Quoi de neuf sur l'île d'Enola ?

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Intrigue n°3 : « Ferveur »
L'Elu auto-proclamé des Monarchistes fait son entrée ! La Compétition, Elixir et le Gouvernement sont en crise et les Anarchistes demandent la démission du Chef du Conseil.
Mini event n°1 : Panique à Vanawi !
Un blocus Anarchiste est en cours à Vanawi, sous surveillance des forces de l'ordre.

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Maux de mots [OS]
Alice C. Donovan


Maux de mots
/!\ : Les trois OS de cette série vont traiter en détail de cyber-harcèlement, de bullying, avec un florilège de sexisme, de psychophobie et de discriminations physiques, et du victim-blaming bref, faites attention.

Je sais ce qu'on va me dire. Que j'aurais dû faire attention, ou me douter que cela pourrait arriver, me montrer plus prudente pour éviter de pareilles situations, prendre des mesures de précaution, suivre à la lettre toutes les recommandations stupides écrites et données par des gens qui ont touché un ordinateur pour la première fois à l'aube de leurs soixante années... Mais franchement, je ne crois pas que ça aurait changé quoi que ce soit.

« C'est bon, Jill, tout va bien, arrête voir. »

La Bacabouh ne semble sincèrement pas convaincue. Et en même temps, je ne sais pas trop qui j'essaie de convaincre, avec mon ton fatigué et la nervosité qui fait se relever mes épaules et arque tout mon corps. Le menton vaguement posé dans ma main, je pousse un soupir fatigué alors que j'efface le millième commentaire insultant de la journée sous le bas d'une vidéo que j'ai posté récemment. Je commence à tous les connaître, à force. Ou du moins, je pourrais prévoir efficacement chaque chose que je vais y trouver ; c'est plus ou moins toujours le même délire, de toute façon. Les mêmes insultes, les mêmes moqueries... Mais sachant que ça vient toujours de la même communauté, c'est plus ou moins logique, je suppose.
Je ne sais pas si ils se croient vraiment originaux, en vrai. Si ils pensent que je n'ai déjà pas entendu leurs saletés des dizaines de fois auparavant, disséminées de manière plus ou moins évidentes pour tenter de passer au delà du système de censure (pas comme si il fonctionnait, bizarrement) que l'hébergeur a vaguement mis en place après une histoire de plainte portée dans un autre pays, ou un truc du genre. Les mêmes sujets reviennent toujours. Que ce soit mon âge supposé (par ma voix, car je prends bien la peine de cacher mon visage, j'suis pas entièrement folle), des paroles à l'emporte-pièce, ou même l'outrecuidance que j'ai à poster des trucs sur internet alors que je suis née assignée au féminin, tout est bon (quoique ces derniers trouvent toujours un moyen de dire que non, définitivement, je suis parano, j'imagine des trucs, à force d'être une « féministe hystérique »). Et puis bon, une fois, j'ai fait la connerie de dire que j'avais des gros soucis de misophonie et que c'était pour ça que je me trimbalais toujours avec un casque sur la tête, bah... Bah...

Les détraquées comme toi on les crève à la naissance, normalement.
En soupirant, je fais à peine attention à ce que je vois. J'y suis bien forcée, en un sens, si je veux débarrasser le fil de tous ces commentaires ; ce n'est pas juste pour moi, d'ailleurs. Je n'ai pas vraiment envie que des plus jeunes tombent sur ça, ou que des gens plus sensibles que moi se retrouve à se sentir mal à cause de ce flot d'horreurs.
Au début, je trouvais ça ridicule, et à la limite, un peu drôle. C'était pathétique, car c'était rare, lointain, et peut-être que je manquais clairement de recul sur ce que je faisais. Je voulais tellement prouver que j'étais bien assez grande pour faire ce que je voulais que je refusais de regarder les choses en face. Je savais très bien, en commençant les streams et les vidéos, que mon père et mes proches ne seraient pas très enthousiastes pour cette raison-là ; les histoires de vidéastes harcelées, surtout des nanas, c'est vieux comme les mondes, et ça ne s'arrêtera certainement pas de ma génération, je crois. Mon âge, aussi, me vaut un bon nombre de commentaires médisants ; je vous épargne le nombre de fois où on m'a renvoyé sur des sites dégoûtants, ou le nombre de photos immondes que j'ai déjà reçu. Pour ça, souvent, je laisse Dany effacer tout.
En parlant de lui, tiens, voilà que mon portable se met à vibrer et que, en jetant un coup d'oeil, je me rends compte qu'on parle du loup.

J'ai vu, pour la dernière. Tu crois pas qu'une pause serait une bonne idée, là ?
Dany est gentil. Vraiment. Il est bien trop gentil, même, des fois, et j'ai conscience que je lui en demande peut-être un peu trop, mais il insiste toujours pour prendre le relais quand je fatigue de faire tout ça. Il y a quelques mois encore, c'était largement supportable. Un peu lourd et pénible des fois, je vous l'avoue, de passer une après-midi entière à bloquer des mots pour éviter le pire du pire, mais... Je sais pas, mon moral n'en était pas affecté, quoi. J'en étais pas à ravaler la boule dans ma gorge en espérant que ça passe pendant que je me tape ce genre de trucs pour la sixième heure, mais merde, quoi ! Merde !

Je n'arrive pas à retenir un reniflement lourd alors que, distraitement, j'éloigne mon portable pour prétendre que je n'ai rien vu. Ça fait mal. Ça fait vraiment mal. J'ai l'impression que quelque chose lacère ma poitrine avec insistance, et ça m'énerve, d'avoir mal de cette manière. J'aimerais bien faire comme Dany, moi, ou comme Natsu ; être capable de m'en foutre totalement, ou du moins, c'est ce que je crois. Je ne comprends pourquoi tout ça m'est insupportable, d'un coup. Pourquoi j'ai envie de vomir, des fois, quand j'allume mon pc, alors qu'il avait pendant longtemps été mon isoloir, mon île de tranquillité, mon espace à moi, rien qu'à moi, qui me gardait loin de tout ce qui pouvait me faire mal, dehors. Loin des gens au collège, puis au lycée, loin de leurs regards, loin de la colère étrange que je ressens contre mon père et que je ne comprends pas moi-même, loin, même, de ce qui m'attend maintenant que « l'âge adulte » se rapproche inexorablement et qu'on ne cesse de me le rappeler. Loin de tout ça. Mais maintenant, je crois que je n'ai même plus ça.
Alors que j'essuie mon visage – mon visage « dégueu et jamais maquillé puis quand même Alice, tu pourrais faire une effort, déjà que t'es pas gâtée », qu'elle disait, Sarah –, je sens la Bacabouh se bouger davantage à mes pieds. Jill est un peu devenu la mascotte de ma chaîne, bizarrement, avec Hamtaro. Fin, faut dire que deux pokémon chromatiques, c'est pratique pour se la péter, mais ce n'est pas le sujet. Il n'est donc pas rare qu'elle reste à côté de moi quand je m'occupe de ça, mais ces temps-ci, elle est de plus en plus turbulente. Ce qui me paraît étrange, d'ailleurs, parce qu'elle a toujours été très calme. Mais je crois que mon comportement l'inquiète. J'évite précautionneusement le regard d'Altair car je sais bien ce qu'il fera, si il me voit. Car je sais ce qu'il me pousserait éventuellement à faire. Papa m'a déjà dit, en rigolant un peu, que je devrais dormir un peu plus car j'ai une vraie tête de zombie. Je ne sais pas si il était sérieux ou pas, et j'aurais été bien incapable de remarquer la manière dont son regard m'examinait attentivement, notamment lorsqu'il m'avait demandé si « tout se passait bien à l'école », l'air de rien. Je suis déjà bien incapable de remarquer que quelque chose cloche chez Lulu, et quand bien même la pensée m'était passée par la tête, je l'avais chassé en me disant que je ne faisais que plaquer mes propres idées noires sur lui et que, définitivement, j'étais vraiment une imbécile égoïste.

Je me demande d'ailleurs à quel point mon égocentrisme me fait me concentrer uniquement sur ma petite tronche. En jetant un coup d’œil au visage dépité et inquiet de ma Bacabouh, son inquiétude me heurte de plein fouet. J'en fais... J'en fais sûrement trop. Oui, voilà, ce doit être de ma faute, forcément. Si tant de monde me dit que je le cherche, que c'est moi qui cause des soucis, je... Peut-être qu'ils ont raison... ?
Quelque chose dans ma tête, sûrement une partie encore plus idiote, me fait me dire que tout de même, je n'ai rien fait de mal. Que ce n'est pas parce que je portais une jupe durant un stream, ou parce que j'ai renvoyé une répartie cinglante à un type qui tentait de m'apprendre la vie, ou que j'ai été un peu fatiguée une fois et que j'ai donc mal joué, que je mérite qu'on se comporte comme ça avec moi. Mais... Mais... Mais tout ça, ça doit bien venir de quelque chose, non... ? Puis, c'est pas la première fois qu'on se comporte comme ça avec moi, en vrai. Si j'étais un peu mature, je reconnaîtrais que c'est sûrement que quelque chose cloche. Quelque chose doit clocher avec moi. Est-ce je pourrais arrêter ça, si je trouvais ce qui déconnait chez moi... ? Oui, sûrement, ce doit être le cas.

La pensée me rassure, durant un instant. Elle diffuse toute une bouffée de chaleur dans ma poitrine et j'en viens à me dire que tout ça n'est qu'un passage, une période. Une mauvaise passe. Qu'il y a sûrement un moyen de faire en sorte qu'ils se taisent, ou, et la partie de mon puérile de mon cerveau se cache car je refuse même d'admettre penser cela, qu'ils reconnaissent qu'au fond, je ne suis pas si nulle. Que je ne suis pas ce qu'on a dit. Ce qu'ils disent, ce que Blyns a dit la dernière fois, ce que d'autres disaient, au collège. Et au lycée, même, car je ne m'y sens toujours pas à l'aise, et que mes absences se font de plus en plus fréquentes. Oui, je pourrais leur montrer, éventuellement. Je vais trouver ce qui cloche avec moi, c'est promis.

… Mais pourquoi, alors, est-ce que j'ai autant envie de pleurer ? Pourquoi est-ce que mes yeux continuent de s’humidifier ? Pourquoi est-ce que j'ai du mal à renifler, et que je me resserre contre le bord de mon lit, fatiguée, les épaules lourdes et crispées ? Pourquoi est-ce que... Pourquoi est-ce que j'ai peur, d'un coup, de poster un message ou même la moindre petite vidéo ?
Trop tard, toutefois. Un hoquet me surprend, et ça y est, je chouine comme une morveuse, les yeux noyés, alors que ma Bacabouh se presse derrière moi en poussant des petits geignements attristés. J'essaie de la repousser, faiblement, mais rien à faire, la bougresse est forte.

« L-laisse-moi, Jiji. »

Je ne sais pas pourquoi j'ai envie d'être seule. C'est étrange. D'un côté, rien ne m'est plus agréable que son corps sablonneux autour de moi, mais en même temps, c'est comme une brûlure dont j'aimerais m'éloigner et me débarrasser, comme si je risquais quelque chose. Je ne comprends pas. Je ne comprends rien, même. J'ai juste... J'ai juste mal, je crois.
Recroquevillée, je ne me rends pas compte que le corps de la Bacabouh s'est allongé, ou du moins, pas tout de suite. La Trépassable qui m'entoure est chaude et rassurante, mais... Mais je me sens honteuse. Stupide, également, d'avoir encore besoin de ça à mon âge. Les épaules serrées, je la fixe avec dépit, malgré le fait que son évolution me surprend, et me fait plaisir. Je n'arrive pas à être joyeuse, et ça m'ennuie. Pourquoi est-ce que je suis aussi égoïste, sérieusement ? J'aimerais... J'aimerais faire comme Jill. Évoluer. Changer. Montrer que je ne suis pas pathétique, ou que je ne suis pas restée une enfant. Je pourrais... Peut-être que si je faisais ça, tout irait mieux. Oui, sûrement.

« Moi aussi... Moi a-aussi je vais grandir, Jiji, tu vas voir. Ils verront tous. »

Je ne sais pas si, même à ce moment précis, je croyais vraiment que cela suffirait.
21 OCTOBRE 2023Évolution de Jill
Alice C. Donovan
Alice C. Donovan
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Dim 21 Oct 2018 - 22:00
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