Ils ne savent pas combien de temps ils sont restés là, debout. Quelques secondes, en fait, où le dresseur s'est permis un léger repos sur l'épaule de sa mère tandis qu'elle lui caressait les cheveux. Louer leur maison... Cela le dérangerait déjà moins que la vendre complètement. Il aurait l'impression de la perdre définitivement, alors qu'il a déjà ramené tout ce qu'il avait dans sa chambre jusqu'à la Pension de Natsume. Il n'y a plus rien à lui dans la maison de son enfance. Pas même le piano de son père qu'il a ramené du coup dans sa nouvelle demeure. Sa mère elle-même ne pas plus tant de temps que ça là-bas. Elle préfère rester avec Kagami autant qu'elle le peut, même si elle doit pour ça faire du trajet en train pour aller de sa clinique jusqu'à la maison de la Donovan. Elle a même pensé à déménager son lieu de travail, d'ailleurs. Elle aimerait se rapprocher. S'installer à Vanawi pour y vivre et y travailler. Elle serait en outre un peu plus près de son fils et de son beau-fils, et les clients seraient plus nombreux. Dans la ville déserte qui a subi une explosion importante il y a quelques années, les animaux qu'elle reçoit se font de plus en plus rare. Mais il lui arrive de temps à autre de travailler avec la prison d'Amanil pour négocier des traitements psychologiques en proposant des animaux abandonnés pour aider les détenus à devenir plus 'humains'. Généralement, quand Lyra y va, Sam évite d'y pénétrer en même temps. Mais il ignore pourquoi cela le met autant mal à l'aise de la croiser là-bas. Peut-être parce qu'il sait, au fond, que leurs moyens ne sont peut-être pas les meilleurs s'ils veulent réintégrer certains prisonniers. Ceux qui ont les moins été actifs au sein du Régime, entre autre, ou qui n'ont fait que collaborer avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Clive... Ne fait officiellement pas partie de ces gens-là. Pourtant, des fois, quand l'Enodril passe visiter la clinique de sa mère et qu'il s'occupe pour un moment de la nouvelle portée de chatons noirs à la fourrure toute hérissée qui viennent de naître, ça lui arrive de penser à lui.

Lyra finit par mettre fin à son étreinte, avant de regarder son fils en souriant.

« Je compte sur toi, dans ce cas. Et pour la maison tu seras le premier averti, bien sûr. Mais j'aurais bientôt moi aussi des déménagements à faire, je crois. »

Elle prononce ces mots avec douceur mais jovialité. Lyra ne pensait pas un jour pouvoir retomber amoureuse, mais elle est contente, en un sens, de pouvoir ressentir une nouvelle fois cette fébrilité et cette excitation qui la parcourent à l'idée d'un emménagement avec quelqu'un. Ces émotions ne l'avaient plus envahis depuis un certain temps, mais elle a soudainement bien hâte de pouvoir changer de vie pour rester auprès de la Donovan. Amanil est une ville devenue bien morte, de toute façon, alors si elle ne changeait pas de lieu pour son désir personnel, elle aurait dû le faire pour son travail tôt ou tard, puisque ses collègues qui la remplaçaient les autres jours sont eux-mêmes partis depuis bien longtemps. Au fond, Sam le sait, que le bonheur de sa mère est tout ce qui importe. Il a tellement rêvé de la rendre heureuse que l'occasion se présente désormais. Il n'y a pas de raison, après tout, qu'elle n'ait pas le droit de suivre ses propres sentiments. Il sait qu'il finira par s'y faire, de toute façon. Ils doivent bien avancer chacun à leur manière. Et bientôt, peut-être que quand d'autres viendront vivre au sein de leur demeure, il se dira que ce n'était pas si dramatique, au fond. Que cela fera sûrement le bonheur de quelqu'un, et qu'il était décidément bien stupide d'être frustré pour si peu.

« On continue ? J'aimerais m'aventurer un peu plus. Cette forêt est vraiment magnifique. »

Il hoche de la tête en silence tandis qu'ils remarchent côte à côte. Ils ne font même pas attention à la Médhyèna près d'eux qui saute de pierre en pierre plus ou moins maladroitement. Le cadet aurait peut-être dû, toutefois.

Si la scène n'avait pas eu lieu, peut-être que tout se serait joué différemment. Mais voilà, il y a certaines choses qui ne se passent pas comme on le prévoit toujours, et Sam ne saura pas dire plus tard s'il regrette ce qui était arrivé ou s'il se dit que c'est mieux ainsi, que la vérité aurait fini par sortir tôt ou tard. Le pas un peu traînant au milieu des feuilles, il ne remarque que trop tard la présence d'une Cheniti qui arrive à les surprendre. Enfin lui, plus particulièrement. Mais il ne fait que sursauter à l'approcher de la femelle sauvage tandis que Lyra soulève le tapis de feuilles qui recouvre cette dernière pour voir qui de plus près qui était dissimulé là-dessous. Son fils regarde la Cheniti en ronchonnant un peu une fois ses émotions passées, n'aimant pas tellement être pris par surprise de la sorte alors qu'il n'est pas d'humeur. Cela le dérange moins devant les films d'horreur même les plus prévisibles (il arrive encore à tomber dans pas mal de panneaux), mais il espérait que cette balade serait plus tranquille et qu'il n'aurait pas à être sur ses gardes pour aujourd'hui. La fatigue qu'il ressent toujours alors que la lumière lui agresse encore un peu les paupières n'était déjà pas très fun à supporter sans qu'il doive tressauter à la moindre créature qui voudrait leur jouer un tour. Mais si ça ne dérange pas sa mère, lui, est lassé par ce genre de blague alors que ses pensées sont ailleurs et qu'il a l'impression étrange de temps à autre que le sol n'est pas très droit.
Mais peut-être que cette Cheniti n'était rien en comparaison de la Médhyèna qui finit par lui tomber dessus quand il se met en travers de sa route. Au milieu de deux grosses pierres sur lesquelles la chienne ténèbres voulait passer, elle espérait pouvoir sauter par dessus l'Enodril mais c'est dans sa tête qu'elle finit par atterrir, entraînant une nouvelle surprise pour le dresseur suivit d'une chute au sol qui ne viendra rien arranger.

« Aïe ! »

Non, aujourd'hui, il ne s'attendait définitivement pas à recevoir un Medhyèna dans la tronche. Mais la chute est rude, mine de rien, et il ne retient pas un léger grognement, blasé. Il se frotte brièvement les fesses avant de bouger le bassin pour vérifier l'état de coccyx. Il lui ne faut pas énormément de choses pour l'énerver avec le manque de sommeil qui l'accable ces temps-ci. Heureusement qu'il peut se raccrocher à certaines choses pour maintenir sa bonne humeur, mais il va finir par croire que ce n'est pas son jour. La Medhyèna ne reste pas bien longtemps sur sa tête toutefois et saute pour toucher terre avant de s'ébrouer. Mais l'attention de la petite chienne est captée par un tout petit sac blanc en tissu qui vient de s'échapper du pantalon de l'Enodril. Il ne lui en faut pas longtemps pour renifler ledit sac et le prendre entre ses crocs pour s'enfuir avec à toute vitesse en filant juste sous le nez du dresseur qui regarde son bien lui être dérobé, les yeux ronds.

« Hééé ! C'est à moi ! »

Il ne lui en faut pas plus pour se relever d'un bond et poursuivre la fugitive. Lyra comprend à peine que son fils vient de se faire voler quelque chose mais ce dernier ne lui a pas encore mis dans la confidence pour qu'elle sache ce que c'est. Alors en clignant des yeux, elle le laisse suivre le petit Pokémon en sachant que ce dernier n'ira pas très loin, avec ses petites pattes. Mais la femelle est assez agile pour échapper aux mains de l'Enodril malgré toute sa volonté, et parvient même à lui échapper complètement en grimpant à un arbre. Sam essaye d'escalader à son tour le tronc, mais il ne possède pas de griffes pour lui permettre un tel exploit, alors forcément, il finit par tomber. Encore.

« Descends ! C'est pas à toi, rends-le moi ! »

Sauter ne sert pas à grand chose, pourtant il essaye. Il doit récupérer son bien coûte que coûte. Voulant retenter sa chance, il fait quelques exercices avec ses mains et ses doigts, puis, se jette de nouveau sur le tronc. Mais ses appuis ne tiennent même pas trois secondes et il glisse de nouveau en se cognant les fesses par terre avant d'échapper un énième grognement de frustration et de finir par taper l'arbre avec ses pieds pour espérer en faire descendre la Medhyèna. Plus qu'une solution, appeler un de ses propres Pokémons. Avant qu'il ne puisse le faire, toutefois, un drôle de rugissement lui parvient de derrière. Il découvre, en se retournant, un Manzaï qui rugit dans la direction du Medhyèna, lui aussi. Le dresseur l'observe un peu sans trop comprendre, tandis que sa mère les rejoint finalement, toute aussi intriguée. Elle lève les yeux vers la branche où se trouve la petite chienne, curieuse de savoir pourquoi son fils tient autant au petit paquet qu'elle lui a dérobé. Ce dernier soupire de frustration, puis jette un coup d'œil au Manzaï quelques instants, se demandant si le jeter sur le tronc ne pourrait pas le faire bouger un peu. Le Pokémon roche, d'ailleurs, s'approche un peu plus près du véritable arbre avant de scruter l'Enodril. Enfin, le Manzaï recommence à rugir en direction du Medhyèna.

« C'est drôle, on dirait qu'il veut t'imiter. »

Pfft... Copieur... Ouste, c'est pas moi le spécialiste des Pokémons Copie, c'est Mell !.. Tiens, d'ailleurs...
Le Maître Dresseur réfléchit quelques secondes tout en scrutant le bonsaï vivant, avant de sortir enfin une Rapide Ball qu'il lui tend aussitôt. Le Manzaï, intrigué, déclenche la capsule qui s'ouvre pour l'aspirer à l'intérieur.

« Un Manzaï ?.. Je ne savais pas que c'était ton genre de Pokémon.
- Ce n'est pas pour moi. C'est... Pour un ami. »

Il lui semble qu'un certain Straum recherchait un Pokémon de ce genre. S'il ne s'est pas trompé, alors... Il fera au moins un heureux, dans cette affaire.