L'Elu auto-proclamé des Monarchistes fait son entrée ! La Compétition, Elixir et le Gouvernement sont en crise et les Anarchistes demandent la démission du Chef du Conseil.
OS simple «Je vais bien, je t’assure, Yaya. Ce n’était qu’une morsure, pas la première, ni la dernière que j’aurai dans le cadre de mon travail d’éleveur. J’ai reçu tous mes vaccins, je ne cours aucun danger.»
Il fait nuit déjà. L’horizon s’assombrit derrière les montagnes, aspirant les derniers rayons de l’astre du jour. La plaine se fait silencieuse, avec comme seul écho la voix faussement enthousiaste de l’Hôte de Pension. Silas soupire, laissant ses doigts courir contre l’œuf qui repose dans un incubateur portatif. Bleu, jaune et rouge. Promesse d’un Carvanha à naître d’ici les prochaines semaines assurément. Une autre surprise dans les soins offerts à ses deux premiers pensionnaires, un Serpang et sa compagne, une Sharpedo agressive lui ayant laissé une marque rougeâtre contre la peau. Naturellement, Youssra s’inquiète du sort de son petit-fils, qui lui paraît bien fatigué malgré ses efforts pour ne rien laisser paraître de sa détresse. Il fut un temps, lointain, où le garçon s’ouvrait encore à la dame. Où ils partageaient secrets et souffrances, joies et peines. Parfois, la syrienne se questionne à son sujet. À tâcher de retracer ce qui l’aura autant retiré d’elle, mais aussi de tous les autres. Elle veut bien croire qu’il fut toujours introverti et plutôt secret, mais jamais ainsi, pas avec elle. Cette frontière invisible entre eux provoque un silence entre les deux. Youssra, soudain, se sent seule. Un sentiment partagé par son petit-fils qui, nerveux et confus, tâche de dénouer sa gorge avant de s’adresser de nouveau à elle. Les mots ne quittent jamais sa bouche. Peut-être lui aurait-t-il dit qu’il l’aime, qu’il est désolé. L’Hôte de Pension s’est redressé en entendant quelques coups à la porte, interrompant ses réflexions.
«Je dois te laisser, grand-maman, j’ai de la visite.»
«… D’accord Silas.»
Ils raccrochent un peu trop précipitamment, laissant de part et d’autre une sensation de vide. Devant la deuxième série de coups à la porte, Silas se presse d’aller ouvrir. Dans la faible lueur de l’entrée, une silhouette se dessine. Un spectre du passé de l’éleveur, le forçant à reculer. Marianne se tient là, le visage à moitié dissimulé par son épaisse chevelure de feu. Son ex l’accueille d’un long silence. Leur dernière remonte à plusieurs années. Silas ressent encore l’écho de tout ce qu’elle représente désormais pour lui : une longue série d’échecs. Il s’épuise encore de tout ce dont ils auront tenté pour maintenir ce fil, qu’ils ont cru plus solide, un fil qui s’est désagrégé entre leurs doigts. Sans amertume, sans rancœur, le jeune homme va vers elle pour la tenir contre lui de son bras valide, simplement pour ce qu’elle a pu être un jour pour lui. De la voir ainsi lui paraît incongru, impossible. Elle est cette vieille photographie appartenant à un passé intouchable. Elle appartient à l’avant. Avant que tout ce qu’il avait ne vole en éclats, ne le pousse à sa limite. Avant le précipice. Il peine à y croire, pourtant il s’agit bien de sa chaleur, de son odeur, de sa prise contre lui. Il se retire, mal à l’aise, incertain. Certaines blessures ne guérissent jamais réellement, la douleur se tarit un jour mais laisse ses traces. Entre eux, ce ne fut pas la grande déchirure, la haine et les larmes. Il fut une décision commune de laisser mourir ce à quoi ils s’accrochaient sans succès. Sauf que toute séparation ne va pas sans conséquences.
Pour eux, il fut un long moment à se remettre en question. Née dans l’amitié, leur relation avait changé et ne pouvait plus conserver la même saveur, pas après les déceptions de part et d’autre. Les silences s’installèrent jusqu’à devenir constants. À présent, Silas a presque oublié son existence, peut-être l’a-t-il désiré. Leur couple a engendré pour lui tant d’interrogations qu’il n’est pas prêt à affronter à nouveau. Marianne et toutes ces questions auront sombré dans son inconscience. De toutes les soirées, il a fallu qu’elle reparaisse alors que d’autres questions affluent, qu’il se sent vulnérable, sans véritablement être en mesure de le reconnaître. Il la laisse passer, la laisse entrer chez lui sous le regard peu amène de Sherine. Et il revit, à chacun de ses pas, ce qu’il était lorsqu’il vivait avec elle. Une part de son histoire à elle, incapable de vraiment s’affirmer ou de dire non. Il aurait préféré, ce soir-là, vivre sa solitude et angoisser seul. Comme d’habitude, elle vient lui prêter main forte dans un instant où il en a besoin, sans réaliser qu’il n’est pas prêt.
«Tu as réalisé ton rêve… Silas, je suis si fière de toi…»
Silas force un sourire. Ces mots lui paraissent condescendants, même maintenant. Marianne l’a toujours prise de haut, sans véritablement s’en rendre compte. Elle a toujours su ce qui l’animait. Elle est fonceuse. Elle réussit ce qu’elle entreprend. Le jeune homme s’essoufflait de la suivre pendant leur relation, elle aux innombrables projets, elle à qui tout souriait. Pourtant, son ex-copine éprouve une réelle fierté devant les réussites de l’éleveur, qui a mis du temps à reconnaître sa véritable passion, à prendre son envol. Encore une fois, ils vivent de façon parallèle. Vivant une même réalité de façon opposée.
«Merci. Ça fait un bail.»
«Un bail ou deux oui.»
Marianne soupire. Silas le sent, qu’elle est fatiguée. Sur ses traits se sont dessinés de profonds cernes violacés.
«Tu as l’air fatiguée.»
«Si tu savais, Silas, je suis complètement crevée.»
L’eno-syrien ne peut s’empêcher. Cette émotion, si aisément provoquée chez lui. Le besoin d’aider, de plaire, de protéger. Même auprès d’elle, qui n’a jamais désiré son soutien, trop fière. Elle et sa tendance à se surmener, sans considérer les conséquences. L’éleveur l’invite à s’asseoir à la table de la cuisine, jetant régulièrement un coup d’œil à son sac qu’elle pose sur la chaise près d’elle en soupirant. Sherine la suit telle une ombre, reniflant le sac de façon bien indiscrète. Silas la chasse d’un regard. La Germignon ronchonne avant de contourner la table pour grimper sur les genoux de son dresseur dans un geste devenu automatique. Pour ce qui est d’Idriss, il émerge de la veste du jeune homme, voletant dans un roucoulement pathétique en se posant sur l’épaule de la future Médecin-Chercheure. Marianne, attendrie, caresse la tête du Nosférapti qui les a rassemblés, pour le meilleur et pour le pire.
«Arceus, Idriss! Il n’a pas encore évolué? Qu’est-ce que tu attends, mon petit gars?»
«Il fait les choses à son rythme.»
Marianne lève les yeux vers Silas, comprend qu’il ne parle pas seulement du Pokémon. Elle sourit maigrement, de plus en plus mal à l’aise. Elle aura progressé plus que lui ces dernières années, constate-t-elle, du moins aime-t-elle le croire. L’Hôte de Pension soupire. Il sait qu’elle le juge encore, malgré elle. Ils sont différents, tous deux ont mis du temps à le réaliser, même que sur certains aspects, la réflexion ne s’est pas achevée.
«É-écoute, je ne voulais pas… Je… Je suis désolée Silas.»
«Pourquoi?»
Elle réfléchit, sans parvenir à une réponse. Elle se contente d’hausser les épaules.
«Je ne voulais pas m’imposer, c’est juste que quand j’ai appris pour la Pension, j’ai voulu te visiter, puis quand on m’a offert cet Œuf j’ai cru que… Que tu pourrais peut-être…»
«Bien sûr. Je vais m’occuper de ton Œuf.»
Silas se sent bien plus calme désormais. Il se retrouve en terrain connu, même si l’élevage ne lui aura jamais semblé si difficile qu’en ces derniers jours. Le garçon baisse les yeux vers son avant-bras droit, sur le bandage encore ensanglanté recouvrant la morsure de la Sharpedo.
«Comment tu t’es fait ça? Un pensionnaire?»
«Ouais. Sharpedo. Tout un caractère celle-là. Mais je vais…»
«Bien, oui, comme d’habitude. C’est elle qui t’a laissé cet Œuf de Carvanha, je suppose. C’est ton premier Œuf que tu produis?»
Silas écarquille les yeux. Dans sa panique, il n’avait pas réalisé. Il considère soudain l’incubateur d’un œil bien plus tendre. Une fierté qui avait été soufflée par ses angoisses ces derniers jours s’en trouve rallumée.
«Oui, en fait. Je ne sais pas comment va réagir le dresseur car ce n’était pas prévu, mais c’est une belle réussite.»
Malgré les conditions non-idéales du séjour des deux créatures aquatiques et leur caractère agressif, elles auront tout de même trouvé en la Pension le confort nécessaire de produire un Œuf. Silas ne l’avait pas considéré sous cet angle jusqu’à maintenant. Un sourire franc étire ses lèvres désormais et il baisse les yeux vers la table, rougissant de plaisir et d’embarras. Il sent la main de Marianne se poser brusquement contre la sienne.
«Hé, fais pas cette tête, t’as de quoi être fier!»
«C’est bon, c’est bon! Fais-moi voir cet Œuf plutôt.»
Ils rigolent. Marianne retire sa main dans un sourire et fouille dans son sac. L’œuf en émerge, d’un blanc cassé, parsemé de tâches rouges et bleues. Silas s’en empare de façon fébrile, sa main tremble doucement tandis qu’il le pose sur la table pour être en mesure d’en caresser la coquille.
«Togépi?»
«Togépi.»
«Oh…»
Le son admiratif qui échappe de la gorge de l’éleveur trahit son intérêt pour la petite créature qui y grandit. Une des espèces appartenant à sa spécialité, justement.
«Salut petite fée! Je vais m’occuper de toi jusqu’à ta naissance, qu’en dis-tu?»
Sherine est grimpée à moitié contre la table pour scruter l’œuf de plus près, le deuxième de la journée.
«C’est un client qui nous l’a laissé. Je ne sais pas encore quoi en fait. Avec mes recherches, je t’avoue que je n’ai pas beaucoup de temps pour en prendre soin. Déjà que Jayla se plaint que je la néglige. Mais je trouverai bien. En attendant, si tu peux prendre soin de l’œuf, ça me rendra déjà bien service.»
Jayla, la Flamajou de Marianne, l’assiste désormais dans ses recherches en tant qu’assistance officieuse. Silas se souvient d’elle, de la paire parfaitement agencée qu’ils forment tous les deux.
«Bien sûr. Ne t’inquiètes pas. Je ne te chargerai rien.»
«Non, ça j’y tiens. Tu n’as pas à fournir quoi que ce soit. Tu as besoin de cet argent, tu n’as pas la sécurité d’une Pension affiliée. Tu ne pourras pas survivre en rendant service à tout le monde. Alors tu prends mes sous et tu ne dis rien, d’accord?»
De toute manière, il s’agit d’un combat qu’il ne peut gagner. Marianne reste peu de temps ensuite. Il lui faut rentrer, étudier. Et Silas a aussi sa vie à mener. Comme il l’entend. L’œuf de Togépi contre lui, il se dit qu’elle a peut-être raison. Qu’elle avait peut-être raison toutes ces années. Qu’elle a cru en lui pour deux. Ce soir-là, l’éleveur pose la petite vie neuve dans un incubateur avec un soin paternel. Malgré ses doutes, il sait. Ce qu’il fait aujourd’hui fait encore sens pour lui. Car il a trouvé, malgré les embûches sur son chemin. Il a trouvé. (c)Golden