Le regard du Lougaroc se pose sur moi tandis que je prépare les échantillons de Rocabot à étudier et ceux fraichement prélevés de sa forme évoluée diurne. Je règle mes deux microscopes au grossissement identique après y avoir placé respectivement sous l’un et l’autre, les cellules du Lougaroc et celles du Rocabot. Je fais le point sur chaque appareil et j’observe en silence. La coloration au bleu de méthylène a parfaitement fonctionnée et le contour des cellules ainsi que leur noyau ressortent d’un bleu roi qui me permet de les distinguer sans mal. Elles apparaissent sous une forme hexagonale mal dessinées et sont soudées les unes aux autres. La seule différence observable à l’échelle du microscope entre les cellules du Lougaroc et du Rocabot est le vieillissement cellulaire qu’on peut distinguer au nombre de mitochondries granuleuses. Rien d’anormal là-dedans. L’idéal serait de réaliser une PCR qui permettrait d’amplifier le gène responsable de l’évolution chez le Rocabot mais le laboratoire n’est pas équipé du matériel nécessaire et pour réaliser une PCR et c’est un test qui est cher payé si on n’est pas certain que le gène codant pour l’évolution est bien responsable de la variabilité des formes. Je réfléchis, le regard planté sur le microscope, à la recherche d’une idée de génie qui ne vient manifestement pas. Je me décide à aller me chercher un café, discute une dizaine de minutes avec un collègue lui aussi dans l’impasse et retourne m’asseoir à mon bureau. Machinalement, je retourne les papiers qui le recouvrent et tombe sur une pub de laboratoire qui invite les personnes présentant des membres de leur famille atteints de cancer à procéder à un test de prédisposition génétique. Un test de prédisposition génétique… Eurêka !

Je bondis de mon siège en et je me mets à faire les cents pas sous le regard surpris du loup, toujours allongé sur la table d’intervention. L’idéal serait de réaliser un test de prédisposition génétique un peu adapté… Je plonge sur le frigo pour en sortir les prises de sang réalisées sur deux Lougaroc différents ainsi qu’un Rocabot et je prépare mes analyses. Si on sait les utiliser, les PSN peuvent être une mine d’informations ! En représentant les variations génétiques entre les individus, ils peuvent nous renseigner normalement sur la santé d’un individu mais ici, je vais mettre en valeur la différence génétique qui existe entre le rocabot et ses évolutions, me permettant ainsi de déterminer si le gène impliqué dans l’évolution est le même pour les trois formes. Les différentes formes pourront alors peut-être s’expliquer tout simplement par une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux et les arrangements nucléotidiques représenteraient tout simplement une partie de l’explication ! Je me retiens de ne pas sautiller sur place en étiquetant et en emballant les échantillons. Le laboratoire n’est pas équipé pour réaliser ces batteries de tests alors je vais les faire envoyer avec des recommandations à un organisme privé spécialisé.  Seulement… Les coûts ne seront pas intégralement couverts par le centre de recherches. Je grimace en m’imaginant m’affilier à Elixir pour obtenir des subventions… Hors de questions. Je me débrouillerai. Une fois mon paquet terminé, je le remets au frigo avec un pense-bête pour ne pas oublier de le prendre en partant. Avant de partir, je mets en incubation les cellules de Rocabot avec un fragment de pierre soleil pour essayer de déterminer s’il y a une influence de cette roche sur le pokémon puis je m’éclipse, mon paquet sous le bras. Je le fais poster en lettre prioritaire puis je rentre chez moi, impatient d’avoir les résultats de cette idée un peu décalée.
Quatorze jours plus tard, les résultats se présentent sous la forme d’une épaisse enveloppe retournée sur mon paillasson. Je la ramasse machinalement avant d’apercevoir le logo de l’entreprise et de me précipiter à la cuisine à la recherche d’un couteau. Quelques secondes plus tard et je parcours les fiches de résultats en diagonal. La facture me fait amèrement grimacer, les particularités que j’ai demandées ont été surtarifées, évidemment et je me surprends une nouvelle fois à  penser à rejoindre Elixir puis je me ravise. Et puis les réponses sont là et ce que je découvre me ravi. Si le Rocabot présente une suite codante pour l’évolution classique, qui est observable chez la majorité des pokémons, sa forme évoluée diurne présente une délétion et sa forme nocturne une insertion. Je suis prêt à mettre ma main à couper que la forme crépusculaire doit avoir une insertion au même endroit et qu’il y a donc bien un facteur de recombinaison qui explique en partie les différentes formes de Lougaroc existantes.

Je note ces découvertes dans mon calepin, surligne sur les fiches de résultats ce qui m’intéresse puis laisse en évidence la facture sur le plan de travail que je vais quand même essayer, à tout hasard, de faire passer en note de frais. Mais peu importe, je suis bien trop excité par cette découverte. J’esquisse un sourire sincère en effleurant un cadre photo posé sur le meuble dans l’entrée… Avant d’être pour moi, c’est pour lui que je le fais.