque fois qu'il respire. »
Je repense à toutes ces séquences de larmes. Toutes ces angoisses, car on ne cessait de lui demander ce qui avait pu se passer pour que son père biologique ne s'occupe pas de lui, pourquoi sa mère biologique était partie à sa naissance, si il ne se sentait pas malheureux, ou si quelque chose clochait avec lui. Toutes ces fois où il répétait ce qu'il entendait de la part d'enfants ignorants et d'adultes mal dans leur peau, les yeux humides, la gorge serrée dans la crainte terrorisante qu'ils aient raison. Ces cauchemars, ces journées où, rentrant de l'école, je le sentais plus collant et plus fatigué, sans qu'il ne me dise pourtant ce qui allait mal. Certaines journées, il refusait même que je sorte de la pièce, tant il était à bout. Et je ne savais pas quoi dire. Je ne sais toujours pas quoi dire, à vrai dire. Je mentirais si je disais que je n'étais pas toujours aussi perdu. Mais il est hors de question que je laisse tous ces foutus abrutis lui faire mal, parce que... Parce que je l'aime, ce gamin. Bien trop, peut-être, pour que je me sente moi-même à l'aise avec la notion. Mais juste assez pour me rendre compte que je ne peux pas laisser ce genre d'horreurs s'infiltrer dans son esprit encore fragile et impressionnable. Je connais ça. J'ai vécu ça. J'ai mis des années à m'en remettre, de ce genre d'humiliations, de ces murmures dans le dos, de ces jugements perpétuels, sur ce que je devrais être ce que je n'étais pas. Des commentaires sur ma mère, ou simplement une analogie entre moi et mon géniteur qui me nouait l'estomac dès que je l'entendais. Quand j'étais petit, je me disais que je devais être comme maman, souriant et indifférent, mais maintenant, je sais qu'il n'en était rien. Qu'elle souffrait tout autant, si ce n'est plus, et j'aurais aimé qu'elle me le dise. Qu'elle me montre que c'était normal, et que j'avais le droit de m'opposer. Je ne lui en veux pas d'avoir agi ainsi, mais je ne ferais pas la même erreur ; ce n'est après tout pas de moi dont il s'agit.
Alors j'esquisse un rictus sardonique, et prend mon ton le plus sarcastique. Parce que bon, après tout, on s'en fout, de cette femme, alors autant prendre ça comme une bonne grosse blague bien beauf.
« Puis, sincèrement, je crois qu'il est mieux traité par une pédale dépressive qui fait de son mieux et que par une grosse conne dans votre genre qui l'angoisse avec ses questions. »
Je reprend rapidement mes affaires, m'amusant je l'avoue un peu trop de son air choqué et indigné. Et oui, c'était gratuit. Mais ça fait un bien fou, des fois, de se réapproprier ces insultes et de les relancer dans la tronche de ceux qui les pensent, mais n'oseront jamais les prononcer. En soi, j'aurais peut-être dû me retenir de l'insulter directement, mais, bah, j'en ai rien à foutre. Sur le moment, je ne réfléchis pas trop aux conséquences de mes actes, encore moins alors que je suis au pas de la porte, et lui accorde un dernier regard avant de la claquer derrière moi.
« Vous n'aurez pas à vous inquiéter pour son bien, toutefois. Je crois qu'il vaut mieux que l'on change d'établissement. »
Et tant pis si j'ai de la paperasse en plus à faire.
–
« Ça s'est mal passé, avec la maîtresse ? »
Depuis que je suis revenu, le gamin triture nerveusement des mains dans mon bureau. Comme d'habitude lorsqu'il est d'humeur collante, il se met dans le petit coin de jeu que je lui ai aménagé en haut à gauche, avec un fauteuil et quelques jouets, livres et autres bidules qui l'amusent. Souvent, même si il pose des questions de temps à autre et m'empêche de me concentrer pleinement, il se tient relativement à carreaux, contrairement à ce qu'on pourrait passer. Mais aujourd'hui, quand il m'a vu revenir, le visage tendu et les traits crispés, le corps tout entier malaisé par cette rencontre, il n'a pas dit grand chose. Il s'est contenté de me suivre en silence, et s'est installé dans un coin, comme pour attendre que ça passe. Une habitude qu'il a pris, malheureusement, face aux crises d'angoisse que Faust faisait de temps à autre lorsqu'il s'en occupait. Je suis le premier à être gêné qu'il doive recommencer avec moi, d'ailleurs, et c'est pour cela que je lui offre toute mon attention quand il ose prendre la parole. Je tentais auparavant de me calmer en m'occupant de divers papiers comme des commandes à faire, des contrats à mettre au propre et autres points de détails, mais en vérité, je crois que j'étais bien transparent. Même la présence d'une couveuse sur mon bureau ne suffisait pas à me détendre : et pourtant, Arceus seul sait que cette éclosion se fait attendre. Je l'ai reçu d'un client qui ne savait pas quoi en faire, et qui s'est dit que me le laisser serait une bonne solution. Et pour être honnête, si mes suppositions sont vraies quant à son contenu, ce ne sera pas un mauvais ajout à la pension. Mais même cette nouvelle ne me mettait pas de baume au cœur.
Les enfants ne sont pas idiots : c'est quelque chose que j'ai vite découvert en m'occupant d'Axel. Il est assez bon quand il s'agit de remarquer que quelque chose ne va pas, et en un sens, puisqu'il savait que j'avais rendez-vous avec son institutrice tout à l'heure, ce n'est pas étonnant qu'il s'inquiète du résultat. Je ne lui ai pas encore dit, pour son école. Je ne sais pas trop si c'est le bon moment. Je crois qu'il faudra que ça attende un peu, en plus. Parce que j'ai dit ça comme ça, mais en vrai, il va falloir que j'en trouve une autre, et... Et pour le moment, je ne vais pas l'angoisser quand rien n'est encore précis.
Je sens déjà dans ces yeux une certaine angoisse. Silencieusement, j'éloigne légèrement ma chaise du bureau et l'invite, par un signe de la main, à s'approcher si il le souhaite. Axel ne se fait pas prier, et je l'aide à monter doucement sur mes genoux : je remarque même qu'il a écouté ce que je lui disais au sujet du fait de ne pas être trop brusque en le faisant. Je sens ses mains s'accrocher autour de sa taille, et fait de même en passant un bras autour de son corps pour le rapprocher. Je ne le remarque que maintenant, mais sa présence contre moi détend quelque peu mes muscles : je ne sais pas si c'est parce que je m'efforce garder une expression calme pour ne pas l'angoisser, ou si c'est juste... Non. Non, j'imagine des choses. En attendant, il n'ose pas parler. Quelque chose semble le déranger, car il trifouille sur mon pantalon, le regard baissé. Embêté, je trace des cercles dans son dos. Ma voix est hésitante, un peu maladroite, et sûrement pas assez douce, mais j'essaie malgré tout de le sortir de son petit nœud de culpabilité.
« Ce n'est pas de ta faute, d'accord ? - Non, mais si je te l'avais pas dit, je- »
Je soupire. Cela faisait un moment que tout ça le tracassait, en vérité. Il m'avait déjà alerté lors d'une sortie aux plaines fleuries, mais je m'étais dit que c'était passager, sûrement un moment unique, rien de bien grave. Je ne sais pas trop si je sous-estimais tout ça pour moi-même ou pour lui, enfin, dans ma vision des choses. Dans tous les cas, j'avais tort, et j'en vois les résultats. J'inspire donc une nouvelle fois, et essaie d'être le plus délicat possible pour ne pas qu'il craigne ma réaction.
« Moi, je veux juste que tu saches que si elle t'a dit quoi que ce soit de plus... Enfin, que je ne m'énerverais pas, d'accord ? Je veux juste savoir si elle te met mal à l'aise. Mais elle, ou les autres, Axel, c'est la même chose. »
Son regard croise le mien, et je crois y voir une hésitation certaine. Il me fixe pendant quelques secondes, comme pour décider de la bonne solution, et finit, non sans difficulté, par parler.
« … Elle a dit à madame Dubois que si j'étais pas bien, c'était parce que t'étais mauvais. Que t'étais bizarre. P-puis le père à Bastien il veut pas qu'y vienne à la maison car il a dit que vous alliez le contaminer car vous êtes malades, mais j'ai pas compris. Mais il a dit que avec mon papa en prison, bin j'étais une mauvaise influence. »
Moi, je comprends bien, en revanche, et mes lèvres se joignent dans une ligne fermée, car je retiens une grimace. Je saisis mieux, d'un coup, pourquoi il avait l'air si embêté quand je lui disais que son ami de cours pouvait venir si il le souhaitait, et pourquoi il avait rapidement changé de sujet. J'ai l'impression que je viens de mettre la main dans un nid de vers, mais en même temps... Beaucoup de choses font sens, maintenant. Au delà des ennuis qu'avait Axel avec un autre de ses camarades, ce qui aurait d'ailleurs dû me mettre sur la piste au lieu de dire à Dufresne que c'était une simple embrouille, il est clair que... Que son comportement un peu erratique et agressif quant à son école fait sens, désormais. Axel n'est pas juste un « gamin turbulent à problèmes ». Bien sûr qu'il a ses crises. Bien sûr qu'il est pénible parfois : c'est un foutu gamin. Mais il y a des raisons derrière chaque crise, et je serais idiot de les ignorer. Je passe donc une main rassurante dans ses cheveux pour le calmer.
« Dis-moi, c'est pour ça que tu étais impoli ? Je ne serai pas en colère si ce n'était pas le cas. »
L'enfant hoche de la tête quasiment immédiatement, quoique avec une certaine lenteur. Il n'est pas fier de son comportement, et je ne le félicite pas, mais en même temps, sincèrement, je ne vais très certainement pas le blâmer quand mon langage est déjà bien fleuri et que j'estime que la politesse envers des agresseurs n'est pas une priorité. Je veux toutefois qu'il comprenne qu'il a tous les droits de m'exposer ses motifs, même si ils sont ridicules ou qu'il n'en a pas. Je ne suis pas un... Je ne sais pas trop. Un gros débile, on va dire. Les bêtises, ça arrive, les erreurs aussi. Je veux juste que l'on puisse discuter en toute honnêteté sans se cacher des choses, même si ce n'est pas toujours très propre. Il est bien trop jeune pour comprendre ça, toutefois, alors c'est plutôt de mon côté que doit se faire le travail. Mais... Plus facile à dire qu'à faire. Je ne sais pas quoi dire, en vérité. Il me surprend lorsque, avec lenteur, comme si il pesait ses propres mots et après une moue confuse, il relève son regard brun vers moi, un peu plus assuré.
« J'trouve pas que t'es mauvais, moi. »
Je sens ma gorge se serrer. J'hésite à dire un 'merci', mais je ne crains qu'il ne sorte très mal, et un peu étranglé, alors je me tais. Un discret sourire tire toutefois le bout de mes lèvres, et Axel me le rend avec légèreté, satisfait de cette vision. Sale môme, va.
Un son de craquement attire toutefois notre attention. Je sursaute, et le gamin aussi. Mais ce dernier n'ayant pas la tête complètement dans les nuages comme c'est mon cas et la poitrine bien trop chaude (je vous interdis de juger ma mièvrerie), il réagit très vite. Je grimace et geins quand ses mouvements brusques me font ressentir une douleur non négligeable, car le garnement s'est bien vite retourné pour tenter de se poser sur le bureau et avoir une vue imprenable de... De l’œuf qui est en train d'éclore, d'après ce que je vois.
« Oh, oh ! Regarde, regarde, c'est tout rose ! »
Ses yeux s'illuminent, et si je me demande par quel miracle il a pu changer d'humeur en quelques secondes, j'oublie vite ma question quand je me rends compte qu'il a raison. En effet, une sorte de chose gluante rosâtre vient de sortir un... Un morceau de son corps de sa coquille, je crois. Je suis surpris, je vous l'avoue, et il me faut une bonne minute pour comprendre que la créature qui est en train de sortir de cet œuf est en réalité un Métamorph. Je m'en doutais déjà, mais je suis toujours un peu sous le choc : les œufs de cette espèce sont légèrement rares, alors... Vous me direz, si cela avait été un Céribou, je n'aurais pas été déçu non plus. Bon, un Sancoki, en revanche... Mais ce Métamorph là a l'air d'être né avec deux mains gauches, car lorsqu'il tente de sortir de son œuf et de sa couveuse, un mouvement trop insistant le fait dégringoler. Je n'ai pas le temps de réagir, bien que j'ai amorcé un geste pour tenter de la sauver, mais rien à faire : la couveuse tombe au sol au même moment que son contenu, et je suis persuadé que le bruit que j'ai entendu ne veut pas dire qu'elle est en sortie indemne.
Grimaçant, je couine une nouvelle fois quand Axel descend brusquement de mes genoux pour aller s'inquiéter de la santé du bébé. Si j'apprécie ces moments où je le vois être doux avec les pokémon, j'avoue être un peu jaloux que ce soit au détriment de ma santé personnelle. Ce dernier, d'ailleurs, plisse les sourcils en voyant que je n'ai toujours pas bougé et m'adresse un regard agacé, la voix me rouspétant sans honte aucune.
« Allez, dépêche-toi, faut vérifier qu'il va bien ! »
Je grommelle dans ma barbe inexistante et me relève péniblement, contournant le bureau pour arriver devant la vision de mon filleul tentant dans ses bras un petit bout de gelée rose et souriante. La créature a l'air un peu amochée, mais elle sourit bêtement, sans que je sache trop pourquoi. Je hausse les sourcils, confus, mais je ne vais pas me plaindre. En poussant un soupir de lassitude généralisée (à quoi bon poser des questions en fait hein), je me rapproche et m'accroupis pour être à hauteur des deux... Bah des deux enfants, clairement.
« Bon, bah... Tu veux t'en occuper avec moi, aujourd'hui ? »
Je disais ça comme ça, mais j'aurais peut-être dû prévoir le fait que cette proposition plairait énormément à mon filleul. Après tout, le gamin est toujours en train de me demander si il peut m'aider, même si il est alors plus dans mes pattes qu'autre chose. Mais aujourd'hui, pour une raison que je ne vais pas étudier maintenant de peur de faire exploser mon cerveau déjà fatigué par quelques aveux que je me suis fait à moi-même, j'ai envie et besoin de sa présence près de moi. Et je crois que je ne suis pas le seul, enfin, je suppose. Disons que quand il s'est jeté contre moi avec le blob rose dans les bras pour m'écraser le cou, j'ai compris que oui. Et j'vais pas mentir, pour une fois : ça me fait vraiment plaisir.