L'Elu auto-proclamé des Monarchistes fait son entrée ! La Compétition, Elixir et le Gouvernement sont en crise et les Anarchistes demandent la démission du Chef du Conseil.
Perfect Blue Les bains à la camomille c'est la vie
ou pas
15 Décembre 2022
Il se fait tard. Comme à chaque fois que je termine mon travail, depuis quelques temps. Mais ce n'est plus devenu un souci. La fatigue se voit encore, mais ne se ressent plus, à force. Comme une machine, je regarde un à un les différents cas que je dois étudier, avant de les ranger tour à tour les piles correspondantes à leurs sujets respectifs. Je ne sais pas quelle heure il est, mais tout le monde est déjà rentré chez lui. Seuls moi et la réceptionniste sommes encore à nos postes, mais cette dernière ne va pas tarder à quitter le sien. Je lui ai déjà dit d'ailleurs tout à l'heure qu'elle pouvait partir quand bon lui semblait, mais elle a insisté pour rester un peu. Comme ça, j'aurais l'impression de me sentir moins solitaire, disait-elle. Je ne lui dirais pas que, depuis le départ de Natsume, c'était comme si une partie de moi s'en était temporairement allée, elle aussi. Dans quelques jours, il est censé revenir à Enola. Si je devrais être pressé qu'il rentre, je ne peux m'empêcher de trouver le temps bien long en son absence. Je n'ai pas l'habitude que nous soyons autant séparés, il faut dire. Et qu'est-ce que ça passe lentement, un mois, sans lui... Les jours d'ordinaire pénibles l'étaient davantage quand je savais que je ne pourrais pas bénéficier de son affection en rentrant. Mais depuis qu'il n'est plus là, il faut dire que fais encore moins attention à mon sommeil, et que des fois, il m'est arrivé de dormir directement dans mon bureau, quand je savais Axel auprès de Maxime ou de Kagami. Si je voulais prouver que j'étais en mesure de m'occuper de lui moi-même, le soutien des deux femmes est une aide vraiment précieuse ; et même que je n'aurais de toute façon pas à me plaindre, puisque c'est auprès d'elles que le petit garçon préfère rester. Je ne peux que le comprendre, en même temps. Avec mon visage pâle et mes cernes apparentes, je ne dois pas avoir l'air très rassurant. Enfin... Je ne peux m'empêcher de soupirer en constatant toute la paperasse qu'il me reste à faire pour ce soir. Quand y'en a plus, y'en a encore. Ça va que je n'ai pas à me plaindre du luxe de la pièce dans laquelle je me retrouve presque chaque soir, puisque le confort des canapés me permet d'y rester jusqu'au lendemain. Une initiative qui n'est pas forcément bonne pour mon moral, mais en ce moment, je ne suis plus à ça près. Je sais que ça ira beaucoup mieux quand l'éleveur sera de retour. En attendant, je dois...
« Monsieur Sirius ?.. Veuillez m'excuser, il y a quelqu'un qui désire vous voir. »
Je cligne des yeux, surpris, alors que j'entends la voix de Camille, la réceptionniste. D'habitude, pour me voir, les personnes extérieures au bâtiment de la Compétition doivent demander un rendez-vous pour que je sois prévenu à l'avance et que n'importe quel péquenaud ne puisse pas rentrer dans les lieux, au cas où il s'agirait d'une menace. Pendant un instant, je crains que ce ne soit lié à Axel. Peut-être a-t-il eu un problème ?.. Quoique Maxime et Kagami ont toutes deux mon numéro de portable personnel, alors c'est sur celui-ci qu'elles devraient me joindre, normalement...
« Ah ?.. Qui est-ce, Camille ?.. - Oh, euh... Attendez. Il... Il s'agit d'un dénommé Tristan Weber.
Je m'immobilise.Tristan... Voilà bien longtemps que je ne l'avais pas vu. Je suis assez étonné qu'il soit venu me voir de lui-même. Cela fait un moment que nous... qu'il est en froid avec moi, et il n'a pas daigné m'adresser la parole depuis au moins cinq ans, autre que pour parler froidement, ou que lorsqu'il était vraiment obligé d'aller me voir. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine, tandis que j'hésite. Finalement, je jette un œil vers mon masque posé sur la table. Non, je ne le mettrai pas. Je le regarderai en face.
« … Faites-le entrer. »
J'ai craqué, comme toujours. Je ne fais pas long feu quand il s'agit de lui alors que j'espère toujours vivement qu'une nouvelle entente entre nous est possible. Je regrette notre amitié passée, et je sais qu'il souffre également de son côté. Chaque fois un peu plus je suis conscient que je lui laisse des occasions supplémentaires pour me rabaisser, mais je veux continuer à croire que nous pourrions être amis comme autrefois. Je n'arrive pas à imaginer qu'une telle distance puisse exister indéfiniment alors que nous étions proches il y a quelques années encore. Ma naïveté, cependant, me perdra probablement un jour. Nerveux à l'idée de le revoir, je repose machinalement mes yeux sur mes dossiers à traiter avant de me remettre à écrire dessus, ignorant la boule d'angoisse qui s'est formée dans ma gorge. Je n'ose même pas relever les yeux sur lui quand il entre dans la pièce, fuyant lAâchement cet air désagréable que j'aie peur de lire sur son visage. Je n'entends que le bruit assez silencieux de ses pas qui marchent dans la pièce, et cela n'arrange rien à mon anxiété. Je retiens mon souffle quand je sens sa présence juste devant mon bureau. Je retiens mon souffle, n'osant prononcer aucun mot pour le moment.
« Jolie vue. »
C'est à lui d'ouvrir le dialogue, pour une fois. Et avec surprise, je ne constate aucune animosité dans sa voix, bien que je ne lève toujours pas le visage vers lui. Il veut probablement parler des grandes vitres derrière moi qui offre en effet un paysage plutôt pas mal, avec toutes les lumières au pied de la tour. Je sens alors une bouffée d'espoir m'envahir.
« Tu as toujours aimé regarder les gens de haut ?.. »
Sa remarque cinglante, au double sens plus que visible, me fait faire une vilaine rature. Mais je ne peste même pas, paralysé sur ma chaise. Enfin, péniblement, j'ose lui faire face. Son regard, caché derrière des lentilles vertes, brillent dans l'obscurité de la pièce d'un éclat étrange. La lumière de ma lampe de chevet est le seul éclairage de la pièce, mais je peux observer déjà sa carrure, impeccable et droite, mais extrêmement rigide, ainsi que son regard froid et distant qui accompagne un ton sec ainsi qu'un rictus hautain. C'est également avec fierté bien sûr qu'il arbore le costume d'Elixir, si bien repassé que celui qui fut mon ami ressemble davantage à un automate tant il est impeccable.
« Devrais-je remercier ta grande clémence pour avoir laissé un modeste membre d'Elixir pénétrer dans ta tour d'ivoire ? Ou t'es-tu enfin rendu compte de notre supériorité ? »
Je ne sais pas ce qui est le pire, en fait. Que Tristan soit tout à fait sérieux dans ses propos, ou que le dégoût que je sens chez lui soit dirigé vers moi. Je n'ai que rarement perçu ce sentiment chez lui ; et même dans ces cas-là, c'était surtout dirigé, en général, vers le Régime. Ce mouvement à présent hors d'état de nuire, je pensais que le Weber pourrait enfin avoir l'esprit tranquille quand toute cette histoire serait terminé. Mais il a un nouvel adversaire en vue, et cette fois-ci, ce n'est pas celui qu'il croie. La Compétition n'est pas son ennemi. Je ne suis pas son ennemi. Je n'ai jamais cherché à faire en sorte qu'on surpasse Elixir avec la milice, dans tous les cas. Nous travaillons aux côtés des rangers, nous ne sommes pas censés être leurs rivaux. J'aimerais tant le lui dire, tout ça... Mais m'écouterait-il ? Si seulement je pouvais le raisonner d'une manière ou d'une autre, faire en sorte que nous puissions de nouveau parler sans se battre, ou du moins, sans qu'il ne sorte les crocs.
« Tristan, je... - Épargne-moi ta salive et ton air implorant, je ne suis pas là pour boire le thé. Me déplacer jusqu'ici pour te supporter est déjà assez pénible comme ça. - … Alors dis-moi ce que tu veux. »
Chacune de ses paroles me blesse un peu plus, mais je n'ai pas l'impression qu'il entendrait ce que j'aie à dire, de toute façon. Je ne sais pas ce qu'il attend de moi. Aujourd'hui, plus que d'ordinaire, nos discussions me fatiguent, en plus du retard dans mon sommeil que j'accumule déjà depuis un certain temps. Je veux juste qu'il aille au cœur du sujet. À ce stade, je préfère que ça soit vite fait, puisqu'il n'a pas l'air de vouloir coopérer cette fois-ci non plus. Tristan se contente juste de sortir une Poké Ball de son sac et de la poser sur mon bureau, par un geste lent qui contraste avec sa dureté. La sphère bicolore a au moins le mérite de me faire penser à autre chose et d'attirer ma curiosité. Je la prends ma paume afin de mieux l'observer.
« Adélia n'a pas eu l'occasion de te le confier en personne, alors je me suis proposé pour le faire à sa place. Vois-tu, il y a encore des gens qui ont la naïveté de croire qu'ils peuvent te faire confiance. Quelle grossière erreur... »
Ma prise se resserre sur l'objet. Je ne lui demande pas quel Pokémon il y a à l'intérieur, j'imagine qu'il n'a pas envie d'en parler, et que ce n'est pas ça qui changera son humeur avec moi, aussi doux soit-il avec les Pokémons en tous genres. Je verrai bien de toute façon le Pokémon à l'intérieur, et il faudra donc que je pense à appeler Adélia pour la remercier, dans tous les cas. Je peine à trouver un sujet de conversation pour ne pas que Tristan s'en aille déjà, mais les mots se perdent dans ma gorge à tel point qu'ils n'y sortent pas, au contraire de l'éleveur qui me tourne déjà le dos pour s'en aller. Lorsqu'il se trouve à mi-chemin dans la pièce, toutefois, j'hésite quelques instants avant de me lever de ma chaise, reposer la balle rouge et blanche, et faire quelques pas vers lui.
« On n'est pas obligés... On n'est pas obligés de continuer ainsi. Nous pourrions redevenir amis, comme autrefois.
Enfin, il s'arrête. Je déglutis toutefois malgré moi alors qu'une certaine tension s'empare de moi. J'aurais presque préféré qu'il parte, maintenant que le silence s'est installé. Je veux le retenir et en même temps le laisser s'en aller. Discuter avec lui à cœur ouvert et à la fois rester muet pour attendre une prochaine occasion. J'ai envie qu'on parle mais le stress me fait aussitôt trembler légèrement les jambes et les doigts. Je crois pendant un instant qu'il va continuer sa route, mais il tourne quand même sa tête vers moi de profil, en marquant une pause. Son regard me fixe, mais je le sens perdu un instant, comme s'il revivait des souvenirs. Son animosité s'envole une fraction de seconde, et je pense y voir un semblant de mélancolie.
- 'Amis' ?... Oui, c'est vrai, j'en avais un, il y a quelques années...
Ma poitrine se comprime. Ses mots ont le pouvoir de me faire mal, et il le sait sans doute, appuyant sur la forme du passé pour me rendre davantage coupable. Je regrette tout autant que lui cette époque où nous pouvions nous voir quand bon nous semblait sans qu'une tension exécrable ne vienne tout ruiner. Sans qu'il n'ait ce mépris permanent pour moi et mon groupe. Sans que la communauté à laquelle il s'est affilié l'endoctrine pour le retourner contre nous. Je ne lui demande pas d'apprécier la Compétition ou même d'adhérer au parti, mais je crains une vision manichéenne de son côté. J'ai tant espéré qu'il redevienne celui qu'il était avant l'Emergendémie. Quelques fois, je me dis qu'il a peut-être raison. Peut-être est-ce ma faute, tout ce qui est arrivé. Alors je continue de m'excuser, en priant pour que ça l'adoucisse un peu.
« Tristan... Tristan, je suis désolé... - Oooh... Tu es désolé ?.. »
En employant un ton désagréable et sarcastique, il se retourne tout à fait. Je fais un bref mouvement de recul, conscient que je n'ai fait qu'empirer les choses. Bien sûr qu'il ne veut pas de mes excuses. Il doit s'en ficher. Il a encore des choses à régler avec moi. Peut-être attend-il tout simplement que je craque et que j'avoue enfin ce qu'il rêve d'entendre. Veut-il vraiment me voir sombrer pour se venger ? Est-ce qu'il ne sera satisfait que lorsque j'aurai abandonné mes fonctions et avoué que Elixir était supérieur ?
« Ne fais pas comme si tu pouvais comprendre. Tu veux être désolé ? Ramène mes parents à la vie. Ramène-moi Angie ! »
C'est douloureux, très douloureux pour lui d'en parler encore aujourd'hui. Se remettre de la mort de sa sœur était déjà difficile, mais supporter la perte de ses géniteurs relève là de l'impossible, et personne ne pourrait lui en vouloir. Je n'ai pas perdu autant que lui, mais j'ai quand même perdu. Nombreux sont ceux qui pourraient savoir ce qu'il a traversé. Peut-être que ma douleur ne lui suffit juste pas. Peut-être se cherche-t-il de nouvelles excuses pour m'en vouloir. Si seulement j'avais pu avoir le moyen de sauver ses parents, évidemment que je l'aurais fait. Mais ce n'était pas de mon ressort. Ils ont été mis entre les mains d'un destin cruel et dramatique. J'étais tout aussi impuissant que lui, et il en est conscient. Je le sais, qu'il veut rejeter la faute sur moi pour éviter de la retourner contre lui-même. Pour trouver la victime idéale à son défoulement. Je ne suis pas le plus à plaindre dans cette histoire. Sa rage lui fait perdre le contrôle, lui fait hausser la voix. Je ne reconnais plus dans ces traits vengeurs le garçon si calme et patient que j'ai sauvé tout à fait par hasard d'une morte certaine dans les montagnes. Il était comme un enfant qui redécouvrait le monde après avoir passé plusieurs années dans une prison à subir les pires tourments.
« C'est la Compétition qui a trouvé un vaccin à l'épidémie et qui a su me guérir à temps alors que tu n'étais même pas capable de le faire, peut-être ? »
Il ne crie pas, mais je sens que sa haine le consume progressivement. Il se peut que, bientôt, elle l'égare complètement. Je ne lui dirais pas que j'ai dû observer à la fois mon ami et mon copain souffrir le martyr sans que je puisse faire quoi que ce soit. J'ai dû supporter ma dispute ravageuse avec Tristan alors que, de l'autre côté, Natsume avait besoin de moi plus que jamais. J'ai dû préserver mes sentiments pour m'occuper de lui car il le fallait. Je n'avais pas le temps de réfléchir aux conséquences de ce que mon différend avec Tristan avait provoqué ce fameux soir. Je ne devais pas y songer, pensant dans un coin de ma tête que c'était l'épidémie qui le faisait délirer et qu'il reviendrait vers moi tôt ou tard. Mais cela n'a fait que s'aggraver. C'était comme si la maladie n'était jamais partie. Elle le ronge encore aujourd'hui de l'intérieur et l'aveugle au point qu'il a dû s'écarter de beaucoup de choses qu'il aimait. L'ambiance s'est alourdit. L'aîné s'est déplacé d'un pas rapide pour se planter devant moi et me prendre brutalement par les épaules. Il est tellement près que je peux sentir son souffle et transcender son regard. Ses lentilles émeraude ne peuvent dissimuler la peine et la colère qui s'y trouvent. Il ne cherche de toute façon plus à le faire.
« T'étais où, quand j'étais souffrant ? Tu faisais quoi, quand mon père est mort ? Quand ma mère l'a rejoint ?! Tu as aimé ça, de m'abandonner ?! »
Il me secoue le corps en me toisant de haut, avec une telle poigne qu'il me fait mal. Au moment où je veux lui demander de me relâcher, il le fait de lui-même en me repoussant, avec 'douceur', évidemment. Mon manque d'énergie me fait perdre l'équilibre et je me heurte au bureau avant de me retrouver par terre, adosser contre le bois verni. Le choc a fait tomber quelques dossiers ainsi que la Poké Ball qu'il est venu apporter, mais les feuilles qui volent sont bien le cadet de mes soucis. Même si je tentais de me relever, je n'y arriverais pas. Mes yeux ternes et tombants se lèvent alors sur lui. Je serais à sa merci s'il voulait me casser, mais à force, je connais le refrain. Cela ne me blesse pas pour autant, mais je suis épuisé. Une nouvelle querelle avec le Weber n'était pas ce dont j'avais nécessairement besoin, ni envie. Il me fixe avec cet air de jugement et de dédain qu'il a appris à diriger contre moi.
« Olga, elle, m'a aidé. Elle est forte et intelligente. Regarde-toi, en comparaison. Tu es faible et pathétique. C'est ça, le chef de la milice qui est censé nous protéger ? .. Laisse-moi rire. »
Olga, encore elle. Il n'y bien que pour prononcer son nom qu'il retrouve un semblant de calme. Je ne déteste pas la dirigeante d'Elixir en soit, mais je m'en méfie. Si j'ose ne serait-ce que la critiquer devant Tristan... Mais il a raison. C'est eux, qui l'ont sauvé. Qui ont trouvé ce remède que les scientifiques les plus brillants de l'île peinaient à produire. Je ne peux pas lui en vouloir de l'idéaliser à ce point puisqu'elle a mis un terme à son calvaire. J'ai simplement peur pour lui. Je n'ai peut-être pas les connaissances d'Olga, mais ce qui est sûr, ce que je m'inquiète davantage du sort de Tristan que madame Wallace. Probablement que cette dernière ne le remarquera jamais, d'ailleurs. Dans son fanatisme, le Weber sera celui qui y perdra tout, s'il continue ainsi à se rendre ridicule en idolâtrant l'Elixirienne ainsi. Mais que puis-je dire, à présent ?.. Rien que l'autre pourra considérer. Rien sur lequel il pourra réfléchir. Mon avis, qui lui important tant auparavant, équivaut bien à celui du moindre insecte qui le gênerait. Il a raison sur un autre point cependant : je suis pathétique. Alors qu'il tourne le dos pour se diriger vers la porte et l'ouvrir, il s'arrête une dernière fois. Je m'attends à une insulte, de nouvelles paroles pour me rabaisser, me dire que les valeurs de la Compétition ne valent plus rien. C'est un sujet auquel je ne m'attendais pas, pourtant, qu'il aborde d'un seul coup.
« Mais j'y pense... Straum m'a dit que Natsume était parti pendant un mois au Japon. »
Légèrement surpris qu'il m'en parle, mes yeux las cherchent dans les siens la raison de cette remarque soudaine. Oui, c'est vrai, il est parti au Japon. Il reviendra bientôt, mais pour l'instant, je dois vivre avec son absence. Et ce soir c'est plus dur encore. Je ne pourrais pas me réfugier dans ses bras comme je rêverais de le faire. Tout ceci est bien loin de ce qu'il m'a dit jusqu'à présent, néanmoins, et je passe outre le rictus jaune qui manque d'apparaître sur mon visage en pensant au fait que, désormais, il est drôle de constater que Mell est techniquement davantage en contact avec Tristan que moi.
« Je le comprends. Il a peut-être finalement capté qu'il méritait mieux qu'un égoïste dans ton genre. »
Je me maudis pour ça, mais mon regard s'est baissé un peu. Enfin, Tristan finit par franchir la porte et repart. Je ne réagis pas. Je ne réagis plus. Je suis trop fatigué pour le faire. Et cela ne me rendrait pas un fier service, d'essayer de me défendre alors que je ne fais pas long feu et que l'amitié que j'ai porté pour lui me fait défaut encore aujourd'hui. Je ne m'attendais pas à ce qu'il implique Natsume dans l'histoire qui ne concerne que nous deux. Le Shimomura n'a rien à voir là-dedans. Il n'a pas besoin de prendre part à mes problèmes. Je dois gérer ça seul, même s'il est toujours aussi dur de faire face à l'éleveur plus âgé. Le travail et le peu de repos que je m'accorde n'aident pas, c'est certain. C'est ma faute aussi de ne pas vouloir considérer un peu de temps pour prendre soin de moi quand Natsume n'est pas là. J'en profite un peu lâchement pour me donner davantage de boulot afin d'en finir. Mais il y a toujours une pile pour se rajouter à la précédente. Et je continue d'espérer, en vain, d'atteindre un jour le bout de tout ça pour rentrer chez moi sans penser au fait que 'ah, oui, y'a encore ça que je dois faire'. On me conseille des vacances. Cela semble compromis pour l'instant néanmoins. Je ne me sens pas de ne rien faire alors que je pourrais être productif. Mais si je m'écoutais... Je serais comme un robot, à force. Un patron qui travaille aussi intensément, c'est pas ce qui arrive, d'habitude, haha... J'essaye de ne pas repenser à sa dernière phrase. De me dire que mon envie d'emménager avec le japonais ne l'a pas fait fuir. Mais ce n'est pas son genre. Pourtant je le sais anxieux par bon nombre de mes caprices. Oui... Peut-être, un jour, il en aura assez...
J'aurais sans doute dormi une fois de plus à mon bureau si les événements de ce soir ne m'avaient pas émietté le moral. Pas comme si je pétais la forme avant, mais disons que ça n'a rien arrangé. Alors je ne suis pas mécontent, finalement, de rentrer chez Natsume. Je ne peux pas encore appeler ça techniquement 'chez moi' puisque nous ne sommes pas encore installés ensemble, mais... L'endroit est si agréable à vivre que je sais pouvoir m'habituer assez rapidement à l'appeler 'maison'. En entrant, je m'étire paresseusement, impatient de me mettre dans le lit, si seulement j'arrive à trouver le sommeil. Je sais que c'est Maxime qui a la garde d'Axel pour ce soir. J'allume peu à peu les lumières, et m'arrête devant la salle de bains du rez-de-chaussée que j'ai faite construire récemment. Je sais que Natsume n'aime pas que je m'implique au niveau financier dans ses affaires, mais puisque nous allons vivre ensemble, il va devoir faire avec. De plus, je sais très bien qu'il ne va pas cracher sur le jacuzzi que j'ai fait installer. Tout ceci est du luxe bien inutile, mais je sais que chez lui, les bains sont sacrés. Alors j'en profite un peu aussi pour apporter ma propre contribution à notre emménagement ensemble. Il ne doit manquer de rien, après tout. Tout ça pour dire qu'un bain me tenterait bien, tiens, au final. Mais pas dans la nouvelle salle. Celle d'en haut, juste à côté de la chambre à coucher, sera parfaite pour ce soir. Je n'aurais pas à me déplacer beaucoup pour aller dormir juste ensuite.
Les jambes plus lourdes que jamais, je monte toutefois les escaliers avec lenteur et traîne donc jusqu'à la baignoire de l'étage pour me doucher. Je retire négligemment mes vêtements, ainsi que la Poké Ball nouvellement acquise, et les laisse sur le carrelage le temps que je me décrasse. Puis, une fois lavé, je fais couler un bain dans lequel je mets des produits pour ajouter un parfum de camomille afin de me détendre. Mais déjà, quand je plonge mon corps dans l'eau chaude, l'effet est immédiat. Mes muscles se relâchent, et je m'installe plus confortablement afin de profiter davantage. Je laisse ma tête se reposer et profite du moment pour fermer les yeux un instant. L'odeur est agréable, en plus de ça. Je suis devenu capricieux avec le temps, préférant me baigner avec mon petit-ami, mais cela reste toutefois très peu déplaisant. Sur le moment, cela me permet déjà d'oublier la venue de Tristan. Les paupières closes, je me sens tranquille, apaisé. Exactement ce dont j'avais besoin. Quand j'ouvre les yeux, je sursaute toutefois en apercevant une présence juste à côté de la baignoire. Non, il ne s'agit pas d'Axel. C'est justement Tristan. Abasourdi, je le scrute sans comprendre. Mais avant que je n'aie le temps de faire un geste, il se jette tout à coup brutalement sur moi pour me sauter à la gorge. Je me sens attiré au fond de la cuve, mon corps entier plongé dans l'eau, tête comprise, et me débats de toutes mes forces pour tenter d'échapper à ses mains qui m'étranglent. J'étouffe. Je n'arrive plus à respirer. J'agite mes bras en espérant que cela servira à quelque chose, mais il n'y a rien à faire. Il veut me tuer. Quelques secondes passent durant lesquelles je crois à une éternité. La terreur me gagne, j'ai envie de hurler. Malgré la force qui menace de me quitter, j'arrive à m'emparer des bords de la baignoire et je m'en sers comme appui afin de me hisser précipitamment hors de l'eau pour rechercher les bouffées d'airs qui me manquaient cruellement. Je tousse et crache le maximum d'eau que je peux faire sortir de mes poumons, me penchant vers le sol pour encourager le liquide à descendre de mon œsophage. Mon rythme cardiaque est anormalement élevé. J'ai failli me noyer. Je tente de me calmer. Tristan, lui, a disparu. Ou plutôt, il n'a jamais été là. Je comprends à peine que ce n'était qu'une hallucination. Tout à coup, je m'immobilise en me rendant compte de ce qui s'est réellement passé. Ce n'était pas une hallucination. C'était un rêve. Je suis tellement exténué que fermer les yeux a suffi pour que je m'endorme d'une traite. Mon corps a ensuite dû glisser et ma tête s'est alors retrouvée sous l'eau, m'empêchant de respirer. Un simple bain peut désormais me conduire à la mort si je ne fais pas assez attention. Je rirais bien jaune si tout ceci n'était pas extrêmement grave. J'ai failli disparaître. Mais... C'est bête. Il n'y aurait eu personne pour chercher Natsume à l'aéroport. Crever si près de son retour aurait été franchement stupide, quand on y pense. Et c'est terrible que j'aie à devoir y penser.
Tremblant, je sors vite du bain, manquant de me gameler sur le carrelage au passage, et m'empresse de vider l'eau. Ce n'est qu'à cet instant que je peux apercevoir une partie de mon reflet dans l'onde transparente qui commence à diminuer de volume. J'ai peur de regarder mon visage dans le miroir, maintenant. Lentement, mon regard scrute la glace du coin de l'œil. Encore moins rapidement, je me tourne tout à fait. Je ne suis pas étonné, car je m'y attendais, mais un mince sourire triste apparaît en constatant que Tristan n'avait pas tort. Je suis faible. Fragile, surtout. Bien plus que ce que j'aimerais laisser paraître. Mais au bout d'un moment, il est évident que je ne trompe personne. Pas mes proches, en tout cas, et j'ai déjà bien saisi l'inquiétude de Faust à mon égard. Il n'est pas mieux. Mais lui, au moins, ne doit pas réussir à se noyer tout seul à cause d'un petit somme. Il faut au moins mon intelligence pour parvenir à un tel exploit.
J'aurais pu encore parler longtemps de ma médiocrité, mais ce sont des petits bruits aigus et inconnus qui détournent mon attention et me font tourner vivement la tête. Là, sur le sol, un petit Passerouge piaille comme pour chercher de l'aide, alors que les éclaboussures que j'ai provoqué tout à l'heure ont collé ses ailes au sol. De type Feu, il est évident que l'eau ne lui est pas très amical. Pendant un instant, je me demande comment il a pu arriver jusqu'ici, avant que je ne remarque la Poké Ball ouverte à quelques centimètres du Pokémon. C'était lui, le don d'Adélia. Un Passerouge, d'une couleur inhabituelle, qui plus est. Mais ce n'est pas ce qui importe le plus à l'heure actuelle. Désolé, mon expression s'adoucit, et je n'attends pas une seconde de plus pour prendre l'oiseau entre mes mains et le sécher avec tendresse.
« Oh, pardonne-moi. Je ne voulais pas te blesser. Tu te sens mieux ? »
Le petit oiseau secoue ses plumes pour y enlever les dernières gouttelettes et hoche finalement la tête, visiblement ravi d'être sec. Ou plutôt 'sèche', puisque c'est une femelle. Je soupire de soulagement, avant de poser ma nouvelle amie près du radiateur pour qu'elle se réchauffe, puis passe quand même quelques chiffons sur le surplus d'eau dans la salle de bains. Une serviette autour de la taille plus tard, je reviens vers la Passerouge shiney, encore confus de l'avoir mouillé, mais ne peux m'empêcher d'admirer son plumage ainsi que sa robustesse.
« Comme tu es mignonne... Si tu le souhaites, à partir de maintenant, je serai ton dresseur. Mais promis, plus d'éclaboussure. »
L'oiseau ne semble pas y voir d'objection. Nous aurons tout le temps de faire connaissance plus tard. Pour le moment, je ne suis que très peu en état, je dois avouer. Alors je la fais rentrer sagement dans sa Poké Ball avant de me diriger enfin vers le lit. Je m'y écroule dessus comme un malpropre et enlève la serviette pour rabattre la couverture vers moi. Les yeux fermés, je tâte le matelas à l'aveuglette pour chercher le t-shirt qui me sert de doudou depuis peu. Une fois trouvé, je le renifle pour m'assurer que l'odeur dessus ne s'est pas éventée, et me blottit finalement contre le tissu. C'est à ce moment-là que les larmes se mettent à monter malgré moi.