Zéro (de conduite)

Les maths, ça pue

« Prête, Ariel ? Alors on y va ! »

Doucement mais sûrement, la Lokhlass quitte le bord de la plage, nous emportant avec elle sur les flots calmes de la mer du nord. Je n'ai pas demandé à Jasmine de nous accompagner, cette fois. Il n'y a que Maëlle, Ariel, moi et... Dante, le jeune Otaria que j'ai capturé il y a peu. Ce dernier s'étant attaché à Maëlle, je lui avais demandé s'il voulait venir, et il avait tout de suite accepté, sans surprise. L'otarie blanche est maladroite, mais... Elle apporte le sourire dans les moments difficiles. Dante c'est un peu comme un chien. Il a un air concon et il doit l'être probablement, mais il est trop gentil pour ce monde et surtout toujours content. C'était bien de lui, dont j'avais besoin aujourd'hui, en plus de ma vieille alliée qui apporte son calme et sa sagesse. Le temps est radieux, les Goélises chantent, les vagues viennent nous heurter sous forme de caresses... C'est une belle journée. La seule ombre noire au tableau est l'air maussade de ma petite puce qui arbore depuis hier soir une expression peinée et troublée qui ne lui ressemble pas, elle qui est d'habitude si souriante et énergique. C'est comme si elle s'était toute vidée d'un coup. Même Shang et Milo n'ont pas réussi à lui redonner le sourire, et si je crois connaître la raison à cette lueur attristée qui baigne dans ses iris bleues, je m'inquiète quand même. Alors j'ai pensé qu'une petite balade en mer pourrait lui changer les idées.

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Zéro (de conduite)

Les maths, ça pue

Me laisser porter par les vagues sur le dos de la Lokhlass me ramène un peu de nostalgie. J'avais l'âge de Maëlle, après tout, la toute première fois qu'elle m'a laissé monté sur sa carapace. Bienveillante, elle m'avait offert un rapide petit tour avant de me redéposer. Je n'en avais pas prévenu mes parents, bien sûr, ils auraient été fous d'inquiétudes. Et puis ils étaient trop occupés à surveiller ma petite sœur pour s'inquiéter d'une disparition de quelques minutes seulement. Je me demande d'ailleurs si mon affection pour les Pokémons Eau n'est pas venue de ma rencontre avec Ariel... Mais là n'est pas le sujet. Moi qui pensais pouvoir remonter le moral de ma fille, je la vois qui a toujours ce regard perdu dans le vague, fixant un point au loin qu'elle est la seule à voir. La présence soudaine et furtive d'une Poissirène n'arrive même pas à lui faire relever la tête.

« Maëlle... Maëlle, regarde-moi, ma puce. »

Elle ne réagit pas tout de suite. Je dois poser doucement une main sur son épaule pour enfin obtenir un mouvement de sa part. Elle se tourne alors lentement vers moi, paraissant tout à coup fragile, l'éloignant de cette image de dure qu'elle aime avoir pour se sentir forte et invulnérable. Une carapace qui ne prend pas avec moi quand je sais ce qu'elle cache réellement. Maëlle est sensible. Bien plus qu'elle ne veut le laisser croire. Je l'entend renifler une première fois. Comme je le présumais, elle a du mal à soutenir mon regard, aussi doux qu'il soit. Elle tente de le fuir, baisse les yeux, se montre distante. Pour au final me fixer une nouvelle fois quand même, avec cette même expression coupable.

« Tu ne seras pas punie, je te le promets. »

Cette simple phrase semble résonner tout à coup en elle. Un instant passe où je laisse le silence s'installer, avant qu'elle ne craque pour de bon.

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Zéro (de conduite)

Les maths, ça pue

« Viens... Viens près de moi, mon cœur. »

Peu à peu, si ça commence avec des reniflements de plus en plus sonores, ça se finit vite en pleurs incontrôlables. J'ouvre mes bras pour que Maëlle puisse s'y blottir à l'intérieur, et c'est en se blottissant contre moi qu'elle laisse échapper ces larmes qu'elle retient depuis une journée entière. Je crois connaître la raison de son chagrin -ou plutôt de son anxiété- mais cela me peine de la voir ainsi. Je dépose sur sa tête un baiser avant de la serrer un peu plus avec douceur, caressant son dos et ses cheveux noirs. Dante arrête tout de suite ses pitreries pour regarder la fillette avec tristesse, confus quant à la manière de procéder pour la consoler, chassant même un Venalgue sauvage qui passait par là.

« Tu as peur que je te gronde à cause de ton zéro en mathématiques, c'est ça ? »

Si Noah n'est pas avare de compliments car on lui en fait souvent, c'est différent pour Maëlle qui n'est pas vraiment première de sa classe. Elle ne cherche pas à se faire applaudir mais elle est sensible à la flatterie plus qu'on ne le pense et n'a pas vraiment la meilleure estime d'elle-même qui soit, de ce que j'ai pu remarquer. En outre, les maths ont toujours été un de ses plus gros points faibles au niveau scolaire, et si mon propre niveau n'est pas exceptionnel, il demeure toutefois suffisant pour l'épaule ; mais quand bien même Makenzie et moi essayons de lui enseigner ce que nous savons à ce sujet (mon ex étant plus douée que moi dans cette matière), j'ai l'impression qu'elle fait un blocage. Son bon niveau en français et dans le peu d'anglais qu'ils font à cet âge ne suffit pas pour compenser le reste dans lequel elle a du mal, et j'ai pensé plusieurs fois à prendre des professeurs pour l'aider, ou à en parler à sa maîtresse. La plupart du temps, elle tente de me cacher ses mauvaises notes. Et si je fais mine de ne rien voir pour ne pas la culpabiliser tout en l'aidant derrière pour l'aider dans ses lacunes, sa mine en sortant de l'école est constamment basse quand elle doit me faire signer ses contrôles, bien faits ou mal faits. Et hier soir, elle a dû me faire signer un devoir de mathématiques où elle avait reçu la plus mauvaise note. Encore. Mais je ne suis pas réellement partisan des punitions. Mes méthodes parentales ne sont pas les meilleures, mais je fais de mon mieux pour que les jumeaux ne se sentent pas rabaissés et qu'ils conservent l'espoir qu'ils peuvent toujours s'améliorer, que les mauvaises notes ne sont pas gravissimes et que nous pouvons trouver une solution ensemble. Mais quelques fois, Maëlle aussi, a besoin de pleurer. Et je tente de la soulager comme je peux, parce que c'est mon rôle. J'ai toutefois moi-même des tas de choses à apprendre dans ma fonction, j'en suis conscient. Si je suis là toutefois quand mes enfants ont besoin de moi, alors j'imagine que c'est déjà bien, quelque part...

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Les maths, ça pue

« A-Agnan il a dit que... Il a dit que j'ai eu-que j'ai eu une mauvaise note parce que j'étais bête. »

Je frotte le dos de l'enfant avec vigueur tandis qu'elle rassemble les forces qu'elle possède pour essayer de parler. Agnan, de ce qu'elle m'avait déjà raconté, est le premier de la classe. C'est un peu le rival de Noah, à l'école, et je sais que Maëlle ne l'aime pas du tout, parce qu'il fait toujours l'intéressant et que c'est un petit monsieur je-sais-tout qui est toujours bien coiffé et habillé. Maëlle chigne tout le temps sur le fait qu'elle peut pas le taper parce qu'il a des lunettes. Bon, moi, ça m'arrange bien, si elle tape personne, et je lui dit clairement qu'il faut pas le faire. Mais bon, je peux pas être là pour la surveiller dans la cour de récréation alors dans le pire des cas, je sais que son frère, au moins, est là pour l'arrêter quand elle en fait trop. C'est bien le seul qu'elle écoute, de toute manière, quand je ne suis pas dans les parages. Mais bon, le Agnan en question... Je connais ses parents, pour les avoir rencontré quelques fois lors de réunions de parents d'élèves quand ils daignent venir et qu'ils n'envoient pas un larbin le faire à leur place. Très carrés et chics, je plains toujours le pauvre gosse en les voyant. Bien sûr, devant moi, ils font profil bas avec mon statut, mais leurs messes basses sont très peu discrètes.

« T-Toi aussi tu vas me gronder et me trouver b-bête, papa ?
- Bien sûr que non, mon trésor. Mais je n'aime pas te voir malheureuse. »

Même Ariel tente de se tourner pour donner un léger coup de tête affectueux à ma fille en pleurs. J'esquisse un sourire doux, essayant d'être le moins brusque possible avec elle. Il y a évidemment des tas de qualités que Maëlle possède, et je ne voudrais surtout pas qu'elle les oublie.

« Hé, dis-moi... Qui c'est, qui a toujours dix sur dix en poésie ? C'est Agnan, peut-être ? »

Ma fille cligne des yeux avant de lever son regard sur moi, puis secoue la tête.

« N-Non. Il pleure parce qu'il arrive jamais à avoir la-la meilleure note, il bégaie t-tout le temps. »

Quand ce n'est pas Kenzie qui a la garde à ce moment-là, c'est moi bien sûr qui me charge lui faire apprendre les poésies qu'elle doit savoir. Noah a une très bonne mémoire, mais celle de Maëlle est seulement plus sélective. Elle aime beaucoup les poésies, en l'occurrence, et ce n'est alors plus une corvée quand je dois la lui faire réciter, car il suffit de peu de temps pour qu'elle les retienne par cœur. Surtout celles qui riment, parce que Maëlle, elle adore les rimes. Elle trouve ça plus jolie. Et pour égayer un peu le moral de l'enfant, comme si elle avait sentie son chagrin, une Poissirène fait son apparition hors de l'eau, juste à côté de Dante. La femelle eau, à peine apparut, se met alors à chanter, avec une très jolie voix, d'ailleurs, qui n'a rien à envier à celle d'Ariel.

« Et ce n'est sûrement pas pour Agnan non plus que cette jolie Poissirène chante. »

Ma fille arrive à être distraite par l'apparition, cessant de pleurer quand elle se tourne vers le poisson rouge et blanc. Aussitôt, je vois alors un début de sourire qui se dessine sur son visage rondouillet.

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