Depuis sa promotion, Roxanne s'est instaurée un rituel, chaque dimanche matin : faire une petite marche de deux heures chaque semaine, pour surveiller ce qui se passe dans les montagnes. Elle les connait bien, donc ce n'est pas un désir brûlant de connaissance qui la pousse à se réveiller à une heure particulièrement matinale, mais bel et bien une poussée de pragmatisme. N'étant pas en service, elle sait qu'elle n'a pas des masses de permissions et que tout cela ne sera pas intégré à ses rapports de performance, mais il s'agit d'une action avant tout destinée à la rassurer elle-même. Elle est toutefois tombée amoureuse de ces pentes dès lors qu'elle s'est installée à Baguin, et elle se rappelle avec une certaine nostalgie de ses premières rondes dans ces chemins escarpés, durant lesquelles elle se permettait avec une certaine insolence (à ses yeux) de faire des détours ou de quitter les pistes pour trouver des raccourcis, ou faire des petites découvertes de temps à autre.
Dorénavant, elle pourrait presque dessiner une carte de cette zone à main nue et par la seule force de sa mémoire, en prenant bien soin d'indiquer par une petite légende digne d'une épreuve du bac d'histoire-géo les endroits où l'on peut trouver les meilleurs fruits sauvages. Et c'est qu'elle l'avait déjà fait, en plus, quand de jeunes apprentis patrouilleurs au regard anxieux semblaient avoir besoin d'un petit réconfort.
Vous l'aurez deviné, il est quelque peu difficile pour elle de ne pas mélanger professionnel et privé tout court, mais encore plus lors de ses supposées « balades de repos ». Elle se sent pourtant très détendue. Les cheveux fermement attachés, elle jette un coup d'oeil derrière elle alors qu'elle arpente un chemin de terre, voulant s'impressionner et s'émerveiller tout à la fois de la ville qu'elle peut observer d'ici. La hauteur n'est pas encore très grande, mais elle ne peut pas retenir un sourire satisfait en remarquant que c'est le seul effort de ses pas qui l'a mené jusqu'ici. Encore un peu d'effort, d'ailleurs, et elle pourra peut-être admirer Baguin lorsque les rayons du soleil seront à leur rayonnement maximum ; une perspective qui l'enchante assez pour qu'elle se motive même à accélérer la cadence.

Le début de l'automne semble approcher à grand pas, d'ailleurs, puisque les températures baissent de plus en plus. Avec ses cheveux longs, Roxanne ne peut qu'apprécier. Même lorsqu'ils sont accrochés, ils lui font l'effet d'un petit bonnet captant la chaleur, alors elle n'aura plus à se demander chaque matin si elle ne va pas finir par les couper directement aux ciseaux, à la barbare. Toutes ces interrogations particulièrement cruciales sont donc terminées jusqu'à l'année prochaine. D'un autre côté, elle croit dire sans mal que l'automne est sa saison favorite, et que la pensée que cette dernière ne va pas tarder à se montrer la met dans un état de joie relativement impressionnant pour peu de choses. La simple vue de feuilles craquelées et brunies par le temps, ainsi que l'apparition des petites bourrasques de fin d'année la motive un peu plus chaque jour, si c'est possible.
Olbéric, de son côté, ne semble pas partager son goût pour ces choses. Il faut dire que plus leus pas les mènent vers les sommet, plus ils se rapprochent des zones enneigées. Fouler la cendre blanche ne lui pose aucun soucis par le fait de son type feu, mais il sait ce qu'ils vont bientôt atteindre, et il ne peut s'empêcher de ressentir une certaine nervosité. Nervosité qui ne se traduit que par une légère crispation de ses muscles, que remarque Roxanne avec une aisance toute naturelle.

« Allons, aurais-tu peur de quelques gouttes d'eau... ? »

Elle pouffe quasiment immédiatemment en voyant le visage du vieux chat se renfrogner, alors que ce dernier laisse échapper un soupir excédé, ressemblant presque à un grognement. Oui, il y a peu de surprises à ça : son compagnon n'aime définitivement pas le lac gelé.

« Voudrais-tu bien m'aider à me hisser... ? »

Boudeur au début, Olbéric se ravise bien vite quand vient le moment d'aider sa dresseuse. Serviable, il hoche de la tête, et se rapproche pour venir saisir avec la plus grande délicatesse possible la taille de la femme aux cheveux violets. Son expression reste austère, mais Roxanne sait bien qu'au delà de son air bourru et grognon, le Félinferno ne demande qu'à se rendre utile lorsque c'est possible, comme dans ce cas de figure. Il semble avoir oublié sa taquinerie de tout à l'heure, et se concentre sur l'action simple mais délicate d'aider la ranger à escalader une petite paroi. Ils pourraient bien passer par le chemin traditionnel, mais Roxanne a l'habitude de faire un détour, autant par arrogance de pouvoir le faire que par simple envie de se compliquer la vie, sûrement. Une fois que ses bras peuvent atteindre le sommet de la petite corniche, elle se hisse par elle-même, se servant de la force de ses genoux par un mouvement de levier somme toute assez classique. Olbéric, de son côté, n'a pas besoin qu'on l'aide. D'un bond, il accomplit le même geste, non sans une grâce dont ne disposait pas sa dresseuse. Cette dernière croise son regard satisfait ainsi que son petit rictus prétentieux, et lève les yeux au ciel, une moue désabusée mais amusée se dessinant sur son visage.

« Ne commence pas faire le malin. L'on verra bien comment tu t'en tireras, lorsque le vieillissement te rattrapera. Tes poils blancs ne mentent pas, chaton. »

Le Félinferno rétorque par un grognement condescendant qui n'est rien d'autre qu'un balayage éhonté des arguments de sa dresseuse à l'ego blessé. Il l'aide malgré tout à se relever sans la moindre hésitation, avant de l'épousseter avec délicatesse, et de jeter un coup d’œil vers le lac. Roxanne semble charmée, de son côté, au vu de la lueur enthousiasmée dans son regard et de son petit sourire appréciateur. Ce n'est clairement pas la première fois qu'elle vient ici, mais elle a un certain goût pour les jolis paysages. Avec l'automne qui s'approche, la glace du lac se raffermit, et elle se disait que pour le voir, se déplacer valait bien le coût. D'autant plus qu'elle avait entendu parler du fait qu'une certaine race de pokémon s'y développait particulièrement bien, et elle était quelque peu curieuse, quand elle lisait les rapports des rangers qui étaient chargés d'observer la zone.
Pour son plus grand plaisir, d'ailleurs, elle n'eut qu'à lever les yeux pour être mise devant le spectacle d'une Otaria qui s'amusait à faire des figures sur la glace, non sans grâce. En haussant les sourcils, elle se rapprocha, mais reste bien à distance, ne voulant pas l'effrayer. Intéressée, elle échangea un regard avec Olbéric qui, de son côté, montrait la même curiosité par la manière dont son expression était passée de celle d'une apathie générale à celle d'une circonspection positive.

Le spectacle auquel ils ont le droit est assez sympathique, en soi. L'Otaria manque assez clairement de coordination et d'expérience, mais sa bonne volonté compense aisément ses petites maladresses, on ne peut plus adorables si l'on en croit les pensées de Roxanne. Cette dernière ne peut pas s'empêcher de s'extasier, gagatant toujours pour rien. Olbéric, de son côté, lève les yeux au ciel en entendant sa dresseuse pousser des petits 'ooooh' admiratifs particulièrement aigu, ne comprenant pas son enthousiasme débordant malgré le fait qu'il ait lui-même montré un certain intérêt tout à l'heure.
Ils seraient bien restés ici si la femelle observée n'avait pas fini par les apercevoir, et s'arrêter d'un coup net. Elle semble curieuse, et crispée ; au vu de son regard nerveux porté vers le lac, c'est à se demander si elle n'hésite pas à y retourner immédiatement. Compréhensive, Roxanne tente d'apaiser la situation, par quelques signes de la main et un ton doux au possible.

« Oh non, non, ne t'embêtes pas de nous ! Nous ne faisions que regarder, tu es superbe ! »

La peau blanche de l'otarie rougit quelque peu, et même si ses muscles restent tendus, elle n'amorce finalement pas son geste vers la surface aquatique. Roxanne se permet un soupir rassuré ; elle s'en aurait voulue d'avoir interrompu l'amusement de la femelle par sa simple présence. Se comporter comme une bonne ranger implique un respect sans limites de la nature, ou du moins la violette le pense. Avoir perturbé l'Otaria, même un peu, aurait été aller contre cette philosophie. En un sens, leur présence était déjà une perturbation, mais Roxanne estimait que c'était un moindre mal face à ce que ses congénères pouvaient provoquer, à la base. Toutefois, aujourd'hui, elle est de repos, alors elle n'ira pas continuer son chemin. Elle est toutefois très intéressée par les sentiments de l'Otaria, et reste bien à distance en reprenant la parole d'un ton concerné.

« Est-ce que cela te dérange, que nous t'observions... ? »

Roxanne n'obtient pas de réponse immédiate, alors elle doute pendant une seconde d'obtenir une réponse positive. Mais finalement, après plusieurs longues secondes de réflexion, voilà que l'otarie hoche négativement de la tête, et se remet même timidement à ses figures. Satisfaite et même plutôt flattée d'avoir le droit de rester malgré l'appréhension initiale de l'Otaria, Roxanne décide de s'installer. Elle tourne toutefois un regard intéressé vers son Félinferno.

« Olbéric, s'il te plait ? »

Le félin sait ce qui lui est demandé, et s'exécute sans un commentaire. Il plonge ses pattes dans une partie de terrain enneigé, et laisse quelques flammes en sortir. La chaleur vient faire fondre une partie de la couche blanche, libérant ainsi une petite place certes humide, mais maintenant dépourvue de neige. Sans un mot, et comme une enfant devant un spectacle, elle s'assit, un grand sourire sur son visage.

« Ooooh que c'est joli ! Oh, c'est beau ! »

Rien de bien plus intelligent ne sort de la bouche de la ranger pendant que l'Otaria continue son petit entraînement. Elle pouffe légèrement en voyant une autre Otaria se mettre à sautiller dans la neige, amusée d'un rien lorsque son humeur est relativement bonne. Elle se sent assez privilégiée, sur le moment, et se permet même de s'installer plus confortablement. Elle n'oublie certes pas qu'elle désirait s'approcher davantage du sommet, mais une petite pause ne peut lui faire de mal ; elle aurait chigné de ne pouvoir s'approcher de cette partie de la montagne, de toute façon.
L'Otaria en est à sa cinquième figure, de ce qu'elle voit. Roxanne ne connaissant pas grand chose en patinage, elle en a peut-être raté plusieurs, mais elle compense par une véritable motivation à être un bon public : ses applaudissements sont nombreux, très nombreux. Elle pousse même quelques sifflements admiratifs lorsque la petite otarie se rapproche suffisamment pour terminer une de ses figures juste devant eux. Puis, finalement, dans un dramatisme qui l'enjoie davantage, l'Otaria termine par une courbette gracile, avant de s'immobiliser. Roxanne ne peut alors s'empêcher d'en faire des caisses.

« Bravo ! Vraiment, bravo ! »

Elle sourit sincèrement. Elle s'est bien amusée, et cette petite sortie prend une tournure qui lui plait tout particulièrement, surtout avec l'idée qui se forme de plus en plus dans sa petite tête. Avec un sourire attendri, elle ralentit son rythme d'applaudissements effréné et se relève doucement, en prenant bien soin d'enlever le reste de neige sur ses fesses. Elle ose se rapprocher en voyant que l'Otaria ne s'éloigne pas d'un air terrorisé, l'air avenante.

« Tu es fantastique, ma jolie. »

De nouveaux rougissements montent aux joues de l'Otaria alors que Roxanne se permet de venir caresser sa tête, une fois la permission donnée par un mouvement de la tête. Elle se surprend à être particulièrement admirative, à un tel point, d'ailleurs, que ses paroles suivantes tombent sans même qu'elle réfléchisse davantage à une manière de le dire.

« Dis-moi... Tu es seule, ici ? Est-ce que venir avec nous te tenterait ? »

L'Otaria eut l'air surprise.

Pour être honnête, Roxanne aime beaucoup les Otarias : c'est bien pour ça qu'elle faisait attention à s'assurer qu'ils étaient bien traités dans leur lieu de vie naturel. Ce n'était pas comme si le sort des autres pokémon ne l'intéressait pas, mais elle avait développé un intérêt particulier pour ces derniers, et il n'est pas étonnant de voir que cet intérêt est particulièrement ressorti avec cette femelle-là.
Femelle qui semble d'ailleurs bien étonnée par la proposition qui vient de lui être faite par la ranger. Au début, Roxanne croit qu'à l'expression de l'Otaria, elle devra faire face à un 'non', même si elle ne s'en formalise pas plus que ça, au fond. Tout au plus se prépare-t-elle à dire qu'il n'y a aucun mal avec un refus et qu'elle lui souhaite juste une bonne continuation, mais elle n'a pas besoin de le faire ; voilà que l'otarie hoche timidement de la tête, signe qu'elle est d'accord avec cette idée.

Satisfaite, Roxanne ne peut empêcher un rictus appréciateur de se dessiner sur son visage alors qu'elle sort une rapide ball vide sa sacoche, et vient tapoter doucement le front de l'Otaria avec, la laissant être absorbée dans la sphère de capture. Elle en oublie totalement le Farfuret grognon à quelques mètres de là.
Ce n'est pas rien, en un sens, car voilà qu'elle vient de capturer son troisième pokémon. Cela faisait déjà un petit moment qu'elle y réfléchissait, d'ailleurs, mais l'envie ne l'avait pas prise avant ce moment-là. Et après des années à se retenir de capturer le moindre pokémon pour des raisons financières, elle avait dorénavant toujours du mal à percuter que son salaire lui permettait maintenant de telles largesses. Elle est pourtant très satisfaite de son action, et un peu rictus s'étire sur son visage alors qu'elle se tourne vers son Félinferno.

« Et si l'on continuait, maintenant ? »

Olbéric hoche docilement de la tête, toujours aussi silencieux.