Quoi de neuf sur l'île d'Enola ?

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Thé au seum [OS]
Natsume Enodril-Miyano

Thé au seum

"La pomme, l'arbre, et des trucs du genre"
/!\ Full mépris à venir ; classisme, homophobie, sexisme, bref, tout un tas de mode de pensées pas très gentils et dit de manière indirecte parfois, donc faites gaffe.

Ce n'est pas comme si on pouvait vraiment oublier l'endroit où on a vécu pendant un peu plus de seize ans. Il aurait aimé, pourtant. De temps à autre, il se demande si il n'aurait pas pu tirer quelque chose de son amnésie d'il y a sept ans en laissant de côté ces souvenirs-là, mais ce n'est rien de plus qu'une pensée tentante comme une autre. En partant là-bas, il s'était dit à ce moment qu'il en avait normalement fini ; évidemment, c'était grotesque, et lui-même le savait. On ne coupe pas les ponts avec quelque chose d'aussi fondateur comme ça. Il jette un coup d'oeil sur la terrasse, puis sur le petit parc qui se trouve en face : elle a bien choisi son lieu, après tout. Même si la présence d'un faux torii de basse qualité lui fait lever les yeux au ciel, elle n'aurait pas pu mieux faire passer son message.
Il aurait bien grimacé et geint devant le goût de son thé, si il l'avait bu il y a vingt ans de cela. La pensée lui arrache un rictus, alors qu'il termine sa gorgée et la pose sur sa coupelle, avec une lenteur presque mécanique. Il n'est pas si bon que ça, à vrai dire, même maintenant. Rien à faire, il n'a jamais aimé le genmacha.

« J'aurais espéré que tu viennes me voir. Tu m'en vois déçu, Natsume. »

Il ne daigne pas répondre tout de suite à sa question, se contentant de croquer dans son biscuit avec un calme frôlant l'insolence, ses yeux marrons fixant encore l'extérieur par la vitre comme si il s'agissait d'un spectacle mille fois plus intéressant que tout ce qu'on aurait bien pu lui dire. La femme en face de lui n'a pas l'air de s'en formaliser, et son sourire rayonnant contraste ironiquement avec le visage fermé des hommes postés devant l'entrée de l'établissement. On en oublie bien vite ses rides et son âge avancé, quand on observe ses traits joyeux, comme si elle venait de retrouver un être cher.
Heh. La blague.

« Après tout, cela fait bien quinze ans que je n'avais pas vu mon cher petit-fils. Tu n'étais pas plus grand que trois pommes, la dernière fois que je t'ai porté. Tu as quel âge, maintenant ? Vingt-quatre ou vingt-cinq ans, c'est ça ? »

Bien sûr, qu'elle sait. Son jeu de petite ingénue est à la limite du vexant. Un rictus sardonique lui étire les lèvres alors qu'il touille dans sa tasse. Le thé en aurait presque meilleur goût. Son mensonge le ferait presque rire si il n'en était pas fatigué, de tout ça. Mais il l'est. Depuis quand, ça... Au moins, la colère a laissé place. Avant elle, il y avait la peur. Celle qui lui nouait l'estomac à chaque fois qu'il passait la porte de sa maison, celle qui faisait se dresser le poil sur ses bras lorsqu'il remarquait le regard de son géniteur sur lui, celle qui nouait sa gorge quand il entrapercevait les bleus sur les bras de sa sœur aînée. Cette peur-là, constante, dévorante, n'avait jamais semblé attirer l'attention de celle qui s'inquiétait de son 'cher petit-fils'. Mais elle n'est pas la seule, évidemment. Et il n'a plus l'énergie d'être amer.

« Tu étais tellement maigrichon... Et tout le temps malade ! C'était à se demander comment tu trouvais l'énergie de courir partout. Je m'en souviens bien, puisque tu avais cassé mon vase, ce jour-là. Une vraie merveille. »

Elle sourit toujours, mais son rythme s'est ralenti sur la fin de sa phrase, et une étincelle moins innocente est passée par son regard acéré. Rien d'étonnant. Une vraie Shimomura, jusqu'au bout ; ne jamais être directe, ni honnête, et toujours glisser les attaques dans des paroles mielleuses et sirupeuses de bonne conduite.
Enrouler de la merde dans de la soie n'en fait pas des ferrero rochers.
Ce n'est pas comme si c'était nouveau, pour lui, les remarques à ce propos. Il s'y était habitué, même enfant, mais tentait de les ignorer comme il le pouvait. Il le sait, qu'il est né malingre, malade, toujours abîmé par chaque petit microbe, chaque petit coup de froid, la gorge rougie par les toux, les inflammations, les difficultés à respirer. Savoir pourquoi, ça... Il se souvenait bien avoir été emmené chez divers spécialistes, tous plus perdus les uns que les autres. C'était « comme ça », « on avait pourtant tout essayé », « ça arrive ». Maman essayait de le rassurer, mais lui n'avait jamais vraiment été inquiet ; sans doute qu'il n'était pas celui qui en avait le plus besoin.
Ce n'était pas réparable, toutefois, et c'était bien le problème : les Shimomuras n'aiment pas ce qui ne se répare pas. Ce qui n'est pas digne, ou bien propre comme il faut. On jette, et au pire, on échange. Aucune utilité à garder ce qui ne se conserve pas. Un enfant qui n'a de cesse de tomber malade, et qui ne peut pas tenir en place, qui n'obéit pas, ce n'est rien de plus qu'un poids inutile, une gêne. Alors bien sûr, on le fait avec des sourires, entre deux verres, l'air bienveillant, l’œil luisant pourtant de mesquinerie. Et toute cette hypocrisie lui donnait bien plus l'envie de vomir que toutes les maladies au monde.
Il ne daigne pas la regarder dans les yeux, et répond machinalement, comme si c'était l'une de ces questions si stupides à un examen que l'on ne la prendrait même pas au sérieux.

« Le temps passe. »

Le sourire de façade de Namiko ne s'abaisse pas.  Bien sûr, et il n'aurait pas imaginé le contraire : il n'est certainement pas grand chose, à côté d'elle. Elle sait qu'elle a l'avantage, et ce ne sont pas ses petites provocations inutiles qui vont changer quoi que ce soit, aussi satisfaisant que ce soit pour lui. Mais la crispation de ses doigts autour de sa cuillère alors qu'elle avale une bouchée de son roulé. C'est la spécialité de l'établissement, apparemment. Pas qu'il aurait pu le savoir, après tout. Elle lui avait dit de venir ici il y a peu de temps, et ce n'était pas comme si il aurait vraiment pu se permettre de refuser. Risquer qu'elle vienne directement à la maison... Non. De toute façon, depuis le petit « cadeau » qu'elle lui avait fait, il était plus ou moins évident que cet événement allait se produire. Un Lilia avait beau être un pokémon rare et difficile à trouver, Natsume est bien conscient que ce n'était rien de plus qu'une formalité, ou un moyen de lui graisser la patte.

« Allons, allons, ne sois pas autant sur la défensive. Tu n'es pas à l'aise ? »

Non. Parce que tu lui ressembles bien trop.
Au delà des traits faciaux, il est évident que la pomme n'est pas tombée loin de l'arbre. C'est criant. La forme des yeux, les lèvres pincées, les traits fins mais sévères, et le nez droit, l'air austère dès lors que son regard se fait neutre. Son père ne vient pas de nulle part, et Natsume sait que Namiko a sa responsabilité. Dire qu'elle a de fait de lui un homme égoïste, égocentrique, et profondément mauvais n'est pas forcément vrai. Qu'elle est la cause de son enfance chaotique, empoisonnée par la terreur, les cris, la violence et le mépris, c'est faux. Mais sa patte imbibe tout. Elle pourrit tout ce qu'elle touche. Ils pourrissent tout ce qu'ils touchent. Surtout sa mère, lorsqu'elle était tombée dans leur filets.

« On ne pourrait pas exactement me reprocher d'être méfiant, n'est-ce pas ? Faire vider un café pour me parler en tête à tête, ça ne m'inspire pas exactement pas la confiance. Et cette histoire d'oeuf de Lilia, c'était quelque peu excessif. »

Elle avait toujours tout bien accordé, n'est-ce pas ? Namiko organisait toujours tout, du début à la fin, avec une prise tellement ferme qu'il en devenait impossible de s'échapper. Elle avait manipulé les preuves pour s'assurer que sa mère, sa sœur et lui-même ne puissent pas s'en aller. Laissé sa vie se transformer en long enfer, indifférente à leur souffrance, n'y voyant jamais que son propre intérêt. Elle aurait pu, pourtant, arrêter Kazuo. Elle l'avait bien puni, lorsque sa mère était tombée enceinte une première fois. Mais ça, c'était autre chose. Engrosser une gamine de dix-neuf ans à peine, sans même un mariage... C'était plus grave que de les détruire lentement, évidemment. Et puis il y avait eu lui. Seconde tâche au tableau, dernier clou sur la tombe de Kazuo : par pure symbolisme, elle l'avait rayé de son testament le jour-même de sa naissance. Elle l'avait empli de colère, laissant à Kazuo le loisir de se défouler sur ses enfants. Elle aurait pu tout arrêter. Elle ne l'a fait pas fait.
Personne ne l'a fait, à vrai dire. Professeurs, 'amis', voisins. Ce n'était pas comme si les cris ne s'entendaient pas. Ou comme si l'on ne l'entendait pas pleurer, comme si sa sœur, Nagisa, ne revenait pas trop souvent avec des 'accidents'. Comme si c'était normal, même pour une femme asthmatique comme sa mère, de faire autant de crises. Natsume n'a pas totalement fait son deuil ; et en même temps, il n'est pas sûr de pouvoir le faire un jour. La lueur mauvaise dans son regard en dit assez à ce propos, même si Namiko tente de temporiser, toujours avec cette voix sucrée.

« Bien sûr, bien sûr. Mais j'ai préféré que nous nous retrouvions seuls, en toute intimité. Je n'ai jamais vraiment aimé les endroits trop bondés : personne ne s'entend ! Qu'on ne puisse pas se parler serait triste. Enfin. Tu voudrais quelque chose de plus ? Dis-le moi, j'offre.
- Non merci, vraiment.
- J'y tiens. »

L'insistance implicite dans la voix de sa grand-mère le rend méfiant. Leurs regards se croisent, et Natsume ne manque pas sa soudaine mais brève fermeté. Elle s'impose, et il le sait. Il n'a pas passé autant de temps chez eux sans apprendre leurs codes, et si elle lui laisse l'occasion de provoquer si il le souhaite, c'est bien la seule liberté qu'il a. C'est la seule qu'il ait jamais eu avec eux, n'est-ce pas ? Il n'avait jamais pu le supporter, même enfant. Nagisa non plus, à vrai dire. Sans doute avait-elle eu davantage de courage que lui, en se rebellant la première. Elle l'avait payé cher, toutefois.  

« Un thé vert.
- Ah, excellente idée. Bon pour la santé, et sans la moindre trace de sucres et de graisses ! Si ton grand-père faisait comme toi, il n'aurait pas à surveiller son cholestérol en permanence... »

Il se retient de grimacer. Keita Shimomura n'est pas un mauvais bougre, loin de là. Les quelques fois où il l'avait vu, Natsume en avait gardé un souvenir sympathique. Kagami lui en parlait de temps à autre, bien qu'elle ait coupé les points. En somme, il n'était qu'un vieux bougre un peu lâche, incapable de voir la réalité, ou même d'admettre que son épouse le mène depuis près de cinquante ans. L'éleveur n'a pas vraiment pitié de lui, d'ailleurs, pour une raison qu'il ignore, mais il se dit de temps à autre qu'il ne reste qu'un pauvre type pris dans tout ça. C'est déjà plus d'intérêt que lui porte Namiko.

« Enfin, tu t'en sors bien, au niveau des études ? Tu as toujours été assez doué, que je m'en rappelle. Vraiment dommage que tu en sois resté à jouer les nourrices.
- Merci du compliment, mais ça me va très bien. »

Il lève les yeux au ciel en sortant sa formule de politesse, ayant presque oublié à quel point il avait intégré ce genre de façon de parler, à force d'habitude. Les moqueries imlicites, il les ignore simplement. Qu'elle parle d'Axel ou de ses vacations, il ne sait pas trop, mais dans tous les cas, ce n'est pas fait pour être un commentaire sympathique. Un des serveurs vient leur déposer leurs boissons, et c'est alors que la vieille femme jette un coup d’œil à sa tisane qu'elle reprend encore la parole, l'air pensive. Natsume sait qu'elle connaît déjà exactement la formulation qu'elle va employer : ce n'est que du spectacle, encore une fois.

« Tu sais, quand tu es parti sans l'annoncer, je t'avouerais que j'ai trouvé ça... Quelque peu... Rude. Et malpoli. »

Sans le vouloir, et il se le reproche intérieurement, sa prise se renforce sur la poignée de sa tasse. Il n'est pas sans savoir ce que cela veut dire, mais son regard ne s'abaisse pas ça quand il croise le sien. Pour une fois, Namiko trahit ses pensées par la crispation de son corps, et le venin dans ses yeux noirs. Durant quelques secondes, Natsume est pris d'une envie irrésistible de mettre ses doigts dans la prise ; voilà qu'un sourire mielleux et débordant de fausse innocence ne se dessine sur ses traits.

« Oh, mais je comprends bien. C'est même pour cela que j'ai renié l'héritage de mon géniteur par voie officielle. »

Il gardait une assez bonne mémoire de la tête de Kazuo lorsqu'il l'avait découvert pour être encore pleinement satisfait de sa décision. Il s'était longtemps demandé pourquoi il ne l'avait pas fait avant, tiens, quand il avait ressenti un tel soulagement qu'il s'en était retrouvé à être pris de fous rires pendant une bonne demie heure. Peut-être oserait-il théoriser que définitivement couper les ponts était un peu effrayant, et qu'il n'était pas encore prêt il y a quelques années, tant l'absence de la moindre structure le mettait mal à l'aise. Mais la tête de son géniteur lorsqu'il avait compris, et la petite étincelle de panique qui était passée dans ses yeux lorsqu'il avait dû imaginer la réaction de Namiko, tout cela, avait rendu supportable le fait d'avoir patienté des heures dans une salle d'attente de notaire.
Sa grand-mère, toutefois, ne prend pas goût à sa provocation. Au moins, elle ne sourit plus : il allait finir par avoir envie de vomir, si elle continuait à se forcer ainsi. Son ton semble plus acide d'un iota.

« À défaut de voir ton intérêt, tu es tout de même plus poli et respectueux que mon bon à rien de fils. Ce n'est pas difficile, mais on ne peut pas te retirer ça.
- Ravi de l'entendre.»

Il hausse les épaules en prenant une gorgée de son thé. Il ne voit pas l'intérêt de faire remarquer qu'elle a bien pris attention à choisir son favori. Il n'a plus l'âge où ce genre d'attention lui aurait fait particulièrement plaisir, tel l'adolescent dans un désespéré besoin d'attention qu'il avait pu être. Il pourrait bien mettre un terme à tout ça, d'ailleurs, mais il ne le fait pas, sans doute curieux, et au fond, espérant sans doute naïvement que ce serait une bonne façon de mettre un terme à tout ça. La conversation continue, pourtant.

« C'est dommage, vraiment. En dehors de ton petit élevage, j'ai entendu dire que tu étais en cours de doctorat... ?
- Deuxième année, oui. En génétique.
- Ah, voilà. De la biologie, comme ton arrière grand-père. Il y a longtemps qu'on avait plus eu de biologiste dans la famille, quoique lui était médecin. »

Encore et toujours, des jugements de valeur donnés après des compliments mielleux. Si il mime l'indifférence, car il a besoin de le faire pour se donner l'impression d'être en contrôle total, la manière dont il ravale péniblement sa salive est traîtresse. Un frisson d'horreur manque de lui dévaler l'échine lorsqu'il se rappelle de toutes les attentes qui pesaient sur son dos alors qu'il n'était qu'en primaire, et à quel point il acceptait d'entrer dans tout ça dans le seul but d'être vu. Vu de sa mère, vu de sa sœur, vu des autres, et même vu de son père, à l'époque où il croyait que le problème venait avant tout de lui, puisque c'était ce que ce dernier disait.
Il se rappelle boire leurs paroles, les laisser faire tous les choix qu'ils désiraient quant à sa scolarité, et hocher de la tête, en ravalant mollement son aigreur dans sa gorge ou par quelques remarques provocatrices. Ce n'était jamais assez, de toute manière. Tout ce qui n'était pas assez ambitieux, prestigieux ou honorable n'avait aucune valeur. Il se doute bien que lui, avec son doctorat qui ne « rapporte rien » et son travail manuel, doit passer pour le dernier des clowns. Aujourd'hui, cela ne le touche plus. Mais il n'oublie certainement pas les regards qu'il avait subi lorsqu'il avait choisi une voie professionnelle après s'être fait exclure du collège privé « de bonne figure »[/color] dans lequel il était rentré. Il n'oublie pas les murmures, ou les moqueries, et très certainement pas le mépris. Il n'oublie rien. Il ne veut plus faire comme si  c'était normal, ou comme si il était responsable.

Maintenant, il ne se contente plus de maugréer dans son coin, toutefois. Ses yeux se plissent et son regard s'aiguise un peu. Il mesure ses mots, mais en même temps, laisser l'instinct prendre le relais n'est pas déplaisant ; c'est un peu grisant, en un sens, de pouvoir provoquer Namiko aussi clairement, alors que c'était pendant longtemps un interdit total. Il a bien conscience de la puérilité de son action, mais après tout, ce qu'il fait ici ne sert strictement à rien, alors autant essayer de trouver quelque chose qui rend la situation à peu près supportable.

« Eh bien, l'île a besoin de scientifiques, alors si je peux me rendre utile, je ne vais pas m'en priver. »

Il s'étonne lui-même de ses mots, et plisserait les yeux de surprise si la vieille femme ne l'avait pas déjà fait. Une donnée semble la perturber.

« Tu vas renoncer à ta nationalité, alors ?
- Peut-être. »

Les secondes de silence qui s'en suivent sont plus froides, ou du moins il en a l'impression. En même temps, il a bien conscience que ce n'est pas rien : il ne sait même pas ce qu'il fera, une fois qu'il aura perdu la foi de retourner au Japon pour renouveler ses papiers. Il n'a jamais vraiment eu la foi, jusque là, de se lancer dans une procédure de naturalisation. Pour une raison qui lui échappe, il a comme un blocage, et chercher à le décoder lui est particulièrement pénible. Mais Namiko semble véritablement embêtée par cela : plus encore que par toutes ses petites piques d'enfant pseudo-rebelle.

« Un garçon brillant comme toi, et tu te contentes de faire pousser des carottes, couver des œufs et t'occuper d'un enfant qui n'est pas le tien... C'est d'une tristesse. »

Elle pousse un soupir long et si poussé que Natsume en vient à se demander si elle n'aurait pas fait du théâtre, dans ses années d'études, mais non. Elle a juste fait de la politique. Un sarcasme commence à se former sur le bout de sa langue, mais il n'en vient pas à bout, puisque étrangement, il se sent tendu, d'un coup. Son ton se fait sec.

« Ça me suffit. »

Il ne réalise pas tout de suite que la simple mention d'Axel, même fugace, l'a mis profondément mal à l'aise. Il n'a absolument pas envie d'imaginer le simple fait qu'elle puisse être au courant, même si elle ne peut rien faire. Namiko, pourtant, persiste, prenant le temps d'afficher une expression naïve et déconcentrée qui l'agace profondément par ce qu'elle a de mensongère.

« Tu es sûr qu'il n'y a rien de plus qui t'intéresse ici ? Je peine à croire que quelqu'un comme toi puisse accepter de ne pas faire usage de toutes ses facultés...
- Les gens changent, et moi aussi. »

Son ton claque. Ses épaules se sont haussées un peu sous l'effet du malaise. Sa réponse est trop rapide, il le sait, trop révélatrice de ses émotions, et Namiko esquisse un sourire satisfait, comme si la situation lui plaisait davantage maintenant qu'il semble embêté par quoi que ce soit. Il n'a pas menti, pourtant. Il est persuadé d'avoir changé, et que par conséquent, il n'est plus ce petit gosse de riche élitiste et embourbé dans un système qu'il veut se persuader d'être bon car l'inverse voudrait dire que tout ce qu'il connaît  n'est rien qu'un grotesque et indécent mensonge. C'est une bonne défense, pense-t-il, puis, après quelques secondes, il en vient à se demander pourquoi il ressent le besoin de se défendre. Un peu troublé, il la laisse parler.

« Vraiment, vraiment dommage... C'est étrange, que tu ne partes pas. »

Elle tapote des doigts sur la table en sirotant le reste de sa tasse comme si de rien n'était. Natsume, de son côté, n'a pas bougé depuis tout à l'heure, méfiant jusqu'à l'os. Il sent les poils sur ses bras se hérisser, méfiant. Son thé est sans doute devenu froid.

« Parce que, à tout hasard, je crois que tu as... Un 'ami', c'est ça ? Je n'ai pas bien retenu son nom, d'ailleurs. Sha, Shamae... ?
- Samaël. »

Bien sûr, qu'elle connait le prénom. Elle ne fait que jouer avec ses nerfs, à l'heure actuelle, et elle y arrive très bien, car il sent que sa voix s'est faite plus acide. Sa patience arrive peu à peu à son bout, mais il résiste à l'envie qu'il sent de céder à son énervement : c'est bien son but, d'ailleurs, à cette carne. Sa manière de prétendre l'intérêt est d'autant plus agaçante qu'elle sait pertinnement qu'il n'y croit pas.

« Ah, voilà. Excuse-moi, mais ces noms occidentaux... Dur de les prononcer ou de s'en rappeler, tu comprends. J'ai eu un peu du mal à y croire, mais c'est visiblement vrai.
- Vous êtes bien renseignée, en tous cas.
- Quelle grand-mère indigne serais-je si je ne prenais pas de nouvelles de mon petit-fils ? C'est normal que je m'inquiète pour toi, et que je m'intéresse à tes fréquentations. Et à tes choix, quels qu'ils soient. »

Mais c'est qu'elle a réussi à ouvrir un annuaire, la vieille bique. Oh, mais bravo!
Natsume se retiendrait presque de regarder la caméra, sur le moment, mais il se résout à terminer le biscuit qui traîne sur sa coupelle avec tout l'enthousiasme d'un poisson mort, ses dents croquant un peu trop vivement dans son gâteau. Gardant le regard fixé dans celui de sa grand-mère, c'est comme si il la défiait de continuer à parler, même si elle sait bien qu'elle ne s'arrêtera pas là. Il pourrait presque écrire sur papier ce qu'elle va dire, car c'est le genre de conneries qu'il entendait régulièrement chez les Shimomuras.

« Je ne suis pas sûre, toutefois, que tu aies choisi un bon parti. Que tu t'amuses avec un homme passe encore quand tu es jeune, mais à ton âge... Je veux dire, avec un qui ne soit pas japonais, en plus...
- C'est-à-dire ? »

Son ton, un peu pus impérieux, ne laisse pas entendre qu'il ne comprend pas, bien au contraire. Le regard froid, la crispation nette de ses épaules et la manière qu'il a garder le contact de manière inflexible avec Namiko ne sont que le vague reflet de ce qui bout au fond de son ventre. Les insultes, il s'y est fait : passer dans la rue et avoir le droit à un imbécile qui esquisse une moue dégoûtée ou se permet d'éructer une injure, il vit avec. Les dénigrements divers et variés, de même. Mais bizarrement, là, il réagit. Et Namiko semble s'en amuser : elle esquisse un petit signe de main pour faire comme si de rien n'était.

« Oh, non, rien. Ce doit juste être compliqué, avec les différences culturelles.
- Loin de là. 
- Tu m'en voies ravie, Natsume. »

Connasse.
Comme si elle en avait quelque chose à faire, en vérité. Tout ce que cette harpie voulait exprimer, c'est son regret qu'il ne soit pas revenu au Japon être un gentil petit garçon qui aurait fait de jolies petites études financièrement très avantageuses, avant d'aller se marier avec une femme d'une « famille respectable » qu'il n'aurait pas aimé, tout ça pour pondre deux ou trois chiards et vivre une vie misérable, mais en sauvant les apparences.
Natsume est persuadé, d'ailleurs, qu'elle ne croit pas à toutes ces conneries qu'elle débicte : en revanche, il est sûr et certain qu'elle aurait aimé qu'il s'y conforme. De ce qu'il sait d'elle, Namiko n'est pas du genre à s'adapter aux structures et aux conventions par goût pour celles-ci, ou même par accord, mais bien parce qu'elles l'arrangent. Parce que s'y conformer, c'est bien se placer en société. Un souhait que Natsume ne partage absolument pas ; et après tout, vu ses choix de vie, c'est plus ou moins évident. Leurs vies divergent nettement sur ce point, et cela le rassure.

Toutefois, il ne s'interroge pas sur le fait qu'il ait besoin de se rassurer sur ce sujet. La nervosité semble l'avoir quelque peu dépassé sans qu'il ne le remarque, et son impatience finit par le faire mettre un autre pied dans la conversation.

« Sans vouloir vous offenser-
- Mais tu ne m'offenses pas. »

Il claque de la langue. C'est à la limite si Namiko ne va pas se mettre à rire, bientôt.

« Très bien. Je suis parti il y a neuf ans, et vous n'avez pas cherché à me contacter. Alors pourquoi venir me voir maintenant ? Pour s'intéresser à mes choix administratifs ? »

Il veille à saupoudre ses propres d'un ton très sarcastique, mais vu comme il est tendu, ce n'est qu'un cache-misère pour dissimuler le malaise qu'il ressent jusqu'au creux de son ventre. Petit à petit, elle a réussi à son office, en somme ; il n'est plus aussi assuré qu'il l'était tout  à l'heure, alors qu'il voulait mettre un point d'honneur à contrôler la situation tout autant que lui-même. Lorsqu'il avait vaguement expliqué à son copain où il partait, il avait affiché un air totalement désintéressé et dénué de la moindre inquiétude, à la limite de l'arrogance. Dorénavant, il ne pourrait pas prétendre a même chose.

Namiko prend son temps pour répondre ; son visage n'affiche plus cette fausse luminosité, d'ailleurs, ce qui intrigue son petit-fils. Le cadet plisse les yeux, soudainement plus attentif. Pour une raison qu'il ignore, c'est comme si elle prenait au sérieux ce passage de la conversation.

« Par politesse.
- ... Par politesse ?
- Envers Miyu, oui. Elle a été ma belle-fille, et je lui dois par respect de veiller au bien-être de sa progéniture, même dans un autre pays. »

La surprise lui fait oublier l'envie qu'il aurait de lever les yeux au ciel quant à son intérêt pour son « bien-être »si la première partie de sa phrase ne l'avait pas interpellé. Il ne s'attendait pas à ce que le sujet de Miyu tombe sur la table, d'ailleurs. Kazuo, c'était sans surprises ; même en coupant ses liens avec ce déchet, il était toujours responsable d'une saleté ou d'une autre quelque part, et apparemment, c'était à lui qu'il fallait venir s'en plaindre. Miyu, c'était autre chose. Natsume avait toujours vu en elle une femme sans histoires, même si sa visite chez ses grands-parents maternels lui avait fait découvrir d'autres facettes de sa personnalité. Pour le coup, l'éleveur est étonné que Namiko ait montré un quelconque intérêt pour sa génitrice.

« … Vous respectiez ma mère ? »

Sa voix laisse entendre sa circonspection. Il a haussé les sourcils. Durant quelques secondes, il a cessé de se méfier. Namiko glousse un peu, un sourire tranquille sur son visage.

« Ah, mais bien sûr. Sans vouloir te vexer, elle a été le seul bon choix de mon cochon de fils. »

Il ne voit pas comment son commentaire pourrait le vexer, mais Natsume suppose que c'est une autre de ses formes de politesse inutile. Arceus, que tout cela lui semble superficiel et inutile... Il n'est pas vraiment étonnant que les conventions sociales lui donnent autant de boutons maintenant, quand il y réfléchit deux secondes. Étonné, il ne s'attendait pas à ce qu'elle continue, mais elle le fit.

« Une femme bien élevée, cultivée et pleine de conversation : bien plus que tout ce qu'il a été ! Si elle n'avait pas eu cette surabondance de gentillesse, elle aurait été une formidable héritière. Et cette intelligence sociale, en plus...
- ... Surabondance ? »

Toutes ces jolies paroles, le Miyano n'y accorde pas de grande valeur ; du jus de poubelle au parfum fraise, cela reste du jus de poubelle. Mais cette remarque-là lui fait froncer les sourcils : il n'aime pas vraiment ce qu'il entend, ou ce qu'il pressent arriver.

« Eh bien, de ne pas maîtriser ton père. Ce n'est qu'une blatte dans un costume, mais il crie fort et elle n'a jamais eu le cœur de l'écraser... Pas directement, du moins. »

Elle soupire, comme dépitée. L'éleveur sent ses poignes se resserrer. On dirait qu'elle parle d'un tube de colle gâché à l'école par un enfant dissipé.

« Et puis, bien sûr, la suite... C'était... Décevant, de sa part. Je l'aurais cru plus forte, vraiment.
- Elle l'était. »

Les mots sont sortis seuls de sa bouche. Natsume ne sait pas d'où lui vient ce ton glacé, ni ce regard implacable, mais il ne bouge pas ses yeux d'un centimètre lorsque ces derniers se plantent dans ceux de Namiko.

« Ce n'est pas de sa faute si elle est tombée sur des gens mauvais. »

Le poison dans sa voix, il ne le cache pas. Il veut le cracher, même. Natsume ne sait pas si elle était honnête ou non, dans ses compliments. Mais dans tous les cas, cette manière de blâmer les victimes, il la rejette entièrement. Il y a quelques années encore, il le tolérait, sans savoir pourquoi cela le dérangeait intimement. Même lorsque l'on lui reprochait de ne jamais être parti de chez lui avant, il ne disait rien. Maintenant, toutefois, il sent la colère lui envahir la poitrine sous formes de bouffées de chaleur. Il ne fait pas attention au moindre de ses propos, et il claque de la langue avant de reprendre la parole, le ton le plus impérieux.

« C'est tout ce que vous vouliez ? Insulter mes choix, mes proches et ma vie, par simple plaisir mesquin ?
- Ne prends pas d'aussi grands airs. Tu ne représentes aucune menace directe pour moi, quel intérêt aurais-je à faire ça ? »

Puérilement, il lui répondrait bien que les Shimomuras sont bien assez tordus pour le faire par simple plaisir. Namiko, avec son ton agacé, ne paraît pas apprécier que son petit-fils se montre aussi tempétueux. Sa voix semble taper dans l'air, provoquant un silence soudain, que Natsume ne respecte que par curiosité ; son langage corporel ne montre que le fait qu'il ne semble pas vouloir s'abaisser à lui obéir.
Namiko s'apaise toutefois, parlant plus lentement.

« Mais j'étais curieuse. Je voulais voir si c'était de l'idiotie, ou la naïveté, qui pouvait pousser quelqu'un à prendre des grandes pompes pour venir se moquer de sa propre famille devant leurs yeux.
- Je ne crois pas que j'en ai fait un jour partie, de cette famille. 
- Tu le regrettes ?
- Absolument pas. »

Peut-être que pendant un temps, il se mentait en disant la même chose. Peut-être que l'enfant, puis le jeune adolescent qu'il a été, se sentait exclu. Peut-être qu'il ne comprenait pas ce qui clochait chez lui, ou qu'il regardait les autres avec envie. Maintenant, toutefois, les faits sont tout autres. Il n'y a même pas une once d'hésitation dans ses yeux alors qu'il se remet à parler avec méthodisme.

« Il y a toujours meilleure compagnie que celles de gens pourris jusqu'à l'os. »
- Ton arrière grand-mère pensait la même chose. Elle en est même venue à faire les métiers les plus... déshonorables pour ne blesser personne. »

Namiko fait une pause, durant laquelle son regard paraît loin, très loin. Cela ne dure qu'un instant, mais le cadet ne le remarque pas. Natsume plisse les yeux. Il ne connaît pas grand chose de cette partie de sa famille, et il n'ose pas demander si ses propos insultants veulent bien dire ce qu'il a compris. Il n'en a pas le temps, de toute façon.

« Puis on a retrouvé son cadavre éparpillé entre les différentes poubelles du quartier. Regrettable, vraiment. »

Sa voix apathique contraste cruellement avec la violence de ses paroles. Natsume ne comprend pas vraiment pourquoi elle lui parle de ça, mais il a la sensation qu'elle essaie d'exprimer un regret, ou quelque chose de semblable à une émotion humaine, si elle en est capable, ce dont il doute fortement. Toutefois, ce moment se termine aussi rapidement qu'il a commencé, puisqu'elle se concentre, et que son ton se fait interrogateur, presque accusateur.

« C'est pour ça, que tu joues à ce petit simulacre de parenté avec le dernier des Donovans ? Parce que tu es triste de ne pas avoir eu la sensation d'être apprécié par ta famille ? Ou parce que tu veux te donner l'impression d'être différent des gens « pourris jusqu'à l'os ? »

Dans un soupir, il lève les yeux au ciel. Tout ça en devient ridicule à ses yeux. Il balaie ses arguments d'un revers de la main, d'un air désintéressé et ostentatoirement méprisant.

« Je ne m'attends pas à ce que vous soyiez capable de comprendre un jour.
- Tu serais surpris. »

Surpris, il ne comprend pas tout de suite le sérieux, tant dans la voix que dans le regard de la vieille femme. Elle lui semble un peu différente, depuis tout à l'heure, comme si elle pensait à quelque chose et que, surpris, cette chose soit capable de la troubler. Natsume n'est pas sûr de vouloir savoir, ou même de s'en mêler. Le regard qu'ils partagent durant un instant lui semble un peu trop intime, même, et il le coupe vivement en terminant d'un trait sa tasse de thé froid, pourtant désagréable en gorge maintenant.
Un silence de quelques secondes passent. Le plus jeune en vient à se demander ce qu'elle attend, à vrai dire, mais elle finit par hausser les épaules, l'air de rien. De nouveau, ce faux sourire joyeux se dessine sur son visage ridé.

« Peu importe ce que tu penses de nous, de toute façon, je serais toujours ravie de t'accueillir, si tu reprends tes esprits.
- C'est bien aimable, mais non merci. »

Sa réplique est sèche, mais Namiko ne semble pas surprise. En un sens, il sait que c'était prévisible, et il se reproche déjà de ne pas avoir répondu avec la plus totale des indifférences. De toute façon, il n'a pas la moindre envie de garder contact avec eux, et encore moins avec elle. Il pourrait tolérer certains de ses cousins, mais l'arbre est bien trop pourri pour qu'il ne soit pas sélectif.
Il s'impatiente. Namiko l'observe patiemment pendant quelques secondes, puis finit par reprendre la parole, un nouveau sourire sur son visage. Elle se relève, et Natsume remercie son instinct de ne pas l'avoir trahi en le poussant à se lever également. Il reste volontairement assis, et sa volonté, quoique ridicule, ne passe pas inaperçu chez Namiko qui semble se tendre d'agacement. Elle parle pourtant comme si de rien n'était.

« J'ai un dîner, bientôt. Je serais vraiment ravie que tu viennes, tu sais, si jamais tu es décidé à couper tout lien.
- C'est une obligation ? Il me semblait que j'avais été clair. »

C'est qu'il en est arrogant, maintenant. Il veut partir, et vu le mouvement qu'elle amorce, tout laisse à croire que ce n'est plus qu'une question de temps. Elle l'invite à le suivre vers la sortie, et si il réfléchit au fait de rester ici, il finit par le faire en renaclant lorsqu'il se rend compte qu'il aurait bien l'air con, là, assis sur son siège.
Lorsqu'ils arrivent à la sortie, Namiko finit par se retourner vers lui, lui adressant un grand sourire doux, le ton innocent.

« Oh, mais non. Personne ne t'oblige plus à rien, après tout, n'est-ce pas ? »

Il reste impassible, mais sa marche se ralentit juste un peu. Une voiture aux vitres teintées attend la vieille femme devant l’établissement où ils se trouvaient, et il rentre avec lenteur, prenant bien le temps de s'installer. Au travers des vitres, elle se permet de lui offrir un petit salut amical. Il aurait presque envie de lui faire un doigt d'honneur, sur le moment, mais il se retient.

« À bientôt, Natsume.
- J'aurais dit adieu.
- Si tu le dis. »

La voiture part au même moment où elle se met à glousser.
Lorsqu'elle est finit ar disparaître de son champ de vision, il finit par pester, toutefois. C'est à peine si le nœud commence à partir de son ventre ; il sait que tout cela ne finira pas maintenant, toutefois. Il faudra clarifier tout ça, et la perspective ne l'enchante nullement.


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ft. Nana-miko
Natsume Enodril-Miyano
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Eleveur
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Lun 17 Sep 2018 - 20:15
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