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Sisyphe I (OS)
Alexander Nagel-Jung
Sisyphe I
/!/ TW : manipulation verbale, dépression et troubles mentaux, etc. /!/

Consultation du 20 février 2023.

Encore quelques protestations, et les matons m’assommaient pour me ramener littéralement par la peau des fesses du parloir à la salle de consultation de mon psy favori. Je venais de terminer de faire les comptes avec mon très cher (sentez l'ironie) paternel, et je voulais simplement me reposer, mais non, il faut que je me tape cette foutue consultation de routine. C'est ça ou l'aile psychiatrique, apparemment, si je continue ainsi à rechigner à aller le voir régulièrement. Et j'ai pas envie d'aller là-bas. Tout ce qu'on y font, à ce qu'il paraît, c'est bourrer les patients de médocs en attendant qu'ils se calment et deviennent des légumes. Je ne crois généralement pas aux racontars mais là, ça m'arrange de croire à ceux-ci.

J'ai une mine d'enfant rageux alors que le maton me pousse dans la pièce, et reste à regarder par la baie vitrée insonorisée pour m'arrêter au moindre mouvement trop vif. Il faut dire que pour des questions de confort s’entretient, c'est un des rares endroits, disons, « hors cellule », où l'on me détache les mains. Donc j'ai droit à une surveillance rapprochée dans ce genre de cas. S'ils entendent ce que je raconte ici ? Oh, avec les caméras, c'est moyennement confidentiel. En un sens, je me suis habitué à me doucher et bien d'autres choses en étant observé 24h/24 depuis 5 ans, alors... C'est fou comme on s'y habitue, hein.

Le psy est là, m'invite à m'asseoir d'un air neutre, sans animosité. Il est calme, comme d'habitude, et sort son bloc et mon dossier déjà rempli des notes de... D'un certain nombre de séance. 5 ans, vous dis-je, ça commence à faire de la paperasse. Enfin, bien moins qu'on pourrait le croire, car je ne compte plus le nombre de séances ou j'ai raconté des bétises (comme le jour où j'ai raconté que j'avais été élevé par les Wailord-Skitty venus de Jupiter) ou bien celles ou j'ai simplement rien dit pendant 30 minutes. Les fois où je parlais, c'était majoritairement pour me plaindre où me défouler au sujet de mon père ou d'un autre détenu pénible. Bref. Rien qui puisse lui permettre de trop me connaître, hein... ? Héhé. J'aimerais y croire, avec un tel suivi s'écoulant sur des années...

« Monsieur Nagel-Jung. »

Le brun, à qui je donne toujours entre 35 et 40 ans, au look tout à fait lambda et ennuyeux, me salue. Je ne réponds pas. J'ai juste envie que la séance passe très vite. Je lui fais comprendre ma fermeture en croisant les bras sur mon torse et mes jambes l'une sur l'autre, avec une moue enfantine.

« De quoi voulez-vous parler aujourd'hui ? »

Je me crispe, déjà agacé. Je ne sais pas quel livre de physionomie ou de langage corporel il a potassé car avec mon attitude, c'est plutôt évident que je ne veux pas causer. Monsieur Nagel-Jung n'est pas d'humeur à se donner en spectacle ou à raconter des histoires à dormir debout. Je soupire bruyamment et grogne, ce qui veut dire « fous moi la paix » et mon regard s'évade dans la pièce. Je n'ai plus rien à découvrir dans cette salle de consultation aux murs blancs vieillissants, aux baies vitrées barrés de stores vénitiens blancs eux aussi, au canapé brun qui commence à se faire vieux, aux étagères contenant des dossiers et des classeurs et quelques ouvrages... je connais tout ça par cœur.

« Vous m'avez l'air de mauvaise humeur. »

C'est qu'il insiste, en plus. Et qu'il est perspicace. Mon irritation gagne du terrain. Je me penche un peu vers l'avant, un sourire de plus en plus grinçant aux lèvres.

« Oh ? Qu'est-ce qui te fais dire ça ? »

Allez, dis-moi le fond de ta pensée, ça m’intéresse. Car, moi, je ne te dirais rien. Conformément à mes habitudes, je ne vais pas me dévoiler et je vais m'arranger pour être celui qui mène cette « conversation » quelque part (ou plutôt « nulle part », dès qu'il s'agit de moi, on connaît la chanson).

« Je vous sens tendu, c'est tout. »

Oh, vraiment ? Sa remarque me fait rire jaune, et je lui lance un regard de dédain. Il a fait combien de temps d'études pour en venir à une conclusion aussi poussée ? Pendant que je lui rie au nez, l'envie de faire une vanne bien gênante et vaseuse me vient. Peut-être que ça lui coupera l'envie de m'adresser la parole, qui sait.

« Peut-être que c'est toi qui me fait cet effet... »

Comme prévu, un gros blanc s'en suit. Je sourie en coin, content de mon effet. C'est nul, mais c'était le but. De dresser un mur de gêne. Sauf qu'au fond, le psy est dans son rôle de psy, et il ne va pas en sortir pour s’embarrasser. En même temps, c'est pas ma faute, hein, il m'a cherché.

« Eh, ces entrevues sont censées avoir un effet positif sur moi, pas dégrader mon sens de l'humour. »

Oh, vous pouvez le dire, que je me comporte comme un enfant. Ce serait pas nouveau. En arriver là me navre un peu, et j'avais l'espoir que ça ferait taire l'autre. Mais il continue de son ton neutre et posé. Je crois pas qu'il y ait de la malice ou de l'animosité dans ses propos. Il fait son travail qui consiste à essayer de me faire parler. Je suis bien incapable de l'admettre, mais je rentre quand même dans ce « jeu » qui n'en est pas un mais je le perçois comme tel car ça arrange bien mes affaires. Déjà qu'à mon sens, je suis clairement en position de « faiblesse », face à ce psy qui doit déjà avoir des questions-réponses toutes faites.

« Quelque chose a pu vous énerver, avant que vous veniez ici ? »

Autant prendre ça au premier degré. Cela m'évitera de laisser paraître que mon entrevue papa-fiston au parloir n'a pas manqué de me rendre nerveux, comme d'habitude.

« On est dans une prison.. ? »

Voila, premier degré. C'est la prison qui rend nerveux, point final. Très bonne excuse. Il devrait me parler de la vie en prison et pas des entrevues au parloir. Ce que je veux absolument éviter.

« Des problèmes avec les matons ? »
« Question stupide. Il y a toujours des soucis, avec ceux-là. »


Voila, maintenant, on le rabaisse pour l'inciter à rester sur des sujets plus neutres comme celui des matons. Après tout c'est pour ça aussi qu'ils incitent à un suivi psychologique, hein, parce que la vie en prison c'est stressant. Ah, dire que je continue d'y croire.

« J'ai cru comprendre qu'avant de venir ici, vous étiez au parloir ? »

Enfoiré. Pourquoi est-ce que je m'étonne encore qu'il ne se laisse pas prendre ? Mon poing commence à se resserrer. Cet espèce d'enflure indiscret connaît mon dossier sur le bout des doigts, à force, alors bien entendu, il connaît les failles. Je ne veux pas croire qu'il m'a cerné, et pourtant... Alors que mes muscles continuent de se tendre, je sens une goutte de sueur perler le long de ma nuque.

« Vous avez des gens pour vous visiter, c'est une bonne chose. »

Son ton est redevenu plus doux et compréhensif. Comme s'il avait perçu mon anxiété. Je retiens un instant mon souffle. La partie est perdue. Quoiqu'il n'a jamais été prévu qu'elle soit gagnée, que l'un de nous soit défait. Car il n'y a pas de jeu. S'il y en a un, c'est moi seul qui y jouait, et il s'agit de mon jeu d'acteur, de ce masque de le psy a trop l'habitude de faire voler en éclats. Malgré tout, je tente de rester impassible derrière mon sourire arrogant de plus en plus forcé et tendu.

« Tu penses ? »
« Eh bien, le soutien psychologique donné par l'entourage amical et familial est important pour la santé mentale des détenus. »
« Oui, oui, je connais cette théorie. »


Comme si ma famille à moi pouvait constituer un quelconque soutien. ...Quoique... c'est exactement  là qu'il veut en venir, non ? S'il pense que je ne vais pas voir clair dans son jeu. Je sais vers quoi il veut faire tourner la conversation, et ça m'arrivera pas. Du calme. Laisses-le venir et trouve un échappatoire. Oui. C'est comme si j'étais prisonnier, face au psy. Plus qu'en prison où je suis déjà, je veux dire. Le but d'une consultation n'est pas de piéger le patient, à ce qu'il paraît, il me l'a déjà répété. Mais qu'est-ce que j'en sais, moi ? Vivre en prison n'est pas tous les jours agréable, mais si en plus il doit y avoir quelqu'un pour tenter de s'insinuer dans ma tête ainsi... Là, c'est pas du jeu, je suis pas d'accord.

« Vous ne pensez pas que ces entrevues soient bénéfiques ? »
« Tu as bien vu que ça me foutait en pétard, alors pourquoi tu poses la question ? »


Et bordel de merde. Ma voix s'est altérée, elle s'est élevée, un tout petit peu trop, témoignant de mon trouble intérieur. Il ne relève pas, garde son ton calme. Il ne me fait pas l'affront de me faire son ton de compassion rassurante, car il sait qu'il n'y a pas pire pour me faire me braquer et péter un câble. Il en a fait les frais en terme de vociférations au début de nos entrevues, je vous laisse imaginer comme j'ai pu lui crier de cesser de me prendre pour une chose faiblarde, tenu par le maton alors que je le menaçais. Depuis, il a gardé ce ton neutre, contrôlé.

« C'est mon travail. Je ne cherche pas à vous piéger. »

Oh, mais ça ne te déplairait pas, hein, vieux pervers de merde ?! Je ne baisserais pas le regard vers mes phalanges en train de blanchir tandis que mes poings se resserrent. Me rebeller maintenant ne servirait à rien, tout comme lui faire manger son bloc note ne me ferait que récolter des jours d'isolement.

« Qu'est-ce qui vous énerve à ce point, dans ces entrevues ? Est-ce qu'il y a un contexte particulier qui vous... »

Je tente de faire comme si je ne ressentais aucunement l'effet du malaise progressif sur mon corps. J'ignore les tremblements qui s'emparent de mes jambes et les sueurs froides au niveau  de mes tempes, ainsi que la boule qui me noue la gorge. L'air me manque, alors j'essaie de le faire passer dans un éclat de rire forcé et condescendant. Mon rire devient une interjection étrange, affaiblie, qui s'évanouit dans la salle de consultation sans laisser de traces.

« Oh, arrêtes un peu de tourner autour du pot... T'es un psy. Tu adores que je te parle de mes soucis avec mon père, et c'est bien ça que tu attends. »

C'est bon, j'ai compris, qu'il l'avoue, au lieu d'essayer de m'approcher de manière à me domestiquer. Je suis pas domesticable, moi. On ne m'apprivoisera jamais. Comment ça ? Qui ? Ah, la Mauvaise Foi ? Je connais personne qui s’appelle comme ça. Héhé.

« Eh bien, pour être honnête avec vous, après 5 ans de suivi psychiatrique, j'ai pu prendre un certain recul.. Et s'il y a bien un sujet qui revient régulièrement dans nos conversations, c'est votre famille, et plus spécifiquement, votre père. »

Qu'il ne se justifie pas, en plus. Quoiqu'il ne fait qu'énumérer des faits. C'est bien le problème. Il faut vite trouver une parade, une accusation.

« En gros, tu viens de me piéger ! »
« Vous piéger ? Comment ça ? »


Merde, c'est minable. Mais je ferais tout pour qu'il passe à autre chose.

« Tu fais l'innocent, tout ça pour me pousser à aborder ce sujet là. Je connais ces techniques de psychologie inversée par cœur, le dernier des débiles sait les utiliser à son avantage ! C'est mignon d'avoir essayé, mais t'es vraiment pas assez subtil. »

Voila. Je feule. Je sais que c'est inutile, que mes chances de reprendre le contrôle sur cette entrevue m'a une fois de plus filé entre les doigts.

« Comme je vous le dis, je ne vais pas vous piéger avec des faits. C'est un sujet récurrent dans nos conversations mais je ne vous oblige jamais à vous en parler si vous n'en avez pas envie. »

Oh, mais alors, c'est parfait. Je me redresse et me recule jusqu'à être plus confortable dans le fond du canapé. Puis, quelques secondes, minutes, je reste ainsi, interdit. Mon sourire à disparu tandis que je dévisage l'autre d'un regard glacial. Après un bon moment, j'ouvre finalement la bouche.

« Il reste combien de temps, à ta consultation de malheur ? »
« Sur 30 minutes, il nous en reste 15. »
« Oh, c'est pénible... »

Je me détend un peu, car l'autre n'insiste pas. Je ferais mieux d'attendre que le rsete de la consultation passe, mais voilà que maintenant, le silence m'effraie. Mon regard caresse presque affectueusement le canapé où je suis bien installé, et je fais courir mes doigts sur le dossier. Heureusement que ce canapé, il est agréable. C'est le seul truc qui me donne envie de venir ici.

« Votre confort d'avant vous manque ? »


L'autre m'observait, bien sur. Je me remets à rire avec dédain, comme encore pour compenser le fait que je me fais mener par le bout du nez. Je commence à être blasé plus que tendu, à force. Je m'use tout seul.

« Sans blague. »

L'autre penche un peu la tête sur le côté, semble avoir quelque chose à ajouter. Mais je ne lui en laisse pas le temps, et réplique immédiatement, de manière à le couper juste quand il s'apprête à répondre.

« Ne gâchez pas votre salive, je sais que si je suis très très sage, j'aurais des avantages de ce genre un jour. »


Dans mon cas, je peux toujours rêver, oui. Mais bon, tant pis, là, l'essentiel, c'est de causer pour que le silence ne laisse pas le temps à l'autre de répliquer. Mais ça non plus, ça ne marche pas. Il reprend, toujours aussi stoïque.

« Oh, je sais. Simplement... Vous avez passé votre enfance et votre adolescence dans un certain confort et vous avez continué d’exiger cela dans votre vie d'adulte donc, votre manque est compréhensible. »

C'est un fait. Il connaît ma situation familiale et financière. Il a la délicatesse de ne pas aborder des sujets qui fâchent comme les dommages et intérêts et le fait que mon château ait été exproprié... Oui, c'est pour ces trucs là que Papa vient régulièrement, car il n'y a que mes vieux pour payer tout ça. J'étais pour ma part déjà endetté, quand les cataclysmes sont intervenus.

« Fallait bien que les vieux compensent d'une manière ou d'une autre. »


Fis-je amer. Non, je ne me confie pas. Mais je ne vais pas passer à côté de l'occasion de cracher gratuitement à la tronche de mes géniteurs stupides qui n'ont que leur thunes pour eux. Eh, toute façon, c'est bien leur seule utilité, de m'entretenir. Bien fait pour eux. J'en suis presque fier, à vrai dire, de les avoir ainsi à ma botte, de leur avoir mis le nez dans la merde qu'ils ont engendré par négligence. Mon aisance reprend étrangement le dessus, à cette idée. Il m'en faut bien peu pour me donner cette impression de puissance à nouveau acquise, et me faire valoir au détriment de mes parents.

« Qu'est-ce qu'ils compensaient, à votre avis ? »

Qu'est-ce que je disais ? Il me tends la perche pour que je les descende. C'est peut-être stupide et superficiel, mais moi, ça me fait du bien. Quand je parle ici, de toute manière, ce n'est que quand j'ai envie de cracher mon venin à la face d'autres gens. Pas pour parler de moi. Parce qu'en plus, je suis persuadé que ça ne dira rien sur ma personne.

« Oh, j'en sais rien. Je ne m'interesse pas à ce que pensent les abrutis. C'était simplement des sales cons condescendants qui se la jouaient chefs de famille. »
« Ils jouaient ? Comment ça ? »


Je sens que je m'emballe, je m'anime toujours en parlant d'eux. Il y a tant à dire sur ces enfoirés. Si j'étais honnête, je comprendrais que ce sont des choses que j'ai probablement retenu trop longtemps, qui ressortent en boucle ces dernières années. Ici, mais aussi dans mes conversations avec Helmut que je passe mon temps à rabaisser dès que j'en ai l'occasion. Parce qu'il le mérite. Lui et sa blondasse – ma mère, à ce qu'il paraît – ne mérite que mon mépris. Je veux que tout le monde sache ce qu'ils ont fait, comme ils ont été lâches et ont fait de moi ce que je suis. Que tout ça finisse par leur retomber dessus et les faire souffrir au quotidien. Et j'ai l'impression que parler d'eux participe à les faire douiller, même si ce ne sont que des mots prononcés dans un cocon confidentiel.

« Bah, c'est ce que je dis. Ils faisaient comme s'ils contrôlaient tout. Il jouaient aux chefs d'entreprise pour compenser que du reste tout foutait le camp. Si vous pensez que je m'en veux d'avoir brisé leurs rêves en foutant en l'air notre famille, alors... »

… J'ai débordé. Bougre de connard. J'ai débordé et j'en ai trop dit. Je m'interrompt et lève un regard haineux vers le psy. Je me suis pris à mon propre piège, je ne l'assume pas, et donc, je lance les pires regards noirs et accusateurs à l'autre, redoutant sa  réponse et espérant le faire se rétracter. Cette conversation n'a pas de raison d'être, aucune raison de continuer non plus.

« Vous pensez avoir brisé leur rêves et votre famille ? »

J'espère bien, oui. Mais je ne réponds pas. C'est évident. J'ai déjà donné bien trop de grain à moudre à l'autre enflure qui s'engouffre dans la brèche qui s'est ouverte, comme cela est déjà arrivé avant. Comme cela est déjà arrivé trop souvent. Mes poings se serrent à nouveau et le malaise me gagne. Pourquoi, à mesure que les séances avancent, je ne vois jamais venir mes débordements. Pourquoi suis-je toujours celui qui craque, dans cette pièce ? Et pourquoi est-ce que j'en viens toujours, petits bouts par petits bouts, à livrer des réponses à mon sujet ?! Des réponses que je ne veux pas connaître, et que je ne veux pas faire savoir... Ou alors, peut-être qu'inconsciemment, c'est ce que je cherche ? La compréhension. Chose que je n'ai jamais croisé, et que je ne m'attends plus à voir passer de mon existence, que j'ai abandonné au profit de ma bulle égocentrique. Car je ne suis pas stupide. Les gens comme moi sont mieux seuls. Mais, voilà, je suis là, tantôt face à lui, tantôt face à ma famille. Et je sais, au fond, que petit à petit, ma résistance est testée, j'éprouve mes limites dans cet environnement hostile, pendant cet enfermement privatif... Oui, c'est ça : c'est une épreuve. Il veulent m'ouvrir le crâne pour voir ce qu'il y a à l’intérieur, et je ne dois pas les laisser faire.

« Vous parlez de jouer, comme on jouerait un rôle... Votre rôle, à vous, dans cette famille qu'est-ce que c'était ? Vos parents jouaient aux chef, et vous, en tant qu'enfant, cela a peut-être influencé votre manière de concevoir ces rapports, alors... ? »

Sans putain de blague. Même moi, au cœur de mon déni, je le sais. Je ne veux juste pas y réfléchir. Dans tous les cas, j'arrête de nier, je vais simplement faire mine de m'en foutre et de parfaitement assumer tout ça, car je le sais (ah, oui, vous pouvez rire, je suis plus à ça près, de toute façon, et je préfère encore être moqué qu'inspecté).

« C'est ton interprétation ? C'est bien. Je vais pas te contredire, tu t'en servirais pour continuer de m'ouvrir. »
« Non, non, je vous l'ait déjà dit, je ne suis pas là pour vous dire ce que je crois. Ce ne sont que des pistes. »
« Oh, mais tu peux le dire. Les psy ont toujours raison, paraît-il. »


Voila, un peu de passif-agressif, c'est très bien, ça. Ça me permet de compenser et de cracher mon venin et... finalement, il n'y à que ça qui compte, aussi pathétique que cela soit.

« Aussi... Cette question du « contrôle », revient relativement souvent. Le contrôle... C'est important, pour vous, de l'avoir, au moins sur votre propre existence, d'être indépendant. Dans cette famille, vous étiez un peu cet être indépendant qui osait dire ce qu'il pensait, n'est-ce pas ? »

Là, je commence vraiment à avoir envie de le crever, par contre. Mais en entrant en prison, j'ai appris pour les premières fois à me retenir. Encore une fois, il énumère des faits, ce ne sont pas des attaques. Mais ce qu'il raconte raisonne un peu trop « vrai » dans mon esprit. Car encore une fois, impossible de lui donner honnêtement tord.

« De puis le début de nos entrevues, j'ai remarqué que vous aimiez poser des questions, vous aussi. On dirait que... peut-être, vous désirez avoir le contrôle sur nos entrevues. »

Oh, bravo, quelle perspicacité. Sérieux, il se croit malin, d'avoir déduit ça ? Bien sûr que je le savais ! Évidemment... Ahah. Ahahaha. Ça suffit. J'en ai marre. Je vais attaquer, je me fous de ce que ça peut entraîner comme déductions à mon sujet, mais je refuse de l'entendre une seconde de plus étaler ses théories.

« Bravo, Derrick, super, génial, impressionnant. » Je m’affaisse sur le canapé, l'air défait, tout en ricanant nerveusement, comme si on m'avait cassé à force de m'ouvrir le cerveau avec la même subtilité qu'un marteau-piqueur. « Ah, et puis quoi, maintenant ? A quoi ça te sert ? Tu fais tes analyses chez toi, t'essaies de t'insinuer comme le dernier des pervers dégueulasses dans les vie des pauvres petits détenus qui ne viennent te voir que par obligation et parce qu'ils aiment ton canapé ? T'as vraiment choisi la meilleure des vocations ! »

De l'extérieur, je crois que mon discours n'a déjà plus de sens. Pour moi, pourtant, il est très important, et il est très censé. Je ne sais pas trop en quoi moi-même, mais ce que je vais dire là, ce que j'ai envie de crier me fait bigrement du bien, et me permet de m'enfoncer dans mes illusions. Crier que j'ai la sensation d'être omniscient, d'avoir le dessus, ça me permet de me reforger une carapace, de me protéger, et de me convaincre de la réalité illusoire de mes convictions.

« Je comprends, pourquoi tu veux tant connaître ma famille, et mon paternel... Vous êtes pareils. Vous vous occupez de types dans mon genre car ça vous donne bonne conscience, ça vous fait vous dire que vous serez jamais un pauvre connard d'assassin car après tout, vous acceptez de les regarder dans les yeux. »

Leur monde à eux n'existe pas plus que le mien. On est tous persuadés d'agir pour ce qu'il y a de meilleur pour nous et le personnes dont on s'occupe. Mais on le fait surtout et uniquement pour nous. Et je trouve ça absolument insupportable, ceux qui font comme si leur démarche était tout à fait altruiste. On ne fait jamais les choses que pour soi-même, tout démarche que l'on fait pour d'autres est systématiquement profondément narcissique et ne consiste qu'à résumer autrui à une fonction définie. Nombreux sont ceux qui assureront l'inverse. Mais c'est la réalité. Du moins, c'est la mienne, de réalité. C'est tout ce qui compte.

« Les types dans votre genre, vous êtes d'une mauvaise foi sans pareil. Incapables de regarder votre propres saloperies en face, alors vous vous contentez de compenser en pensant que votre présence ingrate est agréable, que votre démarche est altruiste. »


Oui, parce que après, c'est moi qu'on traite de narcissique et de tête de nœud mais... Eh, moi je vois les choses comme elles sont. Et ça m'a rien à voir avec une fichue dépression ou des troubles de l'humeur, ça, ça a juste bon dos, encore une fois. Ce sont des mots pour s'excuser d'essayer de me laver le cerveau en douceur. Il n'y parviendront pas.

« C'est pas les types comme moi, qui vous intéressent... C'est juste de te sentir mieux avec toi-même lorsque tu rentres chez toi, et que tu vas faire la cuisine avec ta petite femme et ton labrador. »

Ce sera tout pour moi. Le maton, en m'entendant élever le ton, est entré et demande au psy si tout va bien. Ce dernier hoche la tête et l'éconduit sans la moindre variation d'humeur. Tout glisse sur lui, sur ce connard frigide. Je m'y attendais, mais peu m'importe. J'espère bien qu'il se sentira incompétent de ne pouvoir m'arranger à l'image du samaritain lambda, ce soir, et qu'il noiera sa frustration dans l'alcool (on a toujours le droit de rêver). Il y a un nouveau silence, plus long que les précédents. L'aurais-je tout de même heurté ? Il semble chercher ses mots. Pourtant, quand il reprend la parole, il n'y a pas une once d'hésitation dans ses questions.

« Vous doutez de la sincérité des personnes qui viennent à vous ? »


Oh, mon ami, tu avais une multitude de portes à ouvrir, et tu frappes juste à la pire d'entre elle là.

« Doutez-vous aussi de la sincérité de la démarche de votre père, lorsqu'il vous visite ? »


Je ne doute pas. C'est une certitude. Il n'est pas sincère. Il a fermé les yeux pendant 25, 30 ans, et à force de nier, il se sent mal. Donc, il faut qu'il expie ses péchés, qu'il fasse sa pénitence. Mais il ne le fait que pour lui. Je sais qu'une fois qu'il se sentira mieux, il ne reviendra pas, car il n'en a rien à faire de ma poire, et encore moins de celle de Ludwig. Ou alors, il reviendra dans 20 ans, quand il sera sur le point de crever, qu'il aura choppé un petit cancer et qu'il contemplera sa vie de loin comme le drama-queen qu'il est. Et là, il recommencera le même manège, car il voudra « partir » sans scrupules, ne voudra pas laisser la moindre haine à son égard sur terre. C'est ce que je ferais, à sa place. Je le connais mieux que personne ; n'est-ce pas lui qui m'a fait ce que je suis, grâce à ses merveilleux gênes ? Il n'y a pas d'autre explication. Et même s'il y en avait une, je ne veux jamais, jamais admettre son existence. Même si au fond, je m'en doute. Mais c'est dangereux. Trop dangereux.

« La ferme. »

Je sais qu'il ne va pas m’obéir. Il a encore des choses à dire.

« Pourquoi ne lui en parleriez-vous pas ? Ou à votre frère ? Il a été dans la même situation que vous, non ? »

C'est qu'il a de l'humour, en plus ! Je préféré mille fois lui parler de ce que son déni, sa dépression et son égocentrisme ont entraîné histoire de bien le replonger dedans. Et pour Ludwig... De toute façon, il ne comprendra pas, et c'est très bien comme ça. Il vaut mieux qu'il ne sache pas, qu'il oublie, et qu'il continue de rayonner quand il me voit. Parce que, c'est mieux cette admiration de façade que je lui ait forgé que la réalité. C'est absolument infâme de me servir d'un gamin pour ça, oui, mais si j'ai besoin de votre avis, je vous sonnerais. Et jamais je ne solliciterais cette opinion.

« Je te dis de la fermer. »


Ceci va clore notre entrevue. Le maton entre et annonce que le temps est écoulé. Sans jeter un regard ni un mot de plus au psy, je me lève.

« Dans tous les cas, notre séance prend fin ici. »


Je ne me retourne pas. C'est inutile. Je suis vidé et je me sens le dernier des débiles sur terre. J'espère que personne n'aura le chic de me provoquer aujourd'hui, car je partirais au quart de tour. Et j'ai pas envie d'un nouvel isolement. Quoique, des fois, je songe sérieusement à me faire enfermer pour le reste des années qui me restent ici... Ainsi, ça m'éviterais de voir des sales tronches qui veulent me réparer et arranger ma vision des choses. Oui, finalement, tout vaut mieux que cette réalité.

« Je ne vous raccompagne pas, je vois que vous êtes déjà à la porte. A dans deux semaines. »

Au plaisir.
En PLS chez le Psy.
Ce sont des Tartuffes.
Alexander Nagel-Jung
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Sam 24 Fév 2018 - 14:01
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