Je souffle en me laissant tomber sur le canapé du séjour et jette un coup d'oeil à la grande baie vitrée ouverte sur l'imposant jardin verdoyant dans lequel Gala et Cachou sont en train de courir comme des fous. Je souris en les observant, ravi d'avoir fait le choix de vivre loin du centre, peu importe le temps à passer dans les transports ou les contraintes de l'éloignement des commerces, on est heureux ici. Je sors de ma torpeur en entendant sonner à la porte, à cette heure-ci ? Je me lève et traîne des pieds jusqu'à l'entrée, très vite rattrapé par les deux monstres qui atteignent finalement la porte bien avant moi. J'ouvre avec curiosité et croise le regard doux et fatigué de ma voisine, Mme Brown, une vieille dame gentille et aimable. Elle m'adresse un sourire et je lui souris en retour.

« Bonjour Madame Brown, je peux vous aider ? Souhaitez-vous entrer ?
- Bonjour mon garçon. Désolé de te déranger à cette heure-ci mais je suis un peu embêtée... Mon Chaglam a disparu et je ne parviens pas à le retrouver. Tu ne l'aurais pas aperçu depuis hier ?
- Non, non... Je suis désolé. »

Elle soupire, son sourire s'évanouit et son regard s'éteint. Elle m'adresse un signe de la tête et me remercie, m'invitant à la rappeler si j'aperçois le pokémon. Je serre les dents en la regardant s'éloigner, incapable de laisser la pauvre dame dans un tel état de désespoir. Je sais qu'elle vit seule, j'ai partagé ses mémoires autour de plateaux de cookies faits maison à écouter les récits de son passé sans voir le temps défiler. Je sais aussi combien son ami est important pour elle, souvenir de son défunt mari et précieux compagnon de jeunesse. Je suis incapable de la laisser repartir ainsi, sans lui apporter mon aide, incapable de la laisser à ses peurs et ses résignations. J'attrape une veste pendue à la porte et la rattrape en courant avant qu'elle n'atteigne le palier de sa petite maison de campagne.

« Je vais aller jeter un oeil dans les alentours avec mon Rocabot, peut-être trouvera-t-il sa trace, nous allons faire le maximum, ne baissez pas les bras Mme Brown. »

Elle me remercie, essuie une larme qui a roulé sur sa joue et esquisse un sourire qui font apparaître les pattes d'oie sur son visage. Je lui rends son sourire, encourageant, et je m'éloigne en trottinant, sollicitant le chiot à chercher l'odeur du chat qu'il ne connaît que trop bien puisqu'ils se détestent et passent leur temps à se cracher dessus. On se met à chercher tout les trois, fouillant les moindres recoins, interrogeant les passants, nous poussons nos recherches jusqu'au bord de mer en vain. La nuit commence à tomber petit à petit et je désespère de rentrer les mains vides, déchiré à l'idée de devoir annoncer la mauvaise nouvelle à ma voisine. Quand le soleil disparaît finalement derrière l'horizon, nous prenons la direction du retour, épuisés par la course aller. Nous rentrons par les fermes, slaloment dans les champs entre les clôtures quant un bruit attire brusquement l'attention du chiot. Il redresse vivement les oreilles et se figent, les sens en alerte. Je m'arrête et écoute avant de l'entendre à mon tour, ce bruit étouffé. Sans attendre un ordre, le Rocabot se précipite vers une vieille grange dont j'enfonce la porte pour entrer avant de tomber nez à nez avec le fameux Chaglam. Il feule en reconnaissant le chiot et me saute dans les bras, me griffant le visage dans une tentative pour se mettre hors de portée du pokémon canin. Je décroche le Chaglam qui s'accroche frénétiquement à mon épaule, toutes griffes dehors en gardant un oeil mauvais braqué sur le chien.

« Te voilà petit malin, ta maîtresse va être ravi de te voir et je vais certainement prendre quelques kilos avec tous les plateaux de biscuits qu'elle va me cuisiner pour me remercier ! »

Je souris en détaillant la grange du regard, remarquant un trou dans le toit duquel le chat est entré sans pouvoir ressortir très certainement. Nous rentrons de notre aventure, le Chaglam et le Rocabot ne cessant de se fusiller du regard tout le long du chemin retour. Mme Brown est ravie, essaye de me faire entrer pour désinfecter mes griffures et me promet le meilleur fondant au chocolat que je n'ai jamais mangé. J'attends ça avec impatience. Chez moi tout est calme jusqu'à ce que mes deux loustics entrent en trombe et se précipitent vers la cuisine d'où j'entends un bruit de verre se briser. Je jure en me précipitant vers le lieu de l'incident, croisant les regards coupables des deux vauriens qui ont bousculé la table et fait chuter la... Couveuse. J'étouffe un juron en m'agenouillant pour ramasser le précieux oeuf qui se fissure dans ma main. Je ravale un hoquet et manque d'avaler de travers.

« Non, non, non, non, non... Bon sang non... »

Je détaille l'oeuf sans le brusquer, l'effleurant du bout des doigts, le manipulant avec la plus grande finesse lorsqu'un nouveau bruit de cassure me fige. Je retiens mon souffle et ne bouge plus, comme si je pouvais réparer les dégâts ainsi, le mal est fait... J'écarte maladroitement les bouts de verre et dépose l'oeuf sur le sol sans le quitter du regard, je sens mon estomac se nouer et ma gorge se serrer quant une lueur bleutée émane de l'oeuf et qu'un jeune canard ornithorynque jaune en sort. Je pousse un long soupir tremblant et attrape le psykokwak dans mes bras pour l'empêcher de se blesser sur le verre. Je ravale un sanglot de soulagement en caressant du bout des doigts le duvet du jeune pokémon.

« Bienvenue dans la famille petit. On peut dire que tu as eu une entrée fracassante. »