Aujourd’hui et simplement parce que je n’ai pas le choix, je me résigne à aller en ville pour faire les magasins, histoire de renouveler un peu de mon matériel usagé et de m’acheter quelques fringues un peu plus légère pour l’arrivée du printemps. Je sais ce que j’ai à faire, j’ai tracé mon plan d’action pour maximiser le temps passé en ville et j’ai même inclus une pâtisserie sur le circuit. Bref, je me suis préparée à affronter cette terrible journée. Ce que je ne comprends pas e revanche, c’est pourquoi Andrew a insisté pour m’accompagner et surtout… Comment il a su ? Je soupçonne ma collègue d’avoir craché le morceau… J’étouffe un grognement ronchon avant de monter dans sa voiture qui m’attend juste devant chez moi. Il me sert son plus beau sourire que je lui invite à ravaler et nous partons. La situation le fait beaucoup rire, moi pas du tout. Quelle idée d’avoir accepté… Mais pour ma défense, il m’a menacé. Il m’a promis que si je refusais ou si j’essayais de le doubler, il ne m’apporterait plus de moccha latte avec supplément crème caramel et chantilly. Jamais. C’est impensable, vous vous rendez compte ?! Mentor indigne…

C’est comme ça que nous voilà donc à flâner dans les rues d’Anula, la belle Anula. Je peux oublier mon plan d’être rentré à midi chez moi, tout tombe à l’eau. Je soupire alors qu’il sifflote, les mains dans les poches en faisant de la lèche vitrine.  Il croise mon regard blasé et me sourit, je lui tire la langue en retour comme une enfant et ça le fait rire.

« Alors, tu as besoin de quoi ?
- De liberté ? De solitude ? D’amour ? Et de chocolat, de beaucoup de chocolat.
- Et beeeeen, la journée promet d’être longue ! »

Je grommelle une suite incompréhensible de mots qui le font à nouveau rire et il me donne une tape dans le dos, j’ai l’impression d’avoir été bousculé par un Tyranocif.

« Oh ça va, j’ai besoin de cordes, de quelques fringues légères pour le printemps qui supportent l’humidité, d’une paire de chaussure de marche et d’une nouvelle boussole. Et toi alors, pourquoi tu m’as accompagné ?
- Hm… Parce que c’est amusant.
- Sérieusement ?
- Sérieusement, on ne s'ennuie pas avec toi Kido. »

Je lève les yeux au ciel en soupirant, la journée promet d’être longue... Mais aussi amusante, je dois le reconnaître.

Modération:

Alors que nous marchons en silence, profitant du début de la matinée et des rues presque vides de la ville, mon ventre se met à gargouiller. Je rougis violemment alors que j’ai l’impression qu’avec la résonance de la rue, toute la ville m’a entendue. Je tuerai pour un double cheese ou un tacos. Andrew me regarde et hausse un sourcil interrogateur, il n’en a pas raté une miette.

« Et si pour me faire pardonner de t’avoir imposé ma présence, je t’offrais un petit déjeuner ?
- Si c’est une tentative pour m’apprivoiser alors ne compte pas là-dessus.
- Même pas pour un tacos avec supplément fromage ?
- Même pas…
- Accompagné d’un capuccino ?
- Hm…
- Et d’un gâteau au chocolat ?
- Vendu ! »

Il éclate de rire et nous nous arrêtons dans le meilleur fast food de la ville, Holly Cheese. Il fait assez beau et pas trop froid pour que nous décidions de prendre à emporter. Andrew se commande un simple café long sans sucre tandis que moi, je croque à pleine dents dans mon sandwich en avalant une gorgée de la boisson chaude, et tout ça en même temps. Nous nous arrêtons dans un parc pour que je termine de manger tacos et alors que j’entame le dessert, une petite Moufouette s’approche de nous et viens poser ses pattes avant sur le banc. Elle plonge son regard larmoyant dans le mien et je fonds littéralement. Je passe mon regard du gâteau au chocolat à petite bête sauvage et mignonne et de la petite bête sauvage et mignonne au gâteau au chocolat. Ce choix me déchire le cœur mais finalement, je renonce et découpe un morceau de ma gourmandise pour le donner à la Moufouette qui l’attrape entre ses pattes avant et la grignote près de nous. Je me penche pour caresser son épaisse fourrure, je m’y autorise puisque je viens de partager avec elle un dessert sacré mais la petite garce me feule dessus avant de s’éloigner, son morceau de gâteau entre les crocs. J’en reste bouche bée, quelle ingrate, aucune reconnaissance !

« Nan mais t’as vu ça ?!
- Oui.
- J’ai partagé mon gâteau avec elle ! Mon gâteau ! Tu te rends compte ?
- Hm… Non ?
- Vous les hommes… Vous ne savez pas reconnaître le caractère sacré du chocolat. »

Modération:

Enfin, après que j’ai digéré la trahison de ma grande copine la moufouette, nous nous remettons en route en direction du centre commercial pour trouver tout ce que nous cherchons. Il n’est que 9 heures 30 et les magasins sont à peine ouverts pourtant, il y a déjà du monde et mon mal aise grandit au fur et à mesure que nous approchons. Non pas que je sois effrayée par les foules, pas du tout, mais je suis beaucoup plus dans mon élément au fond de la jungle humide que dans un centre commercial. Andrew me pousse presque à avancer puisque je ralentis au fur et à mesure que nous approchons.

«  Aller, si tu te dépêches on peut avoir fini dans une heure alors arrête de trainer des pieds.
- Oui papa, tout de suite papa, d’accord papa.
- Je n’ai pas l’âge d’être ton père morveuse. »

Oh oh, aurais-je froissé monsieur ?

« Ah bon ? Ca doit être la barbe alors, ça te vieillit… »

Je ricane alors que c’est à son tour de bouder et nous entrons enfin dans le grand bâtiment moderne. Des dizaines de boutiques s’étalent à me droite et ma gauche et je me dirige vers un plan du centre pour chercher où est le magasin de sport.

« Toujours pas décidé à me dire ce que tu es venu acheter ? Non ?
- Non, c’est une surprise.
- Pfff, j’aime pas les surprises,  surtout les tienne.
- N’importe quoi. Donne-moi un exemple.
- Ta présence, ici, avec moi.
- Rooo mais ce n’était pas une surprise, on a négocié.
- Non, tu m’as fait du chantage.
- C’était une proposition.
- Chantage.
- Proposition.
- Chanta… »

On arrête de se disputer comme des enfants alors que le magasin de sport est en vu. J’accélère le pas et me dépêche d’y entrer. J’aurai le dernier mot cette fois.

Modération:

J’essaye bien de le perdre entre les rayons plusieurs fois mais il est assez grand pour toujours me remettre la main dessus et à chaque fois, il m’offre ce sourire condescendant qui me fait bouder. On dirait deux gosses qui jouent à cache-cache mais ça nous amuse et on se fiche bien du regard des gens. Comme je ne suis pas venue ici pour rien, je vais racheter de la corde d’escalade bien solide ainsi qu’une boussole puisque j’ai perdu mon ancienne quand j’ai sauté dans la rivière pour aider un pandespiègle. Andrew me demande d’ailleurs ce que j’ai fait de l’ancienne, je me contente de lui dire que je l’ai perdue sans rentrer dans les détails sinon il s’inquiéterait inutilement et me ferait la morale. Nous passons à la caisse, je paye mes achats puis nous continuons notre shopping. Alors que nous passons à côté d’une boutique de robe cocktails, Andrew m’attrape sous le coude et me tire à l’intérieur. Je lutte de toutes mes forces pour ne pas mettre un pied dans cet enfer mais j’échoue lamentablement et me voilà prisonnière de mon mentor qui me sourit de toutes ses dents.

« Est-ce que tu te souviens qu’il y a bientôt le gala de charité de la ville et que toute l’équipe des rangers y est conviée ?
- Hm… Peut-être que j’ai entendu quelque chose comme ça oui.
- Que comptais-tu porter ? »

J’étouffe un rire en fixant ses grandes bottes de militaire, il est sérieux ? Comme si j’avais eu l’intention, ne serait-ce qu’une seconde, de venir à cette soirée. C’est mal me connaître… A la place, j’avais prévu une bonne pizza devant Friends en solitaire. Un programme nettement plus cool que de passer toute une soirée/nuit debout, en talons, dans une robe, à boire du champagne et me gaver de mini-fours. Sans parler de l’obligation de tenir la jambe à tous les vieux donateurs pendant qu’ils se rincent l’œil sur le décolleté de ma poitrine.

« Tu prévoyais de ne pas y aller. Comme l’année dernière.
- Quoi ? Nan, tu te fais de fausses idées…
- Kido.
- Mais quoi ?! Je te dis que j’avais tout prévu !
- Kido.
- Andrew. »

Il soupire en se frottant la barbe. Quant à moi, je ne lâcherai pas le morceau, aucune chance que je mette les pieds là-bas, je jure de ne pas y retourner, jamais. Une fois m’a suffi.  Il ne peut pas me forcer, il ne peut pas !

« Très bien, tu seras assigné aux locaux pour les deux prochains mois.
- Quoi ?! Tu peux pas faire ça ! T’as pas le droit, hors de question que je passe deux mois complets derrière un bureau !
- Alors accepte de venir au gala, comme tout le monde.
- Non.
- Trois mois.
- C’est du chantage, c’est interdit.
- C’est une proposition.
- Du chantage. »

Et on y revient.

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