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/!\ Cet OS ne contient aucune violence mais Noah est amené à euthanasier un pokémon et ça fait malheureusement partie des choses qui arrive dans un centre de soins. Ce n'est pas choquant mais ça peut affecter certaines personnes, je préfère prévenir afin que ceux qui se lancent dans la lecture en soit conscient. « In found God on the corner of Firt in Amistad Where the west wal all but won Smoking his last cigarette I said where you been ? He said, ask anything. » Qui a déjà vu chien plus paresseux que Zora ? La jeune medhyèna est allongée sous mon bureau, étalée comme une crêpe en train de faire la sieste. Je commence à croire que ce n’est pas un chien mais bien un chiffon. Elle est de nature très calme pour une femelle de son espèce, complètement même à l’opposé de la nature habituelle des medhyèna qui sont plus agressifs, méfiants et grognon, un peu plus comme sa maman et un peu moins comme elle. Plus j’y pense et plus je me dis que Zora serait une candidate parfaite pour les formations de manipulation auprès des étudiants et des novices. Avec moi, elle se laisse retourner dans tous les sens et pour mes collègues, c’est pareil, ce chien s’apparente réellement à une serpillère. J’imagine qu’en ma présence, ça ne lui poserait pas plus de problèmes de laisser des inconnues la toucher. Mais pour ça, je préfère attendre qu’elle soit plus grande, que ce ne soit plus un bébé afin qu’il n’y ait pas de risque de malentendu, de changement de comportement ou d’acquisition de mauvaises habitudes. En tout cas, c’est une idée à développer quand elle aura évolué.
J’étouffe un bâillement à me décrocher la mâchoire en regardant l’heure à la montre sur mon bureau, bientôt vingt-trois heures. Ma nuit de garde ne fait que commencer. Je soupire en glissant une main dans mes cheveux et retourne me servir un long café noir sans sucre. Habituellement j’aime le prendre avec un peu de lait et un sucre mais pour les nuits de garde, lle long noir s’impose. Pendant que je me serre une tasse, le téléphone des urgences sonnent et je m’y précipite, non sans me brûler en reposant la cafetière.
« Bonsoir, centre pokémon de Vanawi, j’écoute. - Bonsoir docteur, mon héricendre ne se porte pas très bien. - Que lui arrive-t-il madame ? - Il éternue ! Il n’arrête pas d’éternuer ! »
Je ravale un soupir, essayant de paraître objectif mais jugeant pourtant qu’un héricendre qui éternue ne relève pas d’une urgence de nuit mais bon, je préfère une femme qui s’inquiète un peu trop pour son compagnon que l’inverse. On voit déjà trop souvent des pokémons délaissés pour pester sur des dresseurs bien attentionnés.
« Il a le nez bouché ? Peut-être pris ? Des difficultés respiratoires ? - Non, je ne crois pas, il éternue beaucoup, il a le nez qui coule un peu mais il respire bien. - Les héricendres sont très sensibles au coup de froid. Vous allez le mettre dans une pièce bien chauffée où il n’y a pas de courant d’air, lui mettre des couvertures et une bouillote à sa disposition. Si ça ne va pas mieux d’ici à jeudi où si son état se détériore, apportez-le-nous, d’accord ? - Entendu docteur, merci. - Pas de problème, bon courage. Au revoir. »
Dans l’heure qui suit, je reçois quelques autres coups de téléphone, rien qui nécessite une intervention de nuit, je les invite tous à passer au centre dès la première heure le lendemain matin puis je raccroche, carburant au café noir. Le risque de prendre une urgence qui n’en est pas une, quand on est de garde, c’est que si derrière il y a un réel problème, un accident grave qui nécessite une intervention immédiate par exemple, alors je peux perdre du temps, beaucoup de temps… Et quand on parle d’accident grave justement. J’entends frapper à la vitre du centre, Zora relève une oreille avant de la laisser retomber. Pour ma part, je pose mon mug fumant de café et je vais voir, en apercevant la jeune femme qui essaye de soulever son Persian qui tremble dans ses bras, je me rends aussitôt compte de la gravité du problème. J’appuie sur le bouton qui permet d’activer l’ouverture des portes puis je me précipite à sa rencontre, l’aidant à porter son animal.
« Que lui est-il arrivé ?! »
La femme ravale ses sanglots et reprend sa respiration pour me répondre de manière hachée, faible et effrayée. Ce que je peux parfaitement comprendre car voir votre meilleur ami à quatre pattes inconscient est une expérience assez marquante. On a l’impression de perdre le contrôle et de ne rien pouvoir faire pour aider notre pokémon. C’est le cas de cette femme désespérée qui craint certainement le pire.
« Il… Il allait bien… C’est arrivé d’un coup, il s’est mis à… A trembler comme ça… - Quel âge a-t-il ? - Quatre ans. »
A nous deux, nous portons et déposons l’animal sur une table d’intervention. Alertée par les pleurs et le sentiment de panique de la femme, Zora pointe le bout de son nez dans l’entrebâillement de la porte et je lui fais signe de filer, je ne veux pas qu’elle voit ça, je ne suis pas pessimiste mais ça ne sent pas bon pour le félin… Je commence par un diagnostic rapide, les babines sont blanches au lieu d’être bien rouge, le sang n’irrigue plus les vaisseaux, sa respiration est faible et son regard vitreux ne suit pas le mouvement de mon doigt, ses pupilles ne se rétractent pax correctement en présence de lumière. Ca sent pas bon, vraiment pas bon… Je le mets aussitôt sous perfusion, tondant un petit carré de poils sur l’une de ses pattes avant afin d’y placer la perf avant d’emballer le tout dans un sparadrap assez serré.
« Il va mourir ? »
Je ne réponds pas, à la fois parce que je n’en sais rien mais aussi parce que je suis absorbé par les examens que je suis en train de réaliser. Le persian se met brusquemment à convulser et je lui demande de reculer, laissant l’animal trembler violemment et l’empêchant juste de tomber de la table, récoltant quelques coups de griffe dans l’action. Mais je conserve mon calme, refoulant le sentiment de que je laisserai ressortir plus tard. La panique n’aide pas, ce n’est pas professionnel et surtout ça empêche de réfléchir. Le meilleur moyen d’aider cette femme et son animal est de rester calme, froid, distant de l’épisode terrible qui se déroule sous mes yeux et de réfléchir, de trouver une solution au mal être de l’animal.
« Est-ce qu’il a eu de la fièvre récemment ? Des pertes d’appétit ? Des raideurs dans sa démarche, ses mouvements ? - De la fièvre je ne sais pas mais ça fait quelques jours qu’il mange peu et qu’il lui arrive parfois de trébucher ou de perdre un peu l’équilibre. Mais il semblait aller plutôt bien, il jouait, il s’amusait toujours autant avec les autres et… Oh mon dieu, j’aurais dû le voir, j’aurais dû l’amener au moindre doute… »
Elle se remet à sangloter et malgré mon envie de lui dire qu’elle n’est pas responsable, de la rassurer, de lui dire que tout va bien se passer, qu’on va tout faire pour qu’il s’en sorte, je n’en fais rien, je me concentre sur le patient qui a cessé de convulser. Un coup d’œil à ma montre m’apprend que ça a duré environ 3 minutes, c’est beaucoup. Je sais ce qu’il a, les symptômes correspondent mais si c’est ça, si c’est vraiment ça alors vu son état, il est trop tard… Je serre les dents en ravalant mon pessimisme et je sors un antibiotique que j’injecte directement dans la perfusion.
« Il a une méningite. C’est assez rare et normalement ce n’est pas très grave et ça se soigne correctement sauf que celle-ci fait penser à une méningite d’origine bactérienne. - Ménin… Méningite ? - Une infection des méninges qui est une membrane qui recouvre le cerveau, elle s’accompagne souvent d’une inflammation du cerveau ce qui explique les pertes d’équilibre et la désorientation. Normalement c’est bénin mais ici… - Il va mourir ? »
Et à nouveau cette question. Je ravale le nœud dans ma gorge et je réponds sincèrement en plongeant mon regard dans le sien car il est des choses qui méritent d’être dites en face.
« C’est… C’est probable oui. - Probable ? - A ce stade, il a peu de chances de s’en tirer mademoiselle et si jamais il en réchappe, il y aura très certainement des séquelles comme une paralysie faciale ou des membres. Je lui ai administré un traitement antibiotique, un antidouleur et anticonvulsivant. Dans une dizaine de minutes, il ne souffrira plus et… il faudra malheureusement prendre une décision mademoiselle… »
Elle me fixe, me regarde comme si j’étais le diable en personne, habité à la fois par un chagrin dévastateur et par une colère enragée contre elle-même qu’elle a besoin d’extérioriser sur quelqu’un, comme moi par exemple, le messager. Je vois bien le drame qui se déroule dans son esprit, le déni face à ce que je viens de lui dire, toutes les solutions qu’elle envisage, toutes les possibilités qui pourraient justifier l’état de son compagnon, qui lui permettrait de le sauver puis, quand elle pose son regard sur lui, la résignation, l’abandon et le dilemme. Je connais tout ça par cœur, je l’ai vu des dizaines de fois mais c’est toujours aussi difficile à voir, plus difficile encore de rester impassible, de ne pas partager sa peine, de ne pas l’aider à affronter son chagrin mais ça fait partie du travail. Si je laissais un morceau de moi-même à chaque fois, je deviendrai fou, il ne resterait plus rien de moi, ni de mon mental d’acier, ni de mon âme ou de mon cœur. Le secret, c’est de se détacher de ses émotions jusqu’à ce que la vague soit passée. Après on peut pleurer, après on peut faire le deuil d’un patient, pas en présence d’un propriétaire qui a besoin d’être accompagné dans un choix aussi difficile. La femme hoche la tête et plonge son visage dans la fourrure de celui qui a été son ami pendant quatre ans, elle pleure, elle s’en veut, elle lui parle, lui murmure des encouragements, des promesses de bonheur, de prairie où il pourra courir librement, de paradis, de poisson plus gros que lui qu’il pourra pêcher et de rivière où se baigner. Je l’écoute silencieusement, préparant les deux seringues pour l’intervention, lui laissant le temps qu’il lui faut pour faire ses adieux à son compagnon, les laissant se bercer dans une intimité, dans un monde qui n’appartient qu’à eux. | | |
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