Je me retiens de gigoter dans tous les sens, ne cachant pas mon sourire idiot alors qu'il affirme exister un moyen pour qu'il m'accompagner les fois suivantes. En vérité, je ne compte pas aller à la plage de manière générale sans qu'il ne soit présent. C'est important, pour moi, qu'il soit là. Et bien sûr que je le mérité, après tout ce qui s'est passé. C'est tellement évident que je ne fais même pas mine de bouder alors que je sais qu'il va changer d'avis. Il ne peut pas me refuser ça. Pourquoi n'aurait-il pas envie de traîner avec moi, après tout ? Puis notre dernière sortie à deux datait déjà d'il y a un petit moment, quand même. J'aimerais bien qu'on en fasse plus, à l'avenir... Enfin, dans la limite de ses disponibilités. Je sais qu'avec la Pension, sa thèse, Axel... Il est pas mal pris. Et moi non plus, je ne chôme pas. Je trouve juste ça dommage qu'on ait pas davantage de temps à nous. J'imagine qu'on pourra toujours se faire quelques week-end ensemble, au pire, ça sera déjà mieux que rien.

« Hééé ! C'est pas juuuste ! »

Bon, j'espère quand même qu'il ne va pas me balancer à la flotte à chaque fois, sinon je serais cap de lui balancer du sable, d'abord !.. Non, en fait j'en serais incapable.

« Traître ! Tu vas voir ! »

Les chatouilles, ça marche à chaque fois. Je me jette sur lui une fois sorti de l'eau pour l'attaquer de mes mains en forme de pinces qui s'empressent de lui faire des guilis, tout en ricanant comme un idiot. Des restes de fatigue subsistent, évidemment, mais j'ai pourtant l'impression d'être en pleine forme, quand je suis décidé à passer du temps avec mon petit-ami. Peut-être parce que ça fait un moment que j'avais envie de ça... Un instant de tranquillité pure où je peux faire ce que je veux en compagnie de mon copain, sans me soucier de mes devoirs ou lui des siens. Une journée parfaite pour décompresser et penser à autre, malgré le temps qui se gâte lentement mais sûrement. Un phénomène que je remarque à peine, et j'en viens à m'inquiéter un petit peu seulement quand  je sens des gouttes tomber subitement sur le visage.

« Il... Il pleut ? »

Question bête, mais dans le doute, je préfère toujours demander, au cas où je confondrai avec de l'eau salée. Ils n'ont pas annoncé d'orage, du peu que j'ai retenu des infos. Ce qui veut dire qu'on pourra sûrement s'abriter sous le parasol.

Mon sourire s'est effacé, laissant place à une moue plus que déçue. Bon, dans les faits, comme tente de le faire souligner mon copain, ça ne change pas grand chose étant donné que nous sommes déjà trempés de la tête aux pieds, mais... Mais la pluie c'est chiant, quand même ! Puis quand il pleut, bah il fait plus froid, aussi. Et j'aime pas trop le froid. Enfin. Disons que je l'aime quand je suis en intérieur bien emmitouflé dans une couverture et que j'ai un chocolat chaud, des guimauves, et l'autre hérisson à côté de moi pour me servir à la fois de coussin, peluche à câliner et radiateur. Sur Enola, au moins, la température à notre altitude actuelle ne nous permet pas d'avoir spécialement froid même avec la pluie. Toutefois, je ne me plaindrais pas si nous nous abritions, et le cadet a compris mon message quand il m'entraîne déjà hors de l'eau pour que nous puissions enfin nous sécher. Nous retournerons peut-être à la mer après, mais pour le moment, m'étendre un petit peu sous le parasol (ou parapluie) ne me fera pas de mal. Et je pourrais prendre un petit bain de soleil si une sieste m'en dit, et si ledit soleil revient. En m'installant sur notre serviette, je m'empresse d'en choper une autre pour mes cheveux afin de brièvement les sécher, et de la poser ensuite autour de ma nuque. J'en profite également bien sûr pour me rapprocher de l'éleveur avant de mettre ma tête sur son épaule. Je me sens détendu comme rarement je l'ai été ces derniers mois. Si je prenais déjà mes week-end pour me reposer, ce serait un grand pas en avant. Je regrette bien sûr qu'un malaise ait dû me réveiller pour de bon, mais je ne vais pas me plaindre de vouloir à présent prendre ma santé en main et m'améliorer sur mes horaires de travail qui étaient faussement productives et peu glorieuses. Ce n'est en effet pas en finissant tard que j'aurais pu arriver à quoi que ce soit, puisque la fatigue me faisait faire de nombreuses erreurs que je devais aussitôt corriger lorsque Camille me renvoyait les dossiers. Bercé par le son des vagues et de la pluie qui commence à se montrer de plus en plus, je ne pense toutefois plus à tout ça. Je suis ici pour me relaxer, et j'ai clairement déjà remarqué une différence depuis que j'ai arrêté de bosser trop intensément. La vue de l'océan semble même donner quelques idées à Natsu, qui me parle tout à coup de virée en mer. Curieux aux premiers abords, je ne tarde pas à montrer un soudain enthousiasme.

« Bien sûr ! Héhé... Puis j'suis curieux de savoir comment tu conduis, à vrai dire. »

J'ai permis Pokémon vol, moto, voiture... Mais pas bateau. J'ai eu pourtant quelques occasions pour me le procurer mais je n'ai jamais rien saisi, n'en voyant pas l'intérêt pour l'instant. Je me suis dit que tant que j'avais des Pokémon Eau sur lesquels je pourrais monter, la question ne se posait pas ; et je ne suis pas du genre à m'acheter des tas de yachts pour frimer et montrer que j'ai le plus gros compte en banque (surtout que ce n'est sans doute pas vrai, avec la fortune des Roque-Lartigue, Lionel doit être plus riche que moi).

« Enfin... À condition qu'on ait pas un nouveau Pokémon légendaire pour faire basculer le bateau ! »

Je souris, ronronnant intérieurement mais glousse un petit peu pour montrer que je plaisante. Vous me direz, c'est assez évident, vu le ton que j'ai employé, mais je sais que les souvenirs de la croisière de la Compétition ne sont pas spécialement bons pour tout le monde, en particulier Natsume qui s'est inquiété pour moi plus que ce que j'aurais pensé (oui, je sais, je ne devrais pas être étonné mais duh je suis con). Au fond, ça me fait plaisir qu'il me propose ce genre de sortie, vraiment. Je sais qu'il aime bien rester à la maison la plupart du temps pour être tranquille, ou qu'il préfère se balader dans la forêt autour de chez nous, mais quand il me demande si ça me dirait de l'accompagner autre part, je suis toujours enclin à le suivre, et ce n'importe où. Même si pour cette fois... Je sais pourquoi il pense à ça. Ou du moins, ce qui le pousse à envisager qu'on change d'air une fois de temps à autre. Alors mon regard devient tout à coup distant, porté au loin, dans le vague.

« Je sais que je devrais pas avoir à compter sur toi pour m'arrêter dans mon travail, mais... Ça me rassure, quand je sais que t'es derrière... Même si je ne suis plus censé avoir ce genre de problème à l'avenir. »

Et je me le suis promis. Pour moi, pour lui, pour tous ceux qui se sont inquiétés à mon sujet alors que je suis celui qui aurait dû faire des efforts pour ne pas m'épuiser ainsi, puisque j'étais dans mon droit de demander (ou d'imposer, à ce rythme) à Zingaro de me soutenir mieux que ce qu'il a fait ces quelques temps. Je ne sais pas encore comment il réagira quand j'irai lui parler, mais je suis déterminé à me faire entendre et à obtenir gain de cause.
Je marque cependant une pause, n'ayant en soit rien à ajouter de plus concernant cette histoire, puisqu'elle est déjà assez préoccupante comme ça et que je ne crois pas qu'on veuille y repenser davantage. D'autres pensées pourtant me traversent, viennent flotter dans mon esprit.

« Est-ce que... Axel aime la mer ? »

Je sais que Axel est totalement hors sujet à tout ce qu'on a dit et que ma question n'avait rien à voir avec sa proposition, pour le coup. Mais la plage, je sais que c'est un endroit où les familles aiment bien aller pour se détendre et passer du temps ensemble. Alors je me disais que pour le gamin, ce serait peut-être bien... Sa situation est loin d'être aisée mais il fait de son mieux malgré tout. Je me souviens, à son âge, que j'aimais beaucoup la plage. Contrer la chaleur en se baignant, jouer avec des raquettes ou au ballon, construire des châteaux de sable tous ensemble... De bons souvenirs que j'aimerais bien partager plus tard si jamais... Enfin, si Axel peut connaître ça aussi et passer d'agréables moments ici, je me dis que... Que ce serait chouette pour lui.

Esquissant une moue faussement blessée devant sa pique non méchante, je ne tiens pas bien longtemps une fois qu'il me répond sincèrement. Je peux même déceler avec surprise de la douceur dans ses propos, comme si c'était devenu naturel pour lui de parler de l'enfant, l'air de rien. Interdit, je le scrute tandis qu'il glousse ensuite. Un léger rire adorable que je n'aurais pas manqué de remarquer si sa tendre attitude ne m'avait pas rendu immobile et je cligne des yeux en le fixant d'une drôle d'expression. Je ne sais plus comment réagir quand je le vois éprouver de l'affection pour le petit aussi ouvertement. La pointe de jalousie qui m'animait jadis s'est considérablement amoindrie, et j'en suis le premier étonné quand je le contraste. Il n'y a plus qu'un vide, aujourd'hui, alors que je m'interroge sur les sentiments à avoir. M'interrogeant bien trop longtemps pour le coup là-dessus, je ne comprends que trop tard ce que mon copain essaye en réalité de me dire.
Eh... HEIN ?! Naniiiiii?!
Ce n'est que maintenant que je discerne les traces de rouge qui ont commencé à colorer son visage et que je capte les quelques mots doux sous forme d'aveux qu'il m'adresse. Je ne m'attendais pas du tout à ça, aussi con que cette dernière pensée puisse être. Bouche bée, je cligne des yeux avec stupeur en le dévisageant. Des teintes rosées attaquent à mon tour mon visage qui reprend la chaleur qu'il avait perdu suite à la baignade rafraîchissante.

Plusieurs secondes passent durant lesquelles je demeure silencieux et figé, flatté de son attention à mon égard mais sans savoir comment y répondre correctement. Puis, finalement, je laisse parler mon instinct et me jette tout à coup sur Natsume afin de me retrouver sur lui. Je le fixe intensément du regard, cherchant mes mots. Je sens mon cœur battre plus fort tout à coup. Evidemment qu'il aime passer du temps avec moi, je n'en doute pas un seul instant. Mais l'entendre de sa bouche, c'est quand même autre chose que de se le figurer de manière logique. Et ça me fait vraiment plaisir qu'il me le dise directement.

« Moi aussi... Moi aussi ça m'avait manqué !.. »

Je suis bien sûr le principal fautif pour ça, d'ailleurs, mais ce n'est pas parce que j'avais du mal à organiser mon emploi du temps que je ne songeais pas à faire une place de choix pour lui. Je l'ai voulu tant de fois, sans presque jamais pour autant oser le faire de peur de prendre du retard dans mon travail et ainsi ne plus pouvoir me libérer du tout par la suite pour ce que j'aurais vraiment voulu faire.

« Moi aussi je veux... t'avoir pour moi tout seul. »

Pas quand il a certaines obligations qui le retiennent parfois, évidemment, puisque je suis quand même capable de lui laisser l'espace nécessaire, mais il peut comprendre ce que je veux dire.

« La Pension, Axel... Je sais que t'es pas mal pris de façon générale, mais... Juste quelques fois, je voudrais... Te réserver rien que pour moi, le temps d'une journée comme celle-ci. »

Je sais me montrer étonnamment peu exigent dans les cas où il faut que je le sois. Je peux concevoir qu'il priorise son travail en tant qu'éleveur et en tant que parrain, mais j'ai toutefois l'audace de revendiquer malgré tout un peu de son temps pour moi.

« Il y a des tas de choses que je voudrais faire avec toi. »

Je souris, doucement, timidement, cherchant une nouvelle fois dans ses iris la lueur d'affection qui l'a traversé tout à l'heure dans l'espoir qu'elle soit dirigée vers moi. Le bruit des vagues et les agitations de quelques Corayon et Flingouste un peu plus ne me dérangent pas plus que ça.

... Héhé, c'est vrai en un sens, pourquoi il me dirait non, je suis beaucoup trop adorable pour qu'il me refuse quoi que ce soit.
Je prends un peu le melon, certes, mais après de telles paroles, que voulez-vous que je dise ? C'est lui qui l'a sorti, hein, c'est pas moi. Mais puisqu'il insiste tellement, alors il n'y a pas de raison que je me prive, n'est-ce pas ? Parce que pour le coup, y'a plein d'endroits où on pourrait aller se balader, au-delà de la forêt qui entoure la Pension. Même euh... bah se prendre une glace ou aller au parc d'attraction où on a eu notre premier rendez-vous plus ou moins officiel, par exemple. Tant que je peux être avec lui, de toute façon... Enfin dans la mesure où il ne s'ennuie pas non plus, ça va se soit. Il est évident que même quand j'ai envie d'un truc, son avis compte beaucoup, parce que je dois pas être le seul à m'amuser, aussi. Il est sincère quand il me dit ça, toutefois, c'est évident ; suffit de voir son regard qui me touche en plein cœur de par sa tendresse, cette dernière, je le sais, étant aussi pas mal réservée par ses petits pensionnaires Pokémon, bien sûr. En revanche, le fait qu'il ait voulu me donner de l'espace explique également pas mal de choses, quand j'y pense. Maintenant qu'il sait qu'il ne m'a jamais dérangé et qu'au contraire sa présence m'a toujours rassuré, j'espère qu'il se permettra davantage de choses. Je ne veux surtout pas qu'il se gêne avec moi, c'est bien la dernière chose que je souhaite, et il est bien la dernière personne aussi qui pourrait m'enquiquiner. Je suis néamoins touché par sa considération, quand il prend en compte notamment Axel, le déménagement et tout le reste en observant que j'aurais pu être un peu troublé par tant de nouveautés en même temps. Et si c'est normal qu'il pense aussi à mon bien-être, ça ne m'empêche pas de trouver ça adorable malgré tout.

Souriant de façon tout à fait niaise quand il se rapproche, je ronronnerais comme un gros chat content si j'étais capable de le faire. Il aurait pu se plaindre un petit peu, puisque je l'ai pris par surprise assez brusquement, mais même pas. Il me rend même toute l'affection que je lui donne depuis tout à l'heure, ce qui satisfait pas mal mon besoin d'attention pour la journée. Je ne pourrais en effet pas dire que j'ai été ignoré pour le jour de mon anniversaire. Sans doute que ma mère me fera probablement un gâteau et que Faust me dira pour la énième fois 'aaaaah t'es vieuuux !' et moi je lui dirais 'bah prête-moi ton truc contre les cheveux blancs' et il pleurerait un peu en me boudant pour quelques minutes. Rien d'inhabituel, en soit, mais si je ne suis pas réfractaire au changement quand c'est positif en général, les routines j'aime bien aussi. Enfin, qu'il ne s'inquiète pas, ce ne sont pas les idées qui me manquent, puisque pendant que j'avais mal au fesses sur ma chaise de bureau durant des nuits entières, j'avoue avoir laissé mon esprit divaguer parfois pour sortir de mon travail l'espace de quelques minutes. 'Tiens, on pourrait aller là, et puis faire ça et prendre un verre ici' et d'autres trucs. Parce que bon, j'ai une jolie vue depuis mon bureau, mais au bout d'un moment, je finis par me lasser. La zone de Nuva Eja qui entoure le QG de la Compétition est pas si moche à regarder, mais je vois assez ce qu'il y a à voir tous les jours. Alors heureusement que je ne manque pas d'imagination parfois. Offrant des baisers le long de son nuque avant de remonter jusqu'à son oreille, je viens me frotter contre lui, un rictus aux lèvres, tandis que je passe mes doigts sur son torse en quelques caresses lentes.

« Eh bien... J'ai peut-être déjà une idée, en fait... »

Je glousse un peu, me demandant s'il va me prendre au sérieux, mais en vérité, je voulais surtout glisser une vanne. À prendre au sérieux, s'il le veut. Mais bien sûr l'inciter ou lui faire passer un message en premier lieu n'est pas le but. Je me redresse un peu l'attirant contre moi pour passer mes jambes autour de son torse et mes bras autour de son cou.

« Tu auras tout le temps de savoir où je veux t'emmener. Mais déjà, ce soir, je veux qu'on prenne un bon bain chaud plein de mousse ! »

Parce que bon, la mer, c'est bien, mais ça reste une grande baignoire salée en bordure d'une étendue de sable assez importante aussi, et que se laver après une virée à la plage, c'est juste la base si on veut pas rentrer avec la peau qui a un drôle de goût ou des grains dans les vêtements. Plus sincèrement, je n'ai pas envie de grosses fêtes bien extravagantes pour ce genre d'événement. Pour aujourd'hui, j'avais juste envie de passer du temps en tête-à-tête avec mon petit-ami avant de nous glisser dans le jacuzzi qui nous attend à la maison. Ou peut-être aurais-je envie que nous sortions dîner quelque part, avant. Oui, ça pourrait être pas mal. Aller dans un restaurant sympa pour profiter de l'air du soir qui va bientôt arriver... Oui... ça serait bien...
Derrière nous, un soleil décline lentement mais sûrement. Blotti contre le Miyano, je ne suis même pas triste que cette journée se termine déjà bientôt, car je suis assuré qu'il y en aura d'autres tout aussi belles.