Le repérage dans les falaises de l’ouest la veille n’était qu’une mise en bouche, ça m’a permis de de me familiariser avec l’environnement et de me lier d’amitié avec une rare Draïeul dont on m’a dit qu’ils étaient aussi doux que des agneaux et qu’ils aimaient particulièrement rendre visite et jouer avec les enfants. Je ne sais pas ce qui a réellement convaincu cette dragonne de me suivre mais elle a insisté pour venir avec moi et aujourd’hui, elle joue au guide en marchant lentement devant ma collègue à travers les sentiers abrupts qui mènent aux falaises. Ma collègue/amie, Tasha me présente l’objectif de la journée, à savoir recenser les populations d’Archéomire de la région car d’après une étude, ils seraient en train de proliférer énormément dans cette zone de montagnes et sans le vouloir, ils dégradent l’environnement local. Si cette étude s’avère effectivement exacte, il faudra alors envisager d’en capturer et d’en relâcher une partie dans les montagnes voisines voir même sur une autre île où ils sont plus rares et ont plus de difficulté à se reproduire. Voilà donc la mission dans les grandes lignes. Rien de très nouveau, dans la région humide, nous tenons un compte des populations de pokémon pour éviter un trop gros déséquilibre même si jusqu’ici, nous n’avons pas le besoin qu’ils ont aujourd’hui de peut-être déplacer des pokémons.

Tasha ne cesse de parler, de la pluie et du beau temps, de ma dragonne, de l’évolution de Quidam, d’elle aussi, beaucoup même. Je ne l’écoute qu’à moitié et je fais plutôt attention où je mets les pieds, j’ai encore une bosse de la veille et quelques égratignures de chute. Aujourd’hui, je me méfie. Quidam ferme la marche et à chaque fois que je me retourne pour vérifier qu’il est toujours là, il a le regard mauvais fixé sur le Furaiglon posé sur l’épaule de mon amie. Je peux presque l’entendre penser qu’il va le faire rôtir alors je le foudroie du regard en guise d’avertissement et lui fait comme s’il n’avait rien vu. Mais je sais que c’est suffisant et qu’il ne fera rien que je puisse regretter.

Devant nous, la Draïeul s’arrête et pousse un petit cri que je n’avais pas encore entendu. Je me porte à sa rencontre et je caresse son épais pelage duveteux qui doit lui tenir bien chaud. D’une de ses pattes avant, elle m’indique la direction à sa droite où se dessine un chemin qu’un éboulement de pierres a complètement bouché. Je sais que les Draïeul peuvent voler, je l’ai lu hier soir sur Poképédia mais je ne suis pas assez confiante pour lui demander, elle a l’air tellement sage. Si elle le souhaitait, elle me l’aurait proposé, très certainement.

« Bon, que fait-on maintenant ? »

Modération:

Tasha me rejoint et regarde le gros éboulement qui a complètement bloqué le chemin et notre progression par la même occasion. Elle hausse les épaules en nous assurant qu’il y a un autre chemin et je la crois, je lui fais confiance. Puis je me retrouve à devoir longer les charnières des falaises et je pense que j’aurais préféré passer des heures à déblayer le chemin plutôt que de devoir progresser à moins d’un mètre du vide. Il y a si peu de place que j’ai dû forcer Quidam et Néia à rentrer dans leur pokéball mais pas le choix…. Néia aurait pu voler mais j’ai préféré ne pas prendre de risques inutiles. Nous voilà donc à tenter de rejoindre notre zone d’étude en longeant le précipice. Je me force à ne pas regarder en bas mais la tentation est trop forte et si je suis habituellement une dévoreuse d’adrénaline, quand le risque est réel, je ne me sens pas du tout à l’aise. Un simple coup d’œil au précipice suffit à me glacer le sang et je me dépêche de suivre Tasha qui avance d’un pas bien plus assuré que moi ! On sent l’habitude… Depuis combien de temps ce chemin est-il bloqué hein ?

En levant les yeux au ciel, je remarque qu’un Roucool nous fixe, perché du haut de son promontoire, il nous fusille du regard et je doute que ses intentions soient bonnes. J’appelle ma collègue pour lui montrer l’oiseau mais elle rigole en m’assurant qu’il n’y a aucun danger. C’est ça oui… Je la crois encore une fois jusqu’à ce que l’oiseau plonge en piquet vers nous et tente de nous déstabiliser pour nous faire tomber. La panique me gagne et le Furaiglon de Tasha se jette entre le Roucool et nous pour lui barrer le passage et nous faire gagner du temps pour rejoindre une plateforme plus large. Et on ne s’attarde pas, on avance aussi vite que possible et enfin, le précipice s’éloigne et un grand plateau s’ouvre face à nous. C’est limite si je ne plonge pas pour l’atteindre, bien trop heureuse de ne plus être aussi proche du vide. Aussitôt, j’appelle mon Cabriolaine, beaucoup trop à l’aise sur ce genre de terrain pour me passer de son soutien ! Il fixe le Roucool qui nous tourne autour d’un mauvais œil et finalement, nous engageons le combat.

Je peux comprendre qu’il cherche à défendre son territoire mais nous ne représentons pas une menace et il le sait, nous ne sommes pas les premiers humains qu’il croise, cette zone est plus touristique qu’elle en a l’air. D’ailleurs elle est même très facilement praticable si on reste sur les sentiers balisés par les rangers… Evidemment.

Modération:

Après un affrontement relativement rapide, le Roucool ayant percuté de plein fouet les cornes du Cabriolaine, il est tombé raid et j’en ai profité pour le capturer. Une amitié qui ne démarre pas vraiment du bon pieds mais bon, au moins il ne mettra plus personne en danger, c’est l’essentiel.  Et nous voilà donc arrivé au sommet des falaises, avec la vue perdue dans les nuages qui s’étend devant nous. Nous prenons quelques instants pour détailler ce que nous apercevons à travers la brume puis nous nous concentrons finalement sur notre tâche. Je fais revenir Quidam et le regarde s’amuser joyeusement avec la chèvre qui saute sur son dos et essaye de conserver son équilibre avant de tomber, déséquilibrée. Ils répètent ce petit manège une vingtaine de minutes avant de finalement s’allonger et se reposer.  Et pendant ce temps, avec Tasha, nous fouillons le lieu à la recherche d’Archéomire. Certains sont équipés d’émetteurs suite à un précédent recensement, cette fois-ci quand leur espèce était menacée -c’est ce que m’expliquer Tasha- alors ils sont très faciles à localiser. D’autres se cachent dans les fissures des roches ou derrière des blocs de pierre, dans des cavités très exiguës où il est difficile de les convaincre d’en sortir. L’un d’eux me donne du fil à retordre et je dois lui promettre deux baies pecha avant qu’il ne daigne mettre le nez dehors. J’en profite pour lui faire une petite marque, semblable à celles faites à ses congénères pour éviter qu’il ne soit compté deux fois puis je lui donne sa récompense. Il vient les grignoter dans ma main, calmement avant de me remercier en se frottant contre moi puis de repartir se cacher au fond de sa planque.

Nous procédons au recensement toute la matinée avant de prendre finalement une pause déjeuner. Nous nous installons toutes les deux contre le corps chaud de ma Draîeul et sortons de quoi sustenter les estomacs de nos compagnons et les nôtres. Une fois tout le monde servi, je me permets enfin de croquer dans mon sandwich avec envie, j’ai une faim de loup ! En parlant de loup, un hurlement résonne en écho dans les falaises et je hausse un sourcil en regardant Tasha. Elle m’explique que c’est probablement le vent qui souffle entre les montagnes et croque une nouvelle bouchée de son casse-croûte. Je hausse les épaules avant de reprendre un croque du mien, presque persuadée qu’il ne s’agit pas seulement du vent.

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Je partage mon sandwich avec quelques la Draïeul qui me quémande un morceau puis, une fois le repas terminé, nous prenons un moment pour nous reposer et discuter AVEC Tasha. Elle me questionne sur la région humide, sur les habitudes de mon équipe de rangers et je fais de même. Nous partageons des anecdotes sur nos expériences passées, des histoires plus improbables les unes que les autres et nous en rions joyeusement toutes les deux. Et puis machinalement, comme dans la plupart des conversations de fille qui se passent bien, elle me demande naturellement si j’ai un copain, fiancé, mari ou amant et je me renferme sur moi-même. Perspicace, Tasha ne rate pas une miette de ma mine renfrognée et me demande avec innocence si ma relation se passe mal, si je viens de me faire larguer –elle ne le dit pas tout à fait en ces termes- et si j’ai besoin d’aide. Je lui fais signe que non de la tête mais je ne dis pas un mot. Ca fait plus de cinq ans mais c’est toujours douloureux. Je n’ai pas cherché à revoir quelqu’un depuis mais je n’ai pas non plus cherché à rester célibataire mais Inconsciemment, je me suis juste détaché, j’ai refoulé mes sentiments, ce que j’aurais pu éprouver pour un autre que lui et j’ai ignoré les potentiels candidats, c’était juste encore trop tôt. Du moins c’est ce que j’ai fait jusqu’à il y a peu de temps, sans m’en rendre réellement compte. C’est quand un collègue m’a demandé si je voyais quelqu’un et m’a proposé de sortir que j’ai compris combien je m’étais rendue aveugle à ce qui m’entourait, sans que ça ne me fasse pour autant changer d’attitude. Seulement j’en ai pris conscience et aujourd’hui, c’est en connaissance de cause que je me barricade derrière mes murs de refus et d’ignorance.

« Personne en vue. Et toi ?
- Non plus, célibataire. J’ai un collègue qui me plaît mais je n’arrive pas à prendre mon courage à deux mains et à l’inviter.
- Tu ne devrais pas hésiter, s’il te plaît vraiment… C’est peut-être réciproque.
- Je ne sais pas trop… On s’entend bien et on travaille souvent ensemble et je l’apprécie vraiment, chaque jour un peu plus mais je ne suis vraiment pas sûre qu’il éprouve plus que de l’amitié pour moi.
- Si tu l’apprécies vraiment, il faut le lui dire. S’il pense comme toi, vous allez passer à côté l’un de l’autre. Ce serait triste, pas vrai ?
- Tu le penses ? Ça t’est déjà arrivé ?
- Pas exactement de cette manière-là mais on peut dire ça, oui. »

Si j’avais refusé ce coup à boire ce soir-là, si je m’étais obstinée à l’éviter, si j’avais demandé une mutation comme j’y pensais alors ça ne serait jamais arrivé, lui, notre histoire. Alors je ne peux que lui conseiller de prendre son courage à deux mains et d’affronter ce qu’elle ressent, peut-être que quelque chose de bien en ressortira. Je mets fin à la discussion en me levant et nous reprenons le boulot après une longue pause. Néia me suit tandis que nous contournons un pokémon en train de s’entraîner à briser un rocher. Je le regarde quelques minutes, impressionnée par sa dextérité, sa forme, sa tenue et ses gestes qui se rapprochent étrangement des humains, je trouve ça à la fois curieux et étrange. Je prends quelques jolies photos du judoka puis nous continuons à nous enfoncer un peu plus au cœur des falaises.

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La journée continue comme elle a commencé, plus elle avance et plus nous tombons sur des archéomires que nous avons déjà compté, d’où l’intérêt de les marquer et quand le soleil commence à décliner dans le ciel, nous nous mettons d’accord pour prendre doucement le chemin du retour tout en continuant à regarder si nous n’apercevons pas d’autres dessous de plat volants. Toutes les deux en selle sur Quidam, nous entamons la longue descente abrupte des falaises, chemin bien plus court que de faire le tour pour utiliser les sentiers balisés des promeneurs. Quidam qui se montre d’une agilité épatante sur ce genre de terrain, avance doucement d’une patte sûre et nous lui faisons totalement confiance pour ne pas nous laisser tomber au fond du ravin. Au pire, Néia qui vole au-dessus de nous sera là pour nous rattraper. Je détaille d’ailleurs d’un œil admiratif la dragonne dont la fourrure verte est facile à deviner entre les nuages. Elle progresse lentement, par grands battements d’ailes puissants. Le soleil descend face à nous derrière la ville de Baguin et nous nous arrêtons quelques minutes pour observer les teintes chaleureuses de la fin de journée. Un mouvement dans les airs sur ma droite attire mon attention, c’est un petit Scéléroc qui sort de sa cachette diurne, annonçant la tombée imminente de la nuit.

Nous ne nous attardons pas plus longtemps et terminons la descente des falaises. Malgré la fatigue après cette longue journée, Tasha me propose de venir prendre un verre chez elle et si dans le passé j’aurais plutôt refusé, aujourd’hui, je sais l’importance qu’une simple invitation peut avoir alors j’accepte de bon cœur. Nous discutons une bonne partie de la nuit autour d’un verre de vin blanc, entre fille avant de finalement tomber de sommeil après les dix premières minutes du film Love Actually. Je n'ai jamais été très à l’aise dans les soirées filles mais celle-ci était bien agréable. Et pour une fois, la pizza quatre fromages que nous avons commandée n’est pas la seule responsable.

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