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L'Elu auto-proclamé des Monarchistes fait son entrée ! La Compétition, Elixir et le Gouvernement sont en crise et les Anarchistes demandent la démission du Chef du Conseil.
Mini event n°1 : Panique à Vanawi !
Un blocus Anarchiste est en cours à Vanawi, sous surveillance des forces de l'ordre.

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Interlude familial III (OS /!/ contenu sensible /!/)
Alexander Nagel-Jung
Interlude familial III
/!/ TW : manipulation et violence verbale, états dépressifs, narcissisme, omission et déformation de la réalité, maltraitance. Vous êtes peut-être habitué.e.s avec Alex, mais lisez tout de même en connaissance de cause ! PS : Alexander et Helmut se parlent en allemand tout du long. /!/

Début Juin 2023.
Personne ne sera surpris si je dis que j’ai toujours adoré aiguiser des couteaux. Le bruit du frottement de la lame contre la pierre ponce, le son du métal qui change à mesure que son tranchant devient plus acéré. La répétition de ce geste presque rituel, autant dans le mouvement que dans les sonorités qu’il dégage me fascinait. A l’époque je n’étais pas bien vieux et je n’y voyais pas de connotation cruelle comme aujourd’hui. Mes lubies n’allaient jamais sans un rituel de répétition régulier et marqué. Il en allait de même pour les films, les romans, la musique, que je me repassais des dizaines de fois à la suite pour en distinguer tous les détails. Jusqu’à connaître des dialogues, des pages entières, des partitions par cœur. Il est étrange que je n’ai pas gardé cette persévérance ou une concentration aussi accrue hors des quelques rares œuvres ou activités qui monopolisaient totalement mon attention. Et disons qu’il y avait des périodes. J’ai toujours été un obsessionnel. Quand quelque chose m’occupe et m’intéresse, ce n’est pas à moitié : c’est corps et âme. Si ce n’est pas à ce point, mon intérêt décroît très rapidement et je laisse tomber l’objet de mon désinterêt sans jamais le finir. Probablement est-ce pour ça que je n’ai jamais vraiment fait quelque chose jusqu’au bout. Mon intérêt fluctue sans arrêt, je n’accroche jamais pleinement. Il parait que c’est une conséquence possible lorsqu’on a des troubles de l’humeur. Le fait d’avoir des occupation nébuleuses et superflues, aussi, dans lesquelles mon entourage ne trouvait que peu d’ « utilité » ou de « sens ». Je ne saurais dire quand est-ce que mon obsession s’est déplacée jusqu’à se fixer, jusqu’à aujourd’hui encore, sur le fait d’empoisonner la vie des gens. Mais, c’est probablement parce qu’on me reprochait de ne m’intéresser à rien d’utile, de ne jamais persévérer, de ne pas faire sens, d’être décousu dans mes faits et gestes.

Ça les dérangeait beaucoup, Helmut et Martha. Ces deux gros intellos ne supportaient pas que je ne fasse pas de sens à leurs yeux. Probablement car ça les renvoyait et exacerbait leur propre absurdité. Bah, si, vous savez, comme le fait d’avoir des gosses mais de jamais les assumer derrière et d’être incapables d’accepter qu’ils soient au moins aussi détraqués qu’eux. Parce que oui, malheureusement, même si les chances sont infimes, la génétique est parfois taquine et il ne faut pas sous-estimer la puissance de ce qu’on projette sur ses propres gamins. Mais bon, je ne suis pas là pour me victimiser. Quoique peut-être un peu, juste pour faire douiller Helmut qui vient aujourd’hui au parloir. Il va me demander comment avancent mes études de littérature. Ce qu’il dénigrait déjà sans l’avouer vraiment par le passé. J’aurais dû être comme son Ellias. J’aurais du faire quelque chose de « concrêt ». Admettre qu’on peut s’exprimer par l’écriture, la musique, et d’autres rituels de répétition qui en disent long sur notre personnalité comme j’essayais de le faire, il ne voulait pas. Car il aurait bien voulu. Lui et Martha auraient bien voulu avoir, comme moi, quelque talent dans autre chose que les chiffres et les faits pour exprimer leur malaise. On leur avait appris à se taire. Ça les dégoûtait que j’arrive à m’exprimer. Ça les dégoûtait de parvenir, des fois, à donner sens à mes lubies, de découvrir des choses sur moi, sur eux, alors que j’essayais de créer d’exprimer un malaise qu’on a jamais écouté.

Parce que je n’étais pas comme mon cousin Ellias. Je n’étais pas « concrêt ». Je ne faisais pas « sens ». Je ne vivais pas dans la « réalité ». J’aurais mieux fait de « prendre exemple sur lui ». Je devrais « travailler » pour avoir son « mérite ». Je devrais « être productif ». Quel dommage, je n’étais pas aussi parfait qu’Ellias. Mais avant de me dire tout ça… Helmut et Martha avaient-ils eux-mêmes réfléchi à s’ils « faisaient sens », eux, dans leurs actes, dans leur vie, dans leur famille, dans leurs relations… ?

Je n’ai guère de souvenir de proximité avec Helmut en dehors de la cuisine. Pour le reste, il se désintéressait systématiquement. Tiens, peut-être est-ce pour ça que je passais tant de temps en cuisine, à aiguiser des couteaux, sans discontinuer.

Un jour, il est entré et m’a vu à l’ouvrage. Je crois même qu’il a souri en coin en me disant qu’avec moi, au moins, les couteaux de la maison sont toujours impeccables. « Impeccable ». Il n’a jamais qualifié aucun autre de mes actes d’ « impeccable ». Vous savez, quand on est en début d’adolescence, on prend encore un peu tout au premier degré. Et c’est ce que j’ai fait, mais, passons. La sincérité d’Helmut et sa bonne humeur ce jour-là n’était pas dûe qu’à ma présence et à mes actes, bien entendu. J’avais eu la naïveté de l’espérer. Puis j’ai vu Ellias rentrer dans la cuisine derrière lui. Je me souviens parfaitement de la crispation qui avait envahi, engourdi mes membres lorsque j’ai croisé le regard mi-indifférent, mi-effrayé de mon cousin, comme s’il était face à une bête curieuse et imprévisible. Mais après tout, n’est-ce pas ainsi que j’ai toujours voulu qu’on me regarde, ainsi qu’avec un peu de pitié ?

A la vue d’Ellias, à entendre sa voix et celle de mon père débuter un dialogue jovial comme je n’en avais jamais eu, la jalousie s’insinuait dans mon estomac et jusque dans ma gorge tel un poison bloquant peu à peu mes gestes, mes pensées. Je m’en souviens parfaitement, ou plutôt, je ne peux que me souvenir, car cela fait des jours que ce poison m’empêche de réfléchir clairement.

Je ne me sentais pas bien. Et alors, mes gestes se sont emballés sur la pierre ponce et le couteau déjà affutés. De plus en plus vite, sans que personne ne s’en rend compte.

« Alex ! Attention ! »

Jamais je n’ai entendu interjection plus sincère à mon égard, venant d’Helmut. Jamais je ne l’avais entendu si effrayé pour ma vie. Lorsque je suis sorti de ma transe, j’ai vu le sang envahir la pierre ponce, coulant jusqu’au bois de la grande table. Mon propre sang coulant de ma main que j’avais fini par entailler sans le vouloir. Une profonde coupure striait ma paume envahie par l’hémoglobine écarlate. Mon esprit n’a pas tardé à se troubler mais j’entendais toujours mon père m’appeler pour me garder conscient.

« Restes pas planté, là, toi, vas chercher des bandages ! »

Ses cris ont même heurté Ellias, qui s’est exécuté sans attendre. L’espace d’un instant, je me suis senti supérieur à cet être qu’on m’avait toujours vendu comme tellement parfait et infaillible. C’était enivrant, c’était délicieux, sa mine dépitée, l’attention qu’on me portait soudainement. L’attention que me portait mon père devenu blanc comme un linge, voire vert, malgré sa peur du sang. Il avait même posé une main sur mon épaule pour que je m’assois et m’apaise, et pris ma main pour u appliquer le bandage. Faut-il pas être désespéré, pour relever des gestes aussi banals et nécessaires. Mais malgré la douleur et le sang qui coulait, juste pour cette victoire, j’ai lutté pour rester conscient.

Ce soir-là, après qu’on m’ait recousu aux urgences, j’ai préparé le repas avec mon Papa. Ellias est resté dans son coin à bosser et j’ai pu le narguer. Juste cette fois, j’avais gagné. Juste cette fois…

« Ça va aller ? Tu as été courageux. »




En arrivant au parloir, je baisse lève la paume de ma main gauche et sa cicatrice toujours bien visible à hauteur de mes yeux. Oh, voyons, j’ai bien le droit d’être un peu nostalgique de temps à autre. Ça n’a pas duré, de toute façon.

« Qu’est-ce que tu regardes ? »


De toute évidence, Helmut a oublié, lui. Normal, quand on est un fieffé menteur et un type foutrement toxique avec ses gamins. On ne va surement pas donner le moindre crédit à leurs émotions. Et dans mon cas, ça doit bien l’arranger que je sois détraqué. Bon, le problème, c’est qu’il l’est autant que moi, alors, il ne peut plus vraiment faire comme si ne rien était.

« Rien. Je ne fais pas sens, comme d’habitude. »

Fis-je en lui lançant un fin sourire provocateur. Après l’affaire de la coupure, les choses n’ont pas changé. Elles ont empiré. Car j’avais compris que je pouvais attirer l’attention de mes parents. Sauf que j’avais beau me débattre, ils n’y trouvaient qu’absurdité et redondance. Donc, comme vous savez, j’ai fini par tout essayer. Tout. Et on sait comment ça s’est terminé. Mais, cela suffit de parler du passé. Je garde ça pour mes cauchemars.

« La dernière fois, avec ta mère… »

Il s’efforce de mettre les formes, mais je sens sans aucun mal qu’il n’est pas très content de mon attitude envers Martha, lorsqu’elle est venue il y a quelques mois, et que ça m’a juste rendu violent. En un sens, c’était le but. Et si j’avais eu Ellias devant moi, je lui aurais mis encore plus cher avec le même objectif en tête. L’attention négative de mon père et son dégout me donnent vie, que voulez-vous…

« Je sais, je sais, j’ai été vilain. Tu vas faire quoi, m’enfermer dans ma chambre et m’oublier ? »

Je lui adresse un clin d’œil mesquin. Quoi, c’est ce qu’il faisait… Pourquoi vous vous demandez encore où je trouvais le temps pour lire autant et comment j’ai étrangement oublié de développer mon empathie ?

« J’admets que… » Oh… ? Oh, vas-y, fais ton drama. Chiales un petit coup, j’ai bien besoin de ça, en ce moment. « C’était une mauvaise idée de laisser Martha venir ici sans t’en avoir parlé avant. Mais je ne crois pas qu’elle avait mérité tes… menaces. »
« Mes menaces… ? Tu peux le dire, que j’ai été violent. Ou alors, tu peux toujours pas admettre ça ? »


Rétorquais-je en appuyant sur les mots qu’il a utilisé lui aussi. Plus les années passent, plus je deviens bête et méchant, bizarrement. Je crois que le fait que je sois en prison et que je commence à voir que je vais pas bien y est pour quelque chose. Héhé.

« Soit. Tu n’avais pas à la violenter. »


Rohlala… Mais quel gamin… A copier mes provocations comme un Pijako. Faut pas s’étonner que j’ai mal tourné avec un modèle paternel qui n’en était pas un, parce qu’il ne s’est jamais comporté comme un adulte en ma présence.

« Ok. » Dis-je d’un ton monocorde et je-m’en-foutiste. Qu’il ne la laisse plus jamais venir me voir. J’espère qu’il a bien compris. « T’avais autre chose à me dire où tu es juste venu me dire que « bouh, faut pas être méchant avec ta Maman » ? »

Parce que j’ai pas très envie de m’éterniser. Ça lui fait certainement plaisir de venir pour se flageller mais si c’est juste pour me fixer dans le blanc de mes grands et très beaux yeux bleus, ça va vite devenir pénible.

« Il y a beaucoup de choses que j’aurais à te dire car j’étais vraiment furieux, sur le coup, mais bon… »

Wah, ça fait peur... Il pense certainement que sa femme se défend très bien toute seule mais je sens que s’il veut se faire passer comme mou même s’il n’en pense pas moins. Probablement se dit-il que je suis un peu vieux et que ça sert à rien de me faire la leçon car malgré mes mauvaises habitudes je sais que ce que je fais est mal. Oui, ça l’arrange bien, ça l’a toujours bien arrangé. Il aurait fallu m’apprendre tout ça avant que je décide de prendre un couteau, non pas pour me couper, cette fois, mais pour planter d’autres gens. Bref, qu’est-ce qu’il veut, Monsieur Moumou ?

« … Euhm. Comment tu vas, toi ? »

…Pardon ? Je croyais qu’il avait quelque chose à me demander où qu’il voulait se plaindre et… Quoi ? Y'a une roubiniolle dans la terrine, là. Ce n’est pas la première fois qu’il me pose la question, certes. S’il demande… Ouais, j’attends de voir ce qu’il me veut ensuite. Donc autant sauter l’étape des politesses.

« Qu’est-ce que tu me veux ? »
« Hein ? »


J’émets un claquement de langue et lève les yeux au ciel. Non seulement il est gros, diabètique et dépressif mais en plus il est bouché, maintenant. On peut plus rien en faire.

« Je dis : qu’est-ce que tu me veux ? »


Je vais pas être naïf. Il a quelque chose de chiant à me dire où à me demander. Par exemple, quelque chose en rapport avec Ellias, je ne sais pas… En rapport avec Ellias qui se ramène comme une fleur dans la vie de Ludwig. Je ne suis pas con, je sais qui est mon papounet d’amour. Je ne lui trouve pas d’autres raisons de venir me voir si ce n’est pas pour m’emmerder un maximum. Ou alors je suis en train d’être parano et je suis tellement narcissique que je fais de mon cas et de mon comportement une telle généralité et… Oh, j’en sais rien, est-ce que je le connais, ce type au fond, hein ? Pas vraiment, non, Helmut, à mes yeux, finalement, ça peut-être n’importe qui. Et surtout un type qui m’a accusé des années d’avoir détruit sa très chère petite famille parfaire (insérez ici des rires enregistrés). Ah, et accessoirement, il a voulu me zigouiller sur un coup de sang parce que, quand même, c’est moi le psychopathe dans l’histoire et j’ai vraiment dépassé les bornes en osant être encore en vie alors qu’il aurait préféré me voir mort après qu’on n’ait jamais retrouvé mon corps. Trop c’était trop, quoi, gnagnagna, ouin, ouin. Il en a gros sur la patate, ce gros con, vous devriez le plaindre autant que vous me plaignez. Donc, non, je ne suis pas parano. Avec tout ça en tête, c’est pas du tout impossible qu’il vienne encore pour me faire chier car il n’a pas fait caca le matin. Car, oui, dans son esprit, c’est probablement aussi ma faute s’il est constipé. C’est ironique car j’ai plus l’habitude de faciliter le transit intestinal des gens, en temps normal. Mais, trêve d’analogies scatologiques et revenons à nos Lainergies.

« Je ne comprends pas. »

Bien sûr qu’il ne comprend pas. Quand c’est moi, il ne comprend jamais. Bouhouhou. J’en pleurerais quand j’irais vomir sur sa tombe.

« Si tu me demandes comment je vais c’est très probablement pour me demander un truc derrière donc vas droit au but. »

C’est marrant parce que, autant c’est un très mauvais acteur et un piètre menteur, autant là, son effet de « oh je suis surpris et même un peu outré =O » est fort réussi.

« Euh… Non ? Qu’est-ce que je… Quoi ? »


J’y croirais presque et en réponse à sa surprise apparente, je lance un regard noir. Je n’ai pas très envie de jouer au plus con car il sait bien que je gagne à chaque fois. De peu, mais j’arrive toujours à être le plus immonde entre nous deux. Impatient et impertinent, je me mets au fond de mon siège et croise les bras sur mon torse, dans l’attente d’un aveu de la part de mon père. Celui-ci est vraiment confus. Je vais finir par y croire mais je n’ai pas envie de lui donner le moindre crédit.

« Tu es sûr de toi ? T’as rien à m’annoncer ? Un truc que je devrais savoir, peut-être… ? »

Il lève les yeux au ciel, semble réfléchir en inspirant de manière sonore puis redescend vers moi, l’air plus sérieux que jamais.

« Euh… Non. Vraiment pas. »

Nom de dieu d’Arceus de mes fesses, ce qu’il m’énerve. Je ne sais même pas pourquoi on essaie encre sachant qu’on est incapables de tenir une conversation d’un bout à l’autre. Même un seul échange, ça ne tiendra pas la route, alors, à quoi bon. Il a reussi à me couper l’envie d’emmerder le monde.

« Il y a quelque chose que je devrais t’annoncer ? »

Oh, il y a quelque chose que j’aimerais bien entendre, oui.

« Que t’as choppé un cancer et que tu vas pas tarder à crever ? »


Le silence qui suit, ce n’est pas la grosse ambiance. Même moi je ne ricane pas vraiment car ce n’est pas ma meilleure blague… c’est même pas une blague, en fait. J’ai habitué les gens à mieux, avec mon humour dévastateur. Bon sang, mon père est tellement relou qu’il tue l’humour en me regardant. Quel pouvoir terrifiant !

« Non. Et c’est pas drôle. »

Marmonna-t-il d’un air sévère, franchement dépité et dégouté par mes propos. Un nouveau silence lourd et pénible s’allonge jusqu’à ce que l’autre reprenne la parole.

« Mais, vraiment, je ne sais pas ce que je devrais avoir à te dire donc si tu pouvais m’éclairer… »
« Ah ! Tu vois ! Tu avais quelque chose à me demander ! »


Oui, c’était juste pour avoir le dernier mot. Papounet lève les yeux au ciel, soupire, puis se facepalme avec force avant de se masser les tempes avec le pouce et le majeur.

« Tu me fatigues, Alexander. »
« Ouais, si le psy pouvait dire ça, il le dirait aussi, je crois. »

Et moi aussi, je suis fatigué. Je me ramollis. Mon paternel relève la tête, l’air un peu moins blasé.

« Donc tu y vas toujours. »
« J’ai pas vraiment le choix. »
« Ah, oui. »


Bah oui, gros malin, je suis en prison et encore en soins forcés vu ma condition et mes problèmes comportementaux. Enfin, encore une conversation avortée, à force, je ne les compte plus. Allez, il va bien finir par cracher le morceau en ce qui concerne Ellias.

« Enfin… Toi, ça va, mon gros papounet d’amour ? »

Eurk. Trop de miel. J’irais me faire vomir en rentrant dans ma cellule et me flageller pour me purifier. Même lui, ça l’écœure, y’a qu’à voir sa grimace dégoutée et sa mine déconfite comme s’il était en train de ravaler son vomi. Venant de moi et de mon sourire de parfait sac à merde hypocrite, ça doit être encore plus gerbant.

« Ne fais pas ça, c’est très louche et malaisant. »
« Mon cul sur la commode, c’est toi qui est louche. J’en ai ras-le cul que tu te ramènes sans raison juste pour… J’en sais rien, ça me saoule d’essayer de chercher. Donc, racontes-moi ta vie de merde, ça me distraira. »


L’autre ouvrit la bouche pour dire quelque chose puis la referma d’un air lassé. J’en ai marre, je manque de mordant, il ne va pas se mettre à chialer et son drama aussi facilement. Ça me fait chier, mais plus que jamais, son air impassible me donne l’impression que je suis celui qui n’évolue pas et qui plonge de plus en plus. A chaque fois, c’est pire, je n’arrive plus à attaquer, je finis par me sentir fatigué de plus en plus vite, je me sens mal, je panique. Je dois être au meilleur de ma forme. C’est ce qu’il doit croire. Je n’ai as besoin de lui pour me comprendre, voir ma détresse, je n’ai besoin de personne. Mais, j’ai besoin qu’il souffre. Je ne sais même plus pourquoi, c’est juste devenu une nécessité pour avoir son attention, malgré tout ce que j’essaie de faire pour camoufler la réalité et mon état pathétique, au bord du craquage.

Je crois que le « retour » d’Ellias a achevé de tout casser. Il a achevé de me faire comprendre mon impuissance, l’endroit où je suis. Je ne peux rien faire. Je ne suis plus « là ». Je n’existe plus pour les gens qui vivent à l’extérieur. Je ne compte pas, je vais rester ici encre très longtemps, une vingtaine d’années au moins. Quand je sortirais, Helmut, Martha seront peut-être morts. Ludwig aura sa vie, Riku sera encore plus loin, j’aurais plus de 50 ans. Je ne me suis jamais vu vivre au-delà de 50 ans. Ellias vivra encre longtemps. Il aura la vie de rêve de tout gosse de riche qui s’est emmerdé à bosser pour penser qu’il a mérité de se la couler douce au-dessus du reste du monde. Dans 20 ans, même si je vis encore, je ne serais plus rien. Et si Ellias n’était pas revenu dans la vie de Ludwig, n’était pas encre dans la vie d’Helmut pour lui faire un fils de substitution… Alors, mon pouvoir sur eux, ma seule et dernière façon d’exister hors des murs de cette prison où je suis tout sauf exceptionnel ou libre, tout ce qui me reste et me fait croire que j’ai encore un peu d’influence sur mon existence et celle des autres… Sans Ellias, tout ça n’aurait jamais été menacé.

Helmut a vu mon regard redevenir de plus en plus noir et je me suis remis à le fixer dangereusement. Il y a encre quelque chose à faire. Je n’ai pas encore perdu. Je ne serais pas oublié, pas si facilement. Ils ne gagneront pas, ils resteront à ma merci. Car j’ai besoin de sens à mon existence.

« Comme tu es bouché, je vais t’expliquer la situation histoire que du haut de ton pouvoir de gros riche, tu fasse quelque chose pour moi. Pour une fois, c’est toi qui vas faire un effort. »

Je vois bien que mon paternel s’est rapidement tendu pour se mettre sur la défensive. Il sait que je suis vicieux, il a vu ce dont j’étais capable. Il plisse les yeux en écoutant mes paroles prononcées sur un ton de plus en plus grave et sérieux. J’ai surement l’air d’une caricature de petit psychopathe qui joue à être un petit psychopathe, mais qu’importe. Je suis capable de tout. J’ai tout fait pour attirer son attention, c’est la seule chose qui marche et le bouscule un peu dans tout ce que j’ai essayé. Et il ne me donne aucune raison de cesser.

« Tu peux bien faire quelque chose pour ton fiston, non ? Toi qui tiens tant à te faire pardonner pour avoir bonne conscience. »

Le visage d’Helmut se crispe encore d’avantage. Aurais-je visé dans le mille ? Il essaie de se donner l’air innocent mais personne n’est dupe de son petit manège. Il essaie juste de se sentir un peu mieux avec lui-même, cet égoïste. Mais, son regard dévie pour jeter un œil à un des matons qui surveille le parloir.

« Ne t’enflammes pas, je peux très bien prévenir un maton que tu me fais du chantage. Ton psychiatre sera ravi d’apprendre qu’après avoir violenté ta mère, tu essaies de manipuler ton père. »


Ouhlalala… Rapporteur à quatre moteurs, quand tu pètes tu me fais peur. Je me penche un peu plus et lui envoie un sourire des plus mielleux et mesquins.

« Oh, oui. Après-en, tu peux voir comme vous m’avez bien élevé... On apprend beaucoup de la menace, de l’enfermement et du délaissement. Ça fait qu’en grandissant, on a plus aucune notion de limite. »

L’autre ne bouge pas, mais son regard s’endurcit à son tour. Son poing se ferme et je vois la honte le submerger un instant quand il brise le contact visuel. Bien sûr, que j’ai raison.

« Tu sais, ma mère m’a déjà fait le coup de vouloir me tuer tout en étant en prison. Alors tu ne vas pas m’impressionner avec ça. »

Super, le bluff, on y croirait presque. Mais il fait fausse route.

« Qui a parlé de toi ? »

J’ai besoin de lui, histoire qu’il souffre en direct. Mais bon, je vais éclairer sa lanterne.

« Tu vas dire à Ellias de partir d’Enola et de ne plus jamais revoir Ludwig. Parce que je crains qu’il lui arrivera une bricole, s’il reste. »


J’ai rarement vu Helmut avec un regard aussi acéré. Il n’est pas content. Il me fixe ainsi quelques secondes puis se recule. Pourquoi a-t-il l’air de se détendre ? J’aime pas ça. Pourtant, il devrait me prendre au sérieux.

« Donc en gros… tu me fais une crise de jalousie ? Vraiment ? »

Mais je t’emmerde, gros connard ! C’est lui qui m’ignorait pour être mielleux avec son neveu favori. Il continue à se foutre de moi et à me rire au nez. Quel sombre fils de chacal… Ce n’est pas moi qui joue au gamin, là, c’est lui qui n’est pas capable de regarder la vérité en face.

« Laisses Ellias en dehors de tout ça. Tu le détestes peut-être mais il n’a rien demandé. »

Tu parles, il me provoque. Il m’a toujours nargué. Je ne compte pas discuter, dans tous les cas. Je préfère que l’autre s’enfonce, se mette en colère et parte en se sentant comme le dernier des cacas boudins qui puent.

« Mais… Après tout, je n’ai jamais… Enfin, ça, il aurait fallu te l’expliquer il y a longtemps. »

…Quoi ? Mais énerves toi, bordel ! Perds ta crédibilité, ne commences pas à t’excuser. Il continue de marmonner en cherchant ses mots et je commence à reculer sur ma chaise. Ne vas pas par là… Ne fais pas ça, tais-toi, n’oses même pas poursuivre.

« J’aurais dû voir qu’au lieu de te rabaisser de ne pas être comme lui… Enfin… comme je le voulais… Il aurait fallu t’aider. »

Je vais me réveiller. C’est un cauchemar. Je vais me réveiller et tout se passera exactement comme j’ai prévu et je serais victorieux. Mais, non, je ne rêve pas et tout se brise. J’ai la nausée et ma gorge se bloque, retenant encore une envie de pleurer comme le dernier des demeurés. Je me lèvre brusquement de ma chaise, horrifié en fixant Helmut qui me regarde… Je ne perçois rien de malicieux dans le bleu de ses yeux, dans son expression crispée et coupable. Je… Je ne veux plus être là. Je ne veux plus jamais qu’il réapparaisse devant moi, même pour me divertir. Je veux qu’il crève dans la douleur… Qu’il ressente ma propre douleur. Et si… Et si Nikolos avait raison ? Et si… Si c’était vrai ? Si Helmut était sincère ? Aucune chance… Aucune chance. Par pitié, ne me donnez pas tord.

« Je suis déso… »
« FERMES TA PUTAIN DE GUEULE ! »


Ai-je hurlé d’une voix brisée. Un maton m’a déjà saisi alors et j’en profite pour l’insulter encore histoire qu’on m’emmène encore plus rapidement. Je sens les larmes qui montent alors que je lui fais entendre mes dernières invectives.

« Et ne reviens plus jamais ! »


J’ai le sens du dramatique, je sais. Je dois toutefois garder assez de force. Je dois encore mettre mon plan à exécution. Même si rien de tout cela ne fait plus aucun sens, il me faut éjecter Ellias du tableau, parce que… Parce que j’ai l’impression que c’est ma dernière chance de survie. Ma dernière chance de gagner le droit d’exister à leurs yeux.
Avec Papounet.
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Alexander Nagel-Jung
Alexander Nagel-Jung
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Lun 23 Juil 2018 - 14:11
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