Les mains en l'air !
"Haut les mains, peau d'lapin !"

« On se fait chier, nan ? »

Les propos d’Angarade semblait interrogatifs mais elle les pensait comme une affirmation. Elle n’a jamais aimé être affectée à la circulation, que ce soit dans l’ancienne ville ou la nouvelle ville Amanilloise. Ce sont des choses qui arrivent quand certain.e.s sont indisponibles et ça fait partie de son travail, m’enfin, ils pourraient pas demander aux brigades anti-drogues des STUPS, pour une fois… ? C’est pas comme si la Brigade de Protection des familles avait autant de boulot qu’eux, mais, eh, les ordres du commissaire sont les ordres, aussi pénible que ça puisse être pour les agents de police sous sa responsabilité. Ce n’est pas qu’Angarade souhaite qu’il se passe quelque chose de grave pour avoir du travail et une bonne raison d’arrêter de faire les cent pas avec le regard dans le vague (car on le fait sans y pense, à force et on devient moins attentif). Ajax avait même eu le temps d’aller leur chercher des cafés pendant l’accalmie et les heures passées à rien faire, ce qui n’était pas très sérieux, mais, rien de grave n’était arrivé en attendant, donc… Bah, ça reste pas très pro, mais, ça va. Angarade avait d’ailleurs bien fustigé son partenaire, mais avait tout de même accepté le café et levé les yeux au ciel de bonheur en sentant le gout amer se propager sur sa langue. Oui, oui, la policière est sacrèment de mauvaise foi mais ça, ce n’est pas nouveau.

En arrivant sur une place de l’ancienne ville où un marché battait son plein, Angarade soupira en réalisant que la matinée n’était pas encore terminée et que cela ne faisait que 2h à peine qu’elle patrouillait. Il lui démangeait de se défouler, au moins de courir un peu, même si elle avait déjà joggué une heure le matin même. Mais, bon, d’un point de vue plus optimiste, au moins, rien d’alarmant ne semblait perturber les courses des passants occupés à choisir leurs carottes et leurs tomates… Ah, la bonne odeur du poulet rôti venait d’arriver jusqu’à ses narines et Angarade soupira en sentant qu’elle commençait à saliver. Mais, redevenons sérieuse deux minutes ! La policière qui faisait le tour de la place se préparait à tourner sur la gauche pour traverser le marché et… Bon, disons qu’elle ne parvint pas à savoir si elle tombait au bon endroit au bon moment, ou totalement l’inverse. Un passant venait d’arriver droit sur elle en détalant comme un lapin. La policière fut brièvement bousculée, bascula d’un pied sur l’autre et lâcha au passage son café qui se rependit par terre.

« Faites gaffe, où vous courrez comme ça… » En se retournant vers l’homme qui l’avait bousculée, la lieutenant le surpris à essayer de repartir à toute jambes, en cachant un paquet entre ses bras. « Hm… ? »

Elle pinça les lèvres en restant en travers du chemin de l’inconnu et l’examina brièvement. Celui-ci cherchait apparemment des endroits ou s’enfuir et n’avait pas l’air franchement innocent.

« Z’êtes préssé ? J’peux savoir par où vous détaliez comme ça ? »

La policière s’était reculée d’un pas, à une distance qui lui permettait de maitriser l’inconnu en cas de fuite. Elle n’eut pas de réponse, mais un attroupement en arrière-plan attira son attention.

« Occupe-toi de lui, c’est le bordel là-bas, je vais voir. »

Glissa-t-elle à Ajax, son partenaire, en contournant l’individu suspect un peu trop pressé à son gout, et elle se dirigea vers un attroupement en train de se former autour d’un stand de fruits et légumes. Visiblement, il y avait eu du dégât, un stand renversé et les gens s’étaient apparemment rassemblés autour du « malandrin » qui avait causé tout ce dégat. Un vieil homme (à qui Angarade trouvait une bonne tête de vieux facho bien lourd) se tourna vers elle et émit « Ah, enfin, la police, vous tombez bien ! Voila pourquoi on a besoin de plus de sécurité dans ce pays… On ne peut même plus faire ses courses tranquilles ! ». Angarade l’ignora de manière royale et se tourna vers… Le voleur… ?

La lieutenant arqua un sourcil… Est-ce que ce pauvre type avait vraiment mis ce stand sans dessus dessous… ? Car à le voir avec sa béquille et avec des membres en moins, peinant à se relever… Oui, Angarade a franchement du mal à croire que ce jeune homme aurait pu tenter de voler quoique ce soit en espérant s’enfuir. L’autre type suspect de tout à l’heure, en revanche…

« Mmmh… Bon, circulez, y’a rien à voir, retournez à vos choux ! »

Ordonna-t-elle à la masse de monde qui avait entouré la scène. Une fois la foule éloignée, la Policière considéra de nouveau le jeune homme à la béquille.

« Z’avez été blessé ? »

Bien sûr qu’il avait été blessé, pour se retrouver avec un bras et une jambe en moins, mais là, Angarade se demandait plutôt s’il s’était esquinté dans sa chute. Sans délicatesse (ce serait trop lui en demander, à cette grosse bourrine), elle fit se relever l’inconnu en l’attrapant par les épaules. Puis, elle se tourna vers la vendeuse occupée à remettre son stand, visiblement à côté de la plaque et un peu perdue par les évènements récents. Tout en gardant un œil sur le jeune homme à la béquille, la policière interrogea la dame d’âge mur.

« Dites, vous avez vu ce qui s’est passé ? Ce type vous a volé ? » Demanda-t-elle en montrant grand dadais appuyé sur sa béquille, même si elle serait très étonné qu’il soit vraiment le coupable, rien qu’à constater sa « condition physique ». « Et… »

Pour le coup, elle s’adressa à la fois au jeune homme et à la vendeuse.

« … Vous n’auriez pas vu partir en courant un vieux type suspect, maigre, avec des cheveux gris et de la barbe… ? Mon collègue est en train de causer avec lui, je me demandais, si… »

En vrai, l’autre type lui avait paru largement plus suspect, à avoir l’air de vouloir s’enfuir.

  

Les mains en l'air !
"Haut les mains, peau d'lapin !"

La policière considéra de nouveau le « voleur » qui se massait l’arrière de la tête. Ce n’est pas qu’il n’était pas suspect, mais même après l’avoir regardé une nouvelle fois, Angarade ne peut se forcer à croire qu’il est le principal coupable de tout ce bazar. L’absence d’explication de la dame occupée à remettre du stand n’aidait pas plus que ça. Bien entendu se fier simplement à « ce type n’a pas l’air d’un voleur » et à des impressions personnelles n’étaient pas des preuves suffisantes pour innocenter le type à la béquille et incriminer l’autre type suspect qui était resté avec le binôme d’Angarade. Même si l’idée de se fier à ce que lui disent ses trippes semble plus séduisante à la lieutenant, elle se résigna à commencer par poser plus de questions au jeune homme qui s’accusait lui-même, avant de se positionner sur ce qui avait pu se passer.

Angarade se retourna vivement vers le type à la béquille lorsqu’il se mit à brailler et à défendre l’homme qu’elle avait croisé plus tôt. La policière cligna des yeux. Visiblement, la vendeuse et l’inconnu n’étaient pas indifférents à sa description ce qui confirmait son impression que l’autre type était lié d’une manière ou d’une autre à ce bazar.

« Ah ? Vous l’connaissez ? »

Demanda-t-elle au grand châtain au regard de chien battu. S’il le connait, ça pourrait leur faire gagner un temps précieux. L’autre expliqua qu’ils étaient amis, et qu’apparemment, le type aux cheveux gris était innocent. Arrivé là, Angarade ne pouvait pas vraiment en savoir et avait envie de donner le bénéfice du doute au grand gars appuyé sur sa béquille. Celui-ci termina en avouant son crime et la policière soupira. Au moins, il leur évite des complications, mais la lieutenant ne peut continuer d’avoir une drôle d’impression avec le type en face d’elle qui a l’air totalement paumé plus que coupable. De toute manière, elle aurait bientôt réponse à ses questions.

« Vraiment ? Et vous avez volé quoi ? » Demanda-t-elle, toujours aussi sceptique, en arquant un sourcil, bras croisés sur son torse. « Vous confirmez, madame ? »

Dit-elle en s’adressant à la vendeuse, qui semblait hésitante. Manifestement, elle n’avait pas bien vu toute la scène.

« Dans tous les cas, faudra vous emmener au commissariat pour les dépositions. »

Annonça la policière. Cela ne lui fait pas vraiment plaisir, d’emmener quelqu’un qui, en dehors du fait qu’il lui manque des membres, est déjà bien mal en point. Visiblement, le grand type n’a pas eu un repas complet depuis un certain temps et manque peut-être même d’une hygiène de vie nécessaire. Quelque part, il aura un toit une fois au commissariat pour quelques heures, mais le commissariat n’est pas exactement l’endroit le moins glauque du monde. La brune fronça es sourcils, prête à embarquer le pauvre jeune homme, lorsqu’une voix tonitruante bien connue résonna derrière elle. C’était Ajax, son binôme.

« Eh, Anga ! »

Il revenait avec l’autre type. La policière, tout en surveillant le plus jeune, fit signe à Ajax d’approcher.

« Alors ? »

Avant même qu’Ajax lui réponde, le type de tantôt, qui l’accompagnait, se mit à dévisager le jeune homme à la béquille.

« Les fruits que monsieur a sur lui viendraient d’ici… ça vous dit quelque chose, m’dame ? »

Demanda le policier à la vendeuse en lui montrant un paquet rempli de fruits. La dame semble reconnaitre des choses qui venaient de son stand mais déclara qu’elle n’avait aucun souvenir d’avoir servi le monsieur à la caisse. En revanche elle l’avait vu s’enfuir en courant après la chute de son « ami » à béquille sur son étalage. Angarade pinça des lèvres. Tout semble accuser le type aux cheveux gris… Pourquoi l’autre, le plus jeune, le protégeait-il, alors ?

« C’est lui, il m’a obligé ! »

Rétorqua soudain avec virulence le premier suspect, le plus vieux, celui qui était parti avec le paquet de fruits, en pointant le type à la béquille d‘un doigt accusateur.

« Décidez-vous, toute façon on va vous embarquer tous les deux… »

Grommela Angarade d’une voix un peu lassée. Ça ne l’amuse guère d’en arriver là, mais il y a de meilleurs endroits pour mettre au claire une affaire de vol à l’étalage que devant le stand de la commerçante qui a déjà fort à faire.