Des loutres et des moments en famille.
Ferme des Green-Onizuka - Printemps 2025

« Lulu, tu restes avec moi, hein ? »

Fait Mikoto en relevant le visage de sa BD préférée. Il est tout intimidé et me suivait partout en refusant de quitter ma chambre depuis le début de la matinée. C’est que la maison est agitée depuis quelques heures et le plus petit n’aime pas trop ça. Le bruit et l’effervescence le mettent mal à l’aise car il y est particulièrement sensible, apparemment. Je ne comprends pas tout,  mais je crois que le petit gris aux cheveux ébouriffés préfère être au calme et ça n’a rien à voir avec le fait qu’il boude ou ne veut pas participer. Je me retourne sur mon siège d’ordi (enfin, celui que j’ai piqué à Marilyn) dans la direction du plus jeune assis sur mon lit, qui remue les jambes, visiblement agité et inquiet.

« Mais oui, j’dois finir mes devoirs, de toute façon... »

Je lui dis, marmonnant un peu en parlait de mon DM de français. Je préfère travailler avec mes amis, au moins, ça va plus vite et après on peut goûter. Là, ils sont même pas connectés sur Discord (snif), mais de toute façon, j’ai la tête ailleurs.

« Mais ça va bien se passer, tu sais. »

Comme Mikoto, je ne peux pas m’empêcher d’être un peu anxieux sachant que le frère de Soltan et une partie de sa famille vient nous visiter pendant 2 semaines. Je ne sais pas trop où me situer par rapport à ça, même si on en a un peu reparlé avec Soltan et donc, il m’a dit qu’il me présenterais comme je le voudrais… sauf que j’ai toujours pas décidé, en fait. Je me sens bête. Surtout que je sais que je dirais « mes frères et sœurs » pour parler des jumeaux et de Marilyn. Donc il n’y a plus vraiment de mystère. Mais euh, Soltan il est mou aussi.  

Je ne sais pas si mes affirmations rassurent vraiment le garçonnet aux cheveux clairs. Il a toujours l’air un peu dubitatif en tournant les pages de son livre sans vraiment les regarder.

« Mais ça fait bizarre... »

Je l’observe en coin sans savoir quoi répondre. C’est vrai que ces derniers mois, c’était un peu particulier, la vie de famille à la ferme. Je ne parle même pas que de ma situation mais… Enfin, ça fait déjà un petit moment que Soltan et Shizu ont dit qu’ils se séparaient et que Shizune déménage petit à petit pour son dojo, ensuite, il y a eu la nouvelle de la venue de la famille Green. Mikoto est un peu perdu… enfin, ses sœurs aussi. Marilyn se doutait de quelque chose depuis un bout de temps et a bien tiré la tronche pendant 10 jours (je la comprends), Iris a posé pleins de questions et Mikoto… Mikoto n’a pas dit grand-chose. Ça m’inquiète un petit peu. Peut-être que c’est pour ça qu’il traîne beaucoup avec moi ces temps-ci, car il se sent à côté de la plaque, d’une certaine manière, sans trop savoir comment réagir. Je dois dire que moi aussi. Le fait que Shizu s’en aille ne m’affecte pas du tout comme mes frères et sœurs… donc je le peux pas savoir ce qu’iels ressentent. Pour ce qui est de rencontrer une autre partie de leur famille… Marilyn n’ose pas montrer son excitation, Iris est complètement survoltée et une fois de plus, je suis resté un peu en retrait avec Mikoto.

« Moui, c’est vrai. A moi aussi ça me fait bizarre. Je suis un peu intimidé aussi. »

Je referme mon cahier afin de me lever et de m’asseoir à côté du plus jeune sur le lit. Il lève ses grand yeux sombres vers moi et pose sa tête contre mon épaule. Je ne sais pas si mes mots le rassurent. En tout cas, ça me fait du bien de dire ça à voix haute et je le sens détendu. Le petit gris lève soudain le visage vers moi, l’air tout à fait sérieux.

« J’pourrais me cacher derrière toi ? »

Il tire la manche de mon T-Shirt She-Ra. Je me met à rire doucement, car je ne peux pas cacher grand-chose avec ma taille de razibus. Mais bon, j’imagine qu’on reste tous les deux les deux nabots de la famille (Marilyn et Iris grandissent trop vite, c’est les boules) et donc, qu’on doit se serrer les coudes… Pffff, j’imagine que le frère de Soltan doit être ultra grand aussi.

« Héhé, oui, t’inquiètes, de toute façon je vais me cacher derrière Marilyn et Iris aussi ! »

Mikoto se met à rire avec moi et se repose à nouveau contre mon épaule, se serrant un peu pour en profiter. J’ai vu des vieilles photos de Soltan, son frère qui a un prénom qui ressemble à Ellias (je sens que je vais confondre) et Zlatan ensemble. Mais elles dataient d’il y a plus de 20 ans ! Ils sont trop vieux ! Mais c’était drôle de voir Soltan et son look baroud avec son frère qui est à priori un binoclard tout mince avec des chemises trop repassées et serrées. Il ressemble beaucoup plus à son cousin, physiquement, en vrai (et aussi dans le comportement, des fois). Bref, je suis aussi anxieux qu’excité à l’idée de rencontrer cet… « oncle », en vrai. Et aussi ses enfants, même si je crois qu’ils sont plus âgés que moi. Alors que je demande à Mikoto de me montrer un peu sa BD pour le distraire et passer le temps, j’entends de l’agitation au rez-de-chaussée. Iris rigole et Soltan a l’air un peu grognon. J’entends quelque chose comme « hihi mais oui elle est belle ta chemise papa ! », puis ça remue encore, jusqu’à ce que Soltan nous apelle depuis l’entrée. On sort donc tous les deux dans le couloir, apparaissant en haut des escaliers afin d’écouter ce que Soltan veut nous dire.

« Je vais à l’aéroport, normalement je reviens dans 4h max. Jouez pas dans la cuisine et si y’a un problème, vous allez chez les voisins, vous nous appelez Shizu et moi et vous nous attendez, ok ? »

Je réponds par des « oui, oui », à chaque consigne. C’est toujours les mêmes, à peu de chose près. On a pris l’habitude, depuis quelques temps et des fois on fait la même chose au cas où, quand les enfants du voisinage doivent aussi se garder seul. Ça fait partie de la routine de la vie à la campagne. Puis on reste pas vraiment complètement seuls, il y a Johanna et les autres collègues de Soltan qui travaillent encore une petite heure. C’est vrai qu’on aurait pu descendre avec lui, mais bon… c’est un peu long, comme trajet et on avait un peu la flemme. Et puis, maintenant, avec Marilyn, on garde la maison sans soucis, on s’occupe des petits, on fait gaffe et puis on reste juste à jouer dans nos chambres ou dehors, en général. Là, on va certainement juste sortir la console et l’ordinateur et peut-être un peu jouer dehors, mais on bougera pas beaucoup, alors à moins que la télé s’envole comme une fusée, je ne vois pas trop ce qui pourrait mal tourner. J’aurais probablement jamais voulu me retrouver dans une telle situation, il y a quelques années. Je ne supportais pas d’être dans une maison sans adulte autour, j’avais trop peur de me retrouver enfermé quelque part ou juste que… eh bien, que les adultes en question me laissent là et ne reviennent jamais. C’est pas que ça m’est arrivé deux ou trois fois mais… euh, bah, si, en fait.  Mais j’ai appris à faire confiance au fil du temps, surtout à mon tuteur et à sa famille. Franchement, c’est plutôt cool, je me prends moins la tête et c’est très sérénisant de savoir qu’on peut se reposer sur les autres. Mikoto descend quand même l’escalier pour réclamer des calins à son père et lui dit de ne pas partir « trop trop longtemps ». Avec des « mais non », le fermier promet et ajuste une fois de plus ses bretelles comme s’il se rendait à un mariage. Il veut vraiment faire bonne impression devant son grand frère et sa famille, c’est rigolo.

« Ah et pas trop de pâte à tartiner au goûter, hein ? Ce soir on va beaucoup manger. »
« Roooh, ça vaaaaa ! »

Rétorque Marilyn en faisant la mou. Je crois qu’elle se sentait un peu visée. Elle a aussi un peu hâte de vaquer sur la Game Cube ou aller regarder des vidéos une fois que Soltan sera partie, je crois, surtout. Ou alors elle ira jouer de la basse, je sais pas. Bref. Après s’être encore assuré que les choses se passeront bien pour nous, le padre s’en va et les plus jeunes se regardent comme des chiens de faience avides de challenge.

« J’suis preums sur la console !! »
« Mais-euh !! »

Les deux sœurs se sont déjà ruées vers le placard pour se disputer gentiment sur quel jeu elles allaient pouvoir démarrer. Mikoto est remonté avec moi pour me coller tandis que je rigole un peu. En réalité, je n’en mène pas plus large et je vais surveiller l’heure tout le temps jusqu’à ce que Soltan revienne avec les autres, tout ça pour certainement me cacher l’air de rien dans ma chambre au moment venu. Oui, je vais laisser Marilyn et Iris s’occuper du « social », hein ! Pour une fois je ne vais pas être très très bavard. Les filles nous proposent de venir jouer avec elles à Mario Kart mais Mikoto n’est pas motivé, donc je lui propose de sortir un peu voir les Pokémon et les poules. Le plus jeune est toujours très content de voir les poulettes et les poulets (surtout Mr Poulette, le poulet chétif que son tonton avait ramené), de leur dire bonjour, de leur parler. Finalement Soltan, qui grognait pour les poules au début, a vu qu’on s’en occupait bien entre frères et sœurs et donc, il a accepté d’en prendre une, puis deux autres. Et comme ça, parfois, on a des œufs tout frais certains matins ! C’est trop bon ! J’ai pu leur faire un petit déjeuner allemand comme Alex m’avait appris la semaine dernière, j’étais hyper fier !

Mikoto m’emmène par la main autour du pouillailler. Je le laisse faire tout en surveillant mes Pokémon qui s’amusent dans les herbes sauvages derrière la ferme. Fait longtemps que j’ai pas passé le tracteur-tondeuse par-là, tiens. J’aimerais bien que Soltan m’apprenne à conduire avec la carriole derrière, c’est trop marrant quand on va ramasser l’herbe et le bois !

On s’apprêtait à retourner à l’intérieur quand un gros bruit se fit entendre derrière le jardin. On aurait dit le pas d’une grosse bête… et ça se rapproche, en plus ! Ouhlala, mais on peut pas être tranquilles 10 minutes en fait ! Je me raidis tandis que Mikoto passe derrière moi… Une ombre apparaît au-dessus des hautes herbes et courre vers nous… et il s’avère que c’est juste… attends, mais c’est Boss, ça ! Sauf que le Phanpy de Marilyn a, euh… beaucoup grandi. C’est un Donphan, maintenant. L’éléphant cuirassé barrit fièrement et se voit applaudit par Loukas, mon Mateloutre, qui faisait du rodéo sur son dos.

« Euuuuh, Marilyyyyyn ? Tu devrais venir voir ça ! »

Appellais-je en courant sous le porche avec Mikoto. L’intéresse sortit vite en criant des « QUOI QUOI Y SE PASSE QUOI », puis on s’en va tous derrière la maison. La plus grande brunette hurle comme une fangirl en voyant son petit éléphant devenue une montagne de muscles. Elle s’accroche à sa trompe et Loukas lui laisse la place sur son dos. Maryl’ voudrait faire du rodéo à son tour, je ne sais pas si c’est vraiment prudent mais je ne peux pas m’empêcher de l’encourager un peu.

« Hé, Lulu, j’ai une idée ! On fait la course ! Dis à Misha de te prendre sur son dos ! »

Mais, la Nidoqueen qui passait justement dans le coin refuse catégoriquement en croisant ses pattes sur sa poitrine. Elle refuse catégoriquement et a l’air de juger cette idée quelque peu foireuse. Marilyn s’apprêtait à laisser tomber, puis son regard se fixa sur quelque chose qui se trouvait derrière moi. Je n’ai pas compris tout de suite, puis j’ai senti une odeur familière, ainsi que le contact doux de l’encolure d’une grosse bête qui se pencha vers moi. Lentement, je me suis retourné puis j’ai manqué de tomber les fesses par terre sous le coup de la surprise. Le Clamiral penché vers moi semble me sourire et redresse son long cou avec fierté, secouant ses moustaches humides, scintillant  sous le soleil. Les mots me manquent pour exprimer mon émerveillement, contrairement aux faux jumeaux qui hurlent des « haaaaaaaan Loukas à évoluééééé » à tout va. Ému, je me jette au cou de la grosse loutre cuirassée pour la féliciter.

Je crois que l’heure de la course a définitivement sonné ! Je grimpe sur le dos de Loukas et Marilyn sur celui de Boss. J’espère que Johanna ne nous verra pas, sinon on va se faire gronder ! Iris crie « prêt, feu, go ! » et nos colosses commence à trotter… Il ne nous en fait pas plus pour être secoués et tout de suite tomber de nos montures dans les hautes herbes qui amortirent notre chute. Oups. C’est plus difficile que j’aurais cru ! En nous retrouvant côte à côte et les quatre fers en l’air entre les herbes folles, bientôt rejoints par les plus jeunes qui s’inquiètent, on part dans un long fou rire, invitant Iris et Mikoto et les Pokémon avec nous pour se lancer des herbes (on va en avoir partout et ça va gratter, faudra pas s'étonner) jusqu’à ce qu’on ait mal aux ventre à force de rire comme des débiles. Quand on finit par être essoufflés, on fait la course jusqu’à la maison pour le goûter (c’est Marilyn qui a gagné et qui a eu le pot de pâte à tartiner en première, évidemment). Je regarde les trois zouaves dire des bêtises et se goinfrer d’un air attendri puis leur sourit, non sans être toujours un peu en mode « feels ».

« Hé, j’vous aime, la fratrie. »

Je rosit un peu et mon intervention laisse un blanc. Iris rigole un peu, Mikoto est trop occupé à manger sa tartine et Marilyn ricane bêtement (mais je vois bien qu’elle est émue).

« Pfff, t’es niaaaaaais ! »
« Quoi ?! Hé ! C’est toi la niaise ! Je t’ai entendu chanter « I was made for loving you bby » l’autre jour ! »
« Euuuuh, mais, euh, n’importe quoi !! »

Avec un air de duchesse, Marilyn retourne s’en mettre partout avec sa pâte à tartiner ? Heureusement qu’on a dit de pas finir la moitié restant de du pot, hein. Woopsi doopsie.

Les heures qui suivirent passèrent très vite. On a reçu un SMS de Soltan pour nous dire qu’ils seraient là dans environ 15 minutes. Ça a donc été un peu le branle-bas de combat pour ranger tout le bazar du goûter et nettoyer les miettes sur le canapé. Car, bon, Soltan aime pas trop quand on mange sur son plaid (alors que lui il le fait tout le temps le soir avec sa bière et ses collations nocturnes). Une fois que ce fut fait, je suis remonté avec Mikoto dans la chambre et on était tout aussi stréssés l’un que l’autre pendant l’attente des quelques dizaines de minutes restantes. On est allé regarder des vidéos et écouter de la musique pour penser à autre chose. Et puis, on a entendu la porte d’entrée s’ouvrir et Iris et Marilyn s’ébrouer pour dire bonjour aux arrivants dont les voix masculines nous parviennent. Avec Mikoto, on se regarde et je fais « lalala » pour faire comme si je n’avais pas entendu (au pire c’est eux qui viendront dire bonjour, ce sera gênant mais euh, bon) et on continue de vaquer à nos occupations. Après un petit moment, ça finit par être un peu plus calme en bas. Ils doivent être en train de visiter la ferme ou de boire quelque chose dans la cuisine.

« Hm… tu veux descendre voir ? »

Demandais-je au plus petit, sans le forcer. Je ne peux pas trop m’empêcher d’être curieux, je veux voir leurs tronches ! Cela dit, je ne veux pas laisser mon petit frère tout seul s’il ne veut pas descendre. Après avoir réfléchi longuement, Mikoto finit par hocher la tête avec un « hm-hm » timide. Je lui dit qu’il peut rester caché derrière moi et alors, on sort en silence de la chambre. En descendant l’escalier, je constate que la grande pièce du rez-de-chaussée est bien calme, mais qu’on a mit de l’eau à chauffer pour le thé et que la viande a commencé à être préparée pour le bourguignon de ce soir. Il y a aussi des sacs devant la porte d’entrée et des chaussures dont je ne connais pas les propriétaires.

Nous entendons des éclats de voix venant de l’extérieur qui s’approchent de la porte d’entrée. Rapidement, je vais dans la cuisine, derrière le bar, en faisant mine d’être trèèèès occupé à me laver les mains. Les autres rentrent et je fais comme si j’étais surpris et qu’on ne les attendait pas avec un « oh ! Mais vous êtes là, on vous avait pas entendus, héhé ! ». Finalement, ils ne sont que deux, un grand monsieur aux cheveux noirs-grisonnants, à grosses lunettes et un ado avec un look on ne peut plus emo-goth. Je crois que Marilyn doit déjà… oui, elle est déjà en train de lui demander où c’est qu’il a acheté ses bracelets à pique et ses habits et s’il connaît Hot Topic. Purée, c’est dingue ce que le plus vieux a le même regard sévère que Soltan. Il a l’air plus bavard, aussi, car il parle de la ferme en complimentant son petit frère avec un sourire pince sans rire. Il s’interrompt cependant pour nous sourire doucement et nous saluer.

« Euh, b-bonjour… euh... »

Je lance des appels à l’aide à Soltan par les yeux et ce dernier prend donc les devants pour nous présenter.

« Ah, oui, du coup, euh, voila Ludwig et Mikoto… il est caché derrière, je crois… mes deux fils, donc. »

J'ai très chaud dans le ventre quand j'entends Soltan dire ça. Je ne peux pas m'empêcher de sourire largement comme un gros niais et de l'autre côté de la pièce, Soltan devient cramoisi avec un rictus très bête lui aussi. Aux côtés de mon papa fermier (huhuhu), le binoclard lâche un « oh ! » éclairé et jette un regard sur son fils qui est beaucoup trop monopolisé par Marilyn pour réagir (en même temps, ça a l’air de l’amuser vu qu’il ricane derrière sa mèche sombre).

« Donc, les enfants, c’est mon frère Illéas et son fils Tolan. »

J’arque un sourcil en éteignant finalement le robinet de l’évier et agite mes mains pour les sêcher… il ne devaient pas être plus nombreux ?

« Oh, alors, euh… il n’y a que vous deux ? »

Ça me rassure un peu. 4 personnes en plus c’est pas vraiment la même chose. Soltan émet un « ah » un peu gêné, réalisant qu’il ne nous avait effectivement pas mis au courrant des dernières nouvelles. Heureusement, Illéas prend le relais d’un air avenant.

« Ah, oui, Douglas, mon mari, n’a pas pu prendre de congés, finalement. Et Raol avait beaucoup de travail. »

J’imagine que Raol est l’autre fils du tonton Illéas. En entendant le prénom de son frère (je crois), Tolan se tourne finalement vers nous avec un sourire mesquin.

« Héhé. Dommage... »

Ironise-t-il en français, avec un accent qui me rappelle un peu celui de Zlatan. Illéas roule des yeux en ignorant le commentaire de l’adolescent habillé en noir. Celui-ci en rajoute une couche, faisant soupirer son paternel au passage.

« En même temps Raol nous aurait gâché les vacances. »

Je ne sais pas trop ce qu’il a dit comme il a marmonné en anglais, mais Illéas s’est retourné vers lui, plus ronchon que tantôt.

« Oh, tu ne vas pas recommencer… Pour la peine, tu enverras un message à ton frère pour lui dire qu’on est bien arrivé ? »

Illéas parle assez clairement dans sa langue maternelle et c’est facile de le comprendre. Tolan grogne et sort son téléphone de sa poche pour en finir rapidement. Il en profite pour nous faire un signe de la main à Mikoto et moi qui nous sommes avancés vers le coin salle à manger, nous saluant finalement avant de retourner causer avec Marilyn. Iris, de son côté, est trop occupée à accompagner les deux adultes en train de visiter. Je pense qu’on va remonter en attendant le dîner, avec Miko. C’est alors qu’on s’apprête à remonter à l’étage que Marilyn se met à crier, effrayant son petit frère au passage.  

« Papaaaaa ! Je peux avoir un tatouage comme Tolan il a sur le bras ?! »

L’adolescente à pris son cousin gothique par le bras et le montre à son père. Par curiosité, je me penche au-dessus de la rampe d’escalier pour voir et croit distinguer un motif à base de gros monstres un peu gores (ça ressemble au jeu super dur et dark de Zlatan, là, Darkest Donjon ou je sais pu quoi). Berk, c’est glauque ! Mais bon, si c’est le truc de Maryl, hein… Soltan se retourne et hausse les sourcils, l’air de dire « non, mais, sérieusement ? ».

« Quoi ? Mais t’as 14 ans... »

La brunette gonfle les joues et grogne, sortant son joker préféré :

« Bah Maman elle a dit « oui », hein ! »
« Vraiment… ? »

Tolan se marre devant le culot de sa cousine germaine et la réaction dubitative de son oncle. Marilyn fait mine d’être atrocement déçue. Comme il n’y a plus rien à voir, on finir par terminer de monter à l’étage avec mon petit frère, pour retourner regarder un dessin animé dans ma chambre. On entend alors Marilyn se remettre à parler avec sa grosse voix :

« Tolan, tu viens, j'vais te montrer ma chambre ! J’ai une guitare basse, tu vas voir !! »

Je suis content pour Marilyn, j’ai l’impression qu’elle vient de rencontrer son âme sœur. Ça me fait plaisir. On est finalement posés à nouveau avec Mikoto. J’ouvre un peu la fenêtre pour aérer et je fais coucou à Loukas et Boss dehors qui sont encore en train de faire la course.

« Bon, tu vois, ça s’est bien passé et ils ont l’air sympa ! »
« Moui, c’est vrai. »

Mikoto a l’air content. Il me laisse m’allonger avec lui sur le lit. Je pose l’ordi sur mes jambes et met en route un épisode de Steven Universe. J’ai déjà vu toute la série 3 fois, mais je suis trop content de tout re-regarder avec Mikoto ! Ce dernier, d’ailleurs, se serre contre moi et pose sa tête sur mon épaule. D’une voix toute basse, je l’entend me dire un secret à l’oreille.

« Au fait, tu sais, moi aussi je t’aime, Lulu. »

Aaaaah, mon kokoro ! Décidément, c’est une journée riche en émotions. Je fais un grand sourire à mon jeune frère. On s’est contenté de regarder nos épisodes jusqu’à ce qu’on nous appelle pour manger. Je sens que ces quelques semaines vont être drôlement chouettes, finalement !