Libérééé, délivréééé...
Roh, bon, ça y est, j'ai encore la chanson en tête. Je me retiens de la chanter à haute voix mais l'envie reste présente. Je le fais, habituellement, quand je suis tout seul. Accompagné de mon comparse côté coordination et de quelques Miliciens, je ne me permets toutefois pas d'organiser un concert à l'improviste. Déjà parce que ce serait un peu la honte, et ensuite... Je n'aurais pas envie que Zingaro soit tenté de servir de chœur aussi. Quoiqu'il a plus l'air occupé à se plaire qu'autre chose. C'est drôle, pourtant, je l'aurais cru, au contraire, adorateur de ces plaines enneigées et de ces montagnes aux airs de paradis blanc immaculé. Il est vrai que depuis cette hauteur, la vue est plus que jolie à contempler. Nous ne sommes pas au point où nous pouvons toucher les nuages, mais le paysage est digne d'une carte postale. Il est étrange d'ailleurs d'avoir autant de neige dans les Montagnes du Bahute, même à cette période. D'ordinaire nous en avons, oui, mais là je trouve qu'il fait particulièrement froid. Un climat dont je ne vais pas me plaindre, bien sûr, hein, puisque je suis le premier à fantasmer sur tout ce qui peut être lié aux périodes estivales, à savoir entre autre les chalets, les chocolats chauds au coin du feu, les descentes en luge... Oui, je sais, ça fait rêve de gros richards, mais hé, on en est un ou on en est pas. Et je vais certainement pas jouer au faux pauvre qui se plaint de pas encore avoir assez de thunes juste pour le fait de se plaindre. Tout ça pour revenir sur mon collègue qui ne semble pas aussi friand que moi de ce décor gelé, et je sais que c'est pas très gentil, mais pour le coup j'ai laissé un sourire amusé apparaître sur mon visage, imité par deux-trois agents qui nous tiennent compagnie et se moquent gentiment tout autant de la frilosité de leur supérieur.

J'espère au moins que Zingaro n'a pas cru qu'on viendrait ici que pour 'attraper des méchants pas beaux'. Parce que bon, si ça se trouve, on nous en a envoyé sur ce terrain mais on repartira bredouille à la fin de la journée. En tout cas, pour l'instant, ça a plutôt l'air calme. Toute cette couche de neige donnerait envie de faire des batailles de boules de neige et de se rouler dedans pour faire des anges, même. Mais là encore, je ne vais oser me comporter comme un enfant devant les autres. Je suis censé représenter... Euh... Je sais pas trop quoi en fait mais j'imagine que je dois rester sérieux et crédible au moins quand je suis accompagné. Enfin, si moi je suis dans cette optique, je crois que c'est moins le cas pour mon coéquipier. À peine je me retourne vers lui que j'arrive pile au moment où ce dernier se gamelle en glissant pour finir par se ramasser dans la neige. Le gag imprévu marche : je suis pris de ricanements incontrôlables que je tente d'étouffer. Si je nous sais tous les deux clowns de la Compétition, il a ce côté comique et extraverti en plus que je n'ai pas, même si j'ai l'impression en vérité qu'il est davantage victime de sa propre maladresse. Mais ses expressions démesurées ne jouent pas en sa faveur et on dirait parfois même qu'il le fait exprès, bien qu'il n'en soit rien. Du moins, pas cette fois. Mine mécontente à l'appui, il se redresse toutefois bien vite et je m'éclaircis la gorge pour tenter de calmer mes rires avant qu'il ne le remarque. Je ne peux retenir néanmoins un dernier gloussement me parvenir tandis que je me rapproche finalement de lui avec un sourire plaisantin.

« Bah alors, monsieur le patineur artistique, on a du mal avec la glace ? »

Ironie, quand tu nous tiens... Je ne pouvais pas laisser cette blague me passer sous le nez, tout de même, il fallait que je la saisisse au vol. Mais avouez tout de même que la situation est cocasse, puisqu'il est censé être à l'aise sur une patinoire. Je ne sais pas grand chose de sa vie, ne vous méprenez pas, mais lorsque j'ai appris sa nomination en tant que Maître Coordinateur, j'ai voulu me renseigner un peu sur le bonhomme, et il avait en effet l'air d'avoir plus d'un bagage artistique avec lui.

« Mais tu devrais savoir que les températures extrêmes sont au contraire propices à ce genre de manigances... Après tout, pendant un temps, le Régime s'est bien installé dans le désert du Titak sous une chaleur suffocante. »

L'évocation de ce sujet me fait reprendre mon sérieux. Et comment aurais-je pu ne pas le faire puisque je me rappelle instinctivement d'une période un peu sombre d'Enola où le Régime tentait de comprendre le fonctionnement de l'Emergya, qui a fini par se retourner contre eux pour les mener à leur perte. Bien évidemment, je ne sais pas si Lionel est au courant de ce passage dans l'histoire de l'île. Si je me souviens d'une chose à son sujet, c'est qu'il est revenu après que les catastrophes aient tout ravagé sur leur passage, alors il ne doit pas savoir grand chose de ce chapitre, à moins qu'on ne lui ait fait un bref topo là-dessus.
Mon attention se porte tout à coup sur son Haydaim à la couleur vive. Il est vrai que sa fourrure lui permet de s'adapter aux saisons... Mais pas de réchauffer son dresseur.

« N'as-tu donc aucun Pokémon Feu dans ton équipe ? C'est surprenant... Mais si tu veux, un de mes alliés peut t'aider un petit peu. »

Je décroche, sur ces mots, la Poké Ball de Smaug qui apparaît en bâillant paresseusement. Je le laisse s'étirer avant de lui faire signe d'un geste de la main d'approcher la flamme au bout de sa queue pour pouvoir nous réchauffer. Si je suis bien couvert pour ma part, ça n'empêche pas que ça fait un bien fou d'avoir un peu de chaleur en plus. C'est agréable et je sais que, en plus, on ne risque pas grand chose puisque, si c'est comme le feu des Galopa, alors on peut se mettre assez près sans problème.

« Moi, ce que je trouve étrange, en revanche, c'est qu'on nous ait envoyé tous les deux dans cette zone... Tu trouves pas ça un peu risqué ? »

Je dirais pas que nous sommes les plus forts dans notre domaine malgré nos statuts respectifs. Quoique pour Zingaro, c'est peut-être le cas. Mais moi je n'ai été Maître que parce qu'on m'a choisi et que Faust ne voulait pas du rôle. Sinon je sais que ce dernier a -à peu près- le même niveau que moi et qu'il pourrait me battre sans problème s'il le voulait. Je lui fais confiance si jamais il doit garder la tour en notre absence quand il le peut, mais n'empêche qu'on a probablement des dossiers dans nos lieux de travail qui ne devraient pas tomber entre toutes les mains non plus.

Heureusement, le ton vexé de Lionel n'était pas assez sec ou cassant pour me faire réagir. Faut dire que je triche un peu, quand on connaît l'énergumène avec qui je vis au quotidien. Mais je comprends que ma petite plaisanterie n'a pas dû lui faire plaisir. Allons bon, il faut bien quelqu'un pour le charrier de temps à autre ; vu sa répartie bancale, je ne sais pas s'il y est très habitué. Au moins, il fait un heureux dans cette histoire : Smaug est plus que ravi de pouvoir rendre service et je crois qu'il apprécie Lionel. Difficile en même temps de se faire détester par cette bonne pâte qu'est la grosse salamandre orange. Mais il aime l'attention que le Coordinateur porte sur lui et lui rend même son salut avec un sourire satisfait et un air content. Je remercie moi-même mon allié en lui donnant des caresses au niveau de son cou et de ses ailes, endroit particulièrement sensible, et sourit légèrement en l'entendant émettre ce qui s'apparente à des ronronnements. Je crois que je vais le laisser hors de sa Poké Ball encore un peu. Il pourrait être utile si la neige pose problème et le fait qu'il puisse voler pourrait se révéler très pratique.
Ooooh, un Passerouge ! Il a du goût. Enfin, je n'ai pas à le jalouser, j'en ai une moi-même. D'un plumage particulier, en plus.
Je délaisse parfois Mihawk inconsciemment (#tro2pokémonaled) mais je ne pense pas à moi à elle, bien sûr. Elle fait d'ailleurs d'énormes progrès pour rattraper son niveau par rapport aux autres et il arrive que Hawkeye l'aide aussi malgré leur différence de type. En revanche, mon comparse n'a pas l'air d'avoir compris où je voulais en venir quand je m'inquiétais de notre présence ensemble ici. Bon, le problème, bien sûr, n'est pas que nous fassions équipe l'un avec l'autre mais si nous sommes deux 'piliers' importants au sein de la Compétition et de la Milice, je trouvais ça juste bizarre qu'on nous envoie dans une même mission. Dans tous les cas, ce qui est bien, c'est qu'à nous deux ça devrait être vite réglé.

« Oh... Je ne sais pas s'il n'y aura pas une avalanche aujourd'hui, mais nous ne risquons rien. Je ne doute pas que nous avons de quoi y survivre. Pour ma part, j'ai de précieux compagnons qui pourraient nous aider. »

Je tapote ma ceinture de Poké Balls pour qu'il puisse la remarquer. Quand je suis en mission pour la Milice, je n'emporte que ma team Elite sur moi, à l'exception de Synkro qui ne me quitte jamais. Le Gardevoir, parce qu'il a des pouvoirs psychiques qui pourraient se révéler bien utiles en toutes circonstances, est toujours avec moi peu importe où je vais. De rares fois seulement, je peux le laisser pour qu'il se repose ou qu'il puisse aider quelqu'un d'autre, mais en général. Sinon, bah... Il est toujours là. Sinon, les compagnons connus de Sirius sont assez forts d'eux-mêmes pour pouvoir se sortir de situations périlleuses. C'est aussi pour ça que je les entraîne, après tout, ils ne doivent pas être là que pour faire joli sur le terrain. Alors si nous risquons de nous trouver devans des avalanches... Elles ne m'inquiètent pas le moins du monde. Cela reste aussi rare, aussi, alors je ne vois pas pourquoi ça nous arriverait à nous et aujourd'hui précisément. Distraitement, je me mets à observer un peu les environs, cherchant des cas de Pokémon sauvage (ou non) qui pourraient être en danger ou dangereux pour autrui. Hormis un Otaria un peu bêta et une Lippouti mesquine, toutefois, il n'y a pas grand chose à signaler. Un peu de calme, aussi, ça fait du bien. On peut profiter du paysage enneigé.
Jusqu'à ce que votre collègue de travail vous sorte un ânerie que vous avez du mal à croire sur le coup et qui vous fait écarquiller les yeux. Car c'est précisément ce que je fais quand je me retourne vers lui pour le fixer, interdit et stupéfait.

« … Quoi ? C'est toi qui as demandé à ce qu'on soit ensemble ?! »

Je m'étrangle avec ma réponse, n'osant pas croire ce qu'il me raconte. Je le pensais inconscient... Mais quand même pas à ce point ! Je ne vais pas dire que je ne comprends pas ses bonnes intentions et que l'idée de base n'était pas si bête en soit, mais... Nom d'Arceus ! Il aurait pu m'en parler plus tôt ou même me demander !

« Mais... Mais Zingaro, ça peut être dangereux, de réunir les deux Maîtres au même endroit ! »

Bon, je corrige. 'De les réunir au même endroit de manière aussi inconsidéré'. Parce que bien sûr, ça ne devrait pas être un problème que nous soyons dans une mission similaire si l'organisation de cette dernière le préconise. Ou bien durant les événements liés à la Compétition, il nous arrive de venir tous les deux en tant que symboles pour faire du marketing. Mais par Cresselia, c'est pas un jeu !

« Nous représentons la Milice et la Compétition ! Il y a des gens qui nous détestent, sur Enola ! Un piège d'une personne malintentionnée et l'un de nous pourrait y passer, si nous ne faisons pas attention ! »

Sur le coup, si je ne crie pas très fort, je m'emporte quand même un peu au point de faire sursauter Smaug qui s'inquiète aussitôt. Dans les faits, je peux comprendre ce qu'il voulait faire (je suppose) mais... Sur le coup c'était fait de façon immature. Ou alors c'est moi qui dramatise complètement la situation mais nous sommes quand même des icônes publiques et connues que tout le monde n'apprécie pas (et j'en suis le premier navré). Les Anarchistes, les Monarchistes... Ils ne nous voient pas forcément d'un très bon œil. Et s'ils ne désirent pas tous forcément notre mort, je n'ose quand même pas imaginer ce qu'on doit dire dans notre dos. Puis bon, ça arrangerait bien certains de nous avoir sous la main.
Mon Dracafeu s'approcher de moi pour poser une de ses pattes sur mon épaule tandis que je tente de ma calmer.

« Et... Et puis bon, même si nous ne sommes pas irremplaçables... B-Bah ça serait dommage que l'un de nous... que l'un de nous... »

Crève, j'imagine. Mais je ne préfère pas y penser.

« Enfin peu importe, ce qui est fait est fait. »

Je me masse l'arête du nez, pensant à des choses positives pour tenter de refluer l'agacement qui s'en vient.

« Mais bon, si ça peut te rassurer, rien ne nous arrivera aujourd'hui... Je ferais en sorte que ça n'arrive pas, du moins. J'ai encore des tas de projets, pour ma part, alors hors de question que je meurre ici. Et ça vaut pour toi aussi. Enfin j'imagine. Tu as sûrement des plans d'avenir, non ? »

Je ne vais pas dire que j'ai de l'affection pour Lionel, mais clairement, s'il mourrait maintenant, je trouverais pas ça seulement dommage. Cela ne me laisserait pas indifférent. Aucune mort ne me laisse indifférent. Il y a toujours quelque chose derrière. C'est pas rien, après tout. Lionel n'est pas une flèche sur certains points, mais je suis convaincu qu'il peut utiliser sa tête, quand il le veut, et pour autre chose que la coordination. Pour ma part, comme je lui ai dit, je n'ai pas que ça à faire, de finir ma vie sous une avalanche. Je compte bien vivre longtemps et avec les personnes que j'aime.

Les problèmes qu'auraient pu engendrer ses actions ont l'air d'avoir bel et bien complètement échappé à Lionel, de ce que je constate. Ce qui n'est pas très étonnant, en fin de compte, sinon il n'aurait jamais proposé une telle sortie. Des fois, j'ai vraiment l'impression de sortir un enfant. Un enfant avec de lourdes responsabilités qu'il n'a pas l'air de vouloir connaître. Je peux comprendre, hein, c'est jamais évident tous les jours de s'occuper de certaines tâches. Mais on a pas le choix, et surtout, des tas de gens comptent sur nous. Je veux bien croire qu'on est pas très crédibles et tout par moment, mais de base, on est censé assurer la protection des habitants de l'île. Et je tiens fermement à ce principe. J'ai envie de me rendre utile auprès de la population, moi. Alors j'ignore un peu ce à quoi imaginait Lionel quand on lui a administré le rôle, mais ce n'est pas juste aller se promener dans les landes pour quelques missions, c'est du sérieux. Je réussis, Arceus merci, à lui faire penser à autre chose que les vilaines avalanches qui pourraient nous tomber dessus. Je n'arrive pas à rire de sa petite vanne, cependant, encore blasé par son comportement, et n'émets qu'un bref haussement de sourcils blasés tandis que nous avançons dans la neige. Smaug, lui, observe les environs avec un air à la fois curieux et méfiant, comme s'il craignait qu'un Blizzaroi nous tombe dessus à tous moments. Remarque, peut-être que ça calmerait définitivement le Roque-Lartigue... Ou alors ça le ferait hurler davantage, qui sait. J'aimerais bien parfois que mon poste de Maître ne serve pas qu'à faire joli, pour être honnête, mais je ne me leurre plus depuis longtemps. Je ne suis plus ce gamin qui idolâtrait les Elites en leur retirant tous défauts. Je me demande d'ailleurs comment Zingaro considère son propre titre. A-t-il compris que nous étions en réalité au service total de la Compétition et que nous pouvions y passer quand bon leur chante ?
On dirait qu'il évite la question.
Ses réponses sont évasives, ou plutôt, elles semblent s'éloigner volontairement du sujet. Lionel est certes immature de temps à autre, mais il n'en est pas moins idiot. Probablement qu'il n'aime pas énormément parler de sa vie privée. Je ne l'obligeais pas non plus, si vraiment il ne se sentait pas de le faire. Ma curiosité a peut-être atteint ses limites... Je me rappelle tout à coup brutalement de la bouteille d'alcool qu'il m'a servi de manière totalement surprenante l'autre soir. Elle a laissé une empreinte marquante qui ne s'atténue que parce que j'apprends à connaître mon collègue, mais je suis persuadé qu'elle n'a pas fini de me faire poser de plus en plus d'interrogations à son encontre. Puisqu'il parle de son âge, par exemple, est-ce que ça veut dire qu'il se sent vieux ou qu'il a des craintes là-dessus quand on considère que les autres Elites qui l'entourent son en effet tous plus jeunes que lui ?..
Tu réfléchis trop. Il essayait juste de faire de l'humour.

Parlant âge, c'est sur le mien qu'il semble s'être arrêté. Je ne vais pas dire que la question ne me rend pas encore nerveux. J'ai accepté ce rôle car on a placé de grands espoirs en moi, mais j'ai toujours été d'accord pour dire que je l'ai acquis particulièrement jeune, dans une période où je n'étais plus tout à fait un adolescent mais pas encore vraiment un adulte. Je n'ai plus honte de me montrer tel que je suis aujourd'hui. Si j'ai préféré porter un costume et ne pas révéler trop d'informations sur moi, c'était aussi quelque part pour éviter de me prendre des remarques sur le fait qu'on aurait dû prendre quelqu'un de plus vieux et expérimenté pour mon poste. Gagner une Compétition, c'est bien, mais j'ignore si ça suffit réellement. Heureusement que j'avais d'autres atouts en réserve et que ça faisait des années que je m'entraînais, mais... On ne va pas mentir : ça ne fait que récemment que je me sens réellement légitime par rapport à ça. Pour ça, je me tends légèrement quand il évoque le fait que la Compétition m'ait pris jeune, mais malgré tout, on dirait aussi qu'il s'inquiète plus qu'autre chose. S'il y avait une chose que j'apprécia, toutefois, ce fut sa façon de comprendre que me parler de tout ça pouvait être blessant d'une manière ou d'une autre et que changer de sujet était peut-être ce qu'il y avait de mieux à faire.

« Te ferais-tu du souci pour moi ?.. »

J'esquisse une expression malicieuse, ne m'étant pas attendu à ce qu'il s'alarme sur mon sort passé. A ce qu'il s'alarme tout court sur le sort de quelqu'un d'autre que lui-même, en fait. Cela doit être parce que nous travaillons ensemble qu'il fait mine de s'y intéresser autant, mais on dirait au moins qu'il a compris depuis notre dernière entrevue que je n'étais pas quelqu'un à prendre à la légère.

« C'était peu évident, mais pas insurmontable. Enfin... Pour ma part. »

D'accord, je masque peut-être un peu la vérité, mais je révèle le minimum : que c'était dur, mais que je m'en suis sorti. On ne peut pas en dire autant de tout le monde. J'ai eu pas mal de chance pour ma part, je crois. Je n'ai pas fini en prison, je n'ai pas été atteint par l'Emergya, je n'ai perdu ni proche, ni foyer... Il y a des gens pour qui les catastrophes ont constitué un point de non retour dans leur vie, et c'est normal. Ce qui s'est passé sur Enola il y a six ans est désormais gravé dans son Histoire et des pertes furent malheureusement à déploré un peu partout. On ne faisait plus trop attention à moi ou même à la Compétition à ce moment-là, mais nous avons su nous montrer quand on avait besoin de notre aide, et ainsi est née l'idée de la Milice. Enfin... Tous les Elites n'ont pas aidé, hein... Il y en a qui ont été plus égoïstes que d'autres et ça s'est vu, mais je n'ai jamais baissé les bras et j'ai continué de me battre alors même que Natsume était gravement malade et que Tristan... s'est perdu en chemin, on va dire.

« La Ligue s'est arrêtée suffisamment longtemps pour que je puisse me concentrer sur la reconstruction de l'île ainsi que la Milice. »

Et la capture des soldats du Régime, mais ça... Bon, j'imagine que ça ne l'intéresse pas des masses. Même si j'étais frustré de mon combat contre Clive... Je n'étais pas déçu que la Compétition s'arrête temporairement pour que je puisse penser à autre chose et appréhender l'avenir, doucement mais sûrement.

« Il y a eu des difficultés, mais... D'autres ont souffert plus que moi. »

J'ai repris un peu de mon sérieux. Les images de mon copain se battant contre l'Emergendémie pourraient me revenir en tête si je ne les connaissais pas déjà par cœur à force. Elles étaient si violentes qu'elles ne risquent pas de s'en aller si vite. Mais en dehors de Natsu, il y a eu toutes ces maisons dévastées, ces familles détruites, des gens qui avaient déjà peu et qui ont fini par ne plus rien avoir du tout. Il a fallu gérer les déplacements de population, la limitation des dégâts, les criminels du Régime en fuite... Tout un tas de choses épuisantes, mais qui étaient nécessaires. Clairement, je n'ai pas à me plaindre : je ne suis pas celui qui a été le plus touché par ces événements. Lionel a-t-il connu tout ça ?.. Son retour n'a pas dû être reposant non plus. Quoique j'ignore quel rôle il a joué dans tout ça. Il me semblait que ses actions sur le moment avaient joué également pour le placer Maître Coordinateur, mais... Probable aussi que c'est seulement les espoirs que j'avais émis lorsque j'ai appris la nouvelle, étant donné que je ne connaissais rien de lui si ce n'est la famille à laquelle il était affilié. Et je n'avais pas pris ça d'un si bon œil. Je suis aujourd'hui beaucoup plus détendu avec lui -comparé à avant- mais de la méfience subsiste encore quelque part au fond de mon esprit. J'arrive quand même à tenter un sourire plaisantin et un regard espiègle en direction de l'aîné quand je décide qu'il est peut-être temps de changer de sujet.

« Tu ne doutes quand même pas de mes capacités en tant que Maître, j'espère. »

Lorsque j'avais vingt ans, je ne pouvais permettre personne de se moquer de moi ou de mon jeune âge. Je le peux encore moins, à présent. Peut-être est-ce pour ça aussi que je me suis dépensé sans compter. J'avais ce désir de prouver ma valeur, ma légitimité. Tout ça pour finir en burn out. J'aimerais me convaincre pleinement que la discussion que j'ai eu avec mon confrère peu de temps après a été utile. Si j'ai vu des résultats positifs surprenants, je me demande ce que ça a changé, dans nos rapports. Jusqu'alors, déjà, je ne crois pas qu'il avait voulu nous réunir tous les deux comme ça pour qu'on fasse connaissance. Aurais-je attisé sa curiosité ?

« Bon, par contre, aucun danger en vue, pour le moment... Je ne crois pas qu'on se soit trompé d'endroit pourtant. »

Je n'ai pas besoin de vérifier les dossiers sur la mission pour être certain qu'il s'agit du bon endroit. Tout indique que nous sommes dans la bonne direction, mais les montagnes enneigées se ressemblent bien trop pour qu'on puisse vraiment s'orienter. Bon, déjà que moi et tout ce qui est orientation... On repassera. Si je ne me perds plus dans la Pension, c'est bien parce que j'y vis, mais il m'a fallu quand même deux bons mois pour connaître les lieux par cœur. Là, on nous a indiqué qu'il pourrait y avoir une base de monarchistes ou d'anarchistes dangereux dans le coin. Aucun signe ne nous prouve sa potentielle existence, cependant, alors je commence à être dubitatif. Barf, une bourde, ça peut arriver, après tout...
Tout à coup, un bruit sourd au loin me fait sursauter. Un cri rauque s'élève dans la montagne et fait s'envoler un groupe d'oiseaux à quelques mètres de nous. C'est peut-être un Polagriffe ou un Blizzaroi, ça... Même Smaug a tressauté, avant d'ouvrir un peu plus les ailes, signe qu'il est sur la défensive. Mon Dracaufeu s'envole ensuite dans les airs pour faire le tour d'en haut. Quant à moi, mon attention se tourne une nouvelle fois vers Zingaro.

« Il a l'air d'y avoir de sacrés Pokémon, en tout cas... Hé, tu n'as pas la trouille, quand même, hein ? »

Je ricane en lui donnant un léger coup de coude (que j'espère il comprendra). Je pose la question mais c'est davantage pour meubler qu'autre chose. Cela reste awkward d'échanger avec Lionel car il révèle sans aucun doute beaucoup de choses que j'ignore à son sujet et au niveau de sa personnalité. Il est en effet plein de surprises, de ce que j'ai pu constater (bonnes ou mauvaises). J'espère juste qu'il ne se force pas à me parler car nous avons des postes conjoints.

Lionel n'a aucune obligation vis-à-vis de moi, sauf celui de partager mon travail au sein de la Milice. Mais pour tout ce qui est de ses préoccupations, elles n'ont pas à me concerner. Voilà pourquoi j'étais plutôt surpris qu'il s'inquiète même légèrement. En vérité, comme je suis à un poste similaire du sien à un même beaucoup plus jeune, je m'attendais à ce qu'il me prenne davantage de haut. S'il s'est montré hautain les premiers temps, j'ai bien remarqué toutefois qu'il y avait eu une légère amélioration depuis que j'étais allé le voir. Moi qui pensais que j'allais me donner plus l'image d'un enfant capricieux qu'autre chose à son égard, je crois que c'est l'inverse qu'il s'est produit. Bon, évidemment, je ne vais pas m'en plaindre. Je suis juste... étonné de ce changement, surtout qu'il a l'air relativement heureux de faire des tandems avec moi, pour une raison que j'ignore et qui me rend perplexe et curieux. Je ne suis pourtant pas le plus expressif des Elites et je suis même loin de lui ressembler au niveau du caractère. Je ne sais pas ce qu'il recherche auprès de moi, mais en tout cas, ça me permet des occasions pour tenter de le rediriger un peu quand je le sens perdu, et ce n'est pas plus mal non plus. En un sens, si je peux lui apporter quoi que ce soit de bénéfique... Si tant est que je puisse être bénéfique pour quelqu'un.

Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aussi sincère, mais j'avoue que ce qu'il dit sur mon compte ne me déplaît pas, autant que cela continue de me surprendre. Je n'aurais certainement pas imaginé qu'il puisse se dire que je suis digne du rôle que j'interprète depuis maintenant presque six ans alors que j'ai eu quelques critiques à cause de mon jeune âge. Et je ne peux en vouloir à personne. Dix-neuf ans c'est bien trop tôt pour une telle fonction, je suis d'accord. Mais je ne peux pas faire l'hypocrite non plus. J'ai accepté ce titre et je l'assume alors ce serait mentir si je disais que je n'étais pas content d'être Maître aujourd'hui. Je ne peux pas faire de jugement de valeur mais mon cas, comme les autres avant moi, ont été exceptionnels et ont été instauré surtout dans un système où on faisait moins attention au sens moral de la Compétition. Des Champions à seize ans ne choquaient personne mais avec un peu de recul, on se demande s'il était vraiment sain d'embarquer d'aussi jeunes personnes dans un tel milieu médiatisé. Moi-même j'ai eu plus de mal que ce que je croyais à mes débuts. Je rêvais depuis toujours de figurines à mon effigie, de posters qui porteraient mon image, de fans qui scanderaient mon nom... Autant de fantasmes auxquels j'ai pu effectivement avoir accès comme tous ces Elites que j'admirais, mais... À quel prix ? Celui d'avoir des caméras braqués sur moi jusqu'à ce que Scatha montre les crocs et que Tori envoie un coup de vent pour balayer micros et autres appareils photos. J'ai su me montrer persistent pour qu'on me fiche la paix quand je le désire mais ce n'est pas toujours sans conséquence. C'est fatiguant. Des tas de privilèges associés à autant d'inconvénients, sans parler de mes propres problèmes personnel quand j'en ai. Alors aujourd'hui, je ne désire qu'être sincère, avec moi et avec les autres. Je n'apparais que rarement sur les plateaux de télévision -si ce n'est jamais- et ne donne d'interviews que pour les magazines de la Compétition dont les gamins raffolent et que j'étais le premier à réclamer autrefois. Des fausses informations qui circulent sur mon compte, il y en a. Du moins, il doit y en avoir. Les démentir toutes serait utopique mais j'essaye au moins de mettre pression dessus pour qu'on retire ce qui porte atteinte à ma vie privée ou même publique. Je devrais peut-être commencer à chercher des avocats de confiance, moi...

Mes pensées me perdent. Je finis par m'éloigner de la conversation de base, mais heureusement mon collègue me rappelle à la réalité et m'indique un peu plus haut une balise pour me rassurer sur notre position. En effet, nous sommes sur la bonne route. J'aurais pu avoir des doutes. Tout se ressemble tellement, dans ce paysage enneigé qui est certes beau mais qui reste flou. Si je nous savais seuls, j'aurais bien demandé à Smaug de dégager un peu le passage avec ses flammes. Toutefois, je ne peux pas me permettre de perturber les Pokémon qui pourraient se trouver cachés dans la neige. Alors je renonce à mon idée. Au moins, nous avons une carte, j'imagine que c'est déjà ça. J'ignore si cet environnement pourrait constituer un terrain pour un potentiel match amical, toutefois, même si la simple évocation me tire un très léger sourire de défi. Je ne doute vraiment pas des capacités de Lionel, mais... Si un match pourrait lui faire plaisir, je ne vois pas pourquoi je refuserais. Aaah... J'imagine que je devrais y aller mollo dans ce cas, non ? Après tout, son dada à lui c'est plus la Coordination, moins les combats. Mais j'imagine que je ne ferais pas bien le malin moi-même si je me retrouvais en Concours amical contre lui. Dans un cas comme dans l'autre, ça serait sûrement beau à voir. De plus, je ne peux pas nier que sa Ekaiser reste impressionnante. Je m'attarde d'ailleurs un peu sur les écailles de cette dernière, regrettant que cette espèce ne soit pas pourvue d'ailes. Ça aurait été classe ! Ma contemplation m'empêche cependant de réagir à temps quand deux formes surgissent près de nous. Mon comparse est, sur le coup, plus vif que moi. D'un geste, Smaug se place en face de moi dans un mouvement de protection. Bien vite, néanmoins, nous nous rendons compte de l'Otaria et du Kokiyas innocents qui apparaissent devant nous. Je peux sentir de derrière son dos mon dragon qui pousse un soupir de soulagement en laissant échapper un peu de fumée de sa gueule. Sans doute se préparait-il à faire feu si un danger était venu. Mais je crois que nous n'aurons pas à déclencher d'attaques bien monstrueuses aujourd'hui, si nous ne rencontrons que des espèces pacifiques. Lionel en profite même pour s'approcher un peu des sculptures du coquillage mauve. Un peu de trop près, peut-être, vu la réaction immédiate qu'il s'est reçu en retour. Au claquement brusque qui s'est refermé sur la main du Maître Coordinateur, je me retiens de pouffer. Puisqu'il n'y a rien de méchant là-dedans, je me le serais permis, mais je ne pense pas qu'il apprécierait que je me moque même gentiment de lui. Il semblerait au final que ce petit incident soit la chose la plus 'incroyable' qu'on puisse voir pour cette fois, vu que, effectivement... C'est le calme plat. Un peu décevant. Moi qui voulais un peu d'action...

« Pfft... Ça m'embête de repartir bredouille. Niveau crédibilité... »

Les deux chefs de la Milice qui partent en vadrouille dans les montagnes pour revenir les mains vides... Cela ne ferait pas très sérieux. Et ce serait dommage, surtout, moi qui déteste ne pas avancer sur quelque chose ! J'avais eu l'espoir que nous trouvions ne serait-ce qu'un minuscule indice sur ce territoire, mais... Me serais-je bercé dans trop d'illusions ?..

« Hmm... On doit forcément pouvoir trouver quelque chose sur le chemin, non ?.. Je suis sûr qu'on peut au moins découvrir une base abandonnée du Régime ! »

Du moins, c'est ce dont j'essaye de me convaincre. Pas sûr que nous fassions de réelles découvertes, en vrai, mais on peut toujours essayer. Après tout, je me souviens que durant l'une de mes missions au sein de la Résistance, il était question d'une base du Régime pas très loin d'ici. Un souvenir qui n'était pas très drôle sur le moment mais qui me fait glousser intérieurement quand j'y repense désormais. Après tout, il s'agissait de ma première mission avec Athéris. Est-ce qu'on peut appeler ça un rendez-vous secret, à présent ?
Smaug, curieux des sculptures du Kokiyas, s'est également approché d'un air tout à fait innocent. Car innocent, il l'est. Je le connais assez bien pour savoir la grosse pâte que c'est en réalité. Mais cette information manque au Pokémon sauvage qui voit aussitôt le lézard orange comme une menace. De peur que ses œuvres soient détruites ou qu'il les fasse fondre avec ses flammes, le coquillage à la langue pendante, après s'en être pris à mon collègue, bondit sur la queue de mon allié afin de la mordre.

« Smaug ! »

Inutile de m'inquiéter, je le sais, puisqu'il sait se défendre. Malgré tout, quand je le vois piailler de douleur, je grimace, prêt à déloger le Pokémon agresseur. Smaug se débat alors tout à coup, balançant sa queue de gauche à droite et de haut en bas pour déloger le Kokiyas énervé. Des mouvements qui finissent par être payants, puisque le crustacé est effectivement éjecté un peu plus haut dans un gros tas de neige, qui se met tout à coup à trembler. Et je ne m'en serais pas inquiété outre mesure si le tas en question ne se mettait pas tout à coup à bouger pour former une boule, actuellement en train de descendre sur nous, d'ailleurs. Dans la panique, je pousse un hoquet sembable à un cri de Link dans Legend of Zelda.

« WAAH ! C'est l'moment de se carapater ! »

Les yeux de Smaug s'agrandissent et deviennent ronds comme des soucoupes en apercevant l'espèce de grosse boule qui nous fonce droit dessus. La bonne idée serait de sauter sur le côté mais je n'ai malheureusement pas ce réflexe ou même l'intelligence nécessaire pour y penser, alors comme un con, je me contente de courir dans la direction opposée pour fuir l'énorme sphère blanche qui me menace de m'écraser.

« J'espère que t'es sportif ! »

Je lance à mon camarade. Parce que sinon... Bah sinon rien. Il a intérêt à savoir courir parce que... parce que après c'est moi qui vais devoir m'occuper de lui et euh on a pas le temps pour ça, pas vrai ?.. Pas comme si je voulais qu'il lui arrive quelque chose. Enfin... J'veux dire ça serait dommage, quoi...