« Oh putain… »

Les récits de Nadia au sujet de la demeure de ses parents avaient bien fait comprendre à Tobito que son amie habitait dans une énorme baraque de gros riches. Mais l’imaginer, c’est une chose, être devant la grille automatique qui vient de s’ouvrir sur un énorme jardin, au-delà duquel trône une barraque tout aussi immense, c’en est une autre.

Financièrement, la famille du Hansen n’a jamais été à plaindre. Sa mère est chercheuse et gagne bien sa vie et le fait qu’ils vivent dans un logement de fonction bien assez grand faisait que les problèmes d’argent étaient encore loin d’eux. Cependant, devant le domaine des Roque-Lartigue de Vanawi, le petit bourge qu’est Tobito se sent quand même à côté de ses pompes. Il se demande sincèrement à quoi cela peut servir d’avoir une barraque aussi grande à part pour compenser quelque chose. D’autant plus qu’il lui semble que Nadia a quelque chose comme… 1 ou 2 frères et sœurs ? Certes, par rapport à lui qui est fils unique, c’est déjà une famille « nombreuse », enfin, tout de même, la barraque et le jardin qu’il vient de découvrir semblent avoir la capacité d’accueillir 150 personnes avec la possibilité que ces derniers ne se croisent jamais. En arrivant jusque devant la grande porte de la propriété, Tobito se sentit quelque peu intimidé et se sentit tout d’un coup mal fringué. Après avoir sonné, il se recoiffa un peu d’une main et observa le jardin bien entretenu (presque trop), aperçut aussi les écuries auxquelles sa pote anarchiste avait fait allusion plusieurs fois.

Le Hansen se tendit un peu quand une femme aux cheveux rouges à qui il donnait peut-être un peu plus que l’âge de sa mère lui ouvrit. Il vit assez vite chez elle une ressemblance avec Nadia et supposa qu’il s’agissait de la génitrice de cette dernier. Devant l’ambiance des lieux et le fait que tout avait l’air beaucoup, beaucoup trop cher et luxueux dans le coin, Tobito se dit qu’il était prudent d’être poli et retira tout de suite sa casquette.

« Hm, euh, bonjour m’dame, j’suis venu voir Nadia. »

Enfin, c’est la brunette qui l’était invité. La mère Roque-Lartigue fit aller chercher sa fille cadette et Tobito attendit donc comme on lui proposa. Ah, il ne la ramène plus autant, d’un coup. En un sens, ce qui s’était passé à Vanawi à quelques mois avait assagi Tobito, l’avait presque anesthésié pendant des semaines. Tout le monde ne se sent pas en pleine forme après avoir été pris en otage par un type près à se faire sauter avec d’autres personnes. En tout cas, pour Tobito, ce n’est pas un aspirine et une bonne nuit de sommeil qui l’en avait guéri. Il se sentait encore mal en repensant à ce qui s’était passé ce jour-là, au simple fait qu’il avait probablement frôlé la mort. Comme le disent les memes : « sa fé réfléchir….. ». Enfin. Il retournait à l’école. Il voyait un psy, depuis, sa mère avait insité sur ça, pour qu’il se remette. Il sortait moins, ça, c’est certain, mais dessinait plus. Il évitait sans doute beaucoup plus effrayé par les endroits remplis de monde, aussi.

Mais s’il s’égarait trop longtemps il allait paniquer et ruiner l’ambiance. Tobito n’attendit pas longtemps avant d’apercevoir son amie du lycée accourir à la porte. Il allait lui dire bonjour mais assista plutôt à Nadia en train de se faire fustiger par sa mère visiblement mécontente que son Tadmorv (c’est souvent son Tadmorv).

Euh… c’est gênant…

Le brun emboita le pas à Nadia qui l’accueillait, mais ne put s’empêcher d’être tout de même un peu estomaqué par la manière toute naturelle qu’avait eu la mère Roque-Lartigue en ordonnant à une de ses « domestiques » de nettoyer derrière sa fille.

« Euh, nan, nan, ça va. »

Répondit-il, même s’il avait trouvé la mère de son ami un peu autoritaire.

« ‘Fin ouais, ta baraque on la repère à 1 km, sérieux, c’est quoi cette maison ?! Je savais que ta famille était riche mais pas à ce point ! J’espère au moins que les chiottes sont en or sinon j’vais être déçu… »

Evidemment, il blaguait, pensant que son amie ne prendrait pas mal ses remarques sur la demeure de ses parents.

Après tout, c’est pas sa faute à elle, s’y sont méga riches. Heh.

« Maiiiis, j’avoue, le jardin a l’air sympa, ça doit être cool pour faire des croquis. »

Admit-il en formant un cercle en joignant le pouce et l’index et en faisant une moue signifiant « respect, girl » comme dans un fameux meme.

Des chiottes en argent ?! Pffrt, ok, elle me fait marcher !

Tobito ricana quand même de bon cœur car les blagues sur les toilettes c’est toujours rigolo. Mais ça reste que c’est pas la pièce la plus intéressante dans une maison. Nadia l’avait bien compris et préféré l’emmener faire un tour du jardin à la place. Apparemment, ils étaient sur la même longueur d’onde concernant leurs croquis et le Hansen se réjouissait à l’idée de profiter de l’occasion pour en faire (jamais son carnet ne le quittait, après tout). Le brun n’hésita pas à prendre quelques photo pendant que son amie lui faisait visiter le jardin… certes, le campus d’Elixir est parsemé d’espaces verts, mais rien qui ressemble à ce domaine presque trop bien entretenu. Et puis, le Hansen sait que c’est chouette d’avoir un grand jardin, comme chez ses grands-parents. Il n’a pas le temps de tout voir que les voila devant un grand potager et que Nadia lui envoie du rêve avec des mûres. En habitant en ville et en n’osant moins sortir qu’avant, Tobito reconnaît que cela fait bien longtemps qu’il n’a pas mangé des fruits cueillis dans la nature et pas juste achetés à la superette.

« Ah, ouais grave, j’veux les goûter ! »

Il imita son amie en remerciant Vincent et continua de suivre la guide à travers le grand jardin. Nadia lui montra finalement son endroit favori : un coin très fleuri apparemment entretenu par sa mère. Tobito fut un peu surpris en premier lieu, comme il n’avait jamais eu l’impression que la Roque-Lartigue était du genre à aimer les fleurs. C’est vrai dans tous les cas que le coin était joli et apaisant.

« C’est carrément stylé, ouais. J’aime bien les grosses fleurs roses là et les violettes là, aussi. »

Dit-il en désignant des pivoines, des gerbera et des anémones. Ce n’est pas faute de ses grands parents d’avoir voulu lui apprendre quelques noms de fleurs quand il était petit, mais il était beaucoup plus fasciné par les plans et dessins des machines de son oncle Georges. Il essayait très vainement de les imiter et si les trucs mécaniques n’étaient définitivement pas son truc, ça lui avait au moins donné le gour du dessin. Pour en revenir aux fleurs, Tobito commence à les observer de plus près. Le fait qu’elles aient toutes des formes, des pétales si différentes le fascinait et il voulait tout de suite s’asseoir pour jouer au petit naturaliste en croquant les fleurs sur son carnet. Il recommença à prendre des photos, ça pourra toujours lui servir de référence pour plus tard.

« Et euh… du coup, z’avez toujours eu des gens qui travaillent chez vous comme ça ? »

Fit-il, car il était quelque peu interpellé de voir des gens en train de s’affairer au quatre coins du jardin et de la maison sans pour autant qu’ils y vivent. En réalité, il trouvait ça bizarre, même s’il ne le formulerait pas ainsi.

« C’est pas un peu… j’sais pas, mais, euh, intrusif ? »

Enfin, je sais pas, perso je me sentirais pas hyper bien pour les personnes en question mais en plus j’aurais l’impression de pas vraiment être chez moi avec des personnes extérieures qui vont et viennent ainsi. Même si j’imagine qu’y les connaissent un peu mais… bref.

Bon, certes, il ne sait pas grand-chose de ce que font des majordomes et des gouvernantes dans une baraque comme celle de Nadia. Habituellement, il aurait plus tendance à se dire que ce genre de métiers n’existaient que chez les aristocrates anglais de l’époque élisabéthaine ou dans Downtown Abbey mais se rappelait aussitôt que non, il existe bien des gens avec des domestiques chez eux. C’est vrai, l’adolescent ne devrait peut-être pas être aussi surpris et une baraque pareille doit représenter un travail de fou à entretenir, surtout si les parents de Nadia travaillent beaucoup. Avec sa mère ils vivent dans un appartement simple mais tout de même assez grand et même si sa mère fait le plus gros du travail ils font les tâches ménagères ensemble. Pas que Tobito aime ça : peu de gens nettoient leurs toilettes par plaisir. Ses grands parents ont une femme de ménage aussi, pour leur maison, mais ce n’est pas comparable à un régiment de domestiques !

La manière dont répondit son amie lui fit écarquiller les yeux. Franchement, que répondre à ça ? Tobito n’était pas choqué, juste interloqué de constater que pour la Roque-Lartigue, c’est tout à fait normal d’avoir des gens à sa disposition qui passent la journée chez elle. Il resta quelques secondes silencieux, sans savoir si l’autre était sérieuse ou voulait le troller.

« Euh, bah…. Ceeeertes… Encore heureux, hein, haha ! »

Oui, après tout, c’est leur boulot et les majordomes et les gouvernantes qu’il a croisé n’avaient pas l’air d’être maltraités comme dans les Malheurs de Sophie ou un autre bouquin du même genre.

« M’enfin, euh, non, ‘fin, ma mère est pas dans le besoin mais on a pas de domestiques dans un appart’ avec 3-4 pièces et une salle de bain. » Il ne s’en plaint pas, leur appartement est largement assez grand et il est en plein cœur du campus d’Elixir, non loin du centre de Vanawi. « ‘fin, mes grands-parents ont une dame qui fait le ménage chez eux. J’avoue, ça doit être pratique quand t’as pas envie de t’emmerder à nettoyer. »

Le brun haussa les épaules. Il n’aime pas les tâches ménagères mais en même temps, il sait qu’il ne peut pas trop y couper, que « c’est comme ça » de toute manière.

« …tu pensais vraiment que tout l’monde a des domestiques chez eux ? J’veux dire… j’déteste les corvées m’enfin si j’fais pas ma part ma mère m’engueule alors… ‘fin, normal, quoi. »

Et même s’il fait genre, il se fait souvent fustiger par Cassandre car il ne fait pas ses tâches jusqu’au bout. Par flemme, et aussi parce qu’il sait que sa mère repassera derrière lui. Sale gosse.

HRP:

Le binoclard ne sais pas grand chose de la vie des familles très riches comme celles de Nadia. Il ne peut l'imaginer au travers des teen movies et séries de qualité variable, dans lesquels la grande méchante est toujours la Blondizilla qui est en fait parce que ses parents sont trop riches avec leurs 3 manoirs et la délaissent. Cette dernière association lui fit froncer les sourcils d'un air un peu soucieux. Nadia n 'est pas une affreuse Blondizilla mais en l'entendant parler, Tobi commença à se demander si ces histoire d'avoir tant de personnes à son service et une énorme maison n'étaient pas là pour compenser certains manques. Si lui aussi avait grandi dans une maison avec des personnes payées à le servir depuis son plus jeune âge, il ne se serait pas posé plus de questions.Mais ce n'était pas comme ça que s'était passé son enfance et le brun avait tendance à trouver un peu triste le récit de la Roque-Lartigue. Il ne sut pas vraiment quoi répondre et son crayons ne savais plus trop quoi dessiner sur son carnet.

Mais dis quelque chose à ta pote, là, idiot, elle a l'air super blasée...

« N-non, mais j'dis pas que c'est pas cool... Batman il a des domestiques méga badass et... »

Et il avait pu de parents aussi. Super, Tobi, quel génie. De toute façon je crois pas qu'elle m'écoute. En même temps je dis beaucoup de merde...

Tobito se sentit mal de n'avoir rien de mieux à dire et d'avoir hypothétiquement empiré l'humeur de la brune qui lui suggéra de changer de crémerie.

« Euh, ah, ouais ! J'veux le voir ! »

Il l'aurais mauvaise de contrarier Nadia à nouveau et d'un autre côté, il avait bien envie de voir comment ce fameux pépère chromatique s'était acclimaté à sa nouvelle dresseuse. Son amie lui montra le chemin jusqu'aux fameuses écuries. Dans le pré, le Chamallot se mit à courir vers eux avec une démarche adorablement maladroite dûe à ses pattes en forme de, bah, de marshmallow, quoi. Avec lui accourait une Girafarig envers laquelle Nadia mit en garde son camarade qui s’apprêtait à la caresser.

« Ah ! Mais elle a l'air sympa, pourtant. J'adore les Girafarig, moi. »

C'est les couleurs, le fait qu'il ait deux têtes, que ce soit littéralement 2 créatures en une... bref, ça l'inspirait vachement à dessiner des trucs un peu glauques mais cools.

« Il a grandi, Kraft, nan ? »

Bah évidemment qu'il a grandi. Duuuh. 'Bruti.

Soudain il eut une idée de quelque chose qui pourrait égayer l'ambiance. Après s'être baissé pour tendre sa main à Kraft pour voir si ce dernier acceptait les caresses sans lui cramer les doigts, l'adolescent se mit à chercher dans son téléphone.

« Hé ! Je t'avais pas montré des photos de mon Qwilfish ! C'est un collègue de ma mère qui me l'a filé. »

Il fit défilé les photos de Sharnado, son poisson chromatique, qui avait une sale tronche quelque soit la photo. Mais, justement, le Hansen espérait que la tête débile de son Qwilfish rendrait un peu le sourire à Nadia.
me, et aussi parce qu’il sait que sa mère repassera derrière lui. Sale gosse.

Tobito a toujours considéré Nadia comme une personne de goût. Aussi, il savait bien que les photos de son Qwilfish rose allaient beaucoup plaire à la Roque-Lartigue et la réaction de la brunette ne manqua pas de le faire rire gaiement.

« Ouais il est cute mais pour les calins faudra repasser quand il sort pu ses piques empoisonnées au moindre coup de stress ! »

Pour le coup, Sharknado n’est pas trop teigneux, mais comme tous les Pokémon pas très grands et amenés à se défendre en milieu hostile, il était du genre méfiant et se sentait facilement menacé.

« Ouais, ma mère avait un vieil aquarium qui trainait au labo. Parfois je l’emmène à la plage pour qu’il nage dans la mer m’fin il a grandi en captivité donc il a peur dès qu’y voir un Magicarpe, cet abruti. »

En rangeant son portable avec les photos, Tobito eu fini de se la péter avec son Qwilfish chromatique. Il pourrait aussi vanter sa Fantominus bleue mais bon, ça deviendrait un peu indécent de s’étaler comme ça à son sens. A la place, le binoclard emboita de nouveau le pas à son ami qui terminait de lui faire faire la visite des écuries. Chaque Pokémon a l’air d’avoir son espace à lui et tous avaient l’air heureux, ça donnait le sourire à l’adolescent aux cheveux ébouriffés. Parlant de Pokémon heureux, Kiddo se prélassait sous son arbre. Enfin, le binoclard n’aurait en effet pas su reconnaître Kiddo sous sa forme évoluée si Nadia ne lui avait rien dit.

Avant qu’il ne puisse s’exclamer de surprise, l’attention de Tobito fut captée par une grosse araignée descendant du plafond. Il gloussa en entendant le surnom que la brunette avait donné à son Mimigal qu’il se mit à observer de plus près. Loin d’être effrayé par les araignées, il trouvait les Mimigal plutôt fascinants, avec toutes leurs couleurs et motifs sur les pattes et l’abdomen. En plus, celui-ci avait l’air tout doux.

« C’est cool ouais ! T’aurais la place pour une énooorme team de compet et tout, en fait. »

C’est bête mais même pour un hipster comme Tobi qui passe son temps à dire que « han c’est trop mainstream ce truc » (tout en regardant en cachette le truc en question), l’idée d’avoir une énorme team de Pokémon badass pour se confronter aux champion.ne.s de l’île, c’était stylé. Pour le coup, la coordination le faisait plus rêver que les matchs classiques… ceux-ci iraient bien à Nadia, comme elle est un peu bourrine, d’ailleurs. Elle a tendance à foncer dans le tas, c’est pour ça, d’ailleurs, que Tobito la trouve super cool (il ne lui dira pas comme ça évidemment car il est de mauvaise foi). Bon, sauf quand elle fonce littéralement dans un terroriste, ça c’est--

Eeeet je ne voulais pas penser à ça maintenant. Merde merde merde.

Tobito veut absolument éviter le sujet de l’histoire de la panique à Vanawi. Même si Nadia l’abordait d’elle-même, il répondrait probablement en disant « oh regardes un papillon » car il est tout simplement bloqué.

« Eh, au fait, pour ton école d’art ça se passe comment ? J’ai regardé les flyers de l’établissement ça a l’air styléééé. franchement ça me fait hésiter à pas tenter d’y entrer aussi mais avec mon bulletin j’crois que c’est mort, héhé. »

L’emploi du temps du lycée avec 6h d’arts plastique par semaine lui convenait aussi bien. Mais c’est aussi vrai que certaines écoles d’art envoient du rêve.

Nadia commença à faire une présentation de son école de « richous coincés » à son poto. Tobito ricana aux propos de son amie qui est elle-même pas mal richou (mais elle est pas coincée donc ça va). Blague à part, c’est vrai qu’elle faisait envie, cette école. Mais bon, Tobito prenait déjà beaucoup de cours de dessin à l’école et en dehors, il s’en satisfaisait pour le moment. En vérité, sa mère préférait qu’il passe son bac avant d’entrer dans un établissement spécialisé. Pour le coup, ça ne gênait pas trop le Hansen, même si le lycée le faisait un peu chier. Il ne se posait pas la question, en fait « c’est comme ça » et puis voila.

« Ouais, ouais, j’suis bon, c’est vrai. »

C’est pas la modestie qui le tuera en tout cas, lui.

« C’est clair que ça a l’air super bien ! Faudra que tu me montre les travaux que vous faites ! M’fin, ma mère préfère que j’vois pour les écoles après avoir eu mon bac. T’sais « au cas où », elle veut que j’ai un plan B, tout ça. »

Le binoclard ne se posait pas vraiment de questions sur cette « stratégie ». Il trouvait ça normal et tant qu’il pouvait dessiner à la fin, bah, ça lui allait. Il n’était pas dans la même configuration que Nadia dont le père était juste contre le fait qu’elle fasse des trucs artistiques, après tout, lui avait un peu plus le droit de s’interroger. C’est qu’à force, il commençait à bien s’habituer à la vie avec sa mère même s’il était vraiment énervé de sa présence au départ. Mais maintenant qu’il a un peu de recul, il se dit que c’est quand même mieux de vivre avec elle qu’avec ses grands parents qui se font vieux et qui sont de la ville. Sur le campus d’Elixir, il y a toujours des tas de trucs à faire, à voir et à dessiner, c’est super pratique pour sortir vers le centre-ville (même si Cassandre est très fébrile quand Tobito sort et on peut la comprendre, surtout après cette histoire d’otage à Vanawi). Puis, quand Tobi vivait chez papi et mamie, il ne pouvait pas s’empêcher d’être triste en repensant aux moments passés avec son oncle Georges là-bas.

Pendant qu’ils parlaient des écoles et de leur futur (qu’est-ce qu’ils sont sérieux, ohlala), les deux ados avaient atteint la terrasse. Ils s’installèrent pour se reposer un peu et Tobito retira finalement sa casquette une fois à l’ombre, se grattant la tête par pur réflexe, ébouriffant encore plus ses cheveux au passage. La mère de Nadia profita de ce moment de battement pour saluer l’invité de sa fille. Le Hansen fut un peu surpris de rencontrer finalement un des deux parents de Nadia, ça lui faisait bizarre. Il avait souvent entendu parler d’eux et s’était fait des portraits mentaux qui ne correspondaient pas tant à la réalité.

« Ah, b’jour m’dame, euh, ouais, c’est cool ici ! »

En même temps il allait pas dire « non je veux me barrer c’est moche et ça pue ». Blague à part, il le trouvait super badass, le jardin des Roque-Lartigue.

« Il est beau vot’ jardin ! Moi j’habite dans un appart, mais bon, j’peux sortir sur le campus tout le temps donc c’est cool aussi. »

Il était drôlement poli. En même temps, il a pas envie de faire mauvaise impression devant les parents de sa pote ni de foutre la merde. S’il veut revenir un autre jour, c’est pas une super bonne idée de se mettre la mère Roro-Lala à dos. Cela dit, c’était toujours un peu zarbe de faire la conversation aux parents de ses potes, du coup Tobito ne savait plus trop quoi dire à la maman de Nadia. Il envoya des regards à la brunette, embarassé sans trop savoir comment se comporter.  

Moi, intimidé ?! Mais euh, c'est même pas vrai...

Tobito dû se retenir de pouffer de manière sonore en présence de la mère de Nadia lorsque son amie clasha de manière totalement gratuite. Il fut mine se tousser dans sa main pour que cela ne se remarque pas trop, d’autant plus que les vannes de la Roque-Lartigue ne passaient pas forcément bien auprès de sa maman.

C’était tellement gratuiiiiiiit !

Le pauvre Samson, quand même, pensa très brièvement le Hansen, mais le le frère de son amie quitta bien vite ses pensées. En bon sale gosse qu’il a toujours été, Tobito se dit qu’avoir des frères et sœurs, ça doit être marrant, des fois, pour s’envoyer des piques à la tronche et pas s’ennuyer. Mine de rien, grandir tout seul chez ses grands parents et avec son oncle c’était un peu ennuyeux, des fois, même s’il arrivait à bien s’occuper avec ses dessins, ses livres et ses jeux. Bref, suite à cette « discussion », Gladys retourna à ses occupations et le brun  put enfin ricaner bêtement quand l’adulte se fut éloignée. Le binoclard se servit d’une pomme rouge à son tour pour le goûter, manquant de s’étouffer quand Nadia se moqua gentiment de lui.

Les joues rouges d’embarras, l’adolescent remit sa casquette sur sa tête pour se cacher derrière.

« Mais non, mais rrroooooh ! Vazy tu dis n’importe quoi, là ! »

Nia le Hansen qui n’allait surement pas admettre avoir été impressionné par la mère de son amie. C’est un peu la honte, quoi. En entendant la brunette parler de son père, en revanche, le binoclard plissa les yeux car il trouvait ça suspect. Maintenant qu’il y pense, Tobito n’a pas très souvent entendu Nadia parler en bien de son paternel.

« Ah bon il est chiant à ce point ? »

Demanda sans complexe l’adolescent, qui aurait du mal à croire que « parent » et « chiant » ne sont pas synonymes. Pas forcement, du moins. En continuant de croquer dans sa pomme jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un tout petit trognon, le Hansen accepta de suivre son amie jusqu’à sa chambre, découvrant mieux l’intérieur de la grande maison.

Pfeuh, on peut vivre à 50 et jamais se croiser, là-dedans !

« … Whaaat elle est bien rangée ta chambre ?! J’aurais pas cru... »

Tobito pensait vraiment que son amie serait du genre bordélique. Mais bon, vu l’état de sa propre « antre », alors beaucoup de chambres ont l’air nickel et sentent tout de suite bon. Ou alors ce n’est pas elle qui rangeait sa chambre non plus ? D’un côté, le Hansen déteste ranger sa chambre ou y faire le ménage et aimerait bien que cela se fasse tout seul, mais de l’autre, il détesterait encore plus qu’on touche à ses affaire pendant qu’il n’est pas là. La simple idée que sa mère puisse regarder certains de ses carnets où il conserve des dessins plus personnels, ça lui donne des sueurs froides.

En s’asseyant sur le lit, le brun regarda la décoration de la chambre de son hôte, reconnaissant quelques groupes de musique qu’il aime bien aussi et des dessins qu’il avait déjà vu publié sur internet par son amie. Celle-ci lui tendit une pochette à grands formats que le brun se hâta d’ouvrir en la remerciant.

Le Hansen commença à parcourir les dessins sans commentaires au départ, plutôt impressionné. S’il avait remarqué les progrès de Nadia récemment, il n’avait pas réalisé à quel point elle s’était améliorée depuis qu’elle était rentrée dans son école. C’est sûrement ce qui arrive quand on se spécialise et qu’on ne fait plus que ça pour les cours.

Rah, c’est vrai que dit comme ça, ça doit être tellement cool !

« Eh bé ! C’dingue comment t’as progressé ! Enfin tu dessinais déjà des trucs cools avant, hein, mais… euh, bah, j’trouve ça vachement cool enfin, euh, bah c’est cool quoi ! »

J’ai pas dit 3 fois « cool », là, en fait ? Oui, bah, euh, PARDON, hein, je sais pas faire des compliments mais au moins, j’essaye !

Le lycéen se gratta un peu le cou car il se trouvait gênant. Mais bon, on ne pourra pas lui reprocher d’être enthousiaste.

« Euhm, tes vieux, euh… y se sont fait à l’idée, d’ailleurs ? »

S’il ne savait pas tout, le Hansen se rappelait que ce n’était pas le sujet de discussion favori des repas de famille Roque-Lartigue. Il espère au moins qu’ils avaient un peu lâché la grappe à Nadia sur ce sujet, maintenant.

Bah j'espère, hein, car elle a du talent et ce serait méga naze de gâcher ça !