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En douceur, je le laisse se rapprocher et se blottir contre moi pour qu'il se sente le plus à l'aise possible tout en continuant les caresses dans ses cheveux. Ça doit pas être facile pour lui d'entendre tout ça, mais j'imagine qu'il devait sauter dans le grand bain un jour ou l'autre. Il ne pouvait pas toujours rester dans sa zone de confort, je présume. Je ne dis pas que j'utilise ça comme une excuse pour lui parler de sujets qui fâchent, mais j'ai senti que c'était le bon moment pour aborder doucement cette discussion ; mine de rien, elle est importante. Mais connaissant Natsume, il aurait été capable, même après avoir deviné, de refouler autant que possible ou d'ignorer volontairement. Je sais qu'il aime bien faire des trucs tout seul dans son coin... Cependant, il a besoin d'un peu d'aide, parfois, aussi. Et je suis le plus à même de le soutenir dans cette voie quand il se sentira prêt à l'emprunter. Cela risque probablement de prendre un peu de temps, néanmoins. Je le sens à sa nervosité qui grimpe, au même rythme qu'une panique qui, bientôt, fait agiter son corps de léger tremblements. Immobile, sachant ce qui va se passer pour la suite, je me contente de le laisser exploser, veillant simplement à ne pas le relâcher. Je déglutis en entendant ses pleurs et en voyant ses larmes que je sentais arriver. C'est bien trop évident sûrement de dire que ça ne me plaît pas du tout de le voir dans cet état. Je me sens, sur le coup, incroyablement impuissant et inutile, mais j'imagine que c'était quelque chose qui le préoccupait et sur laquelle il n'arrivait pas nécessairement à mettre de mots. C'est normal, qu'il soit angoissé et perdu. Il n'avait pas trop eu le temps ces derniers temps de se poser pour réfléchir à tout ça, mais je ne peux pas rester indifférent plus longtemps à ses crises de plus en plus fréquentes.

« Chhht... Je suis là. Ton nounours est là. »

Avec une voix chaleureuse, je le berce très doucement en faisant fi de ses excuses qui  n'ont pas lieu d'être à mes yeux. Je sais pourquoi il veut demander pardon, et ce n'est pas pour l'histoire de la crise de tout à l'heure, cette fois. Je le connais, à force. Il doit s'en vouloir d'agir ainsi. Je voyais déjà dans ses yeux une part de culpabilité et peut-être aussi de honte. Sentant une grande confusion l'habiter, que puis-je faire d'autre que lui signifier que je reste à ses côtés ? Son cas n'est pas du tout grave en soit, mais il faut qu'il l'accepte et que nous prenons le Tauros par les cornes pour pouvoir trouver des solutions qui rendraient son quotidien plus simple. Arceus sait comment je le retrouve après qu'il ait dû passer un moment dans un espace public et bondé.

« Je sais que ça doit te faire peur... Mais tout va bien. Nous gérerons ça ensemble. »

Posant sur lui des yeux brillants d'affection, je lui caresse tendrement la joue, chassant une larme qui s'y était égarée. Bien sûr, je le laisse pleurer autant de temps dont il a besoin, mais quand j'ai l'impression qu'il n'y arrive plus, je le serre plus fortement contre moi.

« Je t'aime, lapinou. »

Les mots me manquent pour lui dire comme il compte pour moi et comme je serais ravi de l'aider pour qu'il comprenne un peu mieux ses comportements. Mais ces quelques paroles bienveillantes, aimantes et mièvres sont familières à ce que je connais et à ce dont il a l'habitude. Seuls sur l'eau, à quelques mètres de la plage, je sais que personne ne nous entendra.

Je le laisse pleurer autant qu'il le veut, attendant que les larmes aient fini de couler. Si je déteste le voir dans un tel état de détresse, je sais qu'il est parfois nécessaire de tout laisser sortir pour que ça aille mieux après : il n'est jamais bon de tout garder pour ça, au risque que ça explose avec violence d'un moment ou à un autre. Le gardant contre moi, je suis réceptif à chacune de ses demandes si jamais il ressent le besoin de m'en faire, mais c'est désormais en silence que j'attends que la crise passe et s'atténue. Elle était d'une puissance que moi-même je ne soupçonnais pas, et même si ma poitrine se creuse un peu plus en l'entendant sortir son chagrin, je demeurer d'un calme olympien, soutien immuable à sa disposition. Sans doute que la tension qui régnait auparavant dans l'air ne l'aidait pas à aller mieux, et je comprends mieux tout à coup pourquoi il avait l'air aussi souffrant lorsque la Mimantis s'amusait à nous casser les oreilles avec son rugissement strident. J'espère au moins que la solitude qui règne pour le moment autour de nous, l'unique bruit des vagues comme bruit ambiant et ma présence arriveront à l'apaiser. Progressivement, je sens d'ailleurs son corps être de moins en moins agité. Ses tremblements s'estompent, ses pleurs diminuent, sa respiration se fait plus sereine. Il est capable à nouveau de parler pour discuter de son état. Sans doute a-t-il besoin de dire les choses pour que ses propres pensées soient plus claires. Il parvient à décrire sa condition physique et émotionnelle, le sentant peu à peu moins tendu que tout à l'heure. Sa voix monotone sort comme s'il s'agissait d'un robot qui parlait tout seul, mais je peux sentir jusqu'en moi le manque d'énergie et la fatigue qui l'envahit depuis que la crise est passée. Ses descriptions m'aident un peu à visualiser comment il peut être, même si l'inquiétude qui me parcoure est toujours aussi forte. J'aimerais faire plus pour l'aider. Je souris pourtant, flatté et rassuré, d'entendre que je peux lui apporter de la chaleur lorsqu'il en manque.

« Je suis ton chargeur, alors ? »

Gloussant avec légèreté, je glisse un nouveau baiser sur son front, resserrant ma prise autour de lui pour le ramener davantage contre moi. Mon regard dérive au loin pour apercevoir le rivage où Axel s'amuse avec Scatha. Mais j'imagine qu'il doit quand même se demander ce qu'il se passe pour son papa. Ce dernier a l'air de ne pas en savoir plus que ça lui-même, de toute façon. Mais puisqu'il s'est éloigné de nous pour rester un peu seul, je me demande s'il prévoyait quand même le fait qu'il allait avoir une crise. Près de nous, un Hypotrempe et un Remoraid ont l'air de se chamailler, mais heureusement ils sont trop loin pour nous perturber.

« Tu ne m'as jamais parlé de tout ça, avant. »

Je ne lui fais pas un reproche, loin de là. Mais je sais que c'est quelque chose qui doit lui peser depuis quelques temps maintenant. Je crois qu'il se doute que ce n'est pas anodin et que c'est lié à une particularité que tout le monde n'a pas forcément. Au fond, c'est peut-être aussi de ma faute de ne jamais avoir osé lui en parler quand bien même je constatais son état après une longue journée où il a dû faire face aux bruits et aux gens tout seul.

« Hé... Je suis peut-être celui qui aurait dû demander. »

Reportant mon attention sur lui, je glisse des gratouilles sur ses cheveux en lui adressant une expression tranquille qui se veut apaisante et bienveillante.

« Mais t'es pas tout seul, Nat'. Je suis là. »

Je lui répète ce qu'il sait déjà, mais une piqûre de rappel ne fait jamais de mal, et il a besoin de le savoir plus que jamais, que je serai présent pour lui dans tout ce qu'il voudra entreprendre et à n'importe quelle situation, que ce soit dans les moments de joie ou les instants plus graves et moins drôles, comme cette crise qu'il a enduré et celles qui suivront dans le futur.

Je laisse échapper un hoquet muet de surprise face à ses tendres paroles auxquelles je ne suis pas habitué. Pas qu'il ne me dise jamais de mots doux, mais... C'est rare que ça soit à ce point, alors mes joues ont tendance à rapidement prendre en couleur et en température quand ça arrive. J'aime un peu trop quand il me donne des surnoms aussi affectueux et qu'il me regarde avec une telle adoration dans ses yeux, mais cela arrive moins fréquemment que je ne le voudrais. Alors je ne peux m'empêcher d'être tout d'abord stupéfait avant de lui rendre son sourire transi, plus que flatté qu'il me considère autant pour faire une telle comparaison.
Je peux toutefois mieux saisir pourquoi il ne s'est jamais vraiment posé de questions quand on a toujours mis son comportement sur le coup de la précocité et qu'en général, les parents préfèrent ne voir que le bon côté de la chose en ignorant le reste qui pourtant est tout aussi important. Je me disais moi-même il y a quelques temps que certains de ses comportements, sans qu'ils soient considérés comme spécifiques, venaient juste du fait que... C'était lui, quoi tout simplement. Je ne voyais pas en quoi c'était particulier, qu'il ait une telle fixation sur certaines choses, qu'il fasse quelques crises, qu'il aime avoir un objet à mouvoir sous ses doigts... Je me disais sans réfléchir davantage que c'était sa façon à lui de vivre, sans penser que c'était plus complexe que ça. Peut-être a-t-il eu un déclic qui lui a fait se dire que ce n'était pas si anodin que ça, finalement, et qu'à partir de ce moment-là, pas mal de questions devaient lui triturer l'esprit. Mais je crois qu'il a retenu la leçon et qu'il a saisi que je serai toujours là pour lui. Je continuerai de le lui rabâcher, mais j'ai pas envie qu'il affronte des épreuves de ce genre tout seul. Il a besoin de soutien. Et j'ai l'impression qu'il en a manqué pendant bien trop longtemps. Alors si je ne comprends pas que son trait d'humour peut s'apparenter à une métaphore un peu plus profonde, j'esquisse une expression rassurée en voyant qu'il a l'air d'aller mieux que tout à l'heure. En parlant du rivage, je sens le regard de Kame sur moi. Il me demande silencieusement si nous voulons qu'il nous y ramène. Mais ce n'est pas à moi de décider. Alors je reporte mon attention sur mon fiancé.

« Tu veux revenir sur la plage ? »

Loin de moi l'idée de ne pas rester ainsi que tous les deux, faut dire que je suis plutôt bien près de lui même uniquement en boxer trempé, mais je me demande si son filleul n'est pas inquiet du temps que nous mettons pour revenir. Il a bien dû sentir déjà que quelque chose clochait, mais je ne voulais pas, à ce moment-là, qu'il se pose trop de questions. D'ailleurs, il me semble qu'il y a bien une nouvelle plutôt importante dont il n'a pas été mis au courant.

« Je ne crois pas que tu aies parlé à Axel du fait que tu allais te marier avec un soleil... Est-ce que je te fais honte à ce point, malgré tes gentilles flatteries ? »

Je lance une œillade entendue à mon très cher fiancé, un rictus narquois et amusé sur le visage. Il n'est pas obligé d'aborder le sujet maintenant s'il n'en a pas envie, mais je me disais que ça pourrait peut-être être le bon moment ; ou du moins, une bonne occasion. Je pourrais toutefois lui retourner son compliment, d'ailleurs. Si je suis le soleil qui l'illumine, il veille toujours également sur moi même quand je ne le vois pas, et il m'aide à passer de bonnes nuits. C'est un peu ma lune, quelque part.