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Je glousse devant l'enthousiasme d'Axel, surpris un court instant par la douce chaleur qui s'est éveillée dans ma poitrine en entendant son éclat de rire cristallin et sa demande de le balancer à l'eau. C'est presque comme une réminiscence de cette époque où mes parents m'emmenaient à la plage. Quand je ne jouais pas avec les autres enfants, mon père me prenait sur ses épaules pour que je puisse sauter dans la mer par la suite. J'aimais beaucoup les vacances où nous pouvions nous promener le long des côtes. Des années plus tard, je me mettais doucement à fantasmer sur le fait que j'y emmènerai bien à mon tour mes futurs enfants si j'en avais. Axel n'est pas mon fils, mais je prends quand même de plus en plus de plaisir à jouer avec lui, et je me détends progressivement à son contact devant lequel je ne suis plus du tout nerveux.

« T'es prêt ? Hop ! »

Le Remoraid qu'il m'a indiqué n'étant pas loin, je me permets de le balancer sans trop de violence à l'eau comme il me l'a demandé. N'étant pas sûr toutefois qu'il s'agit nager, j'enlève très vite fait mes vêtements pour ne laisser que mon caleçon et me jette moi-même dans l'océan pour aller le reprendre avant qu'il ne se noie. Le prenant dans mes bras, je m'empresse de le sortir des flots.

« Je crois pas que tu saches nager, non ? Grimpe sur mon dos, je vais t'y emmener, jusqu'au Remoraid. »

Le laissant s'accrocher à mon cou, je tiens fermement ses jambes quand je suis assuré qu'il est bien positionné et me met à avancer dans l'eau salée. Le Pokémon en question ne bouge pas, tel une bouée, et se trouve seulement à quelques petits mètres de nous. Heureusement, l'eau n'est pas si profonde pour moi et je peux avancer sans problème, compte tenu en plus du fait que le petit garçon est léger comme une plume. Bientôt, nous atteignons le poisson blanc au regard vide et j'en fais le tour pour bien le montrer au Donovan. Distraitement, mes yeux dévient tout à coup vers le Ludicolo de Natsume et vers Natsume lui-même qui se trouve juste au-dessus. Mon cœur se serre un peu en me rappelant son éloignement un peu plus tôt. S'il était resté, il aurait pu jouer avec nous... Je suis à la fois agacé et peiné qu'il ait dû prendre une telle distance, mais j'imagine que c'est finalement à moi d'aller le voir.
En ramenant Axel sur la berge une fois que nous avons fini, je le dépose sur la plage et demande silencieusement à Scatha de le surveiller.

« Je vais aller voir ton papa, mon bonhomme, je reviens tout de suite. »

Les mots glissent désormais de ma bouche avec une facilité déconcertante. Je ne m'étonne plus de l'aisance avec laquelle j'associe désormais Natsume au 'père' d'Axel, à défaut de celui qui se trouve en prison à l'heure actuelle. Il faut croire que j'ai arrêté de me leurrer là-dessus aussi. Cela ne me dérange plus, de faire le rapprochement. À force d'entendre le petit l'appeler comme tel, on me dira... Même si cela ne m'empêche pas de rêver à d'autres chérubins.
Comme je ne sais pas si cela prendra du temps et que je n'ai pas envie de me fatiguer à nager, j'appelle mon Tortank afin qu'il me prenne sur son dos. Mon ami d'enfance sort de sa boule en bâillant, devinant déjà pourquoi je l'ai appelé. En lui offrant sourire de reconnaissance, je m'installe sur sa carapace comme j'ai eu tant de fois l'habitude le faire et demande à Kame de m'amener jusqu'à l'endroit où s'est isolé l'éleveur. Lentement, nous nous approchons de Azami ainsi que son dresseur. J'hésite au début sur la manière dont je pourrais l'interpeller, alors je laisse planer un blanc. Puis, je pousse un discret soupir avant de parler le premier, l'invitant d'une voix douce à s'exprimer à son tour.

« Tu devrais te baigner. L'eau est bonne. »

Inquiet lui aussi, Kame ouvre de grands yeux au Miyano en percevant nettement sa peine et la préoccupation qui m'agite. C'est évident, mais je n'aime pas le voir dans cet état. C'est le moment idéal pour que nous passions un moment tranquille à trois et cela me frustre de constater que Natsume ne peut pas nous rejoindre pour prendre part à l'amusement alors que son filleul le voudrait sûrement.

Je laisse les vagues bercer mes oreilles, attendant qu'il veuille bien parler. Je croyais au début que le silence allait persister, mais il le brise malgré un certain effort, de ce que je constate de sa faible voix, et je me contente de l'écouter sans l'interrompre. Je ne suis pas là pour lui demander des comptes ou lui dire qu'il n'aurait pas dû s'éloigner ainsi, lui dire qu'il aurait dû rester avec nous. Si cela m'attriste de le voir dans cet état, je sais qu'il ne faut pas le brusquer et qu'il avait surtout, à ce moment-là, besoin d'espace. Du moins, je crois que ça l'a aidé de s'éloigner un peu pour réfléchir à tout ça dans son coin plutôt que de gérer Axel dans sa condition. Assis sur le dos de Kame en boxer avec le corps trempé (j'ai pas pensé à apporter de serviette voyez-vous), je ne m'approche pas pour autant même si ce n'est pas l'envie qui m'en manque. J'aurais voulu qu'il revienne de son propre chef, de peur qu'en venant je ne fasse qu'empirer les choses, mais je crois que j'ai bien fait d'aller à sa rencontre le premier. Je ne sais pas combien de temps il serait resté ici si je n'avais pas fait le chemin moi-même, à vrai dire. Je l'écoute d'un air pensif en le détaillant du regard pendant qu'il accepte finalement de se confier sur ce qu'il ressens même s'il a du mal à comprendre ce qui lui arrive. Voilà un moment que moi-même je me demande.
Il n'y a rien qui marche mais tout...

« … bourdonne ? »

Dis-je en essayant de deviner ce qu'il voulait décrire. N'aurais-je pas une petite idée de ce qu'il a, au fond ?.. La goutte d'eau qui devient une bombe, la lampe de chevet qui devient une planète en feu, la moindre odeur qui devient une brûlure, le moindre toucher qui devient irritable... J'ai toujours su que Natsume était sensible. J'ai découvert, il y a quelques années, qu'il était hypersensible. À ce sujet et sur d'autres le concernant, j'ai peut-être voulu apprendre plus que ce que je n'aurais cru, et lu plus d'ouvrages que ce que j'aurais pu imaginer. La lecture n'a pourtant pas toujours été mon fort. Mais s'il y a bien une chose qui m'a motivé a étudié un peu la psychologie, c'est de réussir à le comprendre lui. Je savais qu'il y avait quelque chose. Qu'il y avait plusieurs choses. Des comportements dont on m'a appris l'existence pendant les cours à la fac et que j'ai peu à peu reconnu chez lui. Alors j'en ai parlé à des professeurs. Ils m'ont conseillé des bouquins, des spécialistes, des sites, des centres. J'ai creusé, creusé, creusé... Jusqu'à trouver, un jour, un véritable puits de pétrole.

« La mer est calme mais tu as l'impression d'être au milieu d'une tempête ?.. »

Une cacophonie infernale, voilà ce qu'il ressent ? Il s'est souvent plaint du bruit, de la luminosité, des espaces où il y a plein de monde... Il avait une surcharge. Je tente de comprendre, mais les indices se sont mis à être de plus en plus évidents au fil des jours. Au fil des années, même, où toutes ses petites habitudes sont devenues révélatrices de particularités plus spécifiques à ce qu'il est réellement. Mais il l'ignore lui-même. Il ne sait pas pourquoi il ressent tout ça, mais j'imagine que cela doit être extrêmement frustrant.

J'esquisse un sourire doux et tranquille lorsqu'il relève subitement son regard avec moi avec une surprise et une curiosité auxquelles je m'attendais largement. Je crois qu'il n'arrivait pas à mettre de mots sur ce qu'il ressentait et que je suis parvenu à plus ou moins lui en donner. Il m'observe à présent comme si j'avais dit quelque chose de bizarre, mais si ce que j'ai dit est juste, il est possible que je l'ai pris de court avec mes paroles. Il doit se demander comment j'ai pu lui donner une explication aussi facilement. Une stupéfaction évidente dans le regard, s'il voudrait m'interroger sur mes capacités à lui offrir des réponses aussi précises, il ne va pas jusqu'au bout et baisse de nouveau le regard. De nouveau, il se confie à moi et les quelques derniers doutes que j'avais s'estompent rapidement pour laisser place à de l'assurance. Au fond, je crois que je le savais déjà depuis un moment, depuis que j'ai fait quelques recherches là-dessus. Mais je n'aurais jamais rien remarqué si on ne m'avait pas pointé du doigt des éléments caractéristiques d'individus particuliers que je pensais jusque là tout à fait anodines quand je les observais chez mon fiancé. Je suis reconnaissant envers mes professeurs de cette période pour m'avoir mis sans qu'ils ne le sachent sur une piste sérieuse et bénéfique qui pourra m'être utile et à laquelle je ne me serais jamais intéressé si je n'avais pas été interpellé par les comportements de Natsume qui ont commencé à avoir une toute nouvelle signification à mes yeux. Je ne suis plus guère étonné de sa réaction face au Rozbouton.

S'il s'est déjà excusé tout à l'heure, j'ai l'impression qu'il arrive davantage à exprimer ses sentiments. Plus calme, le froid qui s'était installé entre nous s'évapore peu à peu et ma poitrine se réchauffe même quand il avoue que son comportement n'était peut-être pas exemplaire. On ne va pas mentir, mon ego en est flatté, même si j'ai fait aussi ma tête de Gruikui. Mais cette fois, je lui pardonne définitivement. Doucement, je me permets même de me rapprocher pour qu'il me sente arriver et place mes mains dans son dos et sous ses genoux pour le soulever afin de le déplacer pour le mettre avec moi sur la carapace de Kame où nous aurons plus de place. Je ne le relâche pas, toutefois, et me contente de me rasseoir pour le garder contre moi et le bercer lentement, plaçant ma tête sur la sienne. Je le câline tendrement, laissant les vagues rompre le silence que j'ai instauré entre nous. J'hésite. Comment lui dire ? Ce n'est jamais évident, après tout.

« Cela fait quelques temps que je me posais des questions là-dessus. »

Distraitement, une main vient se glisser dans ses cheveux pour les caresser. Plus les années passent, plus ils gagnent en douceur, tiens, c'est agréable. Ma voix, calme et sereine, tente de trouver les mots. Mais c'est difficile, quand on est pas directement concerné par la situation. Et si je suis loin de comprendre les enjeux pour lui, je veux faire de mon mieux afin de l'aider.

« Tu n'es pas que hypersensible, mon cœur... »

Je le serre un peu plus contre moi en lui soufflant ce petit surnom dont je lui affuble parfois dans l'intimité. Je n'aime pas l'afficher avec des surnoms ridicules à tout bout de champ, mais depuis quelques temps j'avais une lubie de lui en donner, et il a bien voulu consentir à ce fantasme mais dont je ne devais pas abuser à n'importe quel moment. Mais cela me donne un sentiment de privilège supplémentaire dont je suis toujours avare le concernant. Eh oui, j'aime toujours me sentir important et spécial à ses yeux. Je ne suis toutefois pas le sujet du jour.

« Je pense... que tu as quelques troubles... spécifiques. Ce n'est pas anodin, si tu as du mal à supporter le bruit ou les espaces bondés... »

Ou bien d'autres choses. La liste, cependant, serait bien longue à énumérer. Des souvenirs des livres que j'ai feuilleté à ce sujet me reviennent. En lisant les ouvrages, je ne pouvais qu'imaginer ce qui devait se passer dans la tête des personnes impliquées ; en l'occurrence de Natsume. Toutefois cela m'a permis de comprendre bien des situations que nous avons vécues. Et ça, c'est important.