Encore une fois, Sam est décidé à récupérer ce que la Medhyèna lui a volé. Alors même s'il sait que c'est vain, il veut quand même d'abord remonter lui-même pour chercher son bien, ne serait-ce que par fierté. Il ne peut pas tout de suite laisser un de ses Pokémon lui faciliter le travail alors qu'il sait comme ce qui lui a été enlevé est précieux pour lui. Objet un peu trop symbolique pour ce que ça représente en réalité, mais l'Enodril peut se montrer un peu trop têtu quand il veut. Alors il prend de nouveau son élan et bondit contre le tronc pour s'y accrocher. Il croit qu'il va retomber, mais il arrive à peu près à se maintenir contre l'écorce, même s'il se sent glisser. Mais pour le coup, il se ficherait bien de toucher à la sève gluante qui sort de l'arbre tant qu'il arrive à reprendre son petit sac. Lyra se retient de soupirer en sachant que la cause de son fils est peine perdue s'il procède ainsi, mais ce n'est pas comme s'il l'écouterait de toute manière. Elle se contente de lever les yeux vers la petite chienne grise qui se met à mordiller dans le petit sachet pour essayer de l'ouvrir. En fouillant dans son propre sac à main, elle sort un peu de nourriture Pokémon qu'elle place dans sa main avant de la tendre en direction du chiot pour l'interpeller.

« Hé, ma jolie... Peut-être que tu as faim ? Le tissu n'est pas comestible, tu sais. »

Intriguée par la voix infiniment plus douce de l'autre humaine, la femelle sauvage penche la tête vers l'enolianne. Et la tactique de cette dernière marche, puisqu'à peine la cible de sa ruse a-t-elle vu les quelques croquettes que sa gueule s'ouvre aussitôt et laisse échapper au sol son petit paquet. Sam, en voyant son butin chuter, pousse un petit cri de panique avant de lâcher soudainement sa prise sur l'arbre... Et tomber une nouvelle fois pour se retrouver les quatre fers en l'air. La Medhyèna, elle, glisse contre l'écorce grâce à ses griffes et va jusqu'en bas pour pouvoir engloutir ce qu'on lui a tendu quelques instants plus tôt. Il ne faut pas être un génie pour savoir que tout être peut être potentiellement séduit par de la nourriture, mais habituée au contact des animaux en prime, elle se disait que pour dérober des affaires aux touristes de la forêt, cette habitante des lieux devait peut-être avoir faim. Mais pendant qu'elle laisse le Pokémon se régaler dans sa paume, son regard noisette bascule un instant sur le sac en tissu tombé au sol, qui a laissé échapper un étrange petit objet doré brillant.

« Ouch... J'aurais dû envoyer Mihawk, tout compte fait... »

Mais si prendre de sages décisions au moment il le faut était le point fort de Sam, ça se saurait. Pas qu'il ne sache pas être un tantinet réfléchi quand il le veut vraiment (et pour ça, va falloir vous lever sacrément tôt), mais on mettra sur le compte de la chance le fait qu'il soit encore en vie aujourd'hui. Il ignore si c'est la chute, toutefois, mais sa tête recommence à lui faire mal. Et ça ne s'arrange pas au moment où un Capumain s'amuse de son malheur. En guise de réponse, il lui tire à son tour la langue de manière très puérile, grognant presque comme un roquet. Il en oublierait presque ce qu'il cherchait désespérément à récupérer, et peut-être aurait-il dû le reprendre avant que sa mère ne tombe dessus et n'ait la curiosité de lui poser quelques questions à ce sujet. Cela lui aurait évité plus tard d'avoir de nombreux doutes auxquelles il avait refusé de songer auparavant. Mais la voix de sa génitrice est sans appel et il pourrait presque entendre un morceau de verre imaginaire se briser quand elle prend tout à coup la parole.

« … Un anneau ? »

Brusquement, l'interpellé se retourne et se relève plus ou moins maladroitement pour récupérer ledit bijou que Lyra a ramassé au sol avant que la Medhyèna n'ait l'idée de l'avaler ou de faire ses besoins dessus. Avec précipitation, Samaël récupère d'une traite ce qui lui revient mais manque une fois encore de le laisser lui échapper tant il est soudainement brusque.

« Aheum... C'est rien ! Rien d'important. Hm... je... »

Un court silence s'installe pendant lequel le cadet se met à triturer nerveusement ses doigts et ses mèches de cheveux en fuyant son regard tandis que l'aînée affiche une expression douce mais est assez intelligente pour avoir deviné les intentions de son enfant en reconnaissant l'objet si familier qu'elle-même avait quelques années plus tôt. Après la mort d'Ikaël, il lui a fallu du temps pour qu'elle se décide à retirer son alliance. Rien ne l'y obligeait, mais elle a fait ce choix seule pour se convaincre de tourner la page. Et avec du temps et du soutien, elle a réussi à le faire. Elle n'a pas jeté sa bague, cependant. Elle l'a accroché aux tiges d'une des fleurs qu'elle a faite poussé sur la tombe de son défunt mari. Rien de bien folichon puisqu'ils n'ont pas pu récupérer son corps, mais ils tenaient quand même à lui rendre un hommage par n'importe quel moyen. Sam avait peur que quelqu'un lui vole, si elle le laissait dans la nature, mais Lyra n'était pas à ça près. Ce n'était officiellement qu'une bague, après tout. Et elle devait passer à autre chose. De plus, si elle ne lui rappelait pas particulièrement un souvenir extraordinaire le jour où elle reçut la fameuse demande, elle avait eu beaucoup de mal à s'en séparer de peur de salir la mémoire de celui qui partagea une grande partie de sa vie. Elle l'avait entendu dire, cependant, s'il perdait la vie durant leur union, elle était bien sûr libre d'ouvrir son cœur à qui ferait son bonheur tant qu'il ne maltraitait ni elle, ni leur fils. Elle trouvait ces mots bien sûr ridicules à ce moment-là et avait donné une petite tape à Ikaël pour même y avoir pensé, mais il devait se savoir en danger. Aujourd'hui, elle s'amuse à le traiter d'égoïste de l'avoir laissé mais se dit qu'au moins, avec Karl, ils doivent avoir de nombreuses choses à se dire. Parmi les regrets de la veuve, d'ailleurs, il y a celui de ne jamais avoir connu le mari de Kagami de son vivant, car sur toutes les photos qu'elle a pu voir, il avait l'air d'un homme rayonnant et gentil.

« Il y a quelque chose que tu voudrais me dire, Sam ?.. »

Elle n'insistera pas, bien sûr, mais elle sait. Elle sait que quelque chose le démange depuis un certain temps et qu'il doit en parler, mais il a du mal à trouver ses mots. Voir le rouge subitement lui monter aux joues est quand même assez particulier dans la mesure où elle n'avait plus l'habitude qu'il soit dans un tel état, mais il y a encore, comme quoi, des sujets qui n'échappent pas à sa timidité. Le léger sourire maladroit qu'il affiche cependant confirme ses pensées (en même temps même un gros naïf comprendrait) et il se masse la nuque, gêné, cherchant ses mots. Oui, il comptait la mettre au courant aujourd'hui puisqu'une occasion qu'ils se retrouvent seuls tous les deux dans un environnement calme se présentait. Mais il ne voulait pas être pris sur le fait. Il aurait préféré lui dire ça de lui-même sans qu'elle ne devine à l'avance, même s'il est aussi discret qu'un Cochignon chez des souffleurs de verre. Il se contente finalement de hocher brièvement la tête, avant de se remettre à avancer. Calmement, sa mère la suit en saluant la Medhyèna, et attend que le dresseur veuille parler le premier. Son cœur se remet à battre follement, maintenant qu'il y repense. C'est un sujet encore sensible mais auquel il a fini par s'attacher, fleur bleue comme il est. Pas seulement pour le concept, voire pas du tout, mais tout ce que ça peut représenter pour la suite, également. Il est excité mais à la fois extrêmement nerveux alors même que... Ce n'est que quelque chose d'administratif, au fond. Rien n'oblige personne à franchir le pas, puisqu'on peut être heureux sans ça. Mais ce n'est qu'un caprice de sa part, et il le sait.

« J'aimerais me marier avec Natsume. »

Lyra ne fait même pas mine d'être surprise. Le Maître Dresseur est au courant, qu'il manque cruellement de subtilité, surtout pour ce genre de chose. N'a-t-il pas tenté plusieurs fois déjà d'aborder le sujet avec l'éleveur sans le faire ? Ses allusions pas du tout discrètes ou les quelques vannes à moitié sérieuses qu'il a déjà pu faire ont dû déjà mettre la puce à l'oreille du principal concerné. Toutefois...

« C'est super, Sam ! Tu lui en as parlé, alors ? »

… C'est justement aussi pour les réactions auxquelles il a eu droit que Samaël n'a jamais vraiment osé aller plus loin dans ses projets. Il en aurait averti sans hésité ses proches directement s'il ne savait pas à quel point la question rend l'Hôte de Pension nerveux. Lyra assume que s'il y pense sérieusement, c'est qu'une discussion entre les deux a dû avoir lieu. Néanmoins, elle aurait été étonné si le plus jeune lui avait affirmé que la réponse de l'autre avait été cent pour cent positive. Elle ne pense pas le Miyano être aussi expressif là-dessus que ne l'est Samaël, mais en même temps, personne n'y attache une importance aussi grande que lui. Mais ce sujet, aussi simple dans les faits soit-il, est un peu plus compliqué que ça en a l'air. Et si Sam en est conscient, ce n'est pas pour ça qu'il ne préfère pas faire l'autruche. En vérité, ça l'arrange bien, des fois, de rester naïf. De ne pas sortir de ses images mentales à deux balles en fuyant la réalité qui est bien moins plaisante, et pourtant... Pourtant si la question est aussi délicate, c'est parce qu'il sait, au fond, qu'il n'aura pas ce qu'il espère. Mais il est bien moins difficile bien sûr d'échapper à toutes les choses embêtantes de la vie réelle en restant dans son petit monde sans penser au reste. Ça évite d'avoir mal, parfois.

« Hm... P-Pas encore, m-mais ce n'est qu'une question de... De temps. »

« Je vois. »

Pensive, elle continue d'avancer en compagnie du dresseur, qui essaye de trouver un autre sujet de conversation. Mais même dire que le temps est beau aujourd'hui ne suffit pas à éloigner son malaise. Il a l'impression d'avoir dit quelque chose de stupide, mais le sourire serein de sa mère ne l'a pas quitté, même si elle semble plongée dans ses pensées. Des souvenirs, peut-être ?.. En un sens, oui. Le sujet abordé lui redonne un peu de nostalgie, mais rien qui ne puisse plus la déprimer. Elle a franchi le cap depuis un bail même si ça reste douloureux, quelque part. Aujourd'hui, elle ne songe plus à son passé, mais à son avenir, et en particulier à celui de son fils. Il a certes grandi mais reste si insouciant parfois que ça l'inquiète un peu. Son teint blafarde n'aide pas à la rassurer, et elle est certaine que ça ne doit pas beaucoup plaire non plus à Natsume dans tous les cas. Le mariage étant un sujet qui peut s'avérer complexe dans leur cas si on prend les comportements bien différents des deux concernés, elle craint que ça ne soit qu'un sujet de plus qui pourrait aggraver son état s'il découvre (ou plutôt quand il découvrira) que le Miyano n'a pas forcément les mêmes projets en tête que lui. Et elle le sait, au fond, que le dresseur ne cherche en vérité qu'à se persuader. Se persuader qu'il n'y aura aucun problème, qu'il pourra organiser la cérémonie de ses rêves et que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes, maintenant que Enola n'est plus sous le joug du Régime. Pourquoi ça irait mal, après tout ?..