Il me manque. Parfois, je me surprends à penser à lui, quand une odeur,  un lieu ou bien une image me fait plonger dans le passé et comme à chaque fois, je me noie. Je me laisse surprendre par des larmes et un sentiment de manque qui me serre la poitrine et me ronge de l’intérieur, petit à petit. Ca déchire mon âme et il me faut un certain temps pour me ressaisir, me convaincre que c’est terminé, que ça fait déjà cinq ans et que je l’ai accepté. Mais aujourd’hui, ça ne passe pas. Ça ne veut pas passer ou alors, peut-être que je n’essaye pas assez…  Même Quidam tente de me remonter le moral en se pressant contre moi et en me léchant la main, pour attirer mon attention ou me changer les idées. Il attend que je le regarde avant d’aboyer et de tourner en rond devant la porte de l’appartement. Je me résous à me lever, à essuyer les larmes qui ont coulé sur mes joues et à sortir promener le chien, en me disant qu’à tout hasard, ça me changera les idées. Ce dont je ne suis pas convaincue, ça fait longtemps que je n’ai pas été comme ça. Et, comme si le temps était de mon avis, à peine sortie il se met à pleuvoir des gouttelettes. Elles ne font pas renoncer Quidam qui continue de progresser devant moi en trottinant. Je le suis, sans regarder autour de moi, mes yeux obstinément fixés sur le sol, à regarder où je mets les pieds. Je grogne et jure quand mes chaussures prennent l’eau mais nous continuons à avancer. Je revois encore ma mère m’interdire de jurer et je grommelle. De toute façon, s’il y avait un imbécile de dieu sur cette terre, tout ce serait passé différemment, nan ? Ils ne laisseraient pas les hommes s’entretuer. Au lieu de ça, on a des foutus pokémons dits légendaires qui multiplient les conflits pour s’approprier leur pouvoir, quelle blague. Si j’en croisais un je… Je… Je pousse un soupir rageur en sautant dans une flaque. Je ferai quoi ? Hein ? Je ferai comme tous les idiots et je regarderai, bouche bée ! Ça me met en rogne et je m’arrête pour regarder le ciel, juste un instant. Quidam sursaute quand je me mets à crier, je l’ignore.

« ARCEUUUS, RAMENE TES FESSES ! VIENS VOIR LE MAL DONT TU ES RESPONSABLE ! Viens ici… Viens voir… »

Je ravale un sanglot alors que seul le silence me répond et que je reprends mon souffle, sous le regard mi-apeuré, mi-dubitatif de Quidam. Comme un signe, la pluie redouble d’intensité et je pousse un juron à faire perdre ses derniers cheveux à mon père, pour peu qu’il lui en reste depuis que je l’ai vu, il y a des années de ça maintenant. Merde, c’est vraiment pas ma journée et je m’enfonce toute seule, pas besoin d’un coup de main extérieur, je me débrouille très bien ! C’est à mon tour de sursauter quand le caninos aboie et je jette enfin un coup d’œil à l’univers qui m’entoure. Nous voilà de retour à la rivière…

« Tu es sérieux ?! Il n’y a rien ici qui puisse m’aider… »

Modération:

Rien qui puisse m'aider ici, rien du tout. J'étouffe un sanglot qui alarme Quidam qui se dépêche de revenir vers moi et me fixe de ses grands yeux ronds. Je le regarde, je dois être dans un tel état... Ridicule. Je suis ridicule, il m'arrive quoi aujourd'hui ? Syndrome prémenstruel sûrement... Allez savoir vous ! Peine perdue, incapable de calmer mes sanglots, je vais m'asseoir au bord de l'eau, sur le sol détrempé par la pluie, de toute façon, mouillé pour mouillé. Je regarde l'eau s'écouler vivement en pensant à lui.

« Désolé... Je suis désolée... Je ne sais pas ce qui m'arrive. »

J'attends une réponse qui ne vient pas et qui ne viendra jamais quand brusquement, un magicarpe sort sa tête de l'eau et dépose devant moi quelques miettes de... Nourriture apparemment. Je la regarde, abasourdie. Je lève mon regard vers le ciel et je fronce les sourcils, si c'est une blague Arceus, elle n'est pas drôle ! Je reporte aussitôt mon regard sur le poisson qui ne s'est pas éloigné et qui effleure le museau de Quidam, ce petit curieux. Je m'attends à ce qu'elle l'arrose d'une minute à l'autre mais elle n'en fait rien, elle nage lui chercher de la nourriture et elle revient. Le caninos se dépêche d'avaler ce qu'elle lui apporte parce qu'il sait que je vais le gronder et je soupire.

« Ne nourris pas mon chien, il va être malade. »

Les deux se tournent aussitôt vers moi et me fixent avec leurs grands yeux ronds, une fois de plus. Je fais non de la tête et ils me répondre en faisant oui. Je lève les yeux au ciel d'exaspération et je remarque soudainement que j'ai arrêté de pleurer, que l'arrivée de la petite magicarpe a complètement évincé mes idées noires. Alors je me lève et je fais signe à Quidam qu'on y va. Mais il bouge pas le bougre, il reste à côté du poisson et ils me fixent toujours tout les deux ?

« Quoi ? Tu veux manger du poisson ce soir au dîner ? Non ? Alors on y va ! »

Il aboie, une fois, deux fois et le message est bien passé. Je regarde la magicarpe qui continue de barboter et je sors une rapide ball vide accrochée à ma ceinture. Je lui demande son avis et elle ne bouge pas, je soupire. Ca doit être un oui. Je lance la rapide ball.

Modération:

Comme prévu, la magicarpe ne fait même pas mine d'essayer de sortir, la rapide ball retombe sur le sol humide, devant moi, inerte. Je regarde mon compagnon qui court vers moi, heureux que j'ai accepté de capturer la magicarpe et je ne peux m'empêcher de réprimer un petit sourire également. Un léviator sera parfait comme moyen de locomotion sur l'eau, quoiqu'un peu grand pour la rivière mais si ça peut faire plaisir à Quidam d'avoir une nouvelle amie...

« Maintenant on rentre, je suis trempée et toi aussi. »

Il me regarde comme si j'avais menacé de le priver de nourriture pendant quinze jours et se précipite dans la direction opposée. Il remonte les berges de la rivière en courant et je ne peux que me lancer à sa poursuite, priant secrètement pour qu'il ne glisse pas et ne tombe pas à l'eau.

« Quidam, on reviendra, arrête toi ! »

Mais il ne m'écoute pas, il continue comme s'il avait le diable aux trousses et prend de plus en plus de vitesse jusqu'à disparaître de ma vue. Je commence à paniquer en continuant à l'appeler jusqu'à ce qu'un aboiement distinct me réponde. Je l'encourage à continuer jusqu'à le rejoindre plus en amont de la rivière. A quoi joue-t-il ? Je le fusille du regard mais il fixe l'eau et je comprends aussitôt le problème : un pandespiègle est tombé dans la rivière et s'accroche désespérément à un rocher pour ne pas se laisser emporter pas le courant. Et moi qui déteste nager... Pourtant je me lance, je retire vivement ma veste, mes chaussures et je me jette à l'eau un peu plus en amont et aidée du courant, je rejoins le pokémon sauvage à bout de forces. Je l'attrape en le serrant contre moi et il s'agrippe à mes vêtements que ses griffes ne manquent pas de trouer. Quant à moi le rocher m'offre une prise mais pas pour longtemps, le courant est plus fort qu'il n'y paraît et si je ne veux pas me retrouver au lac, il va falloir que je trouve une solution pour rejoindre la rive. Et pendant ce temps, Quidam ne cesse d'aboyer dans notre direction et je me demande bien à quoi il pense. Aller, réfléchis Kido, réfléchis... Il doit bien y avoir quelque chose.

Modération:

Plantée au milieu de la rivière et ballotée par le courant, une main agrippée à un rocher, l’autre serré autour du pandespiègle qui s’agrippe à moi comme à une bouée de sauvetage, en mettant les griffes, je me demande vraiment ce que j’ai fait pour mériter une journée pareille ! Si je n’étais pas à bout de souffle, j’aurais certainement maudit Arceus une fois de plus mais là… Je cherche plutôt un moyen de me sortir de me tirer d’ici pour ne pas finir au milieu du lac d’Anula. Quidam continue de faire des allers-retours sur la rive en aboyant bruyamment mais je ne fais pas beaucoup attention à lui, je lui hurle juste de rester loin de la rive, déjà un à sauver c’est suffisant ! Je réfléchis à un moyen de nous sortir de là, je commence à être engourdie et je vais finir par lâcher, c’est dans ces moments-là qu’un pokémon eau serait le bienvenu ! Mais attendez… J’ai un pokémon eau ! Mais pas de mains  pour saisir la pokéball… On tourne en rond Kido, on tourne en rond.

« Tu t’accroches d’accord ?! Tiens-toi bien ! »  

Et je sens ses griffes se planter dans mon jean et ses bras d’ourson se serrer autour de mes épaules. Je l’encourage en lui disant que c’est bien, qu’il ne doit pas lâcher et je me dépêche d’attraper la pokéball du Magicarpe qui apparaît devant nous et nous fixe avec ses yeux ronds, une fois de plus. Pas trop pressé, pas inquiète… Elle fait des blop blop face à nous en luttant contre le courant pour rester à notre niveau.

« Tu peux nous ramener sur la rive ? Au moins nous guider sinon on va se faire emporter par le courant. »

Calmement, la magicarpe accepte et me présente son dos, je m’y agrippe autant qu’il est possible de le faire sur un poisson visqueux mais elle se dépêche et malgré la force du courant, elle arrive à nous tirer progressivement jusqu’à la rive et je peux enfin m’accrocher au rebord et hisser l’ourson sur la berge. Quidam se précipite à notre rencontre et en courageux compagnon, il se met à couvrir de coups de langue le pandespiègle pour le réchauffer. Je me hisse à mon tour hors de l’eau à la force de mes bras ou du moins à ce qu’il en reste puisque je dois m’y reprendre à deux fois. Je remercie la magicarpe et la rappelle dans sa pokéball puis je souffle en tremblotant sur la rive.

« Cette fois on rentre hein ? »

Quidam hoche la tête alors que l’ourson se remet petit à petit de sa mésaventure et s’éclipse dès qu’il est capable de tenir sur ses pattes. Nous prenons nous aussi le chemin du retour, lentement. La pluie s’arrête petit à petit et le calme revient jusqu’à ce que Quidam se mette à grogner. Je soupire avant même de me retourner et je croise le regarde d’un Caratroc qui me fixe droit dans les yeux et qui nous suit, Quidam et moi. J’essaye de l’ignorer mais il insiste et le Caninos part à sa rencontre. Il semble bien qu’il ait vu notre petite mission de sauvetage et qu’il souhaite nous accompagner, du moins c’est ce que je déduis quand il continue à nous coller aux basques. Bon… Un de plus ou un de moins. Il me reste une rapide ball vide alors je lui demande son accord et quand il commence à se balancer d’une patte sur l’autre, je prends ça pour un oui.

Modération:

Exactement de la manière que la magicarpe un peu plus tôt, le caratroc n’essaye pas de sortir de la pokéball et j’en déduis que j’ai visé juste. Je ramasse le précieux objet que je glisse à ma ceinture en me demandant comment je vais bien pouvoir appeler mes deux nouveaux compagnons. Quidam trottine devant moi, heureux de toute cette aventure tandis que moi, je traîne des pieds à l’arrière, fatiguée, trempée et courbaturée. Je ne pense qu’à prendre une douche et à m’allonger pour le reste du week-end. Et c’est tout. Je ne pense plus à lui, je ne pense plus à cette journée, je ne pense plus au passé ou aux cauchemars, juste à ce que je vais faire en rentrant. Je comprends alors que c’était ce dont j’avais besoin, qu’il fallait que quelqu’un me secoue et que ce quelqu’un, peu importe qui il est m’a secouée. Il y aurait peut-être eu des façons plus subtiles de le faire mais il l’a fait. Et ça fait du bien. Je  suis à nouveau calme, résolue, je peux me ressaisir et profiter de la fin de ma journée… Sous ma couette, bien au chaud.
Quidam se presse devant moi et atteint notre petite maison bien avant mon arrivée, il m’attend sur le palier que je lui ouvre, ce que je fais en lui demandant de s’essuyer les pattes sur le paillasson. Le bougre s’ébroue devant moi, m’éclaboussant d’innombrables gouttelettes avant de filer en courant pour rouler et se frotter sur le tapis de ma chambre. Je soupire, résignée et je file à la sdb. Je rempli la baignoire dans laquelle je fais apparaître le magicarpe et le caratroc.

« Que les choses soient claires, ici c’est ma maison et… »

Ma phrase n’est pas terminée que ma tortue est déjà en train de se sauver dans le salon pour retrouver le caninos. Quant au magicarpe, elle fait des bulles dans ma baignoire en me fixant de ses grands yeux ronds. Je me demande alors comment je vais l’appeler tout en retirant mes vêtements pour me glisser sous la douche… Croustibat ? Petit pané… C’est marrant petit pané mais à mon avis ça risque de ne pas lui plaire. Je continue de réfléchir quand je me souviens du nom de la poissonnerie où ma mère et moi faisions toujours quelques achats. C’était l’Odyssée. Parfait comme nom. Un peu glauque mais parfait. Odyssée. Quant au caratroc… Je me mets à bailler à m’en décrocher la mâchoire. On y pensera demain.

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